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12/05/2023 | MONACO | N°21106

Monaco | Tribunal du travail, 12 mai 2023, Monsieur d. A. c/ La société anonyme monégasque dénommée B.


TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 12 MAI 2023

En la cause de Monsieur d. A., demeurant x1, à CAP D'AIL (06320) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT, avocat en ce même barreau ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe x2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître T

homas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

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TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 12 MAI 2023

En la cause de Monsieur d. A., demeurant x1, à CAP D'AIL (06320) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT, avocat en ce même barreau ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe x2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 23 mars 2018, reçue le 9 avril 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 69-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 12 juin 2018 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur d. A. en date du 6 février 2023 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. B. en date du 10 novembre 2022 ;

Après avoir entendu Maître Ludiwine AUBERT, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Delphine FRAHI, avocat en ce même barreau, pour Monsieur d. A. et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour la S.A.M. B. en leurs plaidoiries à l'audience du 23 février 2023 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Monsieur d. A. a été embauché en qualité de Caissier par la société anonyme monégasque B. (ci-après B.) le 18 mai 1995. Il exerce son activité au sein du Casino du C. Il est soumis à la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table, ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie.

S'estimant victime de discriminations, Monsieur d. A. a saisi le Tribunal du travail par requête reçue le 9 avril 2018 afin d'obtenir :

1/ Sur l'exécution du contrat de travail

* dire et juger que le contrat de travail n'a pas été exécuté de bonne foi,

* qualifier d'astreintes tous les temps où le salarié est tenu de demeurer à la disposition de l'employeur, et ce quel que soit la dénomination utilisée sur les fiches de planning,

* ordonner le paiement de ces astreintes conformément aux dispositions de la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie,

* accorder au père de famille le bénéfice des dispositions de l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, qui accorde un jour ouvrable de congé supplémentaire par an pour chaque enfant à charge, en vertu du principe de non-discrimination en matière salariale visé notamment à l'article 2.1 de la loi n° 739,

* dire et juger qu'il existe une inégalité de traitement en matière de jour de carence en cas de maladie entre Monsieur d. A. Cadre de statut B. et les Cadres de statut Hôtelier et ordonner pour l'avenir l'alignement sur le régime des cadres de statut hôtelier,

Condamner l'employeur au paiement de :

* rappels de salaire au titre des astreintes : 6.677 euros brut,

* indemnité compensatrice de congés payés : 1.131,98 euros brut,

* dommages et intérêts : 1.500 euros brut,

2/ Sur les autres demandes :

* la régularisation de l'ensemble des bulletins de salaire,

* la régularisation de la situation auprès de l'ensemble des Organismes Sociaux,

* l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

* les frais et dépens (pour mémoire),

* les intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes à compter des présentes.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 6 février 2023, Monsieur d. A. sollicite de :

* dire et juger que le contrat de travail n'a pas été exécuté de bonne foi,

* qualifier d'astreintes tous les temps où le salarié est tenu de demeurer à la disposition de l'employeur, et ce, quel que soit la dénomination utilisée sur les fiches de planning,

* ordonner le paiement de ces astreintes conformément aux dispositions de la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie,

* dire et juger que les dispositions de l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 violent le principe de non-discrimination,

* accorder au père de famille le bénéfice des dispositions de l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, qui accorde un jour ouvrable de congé supplémentaire par an pour chaque enfant à charge, en vertu du principe de non-discrimination en matière sociale visé notamment à l'article 2.1 de la loi n° 739,

* dire et juger qu'il existe une inégalité de traitement en matière de jour de carence en cas de maladie entre Monsieur d. A. Cadre de statut B. et les Cadres de statut Hôtelier et ordonner pour l'avenir l'alignement sur le régime des cadres de statut hôtelier,

* condamner au titre des rappels de salaire sur les différents chefs de demande allégués la B. au paiement des sommes suivantes, nonobstant les congés payés et droit y afférents,

* rappels de salaire au titre des astreintes : 6.677 euros brut,

* indemnité compensatrice de congés payés : 1.131,98 euros brut,

* dire et juger que la B. a fait preuve d'une mauvaise foi manifeste et d'une résistance abusive,

* condamner la B. à payer à Monsieur d.A.la somme de 1.500 euros de dommages et intérêts,

* condamner la B. à payer à Monsieur d. A. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

* prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

* dire et juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation,

* condamner la B. aux entiers dépens.

