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18/07/2024 | MONACO | N°30550

Monaco | Tribunal du travail, 18 juillet 2024, Madame m. A. c/ La société de droit monégasque dénommée SAM D.


Abstract

Contrat de travail – Licenciement économique – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non) – Respect de la priorité de réembauchage (oui)

Résumé

Constitue un licenciement économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à des difficultés économiques réelles et non passagères ou aux nécessités de restructuration de l'entreprise. La suppression d'emploi doit être effective et les difficultés doivent être object

ivement démontrées et présenter un caractère permanent et non pas simplement passager ; lesdites...

Abstract

Contrat de travail – Licenciement économique – Motif valable (oui) – Caractère abusif (non) – Respect de la priorité de réembauchage (oui)

Résumé

Constitue un licenciement économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à des difficultés économiques réelles et non passagères ou aux nécessités de restructuration de l'entreprise. La suppression d'emploi doit être effective et les difficultés doivent être objectivement démontrées et présenter un caractère permanent et non pas simplement passager ; lesdites difficultés s'appréciant au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise, lorsque cette dernière appartient à un groupe. Par ailleurs, la restructuration de l'entreprise peut constituer une cause économique de suppression d'emploi, même en l'absence de difficultés économiques, lorsque l'employeur justifie de la nécessité de réorganiser son entreprise dans le but de la rendre plus conforme à ses besoins, à condition de démontrer la réalité de la restructuration et d'établir par des éléments objectifs que cette réorganisation lui imposait de supprimer le poste concerné.

En l'espèce, sur la réalité de la suppression de poste, l'employeur apporte les éléments de preuve suffisants. Concernant la nécessité de restructuration, le licenciement intervient dans la période de crise sanitaire où le secteur hôtelier a été très fortement impacté. Si la société D. était moins impactée, il n'en demeurait pas moins que l'analyse au niveau du groupe faisait apparaître de réelles difficultés économiques. Toutefois, il est exact de noter que la situation s'est redressée dans le courant de l'année 2021 et qu'au moment du licenciement il ne pouvait être garanti que les réelles difficultés économiques rencontrées allaient s'avérer permanentes et non passagères, ni que la suppression de deux postes au faible coût pouvait y remédier.

Cependant, chaque employeur est libre d'organiser et de structurer son entreprise comme il l'entend, dans le but notamment de la rendre plus conforme à ses besoins, et il peut valablement restructurer son entreprise afin de maintenir sa compétitivité. En l'espèce, la décision de suppression de l'activité de coaching au sein de la salle de fitness de l'B reposait sur une réelle nécessité de restructuration, l'employeur ne pouvant être contraint à maintenir une activité totalement déficitaire alors que de nombreuses économies étaient recherchées en parallèle dans tout le groupe et que des efforts étaient réalisés. Le motif de licenciement étant valable, la demande d'indemnité de licenciement est rejetée.

Constitue un licenciement abusif celui prononcé pour un motif fallacieux, avec intention de nuire ou mis en œuvre de manière abusive. En l'espèce, aucun autre motif que celui de la suppression des cours de fitness n'a présidé à la décision de licenciement et l'employeur n'a nullement cherché à nuire à la salariée. Elle ne peut dès lors prétendre au dédommagement de son préjudice économique, dont il convient de rappeler qu'il n'est aucunement démontré, ni même exposé, Madame m. A. ne prenant même pas le soin de justifier de sa situation professionnelle ou d'une quelconque recherche d'emploi.

Dans le cadre d'un licenciement économique, l'employeur se doit de rechercher la possibilité de reclassement sur des emplois de même catégorie dans les entreprises du même groupe implantées sur le territoire de la Principauté. En l'espèce, il justifie avoir satisfait à son obligation.

