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06/02/2024 | MONACO | N°30353

Monaco | Tribunal du travail, 6 février 2024, Monsieur f. A. c/ La société de droit anglais dénommée B.


Abstract

Licenciement pour insuffisance professionnelle - Régularité de la procédure de licenciement (oui)

Validité du motif de licenciement - Caractère abusif du licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)

Résumé

Le salarié, engagé en qualité de responsable sales management a été licencié pour insuffisance professionnelle.

La procédure de licenciement est régulière. Elle n'a pas à être régie par les règles disciplinaires. Par ailleurs, l'employeur a mis en exergue 5 points d'amélioration nécessaires, ce à quoi le salarié a acqui

escé. Il a également mis en place un plan d'accompagnement dont le salarié ne rapporte pas la preuve de...

Abstract

Licenciement pour insuffisance professionnelle - Régularité de la procédure de licenciement (oui)

Validité du motif de licenciement - Caractère abusif du licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)

Résumé

Le salarié, engagé en qualité de responsable sales management a été licencié pour insuffisance professionnelle.

La procédure de licenciement est régulière. Elle n'a pas à être régie par les règles disciplinaires. Par ailleurs, l'employeur a mis en exergue 5 points d'amélioration nécessaires, ce à quoi le salarié a acquiescé. Il a également mis en place un plan d'accompagnement dont le salarié ne rapporte pas la preuve de son caractère fallacieux.

L'employeur reproche à ce directeur de département un manque de recul, de réflexion approfondie, de communication renforcée et de relationnel apaisé, éléments faisant partie intégrante de ses fonctions qui ne comprennent pas qu'une dimension de rendement mais comportent également des capacités managériales. Si l'employeur avait noté quelques points d'amélioration, il avait rapidement informé le salarié de son insatisfaction en matière d'exactitude des données et de collaboration avec la haute direction. Il lui a également rappelé qu'il devait prendre le temps nécessaire pour écouter, comprendre et revérifier la demande commerciale afin d'assurer une exécution appropriée. Au regard des éléments produits, l'employeur établit que l'intéressé n'avait pas atteint le niveau de performance attendu d'un directeur. Faute pour lui d'avoir la capacité de rendre son équipe performante et apte à répondre aux légitimes attentes de l'employeur, non seulement quant à la précision du travail fourni, mais également quant à la qualité des échanges avec le reste de la banque, son licenciement repose sur un motif valable.

Son licenciement ne revêt aucun caractère abusif dès lors qu'il repose uniquement sur l'insuffisance professionnelle reprochée. Il n'a pas été débauché et ne justifie pas de sa situation actuelle, ne produisant aucun élément concret quant à ses prétendues recherches professionnelles. Il a été convoqué à un entretien préalable. Il a été dispensé d'exécuter le préavis mais cette prérogative relève du pouvoir de l'employeur et ne confère pas au licenciement un caractère abusif, particulièrement lorsqu'elle est mise en œuvre dans un domaine d'activité soumis à une réglementation stricte et à une forte nécessité de respect de la confidentialité. Enfin, les stipulations conventionnelles ont été respectées et il a été intégralement rempli de ses droits.

Le Tribunal rejette en conséquence les prétentions indemnitaires du salarié.

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 6 FÉVRIER 2024

N° 86-2020/2021

* En la cause de Monsieur f. A., né le jma, de nationalité suisse, demeurant « x1 », x1 à MONACO ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* La société de droit anglais dénommée B.., prise en la personne de sa succursale en Principauté de Monaco, la société B.. (MONACO), dont le siège social se situe x2 à MONACO (9800) ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

* Vu la requête introductive d'instance en date du 12 avril 2021, reçue le 13 avril 2021 ;

* Vu la procédure enregistrée sous le numéro 86-2020/2021 ;

* Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 1er juin 2021 ;

* Vu les conclusions récapitulatives de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur au nom de Monsieur f. A., en date du 15 juin 2023 ;

* Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la société B.. (MONACO), en date du 14 décembre 2023 ;

* À l'audience publique du 21 décembre 2023, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, l'affaire était mise en délibéré pour être rendue le 6 février 2024, sans opposition des parties par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, ces dernières en ayant été avisées par Madame le Président ;

* Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Monsieur f. A. a été embauché à compter du 8 novembre 2017 par la société B.. (MONACO) en qualité de Responsable Sales Management. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle par courrier du 26 novembre 2019.

