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08/05/2024 | MONACO | N°30486

Monaco | Tribunal du travail, 8 mai 2024, Madame s. A. c/ La SARL B.


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LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 13 janvier 2023, reçue le 16 janvier 2023 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 42-2022/2023 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 7 février 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur au nom de Madame s. A., en date du 14 décembre 2023 ;



Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SARL B.,...

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LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 13 janvier 2023, reçue le 16 janvier 2023 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 42-2022/2023 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 7 février 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur au nom de Madame s. A., en date du 14 décembre 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la SARL B., en date du 8 février 2024 ;

À l'audience publique du 21 mars 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 8 mai 2024, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Madame s. A. a été embauchée le 1er octobre 2021 par la SARL B. en qualité d'Assistante personnelle de Monsieur n. C., le Gérant et fondateur de la société en contrat à durée indéterminée. Par courrier daté du 22 juillet 2022, elle a licenciée sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.

Madame s. A. a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 16 janvier 2023, en sollicitant :

* de constater que Madame s. A. a travaillé les jours fériés datés des 26 mai, 6 et 16 juin 2022,

* • 805,74 euros de rappel de salaire de majoration des jours fériés travaillés les 26 mai, 6 et 16 juin 2022,

* • la rectification de la dernière fiche de paye d'août 2022 en ce sens,

* • de dire que le licenciement a produit ses effets à partir du 26 juillet 2022,

* • d'ordonner la rectification du motif de licenciement sur l'attestation Pôle Emploi,

* • d'ordonner la requalification du licenciement pour faute grave notifié le 5 août 2022 en une mise à pied disciplinaire,

* de constater que Madame s. A. n'a commis aucune faute au cours de l'exécution de son préavis,

* de prononcer la nullité de la mise à pied disciplinaire,

* • 3.065,80 euros de rappel de salaire durant le préavis,

* • d'ordonner la rectification de la dernière fiche de paye d'août 2022 en ce sens,

* • d'ordonner la rectification du certificat de travail en indiquant le 26 août 2022 comme date de sortie,

* de dire et juger que le licenciement sans motif de Madame s. A., notifié par la SARL B. suivant un courrier en date du 22 juillet 2022, revêt un caractère abusif ;

* • 20.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* • les intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation,

* • 350 euros de remboursement de frais d'huissier,

* • 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

* • les dépens.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 14 décembre 2023, Madame s. A. abandonne sa demande au titre des jours fériés, et de rectification de l'attestation Pôle Emploi devenu France Travail sur le motif de licenciement. Elle renonce à ses demandes de rappel de salaire et de délivrance d'une fiche de paie rectificative au titre du mois d'aout 2022. Elle sollicite en outre que ladite attestation soit rectifiée quant à la date de sortie au 26 août 2022.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* • dès le licenciement prononcé, Monsieur n. C. a fait régner un climat délétère à son encontre au sein de la société avec la complicité de certains salariés,

* • il a exigé qu'elle restitue l'ensemble de ses affaires professionnelles dès le 26 juillet 2022 sans la dispenser formellement de préavis,

* • le 4 août 2022 il l'a contrainte physiquement à quitter l'entreprise en usant d'une grande brutalité et en lui vociférant des insultes dégradantes et sexistes,

* • elle a alors été convoquée à un entretien préalable à licenciement pour faute grave privative de préavis, étant précisé que les indemnités de licenciement restaient dues,

* • aucun entretien n'a pu avoir lieu en l'absence d'horaire de convocation, le gérant étant reparti en congé dès le 5 août,

* • par courrier du 5 août elle était licenciée pour une prétendue faute grave,

* • elle a par la suite éprouvé les plus grandes difficultés à récupérer ses documents de fin de contrat, ayant dû faire appel à l'intervention infructueuse de l'Inspection du Travail à deux reprises, puis à un huissier,

* • suite à multiples demandes et introduction de la procédure, l'employeur a régularisé le travail des jours fériés et le motif de licenciement le 10 octobre 2023,

* • le licenciement a produit ses effets dès le 26 juillet 2022,

* • elle ne pouvait dès lors être licenciée une deuxième fois le 5 août 2022, ce que l'employeur reconnaît,

* • elle a toutefois été sanctionnée pour une prétendue faute du 4 août et la décision du 5 août s'apparente à une mise à pied disciplinaire interruptive de préavis,