Constitue un licenciement collectif, le licenciement d'au moins deux salariés pour une cause commune. En l'espèce, la collègue de Madame m. A., Madame f. C. a été licenciée le même jour pour le même motif. Dans ces conditions, l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail sur la sécurité de l'emploi, étendu par arrêté ministériel du 28 juillet 1970, impose à l'employeur de soumettre pour information et consultation au délégué du personnel de l'entreprise tout projet de licenciement collectif pour raison économique. En l'espèce, la Direction de la SAM D. a tenu une réunion le 12 octobre 2021 avec les représentants du personnel afin de les informer de sa volonté de restructurer l'établissement en supprimant les deux postes d'employés de fitness.

Madame m. A. estime que l'employeur n'a pas rempli ses obligations légales car à cette date elle était déjà convoquée à un entretien préalable, preuve que la décision était déjà prise. Or, le seul délai fixé est celui d'un minimum de huit jours entre la date où les délégués se sont réunis et la décision définitive du chef d'établissement, délai respecté en l'espèce puisque la décision de licenciement est intervenue quatorze jours après.

Madame m. A. déplore afin le caractère brutal et inattendu de la décision de licenciement au regard des promesses de maintien d'emploi qui avaient été faites tout au long de l'année par la Direction. Or, la lecture des comptes rendus des réunions des délégués du personnel fait apparaître au contraire que le sort du service fitness était particulièrement inquiétant et que des décisions défavorables étaient redoutées, raisons pour lesquelles aux réunions des 27 mai, 25 juin et 9 septembre 2021, les représentants des employés sollicitaient des informations. Dès lors, lorsque le gouvernement a mis un terme au CTTR, la salariée ne pouvait être surprise d'être convoquée à un entretien préalable.

L'employeur n'ayant commis aucun abus, la demande de dommages et intérêts de Madame m. A. est rejetée.

Aux termes de l'article 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957, le salarié licencié pour cause de suppression d'emploi a droit à une priorité de réembauchage pendant six mois. Madame m. A. déplore que cette priorité n'ait pas été respectée et que la SAM E ait embauché un coach sportif sans le lui proposer. D'une part, la priorité de réembauchage s'impose au niveau de l'entreprise, et non du groupe. Or, la SAM D. n'a jamais procédé au recrutement de quiconque appartenant à la même catégorie professionnelle que celle de Madame m. A.. À défaut de non-respect de la priorité de réembauche, Madame m. A. n'est pas en droit de percevoir l'indemnité de licenciement.

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 18 JUILLET 2024

N° 55-2021/2022

* En la cause de Madame m. A., née le jma à Aubenas (France), de nationalité française, demeurant x1 à BEAUSOLEIL (06240) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* La société de droit monégasque dénommée SAM D. (B), dont le siège social est fixé au « B », x2 à MONACO (98000) ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Amandine VETU, avocat au barreau de Paris ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 15 avril 2022, reçue le 19 avril 2022 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 55-2021/2022 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 10 mai 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur au nom de Madame m. A., en date du 14 décembre 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Patricia REY, avocat-défenseur au nom de la SAM D. (B), en date du 18 janvier 2024 ;

À l'audience publique du 16 mai 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 18 juillet 2024, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Madame m. A. été embauchée le 3 mars 2005 par la SAM D. (B) pour une durée déterminée en qualité d'Employée de fitness piscine, prorogé à deux reprises et transformé en contrat à durée indéterminée par avenant du 18 octobre 2006 à compter du 1er novembre 2006. Elle a été licenciée pour suppression de poste par courrier du 26 octobre 2021.

Par requête déposée le 19 avril 2022 Madame m. A. a attrait la SAM D. devant le Bureau de Conciliation du Tribunal du travail afin d'obtenir le paiement de :

* 17.198,50 euros d'indemnité de licenciement,

* 120.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,

* les intérêts à compter de la date de saisine du Bureau de Conciliation,

* l'exécution provisoire,

* les entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives du 14 décembre 2023, Madame m. A. fait valoir pour l'essentiel que :

* les éventuelles difficultés économiques justifiant la nécessité de suppression de poste ne sont pas documentées,