Il fait valoir pour l'essentiel que :

Sur le non-paiement des astreintes

* Monsieur d. A. est soumis à un régime d'astreinte, de jour ou de nuit, aux termes de la Convention Collective, qui en fixe la rémunération,

* le personnel d'astreinte doit demeurer joignable et à proximité et est appelé lorsqu'un remplacement doit être effectué,

* en cas d'absence imprévue d'un salarié, ce sont bien ses collègues d'astreinte qui sont sollicités,

* Monsieur d. A. n'a jamais perçu la moindre rémunération pour les 131 astreintes qu'il a réalisées depuis 2015,

* le montant provisionnel est à parfaire par expertise au regard des plannings d'astreintes établis depuis l'introduction de la cause en justice,

Sur l'octroi d'un congé supplémentaire au père de famille

* l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 octroie un jour de congé supplémentaire par an et par enfant à charge aux mères de famille,

* le principe de non-discrimination impose que ce jour de congé supplémentaire soit accordé indifféremment au père ou mère selon celui qui a la charge de cet enfant,

* ce principe de non-discrimination est inscrit dans l'ordonnancement juridique aux termes de la Constitution et des engagements internationaux,

* la loi viole le principe de non-discrimination lié au sexe, le critère d'octroi du jour de congé étant la qualité de femme,

* elle viole en outre le principe de non-discrimination en matière salariale, les congés payés constituant des éléments de rémunération,

* les pères ont la charge de leurs enfants dès lors qu'ils résident habituellement chez lui et qu'il en assure la charge d'entretien et d'éducation,

* Monsieur d. A. étant père d'une fille née en 2000, il est en droit d'obtenir l'attribution d'un jour de congé payé supplémentaire par an,

Sur l'égalité de traitement des jours de carence en cas de maladie

* les cadres du statut hôtelier ne subissent aucun délai de carence en cas de maladie ou d'accident du travail ou de trajet,

* cette disposition favorable n'est pas appliquée aux cadres du statut B., qui sont indemnisés par le fonds social qui n'indemnise pas le 1er jour de maladie et limite l'indemnisation à hauteur de 110 euros par jour pour les 2ème et 3ème jours,

* cette différence de traitement est discriminatoire et nullement justifiée,

Sur les dommages et intérêts

* en privant le salarié de sa véritable rémunération, la B. a manqué à son obligation de bonne foi,

* la violation du principe à travail égal, salaire égal justifie à elle seule l'octroi de dommages et intérêts,

* la B. a résisté à accorder au salarié ses droits, malgré ses multiples demandes,

Sur les autres demandes

* Monsieur d. A. a assumé des frais de procédure importants qui doivent être pris en charge par la B.,

* l'exécution provisoire est nécessaire afin de lui permettre de retrouver un niveau de vie correct.

Par conclusions récapitulatives du 10 novembre 2022, la B. sollicite de :

* dire et juger que le demandeur n'établit pas qu'il serait victime d'une discrimination salariale,

* dire et juger que la B. n'a pas violé le principe « à travail égal, salaire égal »,

* dire et juger que la demande de rappels de salaire à titre d'astreinte est mal fondée,

* dire et juger que la demande d'attribution de jour de congé payé supplémentaire par enfant à charge ne saurait prospérer, et qu'en tout état de cause, la B. ne saurait être condamnée rétroactivement de ce fait,

* dire et juger qu'il n'existe pas de différence de traitement injustifiée entre les Cadres dits HBS et les Cadres Jeux de la B.,

