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02/12/2022 | MONACO | N°20823

Monaco | Tribunal du travail, 2 décembre 2022, Monsieur A. c/ La société B. B.


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 2 DÉCEMBRE 2022

En la cause de Monsieur A., demeurant X1 à NICE (06000) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la

Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Olivier ROMANI, avocat au barreau de Nice, substitué par

Maître Virginie POULET-CALMET, avocat en ce même barreau ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B. B., dont le siège social se situe « X2, X2à MONACO ;

Défenderesse, ayan

t élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Del...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 2 DÉCEMBRE 2022

En la cause de Monsieur A., demeurant X1 à NICE (06000) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la

Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Olivier ROMANI, avocat au barreau de Nice, substitué par

Maître Virginie POULET-CALMET, avocat en ce même barreau ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B. B., dont le siège social se situe « X2, X2à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Delphine FRAHI, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Yann CONIL, avocat en ce même barreau ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 29 juin 2020, reçue le même jour ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 13-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 14 juillet 2020 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur A. en date 14 juillet 2022 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. B. B., en date du 13 octobre 2022 ;

Après avoir entendu Maître Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Olivier ROMANI, avocat en ce même barreau, pour Monsieur A. et Maître Yann CONIL, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Delphine FRAHI, avocat en ce même barreau, pour la S.A.M. B. en leurs plaidoiries à l'audience du 20 octobre 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur A. a été embauché à compter du 14 mai 1990 en qualité de Programmeur par la société anonyme monégasque B. (ci-après B.. Il était licencié pour faute grave par courrier recommandé du 15 mai 2019.

Par requête du 29 juin 2020, Monsieur A. a saisi le Tribunal du travail aux fins d'obtenir :

* 50.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 105.300 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

subsidiairement 105.300 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

en tout état de cause :

* 12.150 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.250 euros de congés payés,

* 42.412,50 euros d'indemnité de congédiement,

* 105.300 euros d'indemnité contractuelle de licenciement,

* 2.056,11 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 205,61 euros de congés payés,

* 1.012,50 euros de rappel de salaires sur 13ème mois sur préavis, outre 101,25 euros de congés payés,

* la rectification de la documentation sociale sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

avec intérêts et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À défaut de conciliation l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Par conclusions récapitulatives du 14 juillet 2022, Monsieur A.augmente sa demande de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire à 3.426,93 euros, outre 342,69 euros de congés payés et sollicite la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient pour l'essentiel que :

* il a subi pendant des années des humiliations et des manœuvres déloyales de sa direction destinées à le faire craquer pour obtenir son départ,

* il a été rétrogradé à plusieurs reprises, sans le moindre avertissement ni la moindre procédure disciplinaire,

* il a été changé de poste sans la moindre information de manière brutale et arbitraire,

* il subissait néanmoins des pressions pour continuer à gérer les dossiers qui ne relevaient plus de sa responsabilité et pour lesquels les informations ne lui étaient pas communiquées,

* il a été constamment chargé de missions supplémentaires qui ne relevaient pas de ses attributions,

* il a alerté à plusieurs reprises sa hiérarchie sur les difficultés qu'il rencontrait,

* il était déplacé dans un open-space surpeuplé et bruyant,

* il ne lui était pas accordé sa bonification annuelle,

* la direction lui confiait une mission ne relevant plus de ses attributions dans un délai intenable,

* aucune enquête ni mesure n'était prise pour comprendre l'origine de la souffrance du salarié et l'aider à poursuivre sereinement son contrat de travail, et ce alors que la direction avait été alertée notamment par les Représentants du Personnel,

* il était convoqué à un entretien préalable alors qu'il se trouvait en arrêt maladie pour dépression,

* le harcèlement a occasionné d'importantes souffrances à Monsieur A.