* le tableau établi par l'employeur n'est justifié par aucune pièce,

* les éléments comptables de la SAM D. ne sont pas communiqués, ceux du groupe E n'étant pas probants,

* la période d'activité communiquée est antérieure au licenciement,

* au moment du licenciement le chiffre d'affaires avait augmenté,

* la SAM D. ne communique pas son bilan mais uniquement les chiffres de l'activité fitness,

* il n'est pas démontré que la société ait un bilan déficitaire ou qu'elle ait rencontré des difficultés économiques,

* elle a fait le choix de ne pas reprendre les cours de fitness, préférant bénéficier des aides de l'État,

* la SAM D. s'était engagée à plusieurs reprises tout au long des années 2020 et 2021 à ne licencier aucun salarié, et ce avec l'accord du conseil d'administration,

* elle a versé des primes hors cadre des Conventions Collectives, ce qui démontre que les difficultés économiques alléguées n'étaient pas caractérisées,

* une autre salariée ayant été licenciée le même jour pour le même motif, l'employeur se devait de respecter les dispositions de l'avenant n° 12 à la Convention Collective Nationale du Travail relatif aux licenciements économiques collectifs,

* or, les délégués du personnel n'ont été convoqués qu'alors que la décision de licenciement était déjà prise,

* compte tenu du délai d'un jour entre la réunion des délégués du personnel et la convocation de la salariée à entretien préalable, il était impossible de mettre à l'étude les suggestions en vue de réduire le nombre de licenciements,

* ce rendez-vous qui s'est tenu le 15 octobre 2021 n'est pas un entretien préalable puisque la décision de licenciement a été immédiatement annoncée,

* la suppression du poste n'est pas effective,

* l'activité fitness est toujours proposée par l'hôtel,

* la mise en place d'une nouvelle forme d'exercice de l'activité par un prestataire extérieur ne constitue pas en soi un motif économique de licenciement,

* en outre les activités proposées par ce prestataire ne correspondent pas à celles qui étaient exercées par la salariée,

* en réalité la SAM E a embauché un coach sportif moins de quatre mois après son licenciement,

* ce poste aurait dû lui être proposé en priorité,

* un seul poste de reclassement lui a été proposé, ce qui n'est pas suffisant en la matière,

* la SAM D., filiale de la SAM E, devait effectuer une recherche dans tout le groupe,

* l'indemnité de licenciement est due en raison de l'absence de validité du motif de licenciement mais également du non-respect de la priorité de réembauchage, la loi n° 410 abrogée faisant bien référence à l'indemnité de licenciement,

* le licenciement a été abusif à de multiples égards,

* elle a été extrêmement surprise et déstabilisée par la soudaine et imprévisible décision de licenciement,

* son incompréhension s'explique par les réunions des délégués du personnel au cours desquelles la SAM D. a clairement indiqué sa position de ne pas licencier,

* la décision a été notifiée au cours d'un entretien dont la teneur devait concerner son nouveau planning,

* elle avait consacré 17 ans de sa vie au B sans que son employeur n'ait à lui adresser le moindre reproche et alors qu'elle était très appréciée de ses collègues.

Par conclusions récapitulatives du 18 janvier 2024, la SAM D. sollicite le débouté de l'intégralité des demandes de Madame m. A., 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* dans le contexte de la crise sanitaire et de la fermeture des salles de sport, elle a été confrontée à une réduction importante de son chiffre d'affaires ne lui permettant plus de faire face aux résultats très déficitaires du service fitness du B,

* elle a été amenée à envisager de mettre un terme à cette activité et de licencier les salariées qui y étaient affectées,

* ce service était en effet de façon constante confronté à de graves difficultés, que la crise sanitaire n'a fait qu'aggraver,

* il ne peut lui être reproché d'avoir préservé la santé de ses salariés en ne réouvrant pas l'activité au vu du faible taux de fréquentation et de revenu généré,

* au-delà de l'activité fitness, la situation de la société dans son ensemble mais plus largement celle du groupe E a été fragilisée par la crise sanitaire,

