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07/04/2023 | MONACO | N°21035

Monaco | Tribunal du travail, 7 avril 2023, Monsieur v. A. c/ La société anonyme monégasque B.& C.


TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 AVRIL 2023

En la cause de Monsieur v. A. , demeurant X1 à BEAUSOLEIL (06240) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B.& C. , dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maîtr

e Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT, avocat en ce même barreau ;...

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 AVRIL 2023

En la cause de Monsieur v. A. , demeurant X1 à BEAUSOLEIL (06240) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B.& C. , dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Ludiwine AUBERT, avocat en ce même barreau ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 21 décembre 2020, reçue le 24 décembre 2020 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 57-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 19 janvier 2021 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur au nom de Monsieur v. A. en date du 23 décembre 2022 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. B.& C. en date du 14 juillet 2022 ;

Après avoir entendu Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur v. A. et Maître Ludiwine AUBERT, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Delphine FRAHI,

avocat en ce même barreau, pour la S.A.M. B.& C. en leurs plaidoiries à l'audience du 19 janvier 2023 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Monsieur v. A. a été embauché le 1er octobre 2012 en qualité d'Assistant Comptable par la société anonyme monégasque B.& C. Il a été licencié pour faute grave par courrier du 10 juillet 2020.

Par requête reçue le 24 décembre 2020, Monsieur v. A. saisissait le Tribunal du travail en sollicitant la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement irrégulier et abusif et l'annulation de la mise à pied du 23 juin au 10 juillet 2020 et en conséquence :

* 6.886,64 euros d'indemnité de préavis (2 mois),

* 12.808,89 euros d'indemnité de licenciement,

* 1.944,88 euros de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire,

* 194,48 euros de congés payés afférents,

* 1.118,75 euros de salaire au titre de la période de congés sans solde,

* 111,87 euros de congés payés afférents,

* 37.200 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral,

la régularisation auprès des Organismes Sociaux, le tout avec intérêts au taux légal ayant couru depuis le 10 juillet 2020 et assorti de l'exécution provisoire.

* les dépens.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions considérées comme récapitulatives du 23 décembre 2022, Monsieur v. A. sollicite le rejet des pièces adverses nos 29, 30, 33 et 34. Il sollicite que la remise des documents sociaux rectifiés soit assortie d'une astreinte de 200 euros par jour de retard.

Il réclame la somme de 5.000 euros pour remboursement des frais de justice.

Monsieur v. A. fait valoir pour l'essentiel que :

* les attestations communiquées par la défenderesse ne mentionnent pas le lien de subordination ou d'intérêt avec les parties et sont en conséquence nulles,

* il a été accusé d'abandon de poste de manière injustifiée,

* dès le mois de mars 2020 et face aux répercussions de l'annonce du confinement, l'employeur a affiché sa volonté de mettre un terme au contrat de travail de Monsieur v. A.

* s'il a quitté son poste le 17 mars c'est qu'il était cas contact COVID et qu'il lui était alors imposé une mise en quarantaine,

* il en avait informé l'Administrateur délégué, C.du Président délégué,

* son employeur lui annonçait verbalement qu'il avait l'intention de le licencier,

* il s'est ensuite retrouvé confiné sans aucune information de son employeur sur les modalités de télétravail,

* il est le seul à s'être vu refuser le télétravail alors que son poste le permettait parfaitement,

* il n'a pas pu se rendre sur son lieu de travail, l'employeur ne lui ayant pas remis d'attestation de déplacement,

* jusqu'au 6 avril il ne recevait aucune information de son employeur, hormis son bulletin de salaire de mars amputé de jours non travaillés de manière injustifiée,

* lors de sa réclamation, son employeur maintenait son intention de le licencier, lui précisant que cela était reporté en l'état du confinement,

* puis, dès le 10 avril l'employeur a exercé des pressions pour le faire démissionner,

* or, Monsieur v. A. n'a jamais reconnu avoir abandonné son poste ni souhaité rompre son contrat,

* au déconfinement il lui a été refusé l'accès à l'entreprise sans motif,

* ce n'est que le 27 mai que l'employeur lui a fixé un rendez-vous le 2 juin au cours duquel il a tenté de lui imposer de prendre des congés payés,

* puis il lui a proposé de reprendre le travail mais sur un autre poste, l'employeur l'ayant déjà remplacé dans ses fonctions,