Monsieur f. A. a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 13 avril 2021 :

« Afin de se concilier, si faire se peut, du chef des demandes suivantes :

* constater que l'employeur a eu un comportement fautif à l'égard de Monsieur f. A., tant dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, qu'à l'occasion de la rupture,

* constater que Monsieur A. a fait l'objet, avant la notification de son licenciement, d'un harcèlement de la part de la B. ;

* dire et juger que le licenciement notifié le 26 novembre 2019 à Monsieur f. A. pour insuffisance professionnelle n'est pas valable, en ce qu'il a reposé en réalité sur un faux motif, de surcroît abusif ;

* dire et juger que ce licenciement a été mis en œuvre au mépris des dispositions de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques et de manière légère, brutale et vexatoire qui a confiné à l'intention de nuire, le rendant par là-même doublement abusif ;

* constater que le licenciement dont s'agit a bouleversé la carrière du salarié et lui a occasionné de lourds préjudices tant financiers que moraux, dont il demande réparation ;

En conséquence :

* condamner la société B. à régler à Monsieur f. A. la somme de 400.000 euros (quatre cent mille euros) à titre de dommages et intérêts,

* condamner la société B. aux entiers frais et dépens. ».

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 15 juin 2023, Monsieur f. A. sollicite qu'il soit ordonné la communication des comptes rendus et mesures prises suite au signalement. Il réclame également 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il fait valoir pour l'essentiel que :

* • il a donné entière satisfaction dès sa prise de fonction, il était complimenté et percevait des bons en 2018 et 2019,

* • le 29 janvier 2018 il subissait les propos déplacés et menaces d'un autre salarié, Monsieur a. C., alors Responsable en investissements,

* • afin de ne pas être perçu comme un élément perturbateur et sur les conseils de la responsable des ressources humaines, il se limitait à demander une enquête interne sur le comportement de Monsieur a. C., plus discrète,

* • mal lui en a pris car en avril 2019, dans le cadre d'une réorganisation des services, trois nouveaux responsables de banque furent nommés, dont Monsieur a. C.,

* • il abusera alors immédiatement de sa position, refusera toute communication avec Monsieur f. A. et lui coupera l'accès aux réunions de la Direction,

* • il annonçait également son intention de faire disparaître le Département des ventes,

* • la société B.. (MONACO) ne renouvela pas les contrats de la moitié du Département, occasionnant une surcharge de travail importante à l'équipe,

* • le 26 novembre 2019 il lui était annoncé son licenciement pour prétendue insuffisance professionnelle,

* • or, aucune insuffisance ne lui est imputable,

* • la banque ne produit aucun document qui attirerait l'attention du salarié sur un quelconque dysfonctionnement, une erreur, un manquement,

* • elle affirme de manière péremptoire que les évaluations démontraient que la qualité du salarié n'était pas conforme aux attentes, alors qu'elles sont au contraire positives et élogieuses,

* • la banque ne peut invoquer une quelconque faute, ni un comportement intrusif et agressif car cela relève des manquements à la discipline et des dispositions relatives aux sanctions disciplinaires qui n'ont pas été mises en œuvre en l'espèce,

* • le réel motif de licenciement est la disparition du Département des ventes en 2019, qui a été intégré au service finances, avec la subsistance d'un seul contrat de travail,

* • la banque a mis en place un faux plan d'accompagnement, sur le fondement de griefs abstraits et en tout état de cause non imputables au Département des ventes et encore moins à Monsieur f. A.,

* • ce plan n'avait jamais été évoqué avant le mois de juillet 2019,

* • le projet ne pointait aucune carence, défaillance, insuffisance,

* • il concernait d'ailleurs l'avenir du Département des ventes et non pas les prétendues défaillances de Monsieur f. A.,