* dire et juger que la B. n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail du demandeur,

* débouter le demandeur de toutes ses fins, demandes et conclusions,

* condamner le demandeur à verser à la B. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

* condamner Monsieur d. A. aux entiers dépens de l'instance ainsi que tous frais et accessoires, tels que frais de greffe et d'enregistrement, frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de sous son affirmation de droit.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

Sur les astreintes

* Monsieur d. A. ne produit aucune pièce démontrant l'existence des astreintes qu'il revendique,

* il n'existe pas d'astreinte au sein du service des caisses,

* les jours de repos dispos ne sont pas des astreintes,

* il s'agit de jours de travail au cours desquels les salariés sont dispensés de se rendre sur leur lieu de travail,

* ils sont alors autorisés à rester chez eux dans la mesure où l'effectif présent en salle est suffisant à assurer le fonctionnement de l'établissement, mais ils auraient dû se trouver à leur poste,

* en cas d'absence d'un salarié, il est demandé à un salarié en disponibilité d'assurer son remplacement, non au titre d'une sujétion supplémentaire, mais dans le cadre de l'exécution normale de son contrat de travail, sur son temps de travail rémunéré,

* ils concernent les salariés qui n'effectuent pas 39 heures hebdomadaires sur les quatre jours travaillés mais qui sont néanmoins payés sur la base d'un horaire à temps plein, outre les majorations éventuelles,

* les plannings démontrent qu'aucun salarié ne réalise 39 heures hebdomadaires,

Sur le congé supplémentaire père de famille

* la B. se conforme à l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956,

* il n'appartient pas à l'employeur, pas plus qu'au Tribunal du travail, de juger de la constitutionnalité et de la conventionalité des lois,

* la B. applique en toute bonne foi la loi,

* elle ne saurait être tenue à un quelque rattrapage de droit ou de salaire sur ce point,

Sur les jours de carence en cas de maladie

* l'inégalité de traitement alléguée n'est pas liée avec la rémunération perçue en contrepartie des fonctions exercées,

* la comparaison opérée par le salarié n'est pas pertinente,

* compte tenu de la disparité des postes afférents aux activités de jeux et d'hôtellerie, il est apparu nécessaire d'adapter les situations contractuelles et conventionnelles des salariés,

* il n'est pas de la responsabilité de l'employeur de pallier la carence des syndicats représentants les cadres des jeux qui n'ont pas entendu négocier le même type d'accord que ceux représentants les cadres de l'hôtellerie,

Sur les autres demandes

* les demandes du salarié étant infondées il n'y a pas lieu à allocation de dommages et intérêts,

* il ne justifie pas de sa demande au titre des frais irrépétibles,

* la B. a en revanche dû exposer des frais de défense de ses intérêts.

SUR CE,

Sur les astreintes

Aux termes de l'article 1er de la loi n° 677 du 2 décembre 1959, la durée légale du temps de travail est fixée à 39 heures par semaine.

Parallèlement, le salarié peut être soumis à des périodes d'astreinte. Elles se définissent comme des périodes pendant lesquelles le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu'il est dans l'attente d'une demande d'intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d'astreinte ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont pas rémunérés comme tel.

Aux termes de la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie, la durée du travail est conventionnellement fixée à 39 heures par semaines civiles.

Un régime d'astreinte est institué selon les modalités suivantes :

* « Lorsque la continuité du service ou la sécurité nécessitent soit le recours à des interventions d'urgence ou à des travaux de dépannage en dehors des heures normales de travail, soit au remplacement des salariés absents, des services dits « d'astreinte » pourront être mis en place sur décision de la Direction Générale.

* Est considérée comme astreinte toute période de temps où le salarié, cadre ou non cadre, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise.

* Les personnels d'astreinte, employés, agents de maîtrise et cadres peuvent vaquer librement à leurs obligations personnelles mais doivent rester disponibles pour intervenir (...) sur le lieu de travail, lorsqu'il s'agit de procéder au remplacement d'un salarié absent, dans un délai de deux heures après sollicitation de leur hiérarchie.

