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07/09/2022 | MONACO | N°20666

Monaco | Tribunal du travail, 7 septembre 2022, Monsieur A. c/ SARL C.


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 SEPTEMBRE 2022

En la cause de Monsieur A., demeurant X1 à MONACO ;

Demandeur, comparaissant en personne ;

d'une part ;

Contre :

La société à responsabilité limitée dénommée B. devenue depuis lors S.A.R.L. C., dont le siège social se situe C/o X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conf

ormément à la loi ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 38-2019/2020 ;

Vu le jugement avant-dire-droit du Tribunal du trava...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 SEPTEMBRE 2022

En la cause de Monsieur A., demeurant X1 à MONACO ;

Demandeur, comparaissant en personne ;

d'une part ;

Contre :

La société à responsabilité limitée dénommée B. devenue depuis lors S.A.R.L. C., dont le siège social se situe C/o X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 38-2019/2020 ;

Vu le jugement avant-dire-droit du Tribunal du travail en date du 27 avril 2022 ;

Vu les conclusions de Monsieur A. en personne, reçues le 3 juin 2022 ;

Vu les conclusions de Maître Clyde BILLAUD, avocat au nom de la S.A.R.L. B. devenue S.A.R.L. C. en date du 21 juin 2022 ;

Ouï Monsieur A. en personne, en ses observations et explications à l'audience de plaidoirie du 23 juin 2022 ;

Ouï Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appel de Monaco, pour la S.A.R.L. B. devenue S.A.R.L. C. en sa plaidoirie à l'audience du 23 juin 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Dans un litige opposant Monsieur A. à la société à responsabilité limitée B. devenue société à responsabilité limitée C. au sujet de paiement de salaires, congés payés et de régularisation de situation administrative, le Tribunal du travail a, par jugement avant-dire-droit du 27 avril 2022, soulevé d'office le moyen tenant à sa compétence et à la recevabilité des demandes reconventionnelles, subsidiaires et infiniment subsidiaires de la S.A.R.L. B.et invité les parties à y répondre.

Par conclusions du 3 juin 2022, Monsieur A. conclut à la compétence du Tribunal du travail et à l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles, subsidiaires et infiniment subsidiaires de la S.A.R.L. B.

Il fait valoir pour l'essentiel que :

* les éléments du contrat de travail sont réunis,

* l'appréciation de la validité d'un contrat de travail constitue un différend individuel né à l'occasion d'une relation de travail entrant dans le champ de compétence du Tribunal du travail,

* les demandes nouvelles non soumises au préliminaire de conciliation sont irrecevables.

Par conclusions du 21 juin 2022, la S.A.R.L. C. conclut à la compétence du Tribunal du travail et à la recevabilité de ses demandes reconventionnelles. Elle soutient pour l'essentiel que :

* le Tribunal du travail est compétent relativement aux contentieux portant sur l'existence ou la validité d'un contrat de travail,

* la question de sa nullité ou de sa résolution relève donc de sa compétence,

* aucune disposition de la loi n° 446 ne soumet les demandes reconventionnelles à un préliminaire de conciliation,

* en outre la S.A.R.L. C. n'a pu prendre connaissance de la procédure qu'au mois de septembre 2020 compte tenu de la procédure de liquidation de la S.A.R.L. B.et n'a pas été en mesure de formuler ses demandes.

Se prévalant d'un contrat de travail à compter du 1er juin 2018, Monsieur A. avait saisi, le 16 décembre 2019, le Bureau de Conciliation du Tribunal du travail aux fins de voir :

* le paiement de ses salaires depuis le 1er avril 2019 jusqu'au 24 novembre 2019 soit la somme de 4.997 euros,

* le paiement de ses congés payés depuis son embauche le 18 juin 2018,

* la régularisation de son inscription aux Caisses Sociales suspendue au 31 juillet 2019,

* la régularisation de son inscription à la Caisse des Congés Payés du Bâtiment au 31 juillet 2019.À défaut de comparution de la S.A.R.L. B.il avait été dressé un procès-verbal de défaut et Monsieur A. saisissait le Bureau de Jugement.