* • une seule réunion d'accompagnement aura lieu, avant que, dès le mois de septembre 2019, la Banque ne prenne la décision de licenciement en se renseignant sur son coût,

* • la banque s'est ensuite assurée de la mise en scène du plan pour baliser le licenciement,

* • la banque n'a jamais fait la moindre observation à Monsieur f. A., n'a pas recherché la cause de la prétendue insuffisance et n'a pas proposé un travail pouvant mieux répondre à ses capacités,

* • la rupture est intervenue de manière particulièrement brutale, sans signe annonciateur et sans entretien,

* • il a été demandé à Monsieur f. A. de sortir discrètement pour ne pas croiser ses collègues,

* • sa disparition soudaine a été mal interprétée et des collègues ont pensé qu'il avait commis des fautes,

* • Monsieur f. A. a subi un lourd préjudice,

* • il n'a toujours pas retrouvé d'emploi,

* • il a dû continuer à demeurer à Monaco pour percevoir ses droits au chômage malgré le coût élevé de son loyer,

* • depuis son retour dans son pays d'origine, la Suisse, il ne perçoit aucune aide n'y ayant jamais cotisé.

Par conclusions récapitulatives du 14 décembre 2023, la société B.. (MONACO) sollicite le débouté de Monsieur f. A., 10.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* • les performances de Monsieur f. A. ont rapidement été jugées comme insuffisantes comme le démontrent ses évaluations de 2018,

* • un plan d'accompagnement a été mis en place à compter du mois de juin 2019 pour lui permettre de tenter de s'améliorer,

* • ces mesures ont malheureusement été vaines,

* • Monsieur f. A. n'a été victime d'aucun harcèlement,

* • il n'étaye ses accusations d'aucun témoignage,

* • il a été informé des deux types de signalements qu'il pouvait réaliser et n'en a formalisé aucun, comme il l'a d'ailleurs reconnu,

* • la banque ne peut pas produire les pièces relatives à un signalement qui n'a pas eu lieu,

* • l'insuffisance professionnelle n'étant pas fautive il n'y avait pas lieu de faire application des dispositions des articles 25, 27 et suivants de la Convention Collective Nationale du Travail du Personnel des Banques,

* • les commentaires effectués dans le cadre de sa dernière évaluation n'étaient pas uniquement relatifs à son comportement mais concernaient également la qualité de son travail,

* • elles démontraient sans équivoque qu'elle n'était pas conforme aux attentes de la Banque,

* • le versement du bonus n'est en aucun cas révélateur de la qualité de son travail mais avait été garanti sans aucune condition et négocié lors de l'embauche,

* • de nombreux échanges ont eu lieu afin de mettre en place un plan d'accompagnement, Monsieur f. A. ne peut valablement soutenir qu'aucune remarque ne lui avait été faite,

* • le nombre de réunions et leur temporalité sont fixés en fonction des besoins, cela ne peut nullement démontrer que la mesure a été créée de toutes pièces pour justifier un licenciement non motivé,

* • malgré la mise en place du plan, la qualité du travail a continué à se dégrader, ce qui a été constaté par les supérieurs dès le mois de septembre 2019 et dont le salarié a été informé,

* • le fait de se renseigner sur le coût de l'éventuel licenciement ne saurait démontrer que la décision avait déjà été prise,

* • si la décision avait réellement été prise, la banque n'aurait eu aucun intérêt à reporter la notification,

* • le licenciement n'est pas fallacieux,

* • le Département des ventes n'a pas été supprimé,

* • les membres du Département ayant quitté ce service ont été remplacés,

* • le rattachement du service des ventes à celui des finances correspond uniquement à une réorganisation fonctionnelle,

* • Monsieur a. C. n'a jamais été impliqué dans la décision de licenciement,

* • aucune disposition n'impose l'organisation d'un entretien préalable,

* • le licenciement a été annoncé au cours d'un entretien au cours duquel Monsieur f. A. a pu échanger avec ses supérieurs,

* • il avait été informé à plusieurs reprises de l'insatisfaction sur la qualité de son travail,

* • la procédure interne de la banque justifie que les salariés soient accompagnés à leur bureau afin de récupérer leurs effets personnels et ce afin de préserver la confidentialité,

* • le montant de dommages et intérêts sollicité est exorbitant au regard de la durée de la relation de travail et des éléments du dossier,

* • ce d'autant que Monsieur f. A. ne justifie ni de sa situation actuelle ni de ses recherches d'emploi,

* • ses choix personnels ne sont pas de la responsabilité de la Banque.