* L'astreinte organisée pour procéder au remplacement d'un salarié absent est indemnisée à hauteur de 30 euros brut pour la tranche horaire 8 h / 20 h, 40 euros brut pour la tranche horaire 20 h / 8 h.

* Seules les interventions réalisées pendant le temps d'astreinte sont constitutives de temps de travail effectif. Elles sont rémunérées conformément à la loi. Les heures supplémentaires éventuellement décomptées et validées sont payées ou récupérées, les montants forfaitaires d'indemnisation prévus aux alinéas précédents, restant dus. ».

Monsieur d. A. soutient accomplir des périodes d'astreinte et n'avoir jamais été rémunéré conformément aux dispositions de la Convention Collective.

Aux termes de l'article 7.6 de la procédure Cage « Casino C. », applicable à tous les caissiers, « le caissier de disposition prévu sera appelé pour pallier cette absence. Il est rappelé que le caissier de disposition doit être joignable ½ h avant et ½ h après le début de chaque service pour pouvoir se rendre à la caisse dans les meilleurs délais ».

Préalablement, il doit être constaté que ces dispositions diffèrent de celles prévues au titre des astreintes par la Convention Collective. En effet, la procédure particulière de « caissier de disposition » n'implique qu'une disponibilité temporaire (avant et après le service dans un créneau d'une demi-heure), alors que l'astreinte institue une obligation générale de disponibilité tout au long de sa période et une obligation de se rendre au service dans un délai de deux heures.

Néanmoins, il convient d'établir si cette procédure de « disposition » correspond également à une astreinte, qui aurait été fixée par l'employeur par conditions particulières hors Convention Collective et ouvrirait droit au paiement d'une rémunération forfaitaire.

Au regard des plannings produits, il apparaît l'organisation d'un roulement des caissiers afin que certains d'entre eux soient « de disposition » certaines semaines.

La lecture des pointages horaires de Monsieur d. A. fait ressortir que ses horaires de travail sont bien en deçà du contingent de 39 heures hebdomadaires. Or, il est bien rémunéré sur la base de 39 heures.

Ainsi, la journée « de disposition » correspond au reliquat d'heures non effectuées, c'est-à-dire à du temps de travail effectif, pour lesquelles l'employeur ne sollicite pas qu'il se présente effectivement sur le lieu de travail tout au long de sa vacation, mais exige simplement qu'il puisse se rendre disponible au besoin.

Cette organisation du temps de travail effectif est d'ailleurs confirmée par le fait qu'en cas de non-présentation suite à une demande de l'employeur lors d'une journée « de disposition », l'absence soit considérée comme injustifiée et donne lieu à non-paiement du salaire.

Les journées « de disposition » correspondant à du temps de travail effectif, la demande de Monsieur d. A. au titre du paiement d'astreintes sera en conséquence rejetée.

Sur le congé supplémentaire

Monsieur d. A. sur le fondement de la discrimination salariale, revendique le droit à congé payé supplémentaire en sa qualité de père de famille.

Aux termes de l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 « Les mères de familles salariées ou apprenties bénéficient, pour chaque enfant à charge, d'un jour ouvrable de congé supplémentaire, sans que ce congé ne puisse excéder cinq jours (...). Est réputé enfant à charge, l'enfant qui vit au foyer s'il est âgé de moins de seize ans au 30 avril de l'année en cours ».

Monsieur d. A. sur lequel la charge de la preuve de sa revendication repose, ne justifie ni être père de famille, ni d'un enfant vivant au foyer, ni âgé de moins de 16 ans au 30 avril des années de sa demande.

Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande.

Sur le statut en matière de maladie

Monsieur d. A. sur le fondement du principe d'égalité de traitement précédemment rappelé, revendique le droit à absence de jour de carence en cas d'absence maladie.

Il invoque l'accord dont bénéficient les cadres du personnel hôtelier de la B.