* le licenciement étant la conséquence du harcèlement il est nul et ouvre droit à dédommagement spécifique lié à la perte de son emploi,

* ainsi qu'à toutes les indemnités dont il a été privé du fait de l'invocation d'une faute grave,

* surabondamment aucune faute grave n'est caractérisée,

* il ne peut lui être reproché des retards dans la gestion de projets dont il n'avait plus la responsabilité du fait de sa rétrogradation,

* en outre, l'employeur ne justifie pas avoir mis son salarié à même de mener sa mission en lui communiquant les informations utiles,

* Monsieur A.n'avait jamais fait l'objet de la moindre relance ou critique concernant le travail visé par la lettre de licenciement,

* au contraire, il avait avancé dans de nombreux travaux et la direction voulait lui confier l'encadrement d'une nouvelle équipe,

* aucune date ferme de livraison ne lui avait d'ailleurs été communiquée,

* suite aux reproches totalement injustifiés faits lors d'une réunion, Monsieur A. dénonçait le harcèlement dont il était victime et devait être arrêté par son Médecin pour dépression,

* il n'a jamais refusé de fournir les informations nécessaires à l'avancée du dossier, malgré son arrêt maladie,

* le licenciement pour faute grave n'étant pas justifié c'est à tort qu'il avait été mis à pied à titre conservatoire et son salaire doit lui être versé,

* les reproches formulés lors du licenciement sont fallacieux et n'avaient pour but que de s'exonérer du versement de l'indemnité contractuelle de licenciement,

* Monsieur A. a par ailleurs subi un préjudice important en termes d'image et de réputation professionnelle,

* il n'a pu retrouver d'emploi et a dû faire valoir ses droits à la retraite,

Par conclusions récapitulatives du 13 octobre 2022, la société B.sollicite le débouté de l'intégralité des demandes de Monsieur A.outre sa condamnation à 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens. Subsidiairement, elle s'en rapporte s'agissant des demandes d'indemnités de préavis, de congés payés sur préavis, de congédiement, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, de rappel de salaire de 13ème mois et de congés payés et sollicite le débouté de la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* aucun fait de harcèlement n'a jamais été commis sur Monsieur A.

* toutes les décisions contestées par lui touchaient l'ensemble du personnel et se trouvaient justifiées,

* Monsieur A. n'a jamais été rétrogradé et est toujours demeuré Responsable Technique d'Application des PEA (Plan d'Épargne en Actions),

* il a toujours conservé les mêmes attributions et n'a jamais subi de baisse de salaire,

* ses fonctions et sa position hiérarchique n'ont jamais été remises en cause et ont simplement pris place dans une nouvelle organisation,

* le salarié n'a jamais alerté son employeur d'un quelconque harcèlement et ne l'a évoqué pour la première fois qu'en saisissant la juridiction,

* le licenciement est objectivement justifié par une faute grave et est étranger à tout fait de harcèlement,

* Monsieur A. refusait d'accomplir certaines tâches, pourtant relevant de ses attributions,

* il s'est volontairement soustrait à l'accomplissement de ses obligations et s'est réfugié derrière un prétendu déclassement jamais survenu pour tenter d'échapper à ses responsabilités,

* il avait été relancé à plusieurs reprises sur les travaux à accomplir en sa qualité de Responsable Technique d'Application et sur la date ultime de leur réalisation,

* il a accumulé un retard important et préjudiciable à l'entreprise qui justifiait son licenciement pour faute grave,

* la procédure de licenciement s'est déroulée de manière respectueuse des droits du salarié.

SUR CE,

Sur le harcèlement

Aux termes de l'article 2 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 » Nul ne doit se livrer au harcèlement moral ou sexuel, au chantage sexuel et à la violence au travail «.

» Le harcèlement moral au travail est le fait de soumettre, sciemment et par quelque moyen que ce soit, dans le cadre d'une relation de travail, une personne à des actions ou omissions répétées ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à sa dignité ou se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale. «.

Cette loi a été publiée le 22 décembre 2017 et n'a pas d'effet rétroactif. Pour autant, avant son entrée en vigueur, l'employeur, tenu à une obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, devait s'assurer de ne pas soumettre ou laisser soumettre ses salariés à une quelconque situation de harcèlement.

Monsieur A. déplore avoir subi du harcèlement au travail pendant de nombreuses années, consistant en des rétrogradations régulières accompagnées de surcharge de travail et missions ne relevant pas de son niveau de responsabilité.

Il ressort des pièces versées au débat les éléments suivants :

* En mars 2010, il sollicite un entretien avec sa Direction au sujet de la nomination comme responsable de service d'un salarié qui était sous sa responsabilité. Aucune réponse ne semble lui avoir été apportée.

