La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/1980 | MONACO | N°27519

Monaco | Tribunal Suprême, 18 mars 1980, sieur A. c/ Ministre d'Etat


Abstract

Fonctionnaires et agents publics

Emplois supérieurs - Nomination - Application des dispositions du statut relatives à la nomination et à la révocation (non) - Obligation de respecter les autres garanties statutaires applicables - Mutation - Obligation de procéder à la mutation d'un fonctionnaire dans un emploi correspondant au grade dont il est titulaire - Impossibilité de se prévaloir de la violation d'une telle obligation en l'absence des textes réglementaires relatifs au classement hiérarchique des différents grades et emplois de l'administration - Mutation

- Mutation dans l'intérêt du service - caractère disciplinaire (non)
...

Abstract

Fonctionnaires et agents publics

Emplois supérieurs - Nomination - Application des dispositions du statut relatives à la nomination et à la révocation (non) - Obligation de respecter les autres garanties statutaires applicables - Mutation - Obligation de procéder à la mutation d'un fonctionnaire dans un emploi correspondant au grade dont il est titulaire - Impossibilité de se prévaloir de la violation d'une telle obligation en l'absence des textes réglementaires relatifs au classement hiérarchique des différents grades et emplois de l'administration - Mutation - Mutation dans l'intérêt du service - caractère disciplinaire (non)

Motifs

Le Tribunal Suprême

Siègeant et délibérant en section administrative

Vu la requête présentée par le sieur A., le 17 juillet 1979 et tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême annuler l'Ordonnance Souveraine n° 6598 du 10 juillet 1979 le nommant Directeur du Service des Statistiques et des Études Économiques et lui allouer, pour le préjudice subi, la somme de un franc ;

Ce faire attendu :

Que la décision attaquée est entachée d'excès de pouvoir en ce qu'elle viole l'article 67 de la loi du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État qui dispose qu'un fonctionnaire ne peut être muté dans un autre service qu'à un emploi correspondant au grade dont il est titulaire et ne peut recevoir un traitement inférieur à celui dont il bénéficiait ;

Que, par suite, alors que sa fonction d'Administrateur appartenait au premier groupe des chefs de service, il ne pouvait être muté au poste de Directeur du Service des Statistiques et des Études Économiques qui est classé dans la catégorie du deuxième groupe des chefs de service ;

Que, d'autre part, la publicité donnée à l'ordonnance attaquée lui a causé un préjudice moral dont il demande réparation ;

Vu la contre-requête du Ministre d'État en date du 7 septembre 1979 tendant au rejet de la requête par les motifs :

Que la mutation du sieur A. est intervenue dans l'intérêt du service ;

Que l'article 4 de la loi du 12 juillet 1975 laisse à la seule décision de l'autorité supérieure les nominations aux « emplois supérieurs » énumérés par l'Ordonnance Souveraine du 17 août 1978 et qui comprennent ceux de « Directeurs et Chefs de service relevant directement du Ministre d'État et des Conseillers de Gouvernement » dont fait partie celui de Directeur des Statistiques et des Études Économiques ;

Que l'article 67 de la loi, invoqué par le requérant, ne lui est donc pas applicable ;

Que celui-ci n'a, d'autre part, subi aucun préjudice dès lors que le Conseil de Gouvernement a décidé qu'il conserverait le bénéfice de sa situation au regard de son grade et de son classement indiciaire ;

Que, d'ailleurs, le sieur A. ne serait, en vertu de l'article 90-B-1° de la Constitution, recevable à demander une indemnité que si la décision attaquée était illégale, ce qui n'est pas le cas ;

Vu la réplique présentée par le requérant le 20 septembre 1979, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et en outre, par les motifs suivants :

L'article 1er de la loi exclut du statut tous les personnels qu'il énumère alors que l'article 4 ne donne à l'autorité compétente un pouvoir discrétionnaire que pour l'accession aux emplois supérieurs régie par le titre II.

L'ordonnance du 17 août 1978 n'a donc pu créer des cas d'exclusion totale du statut pour des catégories non prévues par l'article 1er de la loi et les priver ainsi, notamment, des garanties de l'article 67.

L'égalité de grade voulue par cet article n'a, par suite, pas été respectée et la mutation opérée constitue une sanction disciplinaire prononcée sans que le requérant ait été mis en mesure de présenter sa défense ;

Vu la duplique présentée le 22 octobre 1979 par le Ministre d'État, tendant au rejet de la requête pour les mêmes motifs et exposant en outre :

* que toute personne, fonctionnaire ou non, nommée en vertu de l'article 4 est soustraite au statut pour tout ce qui concerne sa situation dans son emploi ; que, d'ailleurs, il n'existe pas de grade ni de classement hiérarchique des emplois supérieurs au sens de l'article 29 de la loi ;

Que l'article 67 qui limite les pouvoirs du gouvernement est contraire à l'article 4 qui lui donne un pouvoir discrétionnaire ;

Que le requérant pouvait refuser sa mutation et revenir à son statut personnel d'origine ; que cette mutation a été prononcée dans l'intérêt du service et que la communication de son dossier n'aurait pu être envisagée qu'en cas d'éviction d'un emploi supérieur ; qu'enfin l'intéressé n'a subi aucun préjudice ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'Ordonnance Constitutionnelle du 19 décembre 1962 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963, modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État, notamment ses articles 4, 29 et 67, ensemble l'Ordonnance Souveraine n° 6364 du 17 août 1978 déterminant les emplois supérieurs visés par l'article 4 de ladite loi ;

Vu l'Ordonnance du 15 décembre 1979 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause devant le Tribunal Suprême délibérant en section administrative ;

Ouï Monsieur Louis Pichat, Membre du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maîtres Lorenzi, avocat-défenseur et G.H. George, avocat au Conseil d'État français et à la Cour de Cassation, en leurs observations ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision attaquée

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 67 de la Loi du 12 Juillet 1975.