Si la règle d'égalité de traitement s'applique à tous les avantages dont bénéficient les salariés, encore faut-il qu'ils soient placés dans une situation identique.

Or, en l'espèce, il n'y a rien de commun entre les cadres du personnel hôtelier et les caissiers.

Ainsi, Monsieur d. A. n'apporte aucun élément de comparaison concernant la situation de travail des employés hôteliers (nature du travail, horaires, sujétions...). Il ne démontre pas non plus qu'il exercerait un travail égal ou de valeur égale aux leurs.

En outre, la discrimination s'apprécie dans sa globalité. Extraire un avantage spécifique, sans analyser si, de manière générale au regard des différences de statuts et de Conventions Collectives, les salariés des caisses ne bénéficient pas de conditions de travail par ailleurs globalement plus avantageuses que celles du personnel hôtelier, ne permet pas de déterminer la réalité d'une discrimination.

Enfin, les dispositions contestées par le salarié relèvent de la libre négociation collective.

Dans ces conditions, la demande de Monsieur d. A. afin de bénéficier d'une absence de délai de carence en cas de maladie sera rejetée.

Sur les autres demandes

La B. n'ayant commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail, Monsieur d. A. sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Monsieur d. A. succombant, il sera condamné aux entiers dépens de l'instance.

Compte tenu de son caractère inéquitable, la demande de la B. au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette l'intégralité des demandes de Monsieur d. A. ;

Condamne Monsieur d. A. aux entiers dépens ;

Rejette la demande de la société anonyme monégasque B. au titre des frais irrépétibles ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-Pierre DESCHAMPS et Didier MARTINI, membres employeurs, Messieurs Rino ALZETTA et Bruno AUGÉ, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le douze mai deux mille vingt-trois.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 21106
Date de la décision : 12/05/2023