* En juin 2010, il déplore ne plus apparaître comme Responsable d'Application PEA. Aucune réponse ne semble lui avoir été apportée.

* En février 2012, dans le cadre d'échanges vifs avec sa Direction, il était rappelé à Monsieur A. qu'il était » Chef de filière « et qu'il était prévu la formation de deux collègues afin qu'il ne soit pas seul à connaître les sujets. S'il en déduisait que ces deux collègues étaient dorénavant sous sa responsabilité, rien de tel n'a jamais été formulé par sa hiérarchie qui s'est contentée de dire » tu as la responsabilité de la filière fiscalité « et » pour que tu ne sois pas le seul à connaître les sujets, il faut faire des formations «.

* Il lui était en outre fait le reproche de ne pas prendre l'initiative d'échanger les informations avec l'équipe.

En conclusions, Monsieur A. indiquait :

* » Suite à notre conversation rapide où nous avons calmé les choses. Je suis donc chef de filière avec dans mon équipe Xavier et Jean-Pierre. Je vais le leur annoncer...

* J'espère que tout le monde est conscient que la filière fiscalité est un domaine sensible, difficile, en évolution perpétuelle et qui réclame beaucoup de connaissances. Je ne te cache pas que ce poste m'inquiète dans la situation où se trouve ce service, tant en termes de ressources que de connaissances. A mon avis il faudra renforcer le service. Je ne pourrai pas mener ce rôle à bien sans l'aide et la confiance de la hiérarchie car il y a beaucoup de choses à améliorer « .

Aucune réponse ne semble lui avoir été apportée.

Dès les mois de mars et avril 2012, Monsieur A.alertait sa hiérarchie sur sa surcharge de travail, sans qu'aucune réponse ne semble lui avoir été apportée.

En septembre 2012, suite à une demande de déblocage de situation, Monsieur A. se plaignait de la pression subie et des conditions de travail dans l'urgence.

En novembre 2012, en réponse à une alerte de sa hiérarchie, Monsieur A. répondait qu'il avait déjà fait part de ses inquiétudes et qu'il se sentait désigné comme seul responsable. Il indiquait être débordé et fatigué. Aucune réponse ne semble avoir été apportée.

En décembre 2012, il alertait sa hiérarchie sur la charge monstrueuse de travail, sans réponse.

En décembre 2013, il était convoqué à un entretien d'évaluation en présence de Monsieur C.

Selon Monsieur A. cela correspondrait à une nouvelle rétrogradation. Il estimait qu'il était censé être Chef de filière fiscalité et que Monsieur C.ne serait qu'un simple analyste concepteur.

Le poste de Monsieur C.est inconnu à cette date-là. En revanche, en septembre 2015, il était Responsable de la filière fiscalité, instruments financiers (PPM1). Quant à Monsieur A. il dépendait de la filière OPCVM, conservation, PEA, éditique (PPM3), dont la » Responsable d'Équipe « était Madame D. elle-même étant désignée comme » Responsable d'Application PEA, abattements «.

En septembre 2017, Madame D. était toujours » Responsable de l'équipe OPCVM, conservation, PEA, communication «. Les responsabilités des membres de l'équipe n'étaient pas détaillées dans le document créé par la société B. Néanmoins, alors que Monsieur A.et ses autres collègues étaient listés de manière alphabétique, Monsieur E. apparaissait en tête de l'équipe. Il en était de même de Monsieur C. en tête de la rubrique » fiscalité, instruments financiers «.

La désignation de Monsieur E.en tête des autres collaborateurs de l'équipe PEA était confirmée par la présentation de septembre 2019, faisant apparaître Madame D. » Responsable d'équipe « et Monsieur E. » Responsable d'application «.

Dès la fin de l'année 2017, Monsieur A.s'était plaint de cette nouvelle organisation, estimant avoir été déclassé. Il estimait qu'en l'absence de rétrogradation formelle seule Madame D. demeurait sa Responsable directe. Il lui était alors répondu qu'il avait toujours été » Responsable Technique d'Application « et que Monsieur E.avait été nommé » Responsable d'Application « et qu'il lui était rattaché.