SUR CE,

* Sur la demande de communication de pièce

Monsieur f. A. sollicite que la Barclays communique la documentation relative à un signalement procédure harcèlement dont il ressort de ses propres écritures qu'il ne l'a pas fait. En conséquence, sa demande de communication de pièce ne peut prospérer.

* Sur la régularité de la procédure de licenciement

Aux termes de l'article 32 de la Convention Collective Nationale du Travail du Personnel des Banques, « Les motifs de licenciement sont, indépendamment de l'application des dispositions relatives aux sanctions disciplinaires, la suppression d'emploi, l'insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle, à moins qu'il ne soit démontré, par une consultation médicale que cette incapacité n'est due qu'à un mauvais état de santé passager. ».

Aux termes de l'article 25 alinéa 1 et 2 de la Convention Collective Nationale du Travail du Personnel des Banques, « toute insuffisance de travail ou insuffisance professionnelle constatée chez un agent, donne lieu à une observation de la Direction. Si l'insuffisance persiste, la Direction en recherche la cause. Si cette insuffisance résulte d'une mauvaise adaptation de l'intéressé à ses fonctions, la Direction recherche le moyen de lui confier un travail qui réponde mieux à ses capacités. ».

Ces dispositions s'appliquent à toutes les insuffisances. Elles sont de portées générales et n'ont pas vocation à ne s'appliquer que dans un cadre disciplinaire.

En effet, la procédure disciplinaire n'est régie qu'à compter des articles 25 alinéa 3 et suivants, qui encadrent l'insuffisance de travail, les manquements à la discipline et les fautes professionnelles. Seules ces carences entrent dans le cadre disciplinaire. Á défaut d'y être incluse, l'insuffisance professionnelle n'a pas à être régie par les règles disciplinaires, tout en demeurant soumise aux obligations rappelées dans les deux premiers alinéas de l'article 25.

En l'espèce, lors de l'évaluation de fin d'année 2018, la Direction a mis en exergue 5 points d'amélioration nécessaires, ce à quoi le salarié a acquiescé. Plus encore, l'évaluatrice, Madame s. D., a évoqué la mise en place d'un plan « pour être en mesure de s'améliorer ». La Direction a dès lors bien satisfait à son obligation d'observation.

Elle a perduré dans son accompagnement du salarié en mettant en place un plan d'accompagnement à la fin du mois de juin 2019.

Concernant l'allégation de Monsieur f. A. selon laquelle le PIP aurait été un stratagème, elle ne résiste pas à l'analyse. Il reprend essentiellement les observations déjà faites début 2019 (meilleure compréhension des demandes, meilleure communication…). Il s'inscrit logiquement avant un licenciement pour insuffisance professionnelle, que l'employeur cherche au contraire à éviter en tentant la mise en œuvre d'un PIP. Il a été suivi par Monsieur m. D. et a donné lieu à des échanges et des réunions (2 juillet, 19 septembre, 30 octobre 2019). Monsieur m. D. ne lui a pas dit que ce plan était fallacieux. En effet, lorsque par mail du 4 septembre 2019, il lui dit de ne pas prendre l'exercice au sérieux et que « JC s'en prend très durement à toute l'équipe actuelle de gestion des ventes », il joue son rôle de manager en motivant son collaborateur à améliorer son comportement, gravement mis en cause au regard des évaluations de 2018, et tente de garantir son maintien dans la banque en lui précisant « nous devons nous assurer que les principales parties prenantes vous soutiennent localement et dans leurs conversations avec lui ». En effet, si Monsieur f. A. devait ne pas être soutenu par les autres collaborateurs de la banque, son maintien en poste en serait compromis.