* la salariée concernée était en contrat d'apprentissage à échéance du 22 mai 2020 et a bien était embauchée effectivement à son issue pour remplacer Monsieur v. A. à un niveau de rémunération moins élevé,

* lors de sa reprise, il va lui être confié de nouvelles missions, dans des conditions particulièrement humiliantes,

* il sera ensuite faussement accusé d'avoir proféré des menaces alors qu'il refusait simplement une réduction de son temps de travail tel que cela est son droit,

* l'employeur a prétexté de faux motifs pour se débarrasser d'un salarié qui lui coûtait trop cher,

* les griefs relatifs à l'insuffisance professionnelle et aux retards ne peuvent constituer une faute grave,

* ils étaient en outre antérieurs à l'interdiction des licenciements pendant le confinement,

* il n'avait jamais fait l'objet de la moindre remarque,

* ils ne sont en tout état de cause pas constitués,

* les attestants manquent d'impartialité,

* il est reproché à Monsieur v. A. une insuffisance sur des missions ne relevant nullement de ses fonctions d'Assistant Comptable,

* aucun propos menaçant n'a jamais été prononcé par le salarié,

* en l'absence de motif valable au licenciement, le salarié est en droit d'obtenir l'intégralité des indemnités de rupture,

* il doit en outre percevoir les salaires indûment retenus au titre d'une absence injustifiée inexistante et d'une mise à pied conservatoire infondée,

* les circonstances, les conditions et les modalités de la rupture du contrat de travail ont été particulièrement abusives,

* il a subi des humiliations et vexations afin de tenter de le faire démissionner,

* il a été déstabilisé et choqué,

* il subit une perte de revenu de presque 50 %,

* en outre, l'employeur violant ses obligations relatives à la mise en place d'institutions représentatives, il a causé un préjudice le privant d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts.

Par conclusions considérées comme récapitulatives du 14 juillet 2022, la S.A.M. B.& C. sollicite le bâtonnement d'un paragraphe, le débouté de l'intégralité des demandes de Monsieur v. A. outre sa condamnation à 5.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi de la désorganisation engendrée par l'abandon de poste, 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* les attestations sont recevables, l'intérêt au litige et le lien de subordination s'appréciant par le contenu même de l'attestation,

* les accusations de rétribution en espèces des intérimaires, étayées par aucun élément de preuve, sont diffamatoires et ne sauraient être produits,

* elles causent en outre un préjudice d'image,

* après quelques années de fonctions, Monsieur v. A. a manifesté un désintérêt pour ses fonctions, accumulant les retards et les négligences,

* il reconnaît d'ailleurs ces retards et de manière plus générale un non-respect des horaires de travail,

* contrairement à ce qu'il affirme, le salarié était bien en charge de l'inventaire du matériel,

* il lui a été fait savoir à de nombreuses reprises que son comportement perturbait la bonne marche de l'entreprise,

* Monsieur v. A. a disparu de son poste le 17 mars 2020, ne répondant plus aux appels et mails,

* il réapparaissait le 25, suite à un courriel du 24 l'informant que son absence injustifiée constituait un abandon de poste,

* il n'apportait néanmoins aucune explication, raison pour laquelle elle n'était pas rémunérée,

* son actuelle justification de cas contact n'a pu être portée à sa connaissance qu'après son abandon de poste,

* lors de l'entretien du 25, Monsieur v. A. a convenu qu'un licenciement allait devoir être envisagé,

* en raison de la crise sanitaire, l'employeur décidait de suspendre toute rupture de manière bienveillante,

* Monsieur v. A. n'a pas été placé en télétravail en l'absence de matériel le permettant,

* seuls les postes fondamentaux ont continué à travailler, en se rendant au bureau,

* Monsieur v. A. ne s'est jamais manifesté pour obtenir une attestation de déplacement,

* son absence injustifiée a désorganisé l'entreprise,

* au terme du confinement il était accordé une nouvelle chance au salarié,

* la reprise des salariés s'est faite de manière progressive, sans aucune mise à l'écart, avec une réorganisation des locaux afin d'assurer la distanciation sociale,

* au lieu de saisir sa chance Monsieur v. A. se braquait et se montrait récalcitrant à accomplir ses missions et respecter ses horaires,

* la visite de chantier pour inventaire relevait d'une mission ponctuelle qui avait été rendue nécessaire par son manque de sérieux et d'implication,

* la situation atteignait son paroxysme le 22 juin, Monsieur v. A. s'emportant violemment et proférait devant témoin des menaces à l'encontre du Président délégué,

* il réitérait ses propos le soir même devant l'Administrateur délégué,

* son maintien dans les effectifs devenait alors impossible,

* la discussion n'avait porté que sur le respect des horaires et nullement sur une diminution de son temps de travail,

* aucun motif fallacieux ne sous-tend le licenciement,

* le prétendu faux motif économique est d'ailleurs contrecarré par la preuve que la société n'a procédé à aucun licenciement après la crise sanitaire,

* Monsieur v. A. est défaillant à démontrer avoir subi la moindre pression.