L'analyse des différents intitulés attribués par la Direction fait apparaître qu'après avoir été nommé » Chef de filière fiscalité « en 2012, Monsieur A.ne l'était plus, semble-t-il à compter de décembre 2013 ou au plus tard en septembre 2015, alors que cette responsabilité demeurait et était confiée à un autre salarié, Monsieur C. Il était alors » Responsable d'Application PEA «, sous la seule responsabilité de Madame D.

Or, à compter de septembre 2017, une hiérarchie intermédiaire était créée par la nomination de Monsieur E. en tête des membres de l'équipe OPCVM, conservation, PEA, communications. Madame D. demeurait » Responsable d'Équipe «. La nomination de Monsieur E.était confirmée en septembre 2019 par l'attribution du titre de » Responsable d'Application «.

Si la création d'une hiérarchie intermédiaire, dans le cadre de la réorganisation d'une société qui relève du pouvoir de Direction de l'employeur, n'est pas constitutive d'un déclassement des autres salariés ne bénéficiant pas d'une telle promotion, il ressort de l'analyse de la situation que Monsieur A. a bien été déclassé.

Ce n'est pas le fait qu'il soit rattaché à Monsieur E. qui pose difficulté, mais le fait qu'il n'ait plus été » Chef de filière fiscalité «, puis n'ait plus été » Responsable d'Application PEA «, responsabilités qui lui avaient pourtant été clairement confiées par son employeur (dans des mails de Madame F.de février 2012, puis dans l'organigramme du 25 septembre 2015).

Ces différentes pertes de responsabilité ont été confirmées par quatre anciens salariés.

Elles ont donné lieu à plusieurs réclamations de Monsieur A. qui, au cours de l'année 2018, a déploré être sollicité pour prendre des décisions sur les PEA alors qu'il n'était plus responsable du service. En réponse, son employeur estimait que ces missions relevaient de ses attributions en qualité de » Responsable Technique d'Application PEA « et qu'il lui appartenait de répondre aux missions confiées par Madame D.

À la fin de l'année 2018, il était confié à Monsieur A. la responsabilité du projet sur la loi de finance pour la sécurité sociale 2019. Le 14 novembre 2018, la documentation de l'observatoire de la fiscalité lui était adressée, précision faite que les textes officiels n'étaient pas encore parus. La documentation finale lui était adressée le 30 novembre 2018. À cette occasion, il lui était mis un objectif pour la fin mars 2019. Il lui était demandé un macro-chiffrage pour la semaine suivante. En l'absence de réponse, Monsieur A. était relancé le 10 décembre 2018, puis le 13 décembre. Le 17 décembre 2018, Monsieur A.échangeait avec ses collègues sur une question technique.

En parallèle de cette mission, il était sollicité afin de résoudre des incidents, ce qu'il refusait de faire.

Par mail du 14 janvier 2019, Madame F.informait Monsieur A.que la livraison du fichier Excel, du fichier PEA et des écrans pour la loi de finance sur la sécurité sociale 2019 était attendue pour le 28 février, tandis que le projet global pour le 31 mai.

Le 14 février 2019, Monsieur A.saisissait sa hiérarchie d'un certain nombre de problèmes et notamment de la découverte d'une anomalie dans le programme.

Une réunion était organisée le 15 février 2019 avec pour ordre du jour de faire un point sur le projet, d'analyser les raisons du non-respect de la livraison au 28 février et d'étudier les solutions.

Selon le compte rendu établi par la Direction :

* Monsieur A.a fait part de la complexité de la tâche et annoncé une date de livraison au 31 mars,

* la direction a proposé de l'aide par l'octroi d'un assistant,

* Monsieur A.a refusé, indiquant l'impossibilité de travailler à plusieurs sur le sujet,

* la résolution du bug décelé a été considéré comme urgente et prioritaire.

En conclusion, la Direction a constaté que les missions en cours et le projet 2019 ne pouvaient être menées de front. Il a dès lors été décidé de monter en complément une nouvelle équipe pour traiter le projet 2019 et demandé à Monsieur A. d'assurer une collaboration par des conseils et des informations.