Par conclusions des 8 juillet 2020 et 10 février 2021, Monsieur A. sollicitait :

* la condamnation de la S.A.R.L. B.au paiement de la somme de 5.066,70 euros au titre des salaires pour la période du 1er avril 2019 au 24 novembre 2019 avec intérêts au taux légal,

* la condamnation de la S.A.R.L. B. au règlement des congés payés non réglés par la Caisse du Bâtiment de Monaco, soit environ 59 ou 41 jours, avec intérêts au taux légal,

* la condamnation de la S.A.R.L. B. à la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière et rupture abusive de contrat,

* la condamnation de la S.A.R.L. B. à la somme de 1.310,92 euros de dommages et intérêts pour ne pas lui avoir permis de bénéficier des allocations chômage jusqu'au 1er février 2020 en ne lui fournissant pas les documents nécessaires,

* la condamnation de la S.A.R.L. B. aux dépens de l'instance.

À l'audience de plaidoirie du 17 février 2022, Monsieur A. indiquait que son nouveau calcul était recevable et qu'à défaut de comparution de l'employeur devant le Bureau de Conciliation, ladite conciliation était devenue caduque.

Au fond, il soutenait pour l'essentiel que :

* il a été embauché pour environ 71 heures mensuelles en appui du Gérant dans le cadre du développement de la société B.

* il n'a jamais été incriminé pour une prétendue absence de prestations,

* il a participé à un salon professionnel de quelques jours en septembre 2018 pour le compte de la S.A.R.L. B.

* il a réalisé des introductions commerciales,

* il ne disposait pas de téléphone ou de boîte mail dédiée et communiquait via ses outils personnels,

* en novembre 2018 il a confié à la S.A.R.L. B. les travaux de rénovation d'une villa permettant de dégager une marge nette de 50.000 euros,

* il a été licencié à compter du 31 juillet 2019 sans en être informé et sans respect des formes légales,

* il n'a jamais été convoqué à un quelconque entretien de licenciement ni n'a été avisé dans les formes de son licenciement avant le 22 octobre 2019,

* il a été radié arbitrairement des affiliations aux Caisses Sociales et Caisse de Congés Payés du Bâtiment le 31 juillet 2019,

* il n'a ainsi pas pu être remboursé de ses frais de santé et le paiement de ses congés s'est trouvé échu,

* depuis le 1er avril 2019 son salaire n'a plus été versé,

* ses congés payés n'ont plus été payés depuis le 1er juin 2018,

* à compter du 22 octobre 2019 il n'a plus bénéficié de couverture sociale et a dû prendre en charge ses dépenses de santé et celles de son épouse sans emploi sur cette période,

Par conclusions des 10 décembre 2020 et 1er avril 2021, la S.A.R.L. B. devenue S.A.R.L. C. sollicitait :

À titre liminaire l'irrecevabilité des demandes non soumises au préliminaire de conciliation :

* la demande supérieure à 4.997 euros au titre des salaires,

* la demande au titre des congés payés non quantifiées au préliminaire de conciliation,

* la demande visant à la condamnation aux intérêts légaux,

* la demande en condamnation à 3.000 euros de dommages et intérêts,

* la demande en condamnation à 1.310,92 euros de dommages et intérêts,

À titre principal :

* la nullité du contrat de travail liant la S.A.R.L. B. à Monsieur A.

* à défaut, la résolution du contrat de travail liant la S.A.R.L. B. à Monsieur A.

* le débouté de Monsieur A.de l'intégralité de ses demandes,

À titre reconventionnel :

* la restitution par Monsieur A. à la S.A.R.L. B.de la somme de 6.491,18 euros au titre des « salaires » versés pour la période de juin 2018 à mars 2019,

* la condamnation de Monsieur A. à la somme de 8.339,44 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier,

* la condamnation de Monsieur A. à la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

À titre subsidiaire :

* de dire et juger que la S.A.R.L. B. doit procéder au règlement des sommes dues au titre de l'indemnité de licenciement et de préavis,

* débouter Monsieur A.de toutes ses demandes,

À titre infiniment subsidiaire :

* de dire et juger que la S.A.R.L. B. doit procéder au règlement de la somme de 5.628,47 euros à Monsieur A.

