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13/04/1931 | MONACO | N°27433

Monaco | Tribunal Suprême, 13 avril 1931, sieur C.


Abstract

Compétence

Contentieux constitutionnel - Constitution de 1911 - Acte d'administration - Recours en annulation fondée sur des motifs d'ordre constitutionnel - Compétence du Tribunal Suprême - Incompétence pour statuer sur le bien-fondé de l'acte - Acte de gouvernement - Suspension d'un fonctionnaire à la suite d'une démarche effectuée par celui-ci au Consulat Général de France à Monaco - Mesure ne touchant pas aux relations internationales - Compétence du Tribunal Suprême

Droits et libertés constitutionnels

Caractère variable selon les catég

ories de personnes - Conditions d'exercice des libertés publiques par les fonctionnaires...

Abstract

Compétence

Contentieux constitutionnel - Constitution de 1911 - Acte d'administration - Recours en annulation fondée sur des motifs d'ordre constitutionnel - Compétence du Tribunal Suprême - Incompétence pour statuer sur le bien-fondé de l'acte - Acte de gouvernement - Suspension d'un fonctionnaire à la suite d'une démarche effectuée par celui-ci au Consulat Général de France à Monaco - Mesure ne touchant pas aux relations internationales - Compétence du Tribunal Suprême

Droits et libertés constitutionnels

Caractère variable selon les catégories de personnes - Conditions d'exercice des libertés publiques par les fonctionnaires

Fonctionnaires

Droits et libertés - Limites imposées par la discipline - Obligations - Actes étrangers à la fonction - Obligations de réserve et de discrétion - Sanctions disciplinaires

Motifs

Le Tribunal Suprême,

Ouï M. M. Membre rapporteur dans son rapport verbal ;

Ouï Me T. au nom du sieur C. et Me R. pour Son Excellence le Ministre d'Etat en leurs plaidoiries et conclusions ;

Ouï le Ministère Public en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi.

Sur la compétence :

Considérant, qu'aux termes de l'art. 14 de l'Ordonnance Constitutionnelle du 5 janvier 1911 « Un Tribunal Suprême est institué pour statuer sur les recours ayant pour objet une atteinte aux droits et libertés consacrés par le présent titre » ;

Qu'il ressort de cette disposition que le Tribunal Suprême est compétent pour tous les recours fondés sur la violation par l'acte attaqué de tous les droits et libertés consacrés par la Constitution ;

Considérant d'une part, sans rechercher s'il est exact que certains actes, qualifiés actes d'administration échappent à la compétence du Tribunal Suprême, à raison de leur nature particulière notamment les mesures disciplinaires ; que la requête du demandeur n'invite pas le Tribunal Suprême à examiner en elle-même la mesure disciplinaire prise contre le sieur C., à en apprécier l'opportunité et le bien-fondé, les faits qui l'ont motivée, la rigueur eu égard aux fautes relevées contre l'intéressé ;

Que le demandeur ne s'adresse pas au Tribunal Suprême comme à une juridiction d'appel ou de cassation des sanctions disciplinaires ;

Qu'il fonde ses conclusions d'annulation non sur des motifs d'ordre administratif, mais sur des motifs d'ordre constitutionnel, qui, aux termes de l'article 14 de l'Ordonnance du 5 janvier 1911 ouvrent compétence au Tribunal Suprême ;

Considérant d'autre part que s'il est exact, comme le dit la contre-requête que « les rapports entre l'Etat et les représentants accrédités des Puissances étrangères relèvent de la Sûreté extérieure de l'Etat dont celui-ci à Monaco surtout, est seul juge », la mesure prise à l'égard du sieur C. ne concerne pas ces rapports ;