En réponse Monsieur A. indiquait :

* qu'il ne s'était jamais engagé pour février,

* qu'il avait besoin de se concentrer et voit mal comment travailler à plusieurs sur un tableau Excel,

* qu'une aide ne ferait que lui faire perdre du temps,

* que le compte rendu était constitutif de harcèlement,

* qu'il avait été rétrogradé en 2017 et était tout de même chargé des missions du responsable qu'il n'était pas capable d'assumer.

Monsieur A. déplore également ne pas avoir perçu de bonus pour l'année 2017 et avoir été contraint de déménager dans un open-space en avril 2018 alors que son travail nécessitait une grande concentration.

Le 26 février 2019, Monsieur A. était placé en arrêt de travail pour trouble anxio-dépressif.

Le 1er mars 2019, un collègue sollicitait par message Monsieur A. afin qu'il communique le fichier Excel et le mot de passe concernant le PEA 2019, auquel il répondait immédiatement.

Ainsi, il apparaît que, contrairement à ce qu'elle affirme, la société B.n'a pas apporté de solution à la surcharge de travail de Monsieur A. mais a laissé perdurer la situation. En effet, alors qu'elle avait clairement identifié, suite à ses alertes, que le salarié ne pouvait gérer seul le projet de loi de finance sur la sécurité sociale 2019 et la résolution prioritaire du bug informatique et avait indiqué qu'il convenait de monter une équipe parallèle, elle n'en a rien fait. Monsieur A.n'a été contacté pour communiquer sa documentation de travail que le 1er mars, soit alors qu'il était déjà en arrêt de travail, et non pas suite à la réunion du 15 février au cours de laquelle la Direction avait pourtant clairement déterminé qu'il convenait qu'une équipe lui apporte de l'aide.

En prétendant apporter du soutien à son salarié en souffrance au regard de sa charge de travail, s'en rien mettre en œuvre concrètement, l'employeur a perduré dans son comportement fautif.

L'ensemble des agissements, consistant à rétrograder à plusieurs reprises son salarié de manière totalement arbitraire, injustifiée et sans même le reconnaître, tout en le maintenant sous la pression d'un rendement important, sans apporter d'aide ou de solution à ses différentes alertes sur sa surcharge de travail, jusqu'à prétendre le faire sans rien mettre en œuvre, est manifestement constitutif d'une mauvaise exécution du contrat de travail.

Ces agissements ayant conduit à une dégradation des conditions de vie du salarié et au déclenchement d'un syndrome anxio-dépressif, ils sont en outre constitutifs de harcèlement.

Le comportement répréhensible de l'employeur a occasionné un préjudice au salarié. Il a souffert d'un syndrome anxio-dépressif nécessitant un arrêt de travail à compter du 26 février 2019, prolongé jusqu'au 1er septembre 2019.

Ses anciens collègues ont également témoigné du mal être, du stress et de la dépression dont souffrait Monsieur A.face aux mesures de déclassement et à la surcharge de travail, tant en terme de quantité que de poids des responsabilités.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est équitable de condamner la société B.à verser à Monsieur A. la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement subi au travail pendant de nombreuses années, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Sur le licenciement

Sur la nullité du licenciement

Aux termes de l'article 3 de la loi n° 1.457 » Aucun employé ne saurait encourir de sanction disciplinaire ni faire l'objet de la part de son employeur d'une mesure ayant pour objet ou pour effet d'affecter défavorablement le déroulement de sa carrière pour avoir subi ou refusé de subir l'un des faits mentionnés à l'article 2, pour en avoir témoigné ou pour l'avoir relaté. Toute sanction ou toute mesure prise en méconnaissance des dispositions du précédent alinéa est nulle et de nul effet «.

En l'espèce, il a été établi que Monsieur A. a subi du harcèlement de sa Direction pendant de nombreuses années. Il n'a eu de cesse de dénoncer les agissements qui lui étaient infligés et d'alerter sa hiérarchie, ainsi que les délégués du personnel, sur sa situation. La situation a atteint son paroxysme au cours du mois de février 2019, Monsieur A.dénonçant clairement le harcèlement dont il était victime, avant de nécessiter d'être placé en arrêt de travail suite à un trouble anxio-dépressif.