* débouter Monsieur A.de toutes ses demandes,

En tout état de cause :

* condamner Monsieur A. aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Clyde BILLAUD, avocat, sous sa due affirmation.

La S.A.R.L. B. devenue S.A.R.L. C. faisait valoir pour l'essentiel que :

* le Bureau de Jugement ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum,

* si le demandeur peut modifier ses demandes devant le Bureau de Conciliation, une telle possibilité ne lui est pas ouverte devant le Bureau de Jugement,

* les demandes modifiées et augmentées de Monsieur A. sont irrecevables,

* Monsieur A. qui avait confié la réalisation de son chantier personnel à la S.A.R.L. B. a été embauché à compter du 1er juin 2018 en qualité de Commercial,

* il n'a jamais réalisé une seule tâche dans le cadre de cet emploi, n'a adressé aucun courriel, passé aucun appel, ni contacté aucun client,

* il ne produit aucun justificatif si ce n'est l'impression écran d'un unique message adressé au Gérant,

* s'il a pu assister à un salon réservé aux professionnels c'était dans le but qu'il y intervienne en tant que client de la S.A.R.L. B.

* le chantier qu'il aurait apporté à la S.A.R.L. B. est le sien, pour lequel il a laissé des dettes importantes et engendré une perte pour la S.A.R.L. B.

* il ne justifie pas d'avoir apporté un autre chantier, puisqu'il ne s'est justement pas rapproché de son voisin, ce dernier ayant démarché personnellement la S.A.R.L. B. sans la recontacter finalement,

* il ne subissait aucun lien de subordination,

* une tolérance lui a été accordée en l'état de l'importance de son chantier personnel,

* les conditions de validité d'un contrat de travail (l'exécution d'un travail sous l'autorité et au profit d'une personne) ne sont pas réunies en l'espèce,

* en ne fournissant aucune prestation de travail Monsieur A. a enlevé toute cause à l'obligation de l'employeur,

* si le contrat de travail est valable il doit être résolu en l'absence de respect par Monsieur A.de ses obligations contractuelles, la fourniture d'une prestation de travail, alors que l'employeur a satisfait à son engagement en versant les salaires,

* en l'état de la nullité ou de la résolution, anéantissant le contrat, les sommes indûment versées doivent être restituées,

* par ailleurs, la S.A.R.L. B. subit un préjudice d'avoir eu à procéder au règlement des cotisations sociales de juin 2018 à octobre 2019 pour un total de 8.339,44 euros,

* la mauvaise foi de Monsieur A. a également engendré un préjudice moral,

* en tout état de cause, aucune somme n'est due à titre de salaire ou de congés payés à Monsieur A. en l'absence de prestation de travail,

* en février 2019 des retards sont apparus dans le paiement des factures de Monsieur A.

* face à un impayé de l'ordre de 80.000 euros, il a été décidé, d'un commun accord, de mettre fin au contrat de Monsieur A. à compter de juillet 2019,

* les documents de fin de contrat ont bien été établis mais ne seront jamais signés par Monsieur A.

* lors d'un entretien du 20 août 2019, il était confirmé à Monsieur A. qu'il était mis un terme au contrat de travail, ce qu'il acceptait,

* il était alors convenu d'une remise des documents de fin de contrat au mois de septembre 2019,

* Monsieur A. adressait alors une demande de règlement de salaires impayés à compter du mois d'avril 2019,

* il était invité à se rendre dans les locaux de la société le 2 septembre 2019, ce qu'il ne faisait pas,

* il a tout mis en œuvre pour retarder la rupture de son contrat afin de continuer à bénéficier d'une couverture sociale en Principauté,

* dès la livraison de son chantier il ne répondait plus à aucun appel, SMS ou courriel,

* face au non-respect des accords, la S.A.R.L. B. adressait un courrier recommandé à Monsieur A. le 22 octobre 2019 lui confirmant son licenciement et le dispensant de préavis,

* la demande relative aux congés payés est infondée puisque la S.A.R.L. B. a bien procédé à tous les règlements auprès de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment,

SUR CE,

Sur la recevabilité des demandes nouvelles de Monsieur A.