La rupture du contrat était en conséquence régulière en la forme au regard des dispositions conventionnelles.

* Sur la validité du motif de licenciement

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.

Pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il revient au Tribunal de vérifier l'incompétence alléguée par l'employeur, laquelle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci, mais doit reposer sur des éléments concrets. Elle est constituée par l'inaptitude du salarié à exercer sa prestation de travail dans des conditions que l'employeur pouvait légitimement attendre en application du contrat de travail.

Il ressort des évaluations de 2018, accompagnées des objectifs pour l'année 2019, que la banque estimait que Monsieur f. A. devait améliorer ses performances à la fois en termes d'objectifs et de valeurs.

Plus précisément, il lui était reproché les éléments suivants :

• « pour 2019, j'aimerai voir f. assumer un rôle plus important en matière d' " encadrement " ; il est Directeur par définition, donc un collègue de haut niveau, m. et nous devrions l'aider à passer au niveau supérieur »,

• « il agit très rapidement et spontanément, peut-être parfois trop rapidement sans prendre le recul nécessaire pour réfléchir aux conséquences de ces actions. Bien que celles-ci soient bien intentionnées, elles peuvent parfois être mal interprétées par l'équipe bancaire et au-delà, il devra travailler sur sa façon d'aborder les gens, qui peut parfois être perçue comme intrusive et agressive »,

• « il y a également des problèmes de communication évidents avec les principales parties prenantes (IA et Finances par exemple) sur la plateforme que nous devons aborder et changer si nous voulons tirer le meilleur parti de l'équipe »,

• « une année mitigée et des messages contradictoires (…) »,

• « il y a cependant certaines choses que nous devons éradiquer/changer du côté du comportement – celles-ci peuvent être abordées et traitées rapidement pour améliorer l'évaluation sur le " comment ", nous serons très heureux d'aider f. à mettre en place un plan pour être en mesure de s'améliorer, il a besoin de changer et de passer à la vitesse supérieure et cela viendra de lui pour le démontrer au cours du premier trimestre ».

Si, d'autres compétences sont valorisées, il est indéniable que cette évaluation pointait des lacunes professionnelles. Au regard du statut de Monsieur f. A., Directeur d'un Département, les exigences de prise de recul, de réflexion approfondie, de communication renforcée et de relationnel apaisé faisaient partie intégrante de ses fonctions et correspondaient à une attente légitime de l'employeur. La capacité professionnelle d'un salarié, surtout de ce niveau, ne s'apprécie en effet pas que strictement sur le plan du rendement, mais doit prendre en compte ses capacités managériales et son comportement de manière générale.

Le 27 juin 2019, un PIP était mis en place. Il listait les objectifs suivants :

* • plus grand contrôle et mise au défi des banquiers et TL vis-à-vis de la validé du pipeline,

* • exécution efficace de la gestion des ventes MI avec une amélioration de la qualité vis-à-vis des données,

* • collaboration accrue avec toutes les parties prenantes de la haute direction de MCO avec retour positif démontrable,

* • meilleure compréhension de la demande commerciale et exécution totale par rapport aux objectifs requis/énoncés,

* • veiller à ce que toute l'équipe soit affectée aux initiatives d'activités par ordre de priorité de façon appropriée et à publier régulièrement des statistiques sur les travaux à exécuter.

Or, Monsieur f. A. qui avait apporté des éléments de réponse aux différents points d'amélioration sollicités et s'en était expliqué lors de la réunion du 19 septembre 2019, a eu connaissance dès le 1er octobre 2019 que sa Direction n'était pas satisfaite. Si des points d'amélioration étaient notés, les commentaires suivants étaient notamment faits :

• « l'exactitude des données était encore insuffisante »,

• « des erreurs, des incohérences et des données manquantes sont toujours présentes »,

• « il est toujours nécessaire d'améliorer et de renforcer la collaboration avec la haute direction MCO »,

• « il a été rappelé à f. qu'il devait prendre le temps nécessaire pour écouter, comprendre et revérifier la demande commerciale afin d'assurer une exécution appropriée ».