Alors qu'il était en arrêt de travail et que ses missions étaient récupérées par d'autres salariés, l'employeur affirme avoir découvert l'existence d'une faute grave, nécessitant la mise en œuvre immédiate d'une procédure de licenciement malgré l'arrêt de travail.

Pour rappel, la faute grave est constituée par tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise. Elle implique une nécessité de réponse immédiate de l'employeur, sous réserve de sa connaissance des faits et du temps raisonnable nécessaire à sa réaction.

En l'espèce, Monsieur A.a été convoqué à un entretien préalable fixé au 30 avril par courrier du 19 avril, puis a été licencié par lettre du 15 mai. Un tel délai, sans aucune explication de l'employeur sur le motif de l'absence de célérité, remet en cause en lui-même l'existence d'une faute grave.

Surtout, aux termes de la lettre de licenciement, il lui est notamment reproché :

* un désintérêt pour ses missions,

* de ne pas répondre aux demandes de la hiérarchie,

* une mauvaise volonté à coopérer avec collègues,

* le refus de faire certaines missions,

* de graves négligences dans projet PEA 2019,

* une attitude de contestation et de défiance face aux solutions proposées par la Direction.

Ces griefs correspondent à un comportement que Monsieur A. aurait adopté depuis de nombreux mois et à tout le moins jusqu'au 15 février 2019, date de la réunion au cours de laquelle ces éléments étaient évoqués, voir au 25 février, dernier jour de travail effectif. Ils ne peuvent justifier la mise en œuvre d'une procédure de licenciement pour faute grave plus de deux mois après.

Il lui était également reprocher :

* une réticence à travailler en équipe et partager ses outils,

* la découverte qu'il n'aurait commencé à travailler sur le tableur Excel que le 5 février 2019,

* la preuve que le travail pouvait être fait en une dizaine de jours alors qu'il en avait mis plus de 40 l'année précédente.

Outre le fait que cette dernière affirmation n'est étayée par aucun commencement de preuve, il est établi que Monsieur A. a partagé ses outils de travail dès que cela lui a été demandé et alors qu'il était en arrêt de travail. Ils étaient dès lors en possession de la société au plus tard le 1er mars 2019. La prétendue découverte de son désintérêt pour sa mission remontant à cette date, cela ne pouvait justifier la mise en œuvre d'une procédure de licenciement pour faute grave un mois et demi après.

Il est en revanche établi que le licenciement de Monsieur A. a été l'étape ultime du harcèlement mis en œuvre depuis plusieurs années. Après l'avoir rétrogradé, tout en continuant à le charger de missions trop importantes sans jamais lui apporter l'aide demandée, l'employeur a monté une procédure de licenciement pour faute grave injustifiée. En effet, outre le délai écoulé entre les prétendues fautes et la procédure, les faits relatés au soutien de la lettre de licenciement ne sont mêmes pas démontrés.

L'employeur n'a ainsi nullement rapporté le moindre début de preuve probante que :

* la mission confiée était réalisable (précision faite qu'il omet de comptabiliser le temps nécessaire à la réparation du bug informatique),

* Monsieur A. a délaissé la mission et n'aurait commencé à y travailler que le 5 février 2019,

* les diverses missions que Monsieur A. a refusé d'accomplir à compter de 2018 relevaient de ses fonctions, et non pas de celles des » Responsable d'Équipe « et » Responsable d'Application « en titre.

Le licenciement étant la conséquence directe du harcèlement subi par Monsieur A.et de sa réaction (tentative de refuser de se laisser soumettre puis arrêt de travail pour dépression) il est nul et de nul effet.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement

Si le licenciement est nul, il n'en demeure pas moins que la relation de travail a cessé de par la responsabilité pleine et entière de l'employeur. Il emporte droit pour le salarié à percevoir toutes les indemnités de rupture.

En l'espèce, Monsieur A.avait donc droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, sauf stipulation contraire développée ou étayée, sur la base d'un salaire brut de 4.050 euros, soit 8.100 euros bruts, outre 810 euros bruts de congés payés y afférents, sommes que la société B.sera condamnée à payer avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération. Le surplus de la demande, non justifiée, étant rejeté.