* • quelle que soit sa qualification juridique cette décision est fallacieuse et n'est étayée par aucun élément probant,

* • les motifs invoqués ont été inventés dans le but d'échapper partiellement au paiement des indemnités,

* • les seuls témoignages produits proviennent de salariés ayant une inimitée réciproque avec elle,

* • la thèse de l'employeur est totalement incohérente et en contradiction avec les échanges de messages,

* • la nouvelle accusation de vol est calomnieuse et n'est ni précise ni étayée,

* • elle est en outre fondée sur des déclarations postérieures à la mise à pied,

* • en réalité, Monsieur n. C. a orchestré une mise en scène le 4 août, il l'a fait venir au bureau de manière inutile pour lui tendre un piège,

* • il l'a alors gravement injuriée et s'en est pris physiquement à elle pour le jeter hors des locaux,

* • le caractère fallacieux des griefs invoqués caractérise l'abus,

* • le licenciement a été mis en oeuvre de manière abusive,

* • il lui a été demandé d'exécuter son préavis, tout en sollicitant la restitution de l'ensemble du matériel, générant incompréhension de sa part,

* • le comportement injurieux et violent de Monsieur n. C. caractérise une brutalité,

* • l'employeur l'a convoquée à un entretien qui ne pouvait honorer, se trouvant à l'aéroport,

* • il a tardé à lui remettre les documents de fin de contrat et à payer le solde de tout compte.

Par conclusions récapitulatives du 8 février 2024, la SARL B. sollicite le débouté des demandes de Madame s. A., 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* • suite à la notification de son licenciement, Madame s. A. a redoublé d'agressivité à l'égard de ses collègues et a fait preuve à plusieurs reprises d'insubordination,

* • c'est dans ces conditions que le gérant a souhaité la dispenser d'exécution de son préavis dès le 26 juillet 2022,

* • face à son refus de dispense, le gérant a accepté qu'elle continue à l'exécuter, ne sachant pas qu'il pouvait passer outre son refus,

* • le 4 août 2022 l'agressivité de Madame s. A. a atteint son paroxysme, contraignant l'employeur à lui demander de quitter les locaux sur-le-champ,

* • il a à tort notifié un licenciement pour faute grave par méconnaissance des règles de droit et a rectifié la situation depuis lors,

* • le second licenciement doit s'analyser comme la décision de mettre un terme anticipé au préavis, et non une mise à pied disciplinaire,

* • cette décision était justifiée par le grave comportement adopté par la salariée dont deux témoins attestent de manière circonstanciée et concordante,

* • la commission de cette faute grave justifiait le non-versement du salaire de préavis afférent à la période non exécutée,

* • le licenciement a été prononcé dans des circonstances exemptes de tout abus,

* • elle a été convoquée à un entretien préalable à licenciement,

* • il lui a été demandé de quitter les locaux le 4 août dans des circonstances particulièrement justifiées,

* • le retard dans la délivrance des documents de fin de contrat était uniquement dû à la période des congés estivaux.

SUR CE,

* Sur la faute grave

Le contrat de travail perdure entre les parties jusqu'à la fin de la période de préavis en sorte que les parties restent tenues par leurs obligations contractuelles réciproques jusqu'à son expiration.

L'employeur, qui constate l'existence d'une faute grave pendant la période du préavis, a la faculté de mettre immédiatement un terme au contrat et d'interrompre le versement de l'indemnité compensatrice pour la durée du préavis restant à courir.

En l'espèce, malgré les termes erronés de la lettre du 5 août 2022, il est constant que l'employeur a mis un terme anticipé au contrat de travail en arguant d'une faute grave. Il n'y a en conséquence pas lieu d'annuler une quelconque mise à pied puisqu'il n'y en a pas eu.

Constitue une faute grave tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise. Elle justifie par ailleurs une réaction immédiate de l'employeur.

Pour justifier de la gravité du comportement de Madame s. A., l'employeur produit deux attestations de salariés qui témoignent de ce qu'elle aurait agressé une collègue en lui arrachant des documents des mains et en l'insultant grossièrement.

Si la lecture des mails échangés entre eux précédemment démontre qu'il préexistait des conflits entre eux, cela n'est pas de nature à ôter la force probante des deux attestations circonstanciées et concordantes, aucun élément n'étant apporté par Madame s. A. pour les contredire utilement.