En application de l'article 1er de la loi n° 446, le Bureau de Jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.

Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de ladite loi, modifier ses demandes devant le Bureau de Conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique, ne lui est pas ouverte devant le Bureau de Jugement.

En conséquence les demandes formulées pour la première fois par Monsieur A. devant le Bureau de Jugement (les intérêts légaux, l'augmentation de sa demande de salaire de 69,70 euros, les dommages et intérêts de 3.000 euros pour licenciement abusif et les dommages et intérêts de 1.310,92 euros pour perte d'allocations chômage) sont irrecevables.

Si la non-comparution du défendeur à l'audience de conciliation ne permettait pas au demandeur d'augmenter ses prétentions, il convient de noter, d'une part, qu'il n'a pas formulé ses demandes nouvelles devant le bureau de conciliation, mais directement devant le bureau de jugement et, d'autre part, qu'il n'a pas fait application de la procédure spécifique relative aux demandes nouvelles régies par l'article 59 de la loi n° 446.

Concernant la demande de congés payés, elle est non quantifiée tant devant le bureau de conciliation que devant le bureau de jugement et par tant irrecevable. De surcroît, elle est mal fondée, l'employeur n'étant pas

redevable des congés payés en la matière, ceux-ci étant payés par la Caisse de Congés Payés du Bâtiment.

Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles, subsidiaires et infiniment subsidiaires de la S.A.R.L. C.

Si la loi n° 446 impose une phase préliminaire de conciliation, aucune disposition ne soumet les demandes reconventionnelles, que le Tribunal connaît par application de l'article 55 de la loi, à un tel préliminaire obligatoire.

Toutefois, encore faut-il que les demandes satisfassent aux critères définis par l'article 382 du Code de procédure civile, dont les dispositions sont applicables par renvoi de l'article 49 de la loi n° 446 et qu'elles :

* procèdent de la même cause que la demande principale,

* forment une défense contre cette demande,

* tendent à obtenir le bénéfice de la compensation.

En l'espèce, alors que la demande principale consiste en un paiement de salaire, les demandes reconventionnelles de la S.A.R.L. B. tendent à obtenir la restitution de salaires et la réparation du préjudice causé par la non-exécution du contrat de travail.

Quant aux demandes subsidiaires et infiniment subsidiaires elles constituent une défense à la demande principale.

Ces demandes procèdent dès lors de la même cause et sont en conséquences recevables.

Sur le fond

Dans leur présentation du litige, les parties opposent deux versions différentes, celle de Monsieur A. selon laquelle il aurait exercé une activité à temps partiel et n'aurait pas reçu l'intégralité de ses salaires, et celle de la S.A.R.L. B. devenue S.A.R.L. C. selon laquelle il n'aurait jamais rempli ses obligations et n'aurait pas exercé la moindre activité.

En l'espèce, les parties communiquent très peu d'éléments au Tribunal. Il peut toutefois être déduit de l'édition de bulletins de salaire et d'un certificat de travail, que les parties ont bien estimé avoir conclu verbalement un contrat de travail.

Toutefois, il appartient au Tribunal d'analyser le contrat litigieux et d'en révéler la véritable nature juridique. Le contrat de travail se définit comme la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé. Le salaire se définit comme la rémunération contractuelle due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier. Enfin, l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci.

Ces règles étant d'ordre public, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur.

En l'espèce, il apparaît qu'aucun travail n'a jamais été confié à Monsieur A. depuis sa date d'embauche le 1er juin 2008. Il n'a pas non plus réalisé une quelconque mission, le fait d'avoir bénéficié d'un badge d'accès à un salon professionnel n'étant pas la réalisation d'une tâche de travail.

Il n'apparaît par ailleurs pas l'existence d'un quelconque lien de subordination entre les parties, Monsieur A. ne s'étant jamais trouvé sous les ordres ou directives de la S.A.R.L. B.

En revanche, il est constant que Monsieur A. a souscrit un contrat de maîtrise d'ouvrage auprès de la S.A.R.L. B. à titre personnel en novembre 2018. La souscription de ce contrat et l'échange de message entre les parties au sujet de l'appel à l'architecte pour « la [jouer] en tenaille » ne constitue aucunement la réalisation d'un travail.