La prime de treizième mois sur préavis étant également due, il convient de condamner la société B.à verser à Monsieur A.la somme de 675 euros bruts (4.050 x 2/12) à titre de reliquat, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération. Le surplus de la demande, lié au surplus du préavis réclamé, étant rejeté.

Aux termes de l'article 1er de la loi n° 845 » Tout salarié, lié par un contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de congédiement dont le montant minimum ne pourra être inférieur à celui des indemnités de même nature versées aux salariés dans les mêmes professions, commerces ou industries de la région économique voisine «.

La demande de 42.412 euros d'indemnité de congédiement, fondée sur la Convention Collective des Bureaux d'Études Techniques, n'étant pas contestée en son principe et son montant, il convient de condamner la société B.à la verser, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation.

Aux termes de l'article 2 de la loi n° 845 » Dans le cas où le licenciement n'est pas justifié par un motif jugé valable, l'employeur est tenu au paiement d'une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service chez ledit employeur ou dans son entreprise «. Cette indemnité est plafonnée à six mois de salaire et ne peut se cumuler avec l'indemnité de congédiement.

En application du contrat de travail de Monsieur A. il était stipulé dans une rubrique intitulée » INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT - CONGÉDIEMENT « que » En cas de licenciement sauf pour faute grave, vous percevrez une indemnité conventionnelle de licenciement bonifiée de manière à obtenir un mois de salaire mensuel brut pas année d'ancienneté, ladite indemnité conventionnelle étant plafonnée à 24 mois de salaire mensuel brut. Le salaire mensuel brut retenu pour le calcul de l'indemnité est celui versé à la date de notification du licenciement et est égal à 1/12 (douzième) du salaire annuel brut (hors primes).

Cette disposition, plus favorable que la loi, doit être appliquée. Au regard du salaire annuel brut de Monsieur A. (4.387,50 euros), l'indemnité contractuelle est de 105.300 euros.

Les indemnités de congédiement et de licenciement ne se cumulant pas, la société B.sera condamnée à verser à Monsieur A. la somme de 62.888 euros d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation, le surplus de la demande étant rejeté.

La mise à pied conservatoire suivant le même sort que le licenciement, il convient de condamner la société B. à verser à Monsieur A. le salaire indûment retenu, soit la somme de 3.426,93 euros bruts, outre 342,69 euros bruts de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'un élément de rémunération.

Dans toutes les hypothèses de licenciement nul, le salarié est en droit de prétendre à la réparation intégrale du préjudice subi du fait de la rupture illicite de son contrat de travail.

Monsieur A. s'est trouvé amputé d'une partie importante de ses revenus. Suite à la perte de son emploi il s'est retrouvé au chômage, puis, à compter de novembre 2020 il percevait une retraite cumulée d'environ 3.200 euros, alors qu'il pouvait prétendre continuer à percevoir un salaire mensuel de 4.387,50 euros bruts jusqu'à l'âge légal de la retraite, soit pendant trois ans. Le préjudice matériel est dès lors d'environ 70.000 euros.

Surtout, il a subi une rupture de contrat particulièrement brutal. Alors qu'il était en arrêt maladie pour dépression suite au harcèlement subi depuis de nombreuses années, il a été soudainement mis à pied à titre conservatoire avec rétention de salaire. Il est d'ailleurs intéressant de souligner le caractère uniquement humiliant d'une telle mesure. En effet, le salarié étant en arrêt maladie depuis déjà presque deux mois, l'utilité d'une telle mesure, dont le but est d'écarter un salarié fautif de l'entreprise afin de mettre un terme à ses agissements potentiellement dommageable, a été totalement dévoyée par l'employeur.

Il s'est en outre fait accuser de faute grave, caractérisée par de multiples fautes inexistantes, ce qui est en soi vexatoire et humiliant.

Il a été traité de la sorte après vingt-neuf ans de service sans le moindre avertissement et alors qu'il était dans une situation psychologique particulièrement fragile.

Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de condamner la société B.à verser à Monsieur A. la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts en réparation de la nullité du licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

Sur les autres demandes

Le licenciement ayant été annulé, ainsi que la mise à pied, il convient d'ordonner la rectification de la documentation sociale. Si un délai de deux mois à compter du prononcé de la présente décision doit être accordé à la société B. afin de lui permettre de remplir son obligation, il conviendra, compte tenu de l'attitude particulièrement abusive de l'employeur, de l'assortir d'une astreinte de 50 euros par jour de retard afin de s'assurer de sa bonne exécution.