SUR CE,

Sur les attestations

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, les attestations doivent notamment mentionner le lien de subordination ou d'intérêt avec les parties. Cette obligation est instituée afin de permettre au Tribunal d'apprécier le degré d'objectivité de l'attestant. Elle n'impose pas la rédaction stricto sensu d'une mention relative à ces liens, mais qu'ils apparaissent clairement dans l'attestation afin que le Tribunal soit suffisamment éclairé.

La pièce n° 29 produite par le défendeur est une attestation de Monsieur f.D.employé de la S.A.M. B.& C. Elle est dès lors conforme aux exigences légales quant aux mentions relatives aux liens de subordination et d'intérêt.

La pièce n° 33 produite par le défendeur est une attestation de Monsieur E. employé de la S.A.M. B.& C. Elle est dès lors conforme aux exigences légales quant aux mentions relatives aux liens de subordination et d'intérêt.

La pièce n° 34 produite par le défendeur est une attestation de Monsieur F. employé de la S.A.M. B.& C. Elle est dès lors conforme aux exigences légales quant aux mentions relatives aux liens de subordination et d'intérêt.

La pièce n° 30 produite par le défendeur est une attestation de Monsieur h.G. S'il mentionne l'absence de lien de parenté, d'alliance ou d'intérêt, il n'atteste pas ne pas avoir de lien de subordination. En effet, s'il se déclare employé de la SAM H. il explique que son poste de travail se trouvait dans les mêmes locaux que le bureau de Monsieur s.B. employeur en sa qualité d'Administrateur délégué de la S.A.M. B.& C. Dès lors, le lien de subordination qui existe est clairement mentionné.

La demande de nullité de pièce des pièces nos 29, 30, 33 et 34 sera en conséquence rejetée.

Sur le congé sans solde

La rémunération est la contrepartie de l'effectivité du travail. Le salarié qui n'exécute pas son travail sans motif légitime n'a pas droit à rémunération.

Monsieur v. A. conteste la retenue sur salaire opérée par son employeur pour la période du 17 au 26 mars 2020.

Il ne conteste pas son absence mais indique qu'elle était justifiée par un motif sanitaire et qu'elle avait été annoncée à son employeur. Or, il ne le démontre pas.

Il ressort en effet de l'analyse des pièces que Monsieur v. A. a été invité à appeler le bureau le 17 mars à 16 h 10. Il n'apparaît pas que le salarié ait répondu à cette demande avant le 23 mars, soit six jours après. En effet, selon le mail du 24 mars de Monsieur s.B. ce n'est que la veille que le salarié aurait téléphoné. Il lui était alors reproché d'avoir abandonné son poste sans autorisation. Monsieur v. A. n'apportait aucune réponse. Ce n'est que le 19 avril 2020 qu'il évoquait la nécessité de se confiner suite à un contact avec un potentiel porteur de virus, sans jamais en justifier.

En présence d'une absence avérée non justifiée du salarié, c'est à bon droit que l'employeur n'a pas versé le salaire en plaçant son salarié en congés sans solde et la demande de Monsieur v. A. sera rejetée.

Sur le licenciement

Constitue une faute grave celle qui rend impossible le maintien en fonction du salarié dans l'entreprise. La faute grave doit résulter soit d'un fait unique, soit d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations s'attachant à son emploi.

Par ailleurs, l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à tenir compte de griefs antérieurs pour justifier une sanction aggravée reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié, tel son licenciement.

En l'espèce, Monsieur v. A. a été licencié par lettre du 7 juillet 2020 pour les motifs suivants :

* « À plusieurs reprises, ce que vous avez reconnu, tant le Président délégué que moi-même avons dû vous rappeler à l'ordre ces derniers mois, ces deux dernières années, pour vous reprocher vos retards quotidiens et votre manque d'attention et d'organisation qui entravent notre bon fonctionnement...