Analyses

Monsieur d. A. employé au sein de la B. en qualité de Caissier Cage au sein du Casino du C. se plaint d'une discrimination salariale relativement à la rémunération des caissiers du Casino de D. Il fonde sa demande sur le principe d'égalité de traitement, applicable tant en vertu de l'article 2-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, que de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques fait à New York le 16 décembre 1966 et rendu exécutoire en Principauté de Monaco par l'Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998. En application du principe « à travail égal, salaire égal », l'employeur est tenu d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés de son entreprise qui, placés dans des conditions identiques, accomplissent un même travail ou un travail de valeur égale. Conformément aux dispositions de l'article 1162 du Code civil, il incombe ainsi au salarié, qui invoque une atteinte à ce principe, de présenter au Juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, à charge pour l'employeur, si la disparité alléguée apparaît suffisamment caractérisée, d'établir que cette différence est justifiée par des éléments objectifs. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'il existe une différence de rémunération entre les caissiers C. et du E. Casino d'une part et ceux exerçant au sein du Casino de D. d'autre part. Il convient dès lors d'apprécier si l'employeur rapporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la disparité de traitement est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination. En l'espèce, le niveau de responsabilité et d'engagement entre les caissiers du Casino de D. et ceux du C. est ainsi différent. Les caissiers du C. n'ont ni pouvoir de décision, ni latitude d'appréciation. Dans ces conditions, l'employeur, qui rémunère plus les salariés disposant d'un pouvoir de décision seul, engageant la société dans une proportion bien plus importante, justifie la disparité qu'il opère. La demande de Monsieur d. A. au titre de l'inégalité de traitement sera en conséquence rejetée.Aux termes de l'article 1er de la loi n° 677 du 2 décembre 1959, la durée légale du temps de travail est fixée à 39 heures par semaine. Parallèlement, le salarié peut être soumis à des périodes d'astreinte. Elles se définissent comme des périodes pendant lesquelles le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu'il est dans l'attente d'une demande d'intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d'astreinte ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont pas rémunérés comme tel. Aux termes de la Convention Collective Générale des Salariés B. hors-jeux de table ne relevant pas de la Convention Collective de l'Hôtellerie, la durée du travail est conventionnellement fixée à 39 heures par semaines civiles. Un régime d'astreinte est institué. Monsieur d. A. soutient accomplir des périodes d'astreinte et n'avoir jamais été rémunéré conformément aux dispositions de la Convention Collective. Aux termes de l'article 7.6 de la procédure Cage « Casino C. », applicable à tous les caissiers, « le caissier de disposition prévu sera appelé pour pallier cette absence. Il est rappelé que le caissier de disposition doit être joignable ½ h avant et ½ h après le début de chaque service pour pouvoir se rendre à la caisse dans les meilleurs délais ». Préalablement, il doit être constaté que ces dispositions diffèrent de celles prévues au titre des astreintes par la Convention Collective. En effet, la procédure particulière de « caissier de disposition » n'implique qu'une disponibilité temporaire (avant et après le service dans un créneau d'une demi-heure), alors que l'astreinte institue une obligation générale de disponibilité tout au long de sa période et une obligation de se rendre au service dans un délai de deux heures. Cette organisation du temps de travail effectif est d'ailleurs confirmée par le fait qu'en cas de non présentation suite à une demande de l'employeur lors d'une journée « de disposition », l'absence soit considérée comme injustifiée et donne lieu à non-paiement du salaire. Les journées « de disposition » correspondant à du temps de travail effectif, la demande de Monsieur d. A. au titre du paiement d'astreintes sera en conséquence rejetée.Monsieur d. A. sur le fondement de la discrimination salariale, revendique le droit à congé payé supplémentaire en sa qualité de père de famille. Aux termes de l'article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 « Les mères de familles salariées ou apprenties bénéficient, pour chaque enfant à charge, d'un jour ouvrable de congé supplémentaire, sans que ce congé ne puisse excéder cinq jours (...) . Est réputé enfant à charge, l'enfant qui vit au foyer s'il est âgé de moins de seize ans au 30 avril de l'année en cours ». Monsieur d. A. sur lequel la charge de la preuve de sa revendication repose, ne justifie ni être père de famille, ni d'un enfant vivant au foyer, ni âgé de moins de seize ans au 30 avril des années de sa demande. Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande.Monsieur d. A. sur le fondement du principe d'égalité de traitement précédemment rappelé, revendique le droit à absence de jour de carence en cas d'absence maladie. Si la règle d'égalité de traitement s'applique à tous les avantages dont bénéficient les salariés, encore faut-il qu'ils soient placés dans une situation identique. Or, en l'espèce, il n'y a rien de commun entre les cadres du personnel hôtelier et les caissiers. En outre, la discrimination s'apprécie dans sa globalité. Extraire un avantage spécifique, sans analyser si, de manière générale au regard des différences de statuts et de Conventions Collectives, les salariés des caisses ne bénéficient pas de conditions de travail par ailleurs globalement plus avantageuses que celles du personnel hôtelier, ne permet pas de déterminer la réalité d'une discrimination. Enfin, les dispositions contestées par le salarié relèvent de la libre négociation collective. Dans ces conditions, la demande de Monsieur d. A. afin de bénéficier d'une absence de délai de carence en cas de maladie sera rejetée.

Contrats de travail  - Conditions de travail.

Salaire – Principe d'égalité de traitement – Conditions – Discrimination (non)Contrat de travail – Astreintes – Qualification (non)Père de famille – Congé supplémentaire – Défaillance probatoire (oui)Salarié – Maladie – Délai de carence – Discrimination (non).


Parties
Demandeurs : Monsieur d. A.
Défendeurs : La société anonyme monégasque dénommée B.

Références :

article 1er de la loi n° 677 du 2 décembre 1959
article 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956
article 2-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963
article 1162 du Code civil
article 238-1 du Code de procédure civile
Ordonnance Souveraine n° 13.330 du 12 février 1998


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2023-05-12;21106 ?

Source

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