* en dépit d'une reprise progressive, les résultats au titre de l'exercice 2021/2022 restaient très inférieurs à ceux constatés avant la crise,

* dans le contexte de graves difficultés économiques la société ne pouvait maintenir en l'état l'activité fitness très largement déficitaire,

* le fait qu'il ait été annoncé une intention de ne licencier personne est inopérant, la volonté ne se confondant pas avec un engagement ferme et a fortiori illimité,

* le poste a bien été supprimé, toutes les activités d'accompagnement au fitness ayant cessé, seules les machines demeurant mises à disposition des clients,

* la location d'un espace à une société extérieure proposant des prestations d'électrostimulation et de rajeunissement n'a aucun lien avec l'activité supprimée,

* afin d'éviter son licenciement les recherches ont été élargies à l'ensemble du groupe E et deux postes de reclassement lui ont été proposés au sein de la société des thermes marins : maître-nageur sauveteur et éducateur physique et sportif expert,

* un délai de réflexion a été accordé à Madame m. A., qui a décliné la proposition,

* aucun autre poste n'était disponible, les autres sociétés du groupe ne disposant pas d'activité fitness,

* il importe peu que la SAM E ait évoqué plusieurs mois après des opportunités de recrutement sur des postes de coach sportif,

* il n'est pas démontré que des salariés aient effectivement été recrutés,

* le respect de l'obligation de reclassement s'apprécie en fonction des postes disponibles au moment du licenciement et non pas postérieurement,

* Madame m. A. a à nouveau été reçue en avril 2022 pour un poste de Maître-nageur sauveteur au sein des thermes marins, offre à laquelle elle n'a pas donné suite,

* les délégués du personnel ont été informés et consultés,

* l'ensemble des informations leur a été communiqué,

* le non remise formelle d'une documentation écrite n'est pas de nature à remettre en cause la validité de la procédure et a fortiori la réalité du motif économique envisagé,

* les délégués du personnel, s'estimant suffisamment informés, n'ont sollicité aucune information complémentaire ni émis aucune opposition,

* Madame m. A. a été reçue en entretien individuel après la réunion,

* aucun délai minimum n'est imposé à l'employeur,

* le licenciement n'a été notifié que deux semaines après, permettant aux délégués du personnel de présenter toute suggestion utile,

* il n'y a pas eu de violation de la priorité de réembauchage,

* les postes concernés par la priorité sont uniquement ceux disponibles au sein de la société anciennement employeur et non au sein de toutes les sociétés du groupe,

* cela résulte expressément des termes de l'article 7 de la loi n° 629 qui vise clairement et exclusivement l'employeur,

* le licenciement n'est pas abusif,

* il a été procédé à la consultation des délégués du personnel et d'un entretien individuel,

* le courrier de convocation à entretien préalable faisait bien mention d'un entretien au sujet de sa situation professionnelle et rappelait la possibilité d'être assistée,

* le licenciement n'a en aucun cas été annoncé dès le jour de l'entretien, un poste de reclassement ayant été proposé à cette occasion,

* Madame m. A. n'a pu être surprise et déstabilisée par l'annonce du licenciement, l'avenir incertain de l'activité de fitness étant connu de tous.

SUR CE,

Sur le licenciement

Madame m. A. a été licenciée par courrier du 26 octobre 2021 pour les motifs suivants :

« En date du 14 octobre 2021, vous avez été reçue par Madame F, Responsable RH, afin de vous annoncer que suite à une décision de la direction générale du B, le poste d'Employé fitness que vous occupez allait être supprimé.

Madame F vous a fait part de la décision de la Direction Générale de restructurer le service Fitness en supprimant un certain nombre de services proposés à la clientèle, à savoir :

* Un service de cours collectifs proposés chaque semaine aux abonnés

* Un service de conseil et de surveillance permanente de la salle de fitness

* Un service de coachings individuels proposés aux abonnés sur facturation.