Que cette mesure ne touche pas aux relations internationales de l'Etat Monégasque ni même aux relations des autorités monégasques avec des autorités étrangères ; qu'elle est exclusivement un acte de l'administration intérieure de l'Etat Monégasque ; que la démarche du sieur C. au Consulat général de France n'y est mentionnée que comme un fait matériel relatif aux fonctions et aux devoirs du sieur C., fonctionnaire monégasque ; que cette démarche même envisagée isolément ne suffirait pas à donner à la suspension du sieur C. le caractère d'un acte intéressant les relations internationales de l'Etat Monégasque, caractère qui aurait pour effet de soustraire cet acte à la compétence du Tribunal Suprême ;

Sur la requête :

Considérant que l'exercice des droits et libertés garantis par la Constitution n'est pas nécessairement uniforme, identique pour tous les individus, qu'il admet des modalités, des variantes selon les situations diverses dans lesquelles sont placés les divers individus, selon le sexe, l'âge, la nationalité, la profession ;

Que ces variantes sont prévues et même établies par la Constitution ; que celle-ci admet en effet aux articles 6, 8, 9 et 10 que les lois règlent et par conséquent conditionnent l'exercice des droits et libertés garantis, que, de même, la Constitution réserve aux seuls Monégasques le principe d'égalité (art. 5) et le droit de réunion (art. 12) tandis que les articles 6 à 11 et 13 ne font pas la même réserve ;

Considérant qu'il n'est donc pas contraire à la Constitution que les fonctionnaires exercent les droits et libertés garantis dans des conditions autres moins larges que les conditions dans lesquelles les particuliers exercent les mêmes droits et libertés ; que cette différence résulte naturellement, nécessairement des relations différentes que les fonctionnaires et les particuliers ont avec l'Etat du fait que les fonctionnaires tiennent de l'Etat des avantages auxquels correspondent des obligations qui constituent leur discipline ; que la discipline, ses obligations et ses sanctions concernant non seulement les actes de la fonction, mais aussi les actes hors fonction, lorsque ceux-ci reçoivent de la publicité, causant du scandale, nuisent à la dignité du fonctionnaire et de la fonction ; qu'il en est ainsi, parce que dans les uns et dans les autres actes une seule et même personne intervient ; qu'ainsi les fonctionnaires doivent exercer les droits et libertés constitutionnels dans les limites qu'impose la discipline comme les particuliers en exercent, dans les limites qu'impose la loi pénale, que les fonctionnaires doivent en user avec discrétion et réserve, s'abstenir de tous actes, écrits, paroles, manifestations, attitudes, qui témoigneraient d'un esprit d'hostilité ou de sédition contre l'Etat ou ses représentants qualifiés ;

Qu'il est naturel que les manquements à ce devoir de la fonction soient punis de peines disciplinaires ;

Considérant que l'existence et l'exercice du pouvoir disciplinaire se concilient donc avec les droits et libertés garantis par la constitution, pourvu que des sanctions soient réellement appliquées à des faits qui violent les obligations spéciales des fonctionnaires, qu'elles soient de nature disciplinaire et conformes à la législation en vigueur ;

Considérant que M. le Ministre d'Etat a motivé la sanction appliquée au sieur C., par des faits contraires aux devoirs d'un fonctionnaire et qu'il n'appartient pas au Tribunal Suprême, dans l'état actuel des textes organiques qui le concernent, de statuer, sur le bien-fondé d'une mesure disciplinaire ;

Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la liberté d'opinion garantie par l'article 10 de la constitution, n'a pas été violée dans la personne du sieur C. ;

Dispositif

Par ces motifs :

Le Tribunal Suprême.

Se déclare compétent ;

En ce qui concerne la requête, la rejette comme non justifiée et condamne le requérant aux dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27433
Date de la décision : 13/04/1931

Analyses

Fonction publique ; Compétence


Références :

art. 14 de l'Ordonnance Constitutionnelle du 5 janvier 1911
article 10 de la constitution
article 14 de l'Ordonnance du 5 janvier 1911


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.supreme;arret;1931-04-13;27433 ?

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