Le contrat qualifié de travail conclu entre les parties ne constituait en réalité qu'une garantie que Monsieur A. apporte son affaire à la S.A.R.L. B.et lui permette de bénéficier d'un chantier d'ampleur. Ce contrat étant fictif, Monsieur A.ne peut se prévaloir de la qualité de salarié.

Dans ces circonstances, faute de travail réalisé par le prétendu salarié et de lien de subordination, il y a lieu de se déclarer incompétent pour statuer sur les relations liant les parties, lesquelles ne s'inscrivent pas dans le cadre d'un contrat de travail.

Chacune des parties succombant, il convient de dire qu'elles conserveront la charge de leurs propres dépens, ainsi que ceux réservés par la décision du 27 avril 2022.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Déclare irrecevables les demandes de Monsieur A. de condamnation aux intérêts légaux, de paiement de 69,70 euros de salaire, de dommages et intérêts de 3.000 euros pour licenciement abusif et de dommages et intérêts de 1.310,92 euros pour perte d'allocations chômage ;

Déclare irrecevables et mal fondées les demandes de paiement de congés payés depuis son embauche et de paiement des congés payés non réglés par la Caisse de Congés Payés du Bâtiment, soit environ 59 ou 41 jours ;

Déclare recevables les demandes reconventionnelles, subsidiaires et infiniment subsidiaires formées par la société à responsabilité limitée B. devenue société à responsabilité limitée C. ;

Dit que la convention conclue entre les parties n'est pas un contrat de travail ;

Se déclare incompétent pour connaître des demandes présentées par Monsieur A.et la S.A.R.L. B. devenue S.A.R.L. C. ;

Laisse la charge de ses propres dépens, ainsi que ceux réservés par la décision du 27 avril 2022, à chacune des parties ;

Composition

Ainsi jugé par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-Pierre DESCHAMPS et Bernard HERNANDEZ, membres employeurs, Messieurs Jean-Pierre MESSY et Thierry PETIT, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le sept septembre deux mille vingt-deux.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20666
Date de la décision : 07/09/2022

Analyses

En application de l'article 1er de la loi n° 446, le Bureau de Jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum. Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de ladite loi, modifier ses demandes devant le Bureau de Conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique, ne lui est pas ouverte devant le Bureau de Jugement. Si la non-comparution du défendeur à l'audience de conciliation ne permettait pas au demandeur d'augmenter ses prétentions, il convient de noter, d'une part, qu'il n'a pas formulé ses demandes nouvelles devant le bureau de conciliation, mais directement devant le bureau de jugement et, d'autre part, qu'il n'a pas fait application de la procédure spécifique relative aux demandes nouvelles régies par l'article 59 de la loi n° 446.Si la loi n° 446 impose une phase préliminaire de conciliation, aucune disposition ne soumet les demandes reconventionnelles, que le Tribunal connaît par application de l'article 55 de la loi, à un tel préliminaire obligatoire. Toutefois, encore faut-il que les demandes satisfassent aux critères définis par l'article 382 du Code de procédure civile, dont les dispositions sont applicables par renvoi de l'article 49 de la loi n° 446 et qu'elles procèdent de la même cause que la demande principale, forment une défense contre cette demande, et tendent à obtenir le bénéfice de la compensation.Toutefois, il appartient au Tribunal d'analyser le contrat litigieux et d'en révéler la véritable nature juridique. Le contrat de travail se définit comme la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé. Le salaire se définit comme la rémunération contractuelle due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier. Enfin, l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci. Ces règles étant d'ordre public, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur.

Contentieux (Social)  - Contrats de travail.

Tribunal du Travail - Tentative obligatoire de conciliation - Bureau de jugement - Recevabilité des demandes nouvelles - Recevabilité des demandes reconventionnelles - Compétence du tribunal du Travail (non) - Qualification de contrat de travail (non).


Parties
Demandeurs : Monsieur A.
Défendeurs : SARL C.

Références :

article 382 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2022-09-07;20666 ?

Source

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