* Pour toutes ces raisons, nous vous avons indiqué à la fin du mois de mars 2020 que la situation ne pouvait perdurer de la sorte et que nous envisagions dès lors la rupture de votre contrat de travail. Vous avez reconnu tous les faits. Toutefois, nous ne pouvions envisager de rompre votre contrat de travail durant la période de crise sanitaire et nous vous avons informé surseoir à notre décision.

* Lors de votre reprise d'activité, nous vous avons demandé de mettre à jour vos fichiers et le Président délégué a été amené à vous demander une fois encore de respecter les horaires de travail.

* C'est alors que la situation a atteint un point de non-retour le 22 juin 2020 en fin d'après-midi. Alors que Monsieur j.B.vous demandait de vous conformer aux horaires, vous vous êtes vivement emporté. Vous avez haussé la voix et commencé à devenir menaçant. Le président délégué vous a alors demandé de quitter les locaux. De manière très menaçante vous lui avez répondu : " si vous touchez à mon salaire de toute façon je sais où vous habitez ". Lorsque Monsieur B.vous a demandé si cela était une menace, vous avez répété " je sais où vous habitez ! ".

* Dans la soirée, lorsque je vous ai personnellement demandé des explications, vous m'avez répondu qu'il ne s'agissait pas d'une menace mais " juste d'un avertissement " !

* Un tel comportement est absolument inacceptable au sein d'une entreprise, que ce soit à l'égard du dirigeant ou même d'un simple collègue de travail. Quel que soit l'enjeu, nous ne pouvons tolérer que vous menaciez quiconque d'aller le trouver chez lui.

* C'est pourquoi nous avons été contraints de vous mettre à pied à titre conservatoire et d'engager immédiatement une procédure de licenciement pour faute grave. Vous avez refusé de recevoir en mains propres la convocation à entretien préalable et refusé de quitter les locaux, nous contraignant à recourir à l'intervention de la Sûreté Publique.

* Lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas reconnu avoir menacé Monsieur B.et pourtant vous avez répété " s'il ne me paye pas, je vais aller le voir chez lui ! ".

* Eu égard à tout ce qui précède, nous n'avons d'autre choix que de procéder à votre licenciement pour faute grave. Compte tenu de la gravité des faits qui vous reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis ».

L'employeur, sur lequel la charge de la preuve incombe, doit démontrer la réalité du motif, à savoir en l'espèce le comportement et les propos menaçants.

En l'espèce, les faits de menaces dénoncés par Messieurs j.et s.B. respectivement Président Délégué et Administrateur Délégué, sont corroborés par deux attestations de salariés présents au bureau au moment des faits. S'il est exact que ces deux personnes disposent d'un lien de subordination avec l'employeur, ils ont conscience des risques encourus en cas de fausse attestation. Par ailleurs, écarter par principe toute attestation émanant d'un salarié rendrait impossible à tout employeur de rapporter la preuve de ce qui se déroule au sein de son entreprise puisque, par définition, il est peu probable que des tiers se trouvent au sein des locaux.

La lecture des attestations conforte le déroulé de l'incident. En effet, Monsieur f.D.présent lors de la discussion entre Monsieur v. A. et Monsieur j.B.au sujet du respect des horaires de travail, relate bien que le salarié a, dans un premier temps, été invité à quitter les lieux et qu'il a alors dit « si vous changez ou touchez mon salaire de toute façon je sais où vous habitez », puis qu'il a répété « si vous touchez mon salaire, je sais où vous habitez » . Quant à Monsieur G. il a assisté aux reproches faits par Monsieur s.B.sur les menaces qui venaient d'être proférées et a pu entendre Monsieur v. A. dire « qu'il n'avait pas intention de menacer son père, pour lui c'était juste un avertissement ». La crédibilité de cette attestation est renforcée par le fait que le témoin atteste ne pas avoir assisté à la suite de la discussion.

À l'inverse, la version de Monsieur v. A. selon laquelle Monsieur j.B.aurait voulu lui imposer une modification d'horaires et se serait emporté n'est confortée par aucun élément et ne peut emporter la conviction.

Le grief est ainsi suffisamment établi. Quant à sa qualification de faute grave, elle est intrinsèquement contenue dans le qualificatif de menace, aucun propos de tel nature ne pouvant être tenu dans le cadre d'une relation de travail, quel que ce soit le contexte, les causes, voire même la légitimité de la requête initiale, et leur existence rend impossible la poursuite de la relation de travail.