Ces différents services font parties intégrantes des missions que vous occupez dans le cadre de vos fonctions.

Madame F vous a alors indiqué que nous ne disposions pas, à date d'option de reclassement au sein du B.

Conscients de l'impact et des conséquences d'une telle décision, la Direction du B a souhaité se rapprocher du Groupe Monte-Carlo Société des Bains de Mer afin de voir si des options de reclassement en fonction de vos compétences et de leurs besoins pouvaient être proposées.

Pour votre information, bien que le B n'y soit pas contraint d'un point de vue légal, il nous paraissait naturel de tenter de trouver des solutions en ce sens, vous permettant alors de conserver un contrat en contrat à durée indéterminée.

C'est pour cela que lors de ce même rendez-vous, Madame F vous a proposé un poste de Maitre-Nageur Sauveteur Expert et un poste d'Éducateur Physique & Sportif Expert au sein de la Société des Thermes Marins. Les conditions statutaires et salariales vous ont été remises par le biais d'une simulation de salaire détaillée.

À l'issue de ce premier entretien, Madame F a souhaité vous laisser une semaine de réflexion, fixant un nouvel entretien le 22 octobre 2021. Dans cet intervalle, madame F vous a proposé, si vous le souhaitiez, d'organiser un rendez-vous avec le manager du service de la Société des Thermes Marins, ceci afin d'obtenir de plus amples informations sur l'organisation du service notamment. Durant ce laps de temps, vous n'avez pas souhaité rencontrer le manager du service des sports des Thermes Marins.

Le 21 octobre 2021, lors d'une conversation téléphonique que vous avez tenu avec Madame F, vous avez indiqué décliner les propositions de reclassement en qualité de Maitre-Nageur Sauveteur Expert et d'Éducateur Physique & Sportif Expert aux Thermes Marin. Aussi, indiquant n'avoir aucune question complémentaire sur la situation, le rendez-vous initialement fixé le lendemain, a été annulé en accord avec Madame F.

C'est pourquoi, je suis au regret de vous notifier par la présente de votre licenciement pour motif économique à savoir suppression de poste (…). ».

Sur la validité du motif de licenciement

Constitue un licenciement économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à des difficultés économiques réelles et non passagères ou aux nécessités de restructuration de l'entreprise.

La suppression d'emploi doit être effective et les difficultés doivent être objectivement démontrées et présenter un caractère permanent et non pas simplement passager ; lesdites difficultés s'appréciant au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise, lorsque cette dernière appartient à un groupe.

Par ailleurs, la restructuration de l'entreprise peut constituer une cause économique de suppression d'emploi, même en l'absence de difficultés économiques, lorsque l'employeur justifie de la nécessité de réorganiser son entreprise dans le but de la rendre plus conforme à ses besoins, à condition de démontrer la réalité de la restructuration et d'établir par des éléments objectifs que cette réorganisation lui imposait de supprimer le poste concerné.

En l'espèce, sur la réalité de la suppression de poste, l'employeur apporte les éléments de preuve suffisants. En effet, il a bien supprimé les fonctions des employées de fitness et ne les a jamais remplacées comme le démontre le registre du personnel. Les éléments de contradiction apportés par Madame m. A. ne sont pas probants, le fait que la salle de fitness demeure à disposition des clients n'impliquant pas qu'un employé la surveille ou y propose des cours. Au contraire, la présentation de l'hôtel ne propose aucun service de ce type. Quant à ses affirmations selon lesquelles une société extérieure proposerait une telle activité, elles ne sont pas étayées.

Concernant la nécessité de restructuration, le licenciement intervient dans la période de crise sanitaire où le secteur hôtelier a été très fortement impacté. Ainsi, pour le seul secteur hôtelier, le groupe E subissait au 31 mars 2021 un résultat opérationnel de – 103,3 millions d'euros. Si la société D. était moins impactée, il n'en demeurait pas moins que l'analyse au niveau du groupe faisait apparaître de réelles difficultés économiques. Toutefois, il est exact de noter que la situation s'est redressée dans le courant de l'année 2021 et qu'au moment du licenciement il ne pouvait être garanti que les réelles difficultés économiques rencontrées allaient s'avérer permanentes et non passagères, ni que la suppression de deux postes au faible coût pouvait y remédier.