La société B.succombant dans l'intégralité de ses demandes, il convient de rejeter sa demande au titre des frais irrépétibles et de la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de l'article 238-1 du Code de procédure civile, la partie tenue aux dépens est condamnée à payer à l'autre partie une somme au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens. Il est en conséquence équitable de condamner la société B.à verser à Monsieur A. la somme de 2.000 euros .

La nécessité à ce que l'exécution provisoire soit ordonnée pour le surplus n'étant pas caractérisée, il n'y a pas lieu de l'ordonner.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Condamne la société anonyme monégasque B. B. à verser à Monsieur A. la somme de 50.000 euros (cinquante mille euros) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral au travail, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

Prononce la nullité du licenciement de Monsieur A.;

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à Monsieur A. la somme de 8.100 euros bruts (huit mille cent euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 810 euros bruts (huit cent dix euros) de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Rejette le surplus de la demande ;

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à Monsieur A. la somme de 675 euros bruts (six cent soixante-quinze euros) à titre de reliquat d'indemnité de 13ème mois, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Rejette le surplus de la demande ;

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à Monsieur A. la somme de 42.412 euros (quarante-deux mille quatre cent douze euros) à titre d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation ;

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à Monsieur A. la somme de 62.888 euros ( soixante-deux mille huit cent quatre-vingt-huit euros ) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation ;

Rejette le surplus de la demande ;

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à Monsieur A. la somme de 3.426,93 euros bruts (trois mille quatre cent vingt-six euros et quatre-vingt-treize centimes) à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 342,69 euros bruts (trois cent quarante-deux euros et soixante-neuf centimes) de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à Monsieur A. la somme de 100.000 euros (cent mille euros) de dommages et intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

Ordonne la rectification de la documentation sociale, dans un délai de deux mois à compter du prononcé du présent jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;

Condamne la société anonyme monégasque B. aux entiers dépens de l'instance ;

Rejette la demande de la société anonyme monégasque B. au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société anonyme monégasque B. B. à verser à Monsieur A. la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus ;

Composition

Ainsi jugé par Madame Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Maurice COHEN et Alain HACHE, membres employeurs, Messieurs Bernard ASSO et Gilles UGOLINO, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le deux décembre deux mille vingt-deux .

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20823
Date de la décision : 02/12/2022

Analyses

Il doit être alloué au salarié la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement subi au travail pendant de nombreuses années dans la mesure où le comportement répréhensible de l'employeur lui a occasionné un préjudice. En effet, d'une part, l'ensemble des agissements, consistant à rétrograder à plusieurs reprises son salarié de manière totalement arbitraire, injustifiée et sans même le reconnaître, tout en le maintenant sous la pression d'un rendement important, sans apporter d'aide ou de solution à ses différentes alertes sur sa surcharge de travail, jusqu'à prétendre le faire et sans finalement rien mettre en œuvre, est manifestement constitutif d'une mauvaise exécution du contrat de travail. D'autre part, ces agissements ont conduit à une dégradation des conditions de vie du salarié et au déclenchement d'un syndrome anxio-dépressif.Il doit être alloué au salarié la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement dans la mesure où son licenciement a constitué l'étape ultime du harcèlement mis en œuvre depuis plusieurs années. En effet, le licenciement, qui est la conséquence directe du harcèlement subi par le salarié et de sa réaction, à savoir sa tentative de refuser de se laisser soumettre puis sa mise en arrêt de travail pour dépression, est nul.

Conditions de travail  - Responsabilité de l'employeur  - Rupture du contrat de travail.

Travail - Harcèlement moral - Rétrogradation - Création d'une hiérarchie intermédiaire - Surcharge de travail - Inertie de l'employeur - Dégradations des conditions de travail - Etat réactionnel anxio-dépressif - Nullité du licenciement.


Parties
Demandeurs : Monsieur A.
Défendeurs : La société B. B.

Références :

article 2 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017
article 238-1 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2022-12-02;20823 ?

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