Dans ces conditions, la mise à pied conservatoire, prise le 23 juin 2020 dans l'attente que la procédure de licenciement soit réalisée et qu'une décision définitive soit prise était légitime.

D'ailleurs, à l'occasion de sa notification, Monsieur v. A. a maintenu son comportement d'insubordination, refusant de quitter les lieux à la demande de son employeur. En effet, lors de l'intervention des services de police, le salarié n'a pas démenti avoir refusé de quitter les lieux, et aucune référence au problème de remise en mains propres de la convocation à entretien préalable n'a été faite.

Monsieur v. A. qui prétend que le motif de licenciement serait fallacieux est défaillant à le démontrer. En effet, contrairement à ce qu'il affirme, la salariée qui l'aurait prétendument remplacé était bien Assistante Administrative depuis le 22 mai 2017. Concernant les prétendues difficultés économiques de l'employeur, elles ne sont étayées par aucune pièce et sont contredites en l'état de l'absence de licenciement concomitant.

Dans ces conditions, les paragraphes relatifs à la prétendue rétribution d'intérimaires en espèces, qui sont parfaitement péremptoire et sous-tendues par aucun élément, portent gravement atteinte à l'honneur et la réputation du défendeur et n'ont aucun intérêt pour la cause. Il convient en conséquence d'en ordonner le bâtonnement.

Par ailleurs, aucune intention de nuire ne ressort du comportement de l'employeur. En effet, Monsieur v. A. n'avait pas contesté sa responsabilité dans les difficultés relationnelles intervenues avant le licenciement, admettant le principe d'un licenciement suite à un entretien du 25 mars et un mail du 10 avril 2020.

Concernant les conditions de reprise du travail, Monsieur v. A. n'a jamais contesté les missions qui lui étaient dévolues avant la présente procédure et son argumentation ne pourra prospérer. Il ne démontre d'ailleurs pas en quoi elles ne relèveraient pas du cadre normal de ses fonctions.

Il convient en outre de dire que le licenciement n'est pas été mis en œuvre de manière abusive. En l'espèce, l'employeur a pris la peine d'organiser un entretien préalable dans un délai permettant au salarié de préparer sa défense. Le délai de huit jours entre la tenue de l'entretien préalable et la notification de licenciement n'est par ailleurs pas déraisonnable et se justifie par le temps de réflexion nécessaire à la prise d'une décision de licenciement pour faute grave.

De même, la lettre de licenciement ne conforte ni invectives, ni termes de mépris, ni propos mensongers. En effet, le rappel des griefs autres que ceux ayant justifié le licenciement pour faute grave n'est pas abusif puisqu'ils sont fondés. Monsieur v. A. avait convenu de nombre d'entre eux au mois d'avril 2020 et n'avait pas contesté les tâches allouées à la reprise du travail, Monsieur F.attestant qu'elles relevaient bien de ses attributions.

Le licenciement n'a en conséquence pas été mis en œuvre de manière abusive.

Monsieur v. A. déplore enfin l'absence de Représentants du personnel au sein de l'entreprise.

Il convient de rappeler qu'aux termes des lois nos 459 et 957 des 19 juillet 1947 et 18 juillet 1974, des Délégués du Personnel doivent être institués par les entreprises occupant habituellement plus de dix salariés, ainsi que des Délégués Syndicaux dans les entreprises comptant au moins quarante salariés.

En l'espèce, Monsieur v. A. ne démontre pas que la S.A.M. ENTRPRISE B j.& C. répondrait à ces critères. Il n'étaye en outre pas le lien de causalité et le préjudice qu'il aurait subi du fait de l'absence de représentation du personnel dans le cadre du litige qui l'oppose à son employeur.

Monsieur v. A. sera en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes.

Sur les autres demandes

La S.A.M. B.& C. prétend que l'absence de Monsieur v. A. aurait désorganisé l'entreprise. Elle n'apporte aucun élément au soutien de sa prétention. D'ailleurs, les échanges de mails contemporains ne font état d'aucune désorganisation, mais uniquement d'un manque de soucis pour l'entreprise, les collègues et les chantiers. La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.

Si les demandes de Monsieur v. A. sont mal fondées, aucun élément ne démontre qu'il a fait un usage abusif de son droit d'ester en justice ni qu'il ait eu manifestement l'intention de nuire à son ancien employeur. La demande de dommages et intérêts sera en conséquence rejetée.