Cependant, chaque employeur est libre d'organiser et de structurer son entreprise comme il l'entend, dans le but notamment de la rendre plus conforme à ses besoins, et il peut valablement restructurer son entreprise afin de maintenir sa compétitivité.

En l'espèce, l'activité de fitness représentait un coût normal en frais de personnel de plus de 60.000 euros pour un chiffre d'affaires modique et nul depuis le 31 mars 2020. Alors que la majeure partie des frais de personnel ont été pris en charge sur la période de la crise sanitaire par le gouvernement, ce dispositif a cessé au 30 septembre 2021, nécessitant pour la SAM D. de payer à nouveau la totalité des salaires pour un gain toujours inexistant.

Concomitamment, au niveau du groupe, il ressort du bilan d'activité du 1er avril 2021 au 31 mars 2022 que des mesures drastiques de restriction des dépenses d'exploitation ont été mises en oeuvre et qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a dû être décidé.

Dans ces conditions, la décision de suppression de l'activité de coaching au sein de la salle de fitness de l'B reposait sur une réelle nécessité de restructuration, l'employeur ne pouvant être contraint à maintenir une activité totalement déficitaire alors que de nombreuses économies étaient recherchées en parallèle dans tout le groupe et que des efforts étaient réalisés.

Le motif de licenciement étant valable, la demande d'indemnité de licenciement est rejetée.

Sur le caractère abusif du licenciement

Constitue un licenciement abusif celui prononcé pour un motif fallacieux, avec intention de nuire ou mis en oeuvre de manière abusive.

En l'espèce, aucun autre motif que celui de la suppression des cours de fitness n'a présidé à la décision de licenciement et l'employeur n'a nullement cherché à nuire à la salariée. Elle ne peut dès lors prétendre au dédommagement de son préjudice économique, dont il convient de rappeler qu'il n'est aucunement démontré, ni même exposé, Madame m. A. ne prenant même pas le soin de justifier de sa situation professionnelle ou d'une quelconque recherche d'emploi.

Dans le cadre d'un licenciement économique, l'employeur se doit de rechercher la possibilité de reclassement sur des emplois de même catégorie dans les entreprises du même groupe implantées sur le territoire de la Principauté.

En l'espèce, il justifie avoir satisfait à son obligation en proposant deux postes (et non un comme prétendu à tort par Madame m. A.) de reclassement dans un autre établissement du groupe, les Thermes Marins. Si la salariée était légitime dans son refus au regard de la nette diminution de salaire, l'employeur justifie par la production des registres du personnel de l'hôtel et du groupe qu'aucun poste n'existait ni au sein de la SAM D. ni au sein de la SAM E En effet, il n'est pas démenti qu'aucun autre hôtel du groupe ne propose de cours de fitness. Aucun abus n'a en conséquence était commis à ce titre.

Constitue un licenciement collectif, le licenciement d'au moins deux salariés pour une cause commune. En l'espèce, la collègue de Madame m. A., Madame f. C. a été licenciée le même jour pour le même motif. Dans ces conditions, l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail sur la sécurité de l'emploi, étendu par arrêté ministériel du 28 juillet 1970, impose à l'employeur de soumettre pour information et consultation au délégué du personnel de l'entreprise tout projet de licenciement collectif pour raison économique.

En l'espèce, la Direction de la SAM D. a tenu une réunion le 12 octobre 2021 avec les représentants du personnel afin de les informer de sa volonté de restructurer l'établissement en supprimant les deux postes d'employés de fitness.