Le comportement agressif de Madame s. A. est constitutif d'une faute et atteint un degré de gravité suffisant pour justifier une rupture immédiate du contrat de travail. En effet, la violence, qu'elle soit physique ou verbale, ne peut être tolérée dans le cadre d'une relation de travail.

Les demandes aux titres du reliquat d'indemnité de préavis et de la rectification de la documentation sociale quant à la date de sortie des effectifs seront en conséquence rejetées.

* Sur le licenciement

Constitue ainsi un licenciement abusif, celui prononcé pour un faux motif ou avec intention de nuire ainsi que celui mis en oeuvre de manière abusive.

En l'espèce, l'enchaînement des événements démontre un comportement abusif de l'employeur et une volonté de nuire à la salariée.

Suite à la notification du licenciement, il a entretenu le flou sur le devenir de la salariée, en lui donnant des instructions contradictoires. En effet, sans la dispenser de l'exécution de son préavis, il lui demandait de restituer l'intégralité de ses outils de travail. Le 27 juillet 2022, dans un échange de messages, après lui avoir indiqué de ne pas travailler, il lui demandait de le faire, ce changement s'opérant en l'espace d'une seule minute. Il la privait en outre de ses accès aux dossiers, ce dont elle se plaignait le 1er août 2022 sans qu'il ne prenne la peine de répondre.

Lors de la rupture anticipée du préavis, l'employeur a eu un comportement tout aussi fautif. Il a notifié à tort une mise à pied conservatoire, puis un licenciement, générant une grande confusion pour la salariée. Il a annoncé un entretien, sans heure, qu'il n'a jamais honoré, ne daignant pas expliquer sa décision à la salariée. Il l'a menacée de se rendre à la police pour récupérer les clefs sans qu'aucun élément ne justifie le recours à de tels procédés.

Il n'a par ailleurs pas rempli la salariée de ses droits. Elle a dû réclamer à plusieurs reprises son solde de tout compte et faire intervenir un huissier à ses frais, dont l'employeur devra rembourser le coût. La SARL B. sera en conséquence condamnée à verser à Madame s. A. la somme de 350 euros au titre de remboursement de frais d'huissier, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation. Il a établi des documents de fin de contrat irréguliers et n'a régularisé les choses que tardivement. Quant au retard prétendument causé par la période de congés, il ne s'agit nullement d'un cas de force majeure.

Au regard de l'ensemble des fautes commises par l'employeur, de leur répétition et de leur ampleur, qui dénote une volonté de nuire à la salariée, un manque total de considération et de respect vis-à-vis de celle-ci qui vient d'être congédié, il convient de condamner la SARL B. à verser à Madame s. A. la somme de 4.000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

* Sur les autres demandes

La SARL B., succombant elle est condamnée aux entiers dépens. Elle est en outre condamnée à verser à Madame s. A. la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette la demande de requalification du licenciement pour faute grave en mise à pied disciplinaire ;

Rejette la demande de nullité de la mise à pied disciplinaire ;

Constate qu'il a été mis un terme anticipé au préavis pour faute grave le 5 août 2022 ;

Dit qu'une faute grave était constituée ;

Rejette la demande de Madame s. A. au titre de reliquat d'indemnité de préavis ;

Rejette la demande de Madame s. A. au titre de la rectification de la documentation sociale quant à la date de sortie des effectifs ;

Dit que le licenciement est abusif ;

Condamne la SARL B. à verser à Madame s. A. la somme de 4.000 euros (quatre mille euros) de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Condamne la SARL B. à rembourser à Madame s. A. la somme de 350 euros (trois cent cinquante euros) au titre de remboursement de frais d'huissier, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation ;

Condamne la SARL B. aux entiers dépens ;

Condamne la SARL B. à verser à Madame s. A. la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles ;

Rejette le surplus des demandes respectives des parties ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-François MUFRAGGI et Nicolas MATILE-NARMINO, membres employeurs, Messieurs Gilles UGOLINI et Rino ALZETTA, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le huit mai deux mille vingt-quatre.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30486
Date de la décision : 08/05/2024

Analyses

Pouvoir disciplinaire ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Madame s. A.
Défendeurs : La SARL B.

Références :

article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2024-05-08;30486 ?

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