Considérant que le sieur A., nommé par Ordonnance Souveraine du 10 janvier 1975 à l'emploi d'Administrateur des Domaines, soutient que l'Ordonnance Souveraine du 10 juillet 1979, le nommant, en application de l'article 4 de la loi du 12 juillet 1975, Directeur du Service des Statistiques et des Études Économiques, est illégale pour le double motif que cette nomination ne respecte pas les dispositions de l'article 67 de la loi précitée du 12 juillet 1975 aux termes desquelles d'une part ; « l'affectation donnée à un fonctionnaire par sa nomination à un emploi permanent peut être modifiée par voie de mutation dans un autre service à un emploi correspondant au grade dont il est titulaire » et, d'autre part : « le fonctionnaire intéressé ne peut recevoir un traitement inférieur à celui dont il bénéficiait antérieurement » ;

Considérant que si, en vertu de l'Ordonnance Souveraine du 17 août 1978, faisant application de l'article 4 de la loi du 12 juillet 1975, le poste de Directeur du Service des Statistiques et des Études Économiques fait partie, au même titre que celui d'Administrateur des Domaines des « emplois supérieurs pour lesquels les nominations sont laissées à la seule décision de l'autorité compétente », il ressort des termes mêmes de cet article que le pouvoir ainsi donné à ladite autorité la dispense de respecter les dispositions du Statut des Fonctionnaires relatives à l'accession aux fonctions dont s'agit et à la cessation de ces fonctions, mais qu'il ne saurait, par contre, lui permettre de ne pas appliquer certaines des autres dispositions du statut aux personnes ayant, en vertu de l'article 2 de ladite loi du 12 juillet 1975 : « la qualité de fonctionnaire » ; que seules échappent à l'application du statut, dans sa totalité, les personnes énumérées aux alinéas 2 et 3 de l'article 1er de la loi ;

Considérant que la mutation du requérant qui avait, avant sa nomination d'Administrateur des Domaines, la qualité de fonctionnaire au sens de l'article 2 précité de la loi, demeurait subordonnée ; nonobstant les dispositions de l'article 4 précité, au respect des garanties prévues par l'article 67 invoqué ;

Considérant toutefois que ledit article 67 ne peut recevoir application en ce qui concerne l'obligation de procéder à la mutation d'un fonctionnaire dans un autre service à un emploi correspondant au grade dont il est titulaire, qu'au vu du « classement hiérarchique des différents grades et emplois de l'administration » résultant des échelles établies par les Ordonnances Souveraines prévues par l'article 29 de la loi ; que ces ordonnances n'étant pas intervenues en ce qui concerne notamment les emplois supérieurs le sieur A. ne saurait utilement se prévaloir, à l'appui de son recours, d'un classement opéré dans des conditions non conformes à l'article 29 de la loi et qui ne peuvent, par suite, avoir d'effet au regard de l'application de l'article 67 de cette loi ;

Considérant au surplus qu'il résulte des pièces du dossier que le sieur A. a reçu l'assurance de conserver le bénéfice de sa situation antérieure en ce qui concerne tant son grade que son classement indiciaire ;

Considérant, dans ces conditions, que le sieur A. n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en violation de l'article 67 de la loi du 12 juillet 1975.

Sur le moyen tiré du caractère disciplinaire de la décision attaquée :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le sieur A., qui n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ce moyen, l'Ordonnance Souveraine le nommant Directeur du Service des Statistiques et des Études Économiques a été prise dans l'intérêt du service à l'occasion de remaniements intervenus dans les Directions du Département des Finances et de l'Économie ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de ladite ordonnance, qui résulterait, aux dires du requérant, de ce qu'il n'aurait pas été mis en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de la décision attaquée, ne saurait être retenu ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le sieur A. n'est pas fondé à demander l'annulation de l'Ordonnance Souveraine du 10 juillet 1979.

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice allégué.

Considérant que la demande en annulation ayant été rejetée, il n'y a pas lieu à l'octroi de dommages-intérêts.

Dispositif

DÉCIDE :

Article 1er

La requête du sieur A. est rejetée ;

Article 2

Les dépens sont mis à la charge du sieur A. ;

Article 3

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27519
Date de la décision : 18/03/1980

Analyses

Fonction publique


Parties
Demandeurs : sieur A.
Défendeurs : Ministre d'Etat

Références :

Ordonnance Souveraine du 17 août 1978
Ordonnance du 15 décembre 1979
Ordonnance Souveraine du 10 janvier 1975
article 4 de la loi du 12 juillet 1975
Ordonnance Souveraine n° 6364 du 17 août 1978
article 67 de la loi du 12 juillet 1975
Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963
loi n° 975 du 12 juillet 1975
loi du 12 juillet 1975
Vu l'Ordonnance Constitutionnelle du 19 décembre 1962
article 90-B-1° de la Constitution
Ordonnance Souveraine n° 6598 du 10 juillet 1979
Ordonnance Souveraine du 10 juillet 1979


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;1980-03-18;27519 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award