Madame m. A. estime que l'employeur n'a pas rempli ses obligations légales car à cette date elle était déjà convoquée à un entretien préalable, preuve que la décision était déjà prise. Or, le seul délai fixé est celui d'un minimum de huit jours entre la date où les délégués se sont réunis et la décision définitive du chef d'établissement, délai respecté en l'espèce puisque la décision de licenciement est intervenue quatorze jours après. Il peut d'ailleurs être rappelé qu'aucune décision de licenciement ne pouvait être prise avant puisque l'employeur était en attente de la décision de Madame m. A. sur les deux offres de reclassement qui lui avaient été faites. En exigeant que la réunion des délégués du personnel ait lieu avant la convocation à entretien préalable, Madame m. A. ajoute à loi alors qu'aucune faute n'a été commise par l'employeur.

Madame m. A. déplore afin le caractère brutal et inattendu de la décision de licenciement au regard des promesses de maintien d'emploi qui avaient été faites tout au long de l'année par la Direction.

Or, la lecture des comptes rendus des réunions des délégués du personnel fait apparaître au contraire que le sort du service fitness était particulièrement inquiétant et que des décisions défavorables étaient redoutées, raisons pour lesquelles aux réunions des 27 mai, 25 juin et 9 septembre 2021, les représentants des employés sollicitaient des informations. À ces occasions, la Direction n'a jamais indiqué qu'aucun licenciement ne serait prononcé, mais a d'abord annoncé une décision en juin, puis pas de décision tant que le CTTR serait toujours en cours.

Dès lors, lorsque le gouvernement a mis un terme au CTTR, la salariée ne pouvait être surprise d'être convoquée à un entretien préalable. D'ailleurs, la teneur de ce courrier du 8 octobre, précisant à la salariée qu'elle pouvait se faire assister d'un représentant du personnel, ne laissait pas de doute quant à la nature du rendez-vous et ne lui permettait pas de croire qu'il s'agissait de lui remettre un hypothétique planning.

L'employeur n'ayant commis aucun abus, la demande de dommages et intérêts de Madame m.A est rejetée. De manière superfétatoire il convient de noter que le montant réclamé est sans aucune mesure avec la réalité du dossier qu'elle présente, vide de tout élément sur sa situation.

Sur la priorité de réembauchage

Aux termes de l'article 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957, le salarié licencié pour cause de suppression d'emploi a droit à une priorité de réembauchage pendant six mois.

Madame m. A. déplore que cette priorité n'ait pas été respectée et que la SAM E ait embauché un coach sportif sans le lui proposer.

D'une part, la priorité de réembauchage s'impose au niveau de l'entreprise, et non du groupe. Or, la SAM D. n'a jamais procédé au recrutement de quiconque appartenant à la même catégorie professionnelle que celle de Madame m. A.

D'autre part, les éléments qu'elle produit ne sont pas probants. Ils émanent d'un site internet dont rien ne garantit l'exactitude des informations collationnées et évoquent en réalité uniquement les postes qui ont été refusés par Madame m. A., dont un va d'ailleurs lui être à nouveau proposé sans succès en avril 2022.

À défaut de non-respect de la priorité de réembauche, Madame m. A. n'est pas en droit de percevoir l'indemnité de licenciement.

Sur les autres demandes

Madame m. A. succombant, elle est condamnée aux entiers dépens. Toutefois, en équité, la demande de la SAM D. au titre des frais irrépétibles est rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette l'intégralité des demandes de Madame m. A. ;

Condamne Madame m. A. aux entiers dépens ;

Rejette la demande de la SAM D. au titre des frais irrépétibles ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Francis GRIFFIN et Madame Leïla TRABÉ-CHIHA, membres employeurs, Monsieur Gilles UGOLINI et Madame Nathalie VIALE, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le dix-huit juillet deux mille vingt-quatre.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30550
Date de la décision : 18/07/2024

Analyses

Contrats de travail ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Madame m. A.
Défendeurs : La société de droit monégasque dénommée SAM D.

Références :

arrêté ministériel du 28 juillet 1970
article 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957


Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2024-07-18;30550 ?

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