Monsieur f. A. ne contestait pas ces critiques et n'apporte aucun élément à même de les contredire.

Au regard de la teneur des échanges entre les membres de l'encadrement de la Barclays, il apparaît que Monsieur f. A. n'a pas rempli les objectifs qui lui étaient assignés. Ainsi, Monsieur m. D. indiquait le 31 octobre 2019 qu'il n'avait pas été en mesure de passer à la vitesse supérieure et qu'il n'avait pas atteint le niveau de performance attendu d'un directeur. Monsieur D. confirmait que s'il y avait un léger mieux, le problème fondamental d'encadrement n'était pas réglé.

Ces éléments quant aux lacunes professionnelles du salarié sont étayés et caractérisent bien une insuffisance, Monsieur f. A. n'ayant pas été en capacité de rendre son équipe performante et apte à répondre aux légitimes attentes de l'employeur quant à la précision du travail fourni mais également à la qualité des échanges avec le reste de la banque.

Le motif de licenciement est en conséquence valable.

* Sur le caractère abusif de la rupture

En application des dispositions de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, il appartient au salarié qui prétend avoir été victime d'une rupture abusive de son contrat de travail de prouver outre le préjudice subi, l'existence de la faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux, ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec laquelle le congédiement a été donné.

Monsieur f. A. soutient que son licenciement serait fallacieux, prononcé pour deux faux motifs, celui d'avoir dénoncé des agissements d'un collègue devenu dirigeant et celui d'une suppression déguisée de poste.

Or, il procède par voie d'affirmation sans le moindre début d'élément probant. Concernant la dénonciation du comportement harcelant de Monsieur a. C., elle ne ressort d'aucune pièce. Quant à la suppression de poste, elle n'est pas plus démontrée, le basculement de son service sous le contrôle hiérarchique du service des Finances n'étant ni un indice ni une preuve.

Surtout, les éléments du dossier font apparaître que c'est bien uniquement en raison de l'insuffisance professionnelle que la banque a procédé au licenciement de son salarié.

La décision de rupture n'étant pas fondée sur un motif fallacieux, elle ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement. Á ce sujet, il doit tout de même être rappelé que, contrairement à ce qu'il affirme, Monsieur f. A. n'a pas été débauché (son profil ayant été présenté par une société de recrutement) ; que, par ailleurs, il ne démontre pas qu'il ait travaillé entre le 31 décembre 2014 et la date de son embauche. Il ne justifie pas plus de sa situation actuelle, ne produisant aucun élément concret quant à ses prétendues recherches professionnelles.

Concernant les conditions de mise en œuvre du licenciement, Monsieur f. A. a été convoqué à un entretien préalable. S'il a été dispensé d'exécution de son préavis, cette prérogative relève du pouvoir de l'employeur et ne confère pas au licenciement un caractère abusif, particulièrement lorsqu'elle est mise en œuvre dans un domaine d'activité soumis à une réglementation stricte et à une forte nécessité de respect de la confidentialité. Enfin, comme développé ci-dessous, les stipulations conventionnelles ont été respectées et il a été intégralement rempli de ses droits.

Le licenciement étant exempt de tout abus, la demande de dommages et intérêts de Monsieur f. A. sera rejetée.

* Sur les autres demandes

Monsieur f. A. succombant il sera condamné aux entiers dépens. Toutefois, en équité la demande de la B.. (MONACO) au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par mise à disposition au Secrétariat du Tribunal du travail, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette l'intégralité des demandes de Monsieur f. A. ;

Condamne Monsieur f. A. aux entiers dépens ;

Rejette la demande de la société B.. (MONACO) au titre des frais irrépétibles ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Carol MILLO et Monsieur Francis GRIFFIN, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA et Monsieur Pierre-Franck CRESPI, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le six février deux mille vingt-quatre.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30353
Date de la décision : 06/02/2024

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Monsieur f. A.
Défendeurs : La société de droit anglais dénommée B.

Références :

article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2024-02-06;30353 ?

Source

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