Monsieur v. A. succombant, il sera condamné aux entiers dépens.

Aux termes de l'article 238-1 du Code de procédure civile, la partie tenue aux dépens est condamnée à payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens. Néanmoins, en raison de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée, il pourra ne pas être ordonné de condamnation. En l'espèce, pour ces deux motifs, la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette la demande de nullité des pièces nos 29, 30, 33 et 34 produites par la S.A.M. B.& C.  ;

Ordonne le bâtonnement des deux paragraphes commençant par « Cette précision surabondante » et se terminant par « pénaliser d'avantage les intérimaires » de la page 13 des conclusions récapitulatives du 23 décembre 2022 de Monsieur v. A. ;

Rejette la demande de paiement de salaire sur congé sans solde ;

Rejette la demande de paiement de salaire sur mise à pied conservatoire ;

Dit que la mise à pied conservatoire du 23 juin 2020 est légitime et justifiée ;

Dit que le motif de licenciement est valable ;

Dit que le licenciement n'est pas fallacieux ;

Dit que le licenciement n'a pas été mis en œuvre de manière abusive ;

Rejette l'intégralité des demandes de Monsieur v. A. ;

Rejette la demande de dommages et intérêts de la S.A.M. B.& C. pour désorganisation de l'entreprise ;

Rejette la demande de dommages et intérêts de la S.A.M. B.& C. pour procédure abusive ;

Condamne Monsieur v. A. aux entiers dépens ;

Rejette la demande de la S.A.M. B.& C. au titre des frais irrépétibles ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Virginia BUSI et Monsieur Francis GRIFFIN, membres employeurs, Messieurs Fabrizio RIDOLFI et Jean-Pierre MESSY, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le sept avril deux mille vingt-trois.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 21035
Date de la décision : 07/04/2023

Analyses

Constitue une faute grave celle qui rend impossible le maintien en fonction du salarié dans l'entreprise. La faute grave doit résulter soit d'un fait unique, soit d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations s'attachant à son emploi. Par ailleurs, l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à tenir compte de griefs antérieurs pour justifier une sanction aggravée reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié, tel son licenciement. L'employeur, sur lequel la charge de la preuve incombe, doit démontrer la réalité du motif, à savoir en l'espèce le comportement et les propos menaçants. La faute grave est intrinsèquement contenue dans le qualificatif de menace, aucun propos de tel nature ne pouvant être tenu dans le cadre d'une relation de travail, quel que ce soit le contexte, les causes, voire la légitimité de la requête initiale, et leur existence rend impossible la poursuite de la relation de travail. Dans ces conditions, la mise à pied conservatoire, prise dans l'attente que la procédure de licenciement soit réalisée et qu'une décision définitive soit prise était légitime. D'ailleurs, à l'occasion de sa notification, M. A. a maintenu son comportement d'insubordination, refusant de quitter les lieux à la demande de son employeur. En effet, lors de l'intervention des services de police, le salarié n'a pas démenti avoir refusé de quitter les lieux, et aucune référence au problème de remise en mains propres de la convocation à entretien préalable n'a été faite.Le licenciement n'est pas été mis en œuvre de manière abusive. L'employeur a pris la peine d'organiser un entretien préalable dans un délai permettant au salarié de préparer sa défense. Le délai de huit jours entre la tenue de l'entretien préalable et la notification de licenciement n'est par ailleurs pas déraisonnable et se justifie par le temps de réflexion nécessaire à la prise d'une décision de licenciement pour faute grave. De même, la lettre de licenciement ne conforte ni invectives, ni termes de mépris, ni propos mensongers. En effet, le rappel des griefs autres que ceux ayant justifié le licenciement pour faute grave n'est pas abusif puisqu'ils sont fondés. Monsieur v. A. avait convenu de nombre d'entre eux au mois d'avril 2020 et n'avait pas contesté les tâches allouées à la reprise du travail, M. F. attestant qu'elles relevaient bien de ses attributions.

Rupture du contrat de travail  - Pouvoir disciplinaire.

Licenciement - Menaces - Mise à pied conservatoire - Faute grave (oui) - Motif valable (oui) - Caractère abusif (non).


Parties
Demandeurs : Monsieur v. A.
Défendeurs : La société anonyme monégasque B.& C.

Références :

article 238-1 du Code de procédure civile
article 324 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2023-04-07;21035 ?

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