La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/1980 | MONACO | N°27521

Monaco | Tribunal Suprême, 24 mars 1980, sieur F. S. c/ Ministre d'Etat


Abstract

Etrangers

Expulsion - Exigence d'une motivation (non) - Pouvoir discrétionnaire du Ministre d'Etat - Expulsion - Absence de dispositions légales prescrivant une procédure contradictoire - Décision d'expulsion non soumise au respect d'une telle procédure - Atteinte au principe d'égalité des nationaux et des étrangers (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême

Vu la requête présentée par le sieur F. S. le 20 août 1979, tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême rapporter l'arrêté d'expulsion du territoire monégasque qui lui a été signifiÃ

© le 15 février 1979 et lui allouer 30 000 francs de dommages-intérêts et, subsidiairement, dire qu...

Abstract

Etrangers

Expulsion - Exigence d'une motivation (non) - Pouvoir discrétionnaire du Ministre d'Etat - Expulsion - Absence de dispositions légales prescrivant une procédure contradictoire - Décision d'expulsion non soumise au respect d'une telle procédure - Atteinte au principe d'égalité des nationaux et des étrangers (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême

Vu la requête présentée par le sieur F. S. le 20 août 1979, tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême rapporter l'arrêté d'expulsion du territoire monégasque qui lui a été signifié le 15 février 1979 et lui allouer 30 000 francs de dommages-intérêts et, subsidiairement, dire que les faits à lui reprochés devront lui être communiqués pour lui permettre de présenter sa défense ;

Ce faire, attendu que, l'indication de l'adresse de Monsieur F. S. sur le procès-verbal de notification de l'arrêté étant inexacte, « il semble y avoir eu erreur sur la personne » expulsée ;

Attendu d'autre part qu'en fondant cette mesure d'expulsion sur le fait que la présence du sieur F. S. dans la Principauté est de nature à compromettre la tranquillité ou la sûreté publique ou privée, le Ministre d'État viole l'article 22 de l'Ordonnance Souveraine 3153 du 19 mars 1964 qui ne l'autorise à prendre un arrêté d'expulsion que pour l'un des motifs visés aux articles 18, 19 et 21 de cette Ordonnance ;

Attendu, enfin qu'ayant omis d'avertir M. F. S. de ce qu'on prétendait lui reprocher, le Ministre d'Etat a aussi violé le « droit des gens » qui s'oppose à la condamnation de quiconque sans qu'il ait pu présenter sa défense ;

Vu la contre requête de Monsieur le Ministre d'Etat en date du 12 octobre 1979 tendant au rejet de la requête par les motifs :

* que l'éventualité d'erreur sur la personne de l'expulsé est exclue, l'adresse prétendument inexacte de M. F. S. portée au procès-verbal de signification de l'arrêté ayant été rédigée au vu d'une fiche d'hôtel le concernant et M. F. S. ayant lui-même sur ce procès-verbal reconnu que l'arrêté notifié s'appliquait bien à lui,

* que l'article 22 de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964 ne limite pas le pouvoir d'expulsion du Ministre d'Etat aux cas visés par les articles 18, 19 et 21, qu'au contraire il ne subordonne l'exercice de ce pouvoir à aucune condition particulière et que l'Ordonnance ne prescrit en aucune de ses dispositions un avertissement préalable à l'intéressé ni une procédure contradictoire de contestation des griefs retenus à son encontre ;

Vu le mémoire en réplique présenté le 12 novembre 1979 pour le requérant tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et, en outre, par la raison suivante :

Que l'interprétation sus-visée de l'Ordonnance du 19 mars 1964 par le Ministre d'Etat est en contradiction formelle avec les dispositions de la Constitution Monégasque du 17 décembre 1962 dont l'article 32 dispose que « l'étranger jouit dans la Principauté de tous les droits publics et privés qui ne sont pas formellement réservés aux nationaux », ce qui implique que ne peut lui être refusé le droit fondamental de présenter sa défense avant d'être condamné ;

Vu le mémoire en duplique présenté le 12 décembre 1979 pour le Ministre d'Etat tendant aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs :

Qu'il résulte de l'article 32 susvisé de la Constitution que l'assimilation des étrangers aux nationaux n'est ni générale ni absolue et que c'est en usant du pouvoir qui s'en suit pour les autorités constituées monégasques de définir les conditions d'exercice du principe d'égalité de traitement ainsi posé pour en éviter un usage contraire aux nécessités de l'ordre public que l'article 22 de l'Ordonnance du 19 mars 1964 autorise le Ministre d'Etat à éloigner à tout moment et pour des motifs de simple opportunité les individus dont le comportement ou la réputation sont de nature à nuire à la sécurité ou à la tranquillité publique sans que la personne concernée soit appelée au préalable à présenter ses observations sur la mesure envisagée ;

Que, d'ailleurs, il est de principe constant que les mesures de police n'entrent pas dans le champ d'application des droits de la défense ;

Vu la décision attaquée,

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962, notamment ses articles 19, 20, 32 et 89 à 92,

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée de séjour des étrangers dans la Principauté, notamment son article 22,

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963, modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême,

Vu l'Ordonnance en date du 15 décembre 1979 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause devant le Tribunal Suprême délibérant en section administrative.

Ouï Monsieur Félix Boucly, Membre du Tribunal Suprême, en son rapport,

Ouï Maître Hélène Marquilly, avocat à la Cour d'Appel de Monaco et Maître G.H. George, avocat au Conseil d'Etat Français et à la Cour de Cassation, en leurs observations,

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions.

Considérant que le sieur F. S., de nationalité italienne, né à Turin le 28 décembre 1926, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du territoire monégasque en date du 29 janvier 1979 dont il est constant qu'il a reçu signification à sa personne le 15 février 1979 ; qu'il en demande l'annulation avec l'allocation d'une somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts, concluant à titre subsidiaire à ce que les faits à lui reprochés lui soient communiqués pour lui permettre de se défendre ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué :

Considérant que le requérant prétend d'une part que cet arrêté est fondé sur un motif qui n'est pas de ceux qui sont limitativement prévus par l'Ordonnance souveraine n° 3153 du 19 mars 1964 comme susceptibles de justifier l'expulsion d'un étranger, d'autre part que, notifiée sans avertissement préalable, cette mesure, qui porte atteinte au droit fondamental de présenter sa défense avant d'être condamné est en contradiction formelle avec les dispositions de l'article 32 de l'Ordonnance Constitutionnelle du 17 décembre 1962 qui pose le principe de l'égalité de traitement des étrangers et des nationaux dans la Principauté.

Considérant, d'une part, que indépendamment des cas visés par ses articles 18, 19 et 21, l'Ordonnance n° 3153 du 19 mars 1964 dispose en son article 22, sur lequel se fonde l'arrêté, que le Ministre d'Etat pourra, par mesure de police ou en prenant un arrêté d'expulsion, enjoindre à tout étranger de quitter immédiatement le territoire monégasque ou lui interdire d'y pénétrer ; que ledit article 22 ne subordonne à aucune condition particulière ce pouvoir d'expulsion et n'exige aucune indication des motifs de la décision ; que le moyen d'illégalité tiré de la violation des dispositions de l'Ordonnance susvisée du 19 mars 1964 ne saurait être accueilli ;

Considérant, d'autre part, qu'en l'absence d'une disposition légale qui la prescrive, l'intervention d'une mesure de police, qu'elle concerne un national ou un étranger, n'est pas subordonnée au respect de la procédure contradictoire qui s'impose aux juridictions répressives ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté d'expulsion pris à son encontre, sans qu'une telle procédure ait été suivie, porterait atteinte au principe d'égalité des droits des nationaux et des étrangers posé par l'article 32 de la Constitution Monégasque,

Considérant que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;

Sur les conclusions tendant à ce que les faits reprochés au requérant lui soient notifiés :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que lesdites conclusions ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation de dommages-intérêts :

Considérant que la demande en annulation de l'arrêté ayant été rejetée, il n'y a pas lieu à l'octroi de dommages-intérêts ;

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

La requête susvisée du sieur F. S. est rejetée ;

Article 2

Les dépens sont mis à la charge du requérant ;

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'Etat.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27521
Date de la décision : 24/03/1980

Analyses

Droit des étrangers


Parties
Demandeurs : sieur F. S.
Défendeurs : Ministre d'Etat

Références :

Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
Ordonnance du 19 mars 1964
Ordonnance Souveraine n° 3153 du 19 mars 1964
article 32 de l'Ordonnance Constitutionnelle du 17 décembre 1962
Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962
article 22 de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;1980-03-24;27521 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award