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30/05/2022 | MONACO | N°20536

Monaco | Tribunal du travail, 30 mai 2022, M. A. c/ SAM B.


En la cause de Monsieur A., demeurant « X1à NICE (06200) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Michel MONTAGARD, avocat au barreau de Nice, substitué par Maître Au

drey GIOVANNONI, avocat au barreau de Grasse ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

 

Après...

En la cause de Monsieur A., demeurant « X1à NICE (06200) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée B., dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Michel MONTAGARD, avocat au barreau de Nice, substitué par Maître Audrey GIOVANNONI, avocat au barreau de Grasse ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

 

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 26 octobre 2018 et 1er février 2019, respectivement reçues les 29 octobre 2018 et 4 février 2019 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 49-2018/2019 et 70-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 18 décembre 2018 et 26 février 2019 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur au nom de Monsieur A. en date du 8 avril 2021 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. B. en date du 14 juin 2021 ;

Après avoir entendu Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur A. et Maître Audrey GIOVANNONI, avocat au barreau de Grasse, pour la S.A.M. B. en leurs plaidoiries à l'audience du 31 mars 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Monsieur A. a été employé par la S.A.M. B. (ci-après S.M.S.) depuis le 5 avril 2007 en qualité de Directeur Général Délégué.

Par requête du 26 octobre 2018, il saisissait le Bureau de Conciliation du Tribunal du travail aux fins de voir condamner la S.A.M. B. à lui payer au titre de sa rémunération variable :

* - 156.000 euros pour la période de 2010 à 2017, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2018,

* - ainsi que 10.000 euros de dommages et intérêts pour inexécution abusive de son contrat de travail,

* - sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Lors de sa comparution devant le Bureau de Conciliation la S.A.M. B. formait une demande reconventionnelle en paiement de 500.000 euros de dommages et intérêts.

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation du 17 décembre 2018 l'affaire était renvoyée devant le Bureau de Jugement.

Le 27 novembre 2018 Monsieur A. était licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729, puis le 17 décembre 2018 il recevait une notification de la rupture anticipée du préavis pour faute grave. Les documents de fin de contrat lui étaient remis le 24 décembre 2018, puis corrigés le 13 février 2019.

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 25 février 2019, Monsieur A. a attrait la S.A.M. B. devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail à l'effet de :

* - se voir allouer la somme de 11.793,51 euros bruts à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés,

* - se voir allouer la somme de 26.077,32 euros bruts à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de préavis,

* - se voir allouer la somme de 3.120 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis (1/10ème),

* - se voir allouer une indemnité de licenciement de 56.992,16 euros,

* - voir condamner la S.A.M. B. à lui payer au titre de sa rémunération variable pour l'année 2018 la somme de 30.000 euros nets outre les intérêts au taux légal à compter de la citation,

* - voir condamner la S.A.M. B. à lui payer la somme 50.000 euros de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail,

* - voir reconnaître que la rupture du contrat a été abusive et lui allouer des dommages et intérêts à hauteur de 200.000 euros pour le préjudice matériel et 50.000 euros pour le préjudice moral,

* - se voir rembourser la note de frais d'octobre 2018 d'un montant de 220,32 euros,

* - qu'il soit ordonné la rectification de l'attestation Pôle Emploi,

* - le tout avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation et ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Lors de sa comparution devant le Bureau de Conciliation la S.A.M. B. formait une demande reconventionnelle en paiement de 500.000 euros de dommages et intérêts.

Puis, les affaires ont été contradictoirement débattues lors de l'audience du 31 mars 2022, à l'issue de laquelle les jugements ont été mis en délibéré pour être prononcés le 30 mai 2022.

Par deux jeux de conclusions considérées comme récapitulatives du 8 avril 2021 Monsieur A. sollicite :

* - la jonction des deux procédures,

* - le débouté de la S.A.M. B. de l'intégralité de ses demandes,

* - dans l'hypothèse où les pièces nos 49 à 56 seraient écartées des débats, qu'il soit enjoint à la S.A.M. B.de verser aux débats toutes les pièces comptables certifiées permettant de connaître son chiffre d'affaires global et celui correspondant au client Leader Price et ce pour les exercices 2010 à 2018 inclus,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer au titre de sa rémunération variable pour les années 2010 à 2017 la somme totale de 156.000 euros, outre les intérêts au taux légal depuis la mise en demeure en date du 17 octobre 2018,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution abusive de son contrat de travail,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer au titre de sa rémunération variable pour l'année 2018 la somme de 30.000 euros,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer la somme de 11.793,51 euros bruts de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer la somme de 220,32 euros au titre des frais exposés pour le mois d'octobre 2018,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer la somme de 26.077,32 euros bruts de reliquat d'indemnité compensatrice de préavis,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer la somme de 3.120 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis (1/10ème),

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer la somme de 10.832,47 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

* - la condamnation de la S.A.M. B. à lui payer les sommes de 200.000 euros et de 50.000 euros de dommages et intérêts à titre de préjudice matériel et moral,

* - le tout avec intérêts légal à compter de la citation en conciliation,

* - la rectification de l'attestation pôle emploi,

* - le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire pour les condamnations n'en bénéficiant pas de droit,

* - la condamnation de la S.A.M. B. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI.

À l'appui de ses contestations, Monsieur A. fait valoir pour l'essentiel que :

* - selon les termes du contrat de travail » la gestion administrative, la gestion du dossier Leader Price et clients étrangers affectés directement à Monsieur C. la gestion des fournisseurs, la gestion des ressources humaines en général « demeuraient sous la seule autorité de Monsieur C. et pour lesquels Monsieur A. ne pourrait prendre aucune initiative sans son autorisation expresse et écrite,

* - la rémunération de Monsieur A. était fixée à un salaire fixe net mensuel de 8.000 euros sur douze mois, puis, par avenant du 10 juillet 2009, à une rémunération fixe de 6.000 euros mensuels nets outre une rémunération majorée d'une part variable, en fonction du chiffre d'affaires global de la S.A.M. B. hors Leader Price et Charcuteries Gourmandes, cette part étant calculée en fin d'année,

* - Monsieur A. n'a ainsi jamais eu la responsabilité du client Leader Price et n'a pu être qu'un support opérationnel et ponctuel de Monsieur C.

* - s'il a pu suivre la relation avec ce client c'était toujours sans aucun pouvoir décisionnaire ni d'initiative,

* - malgré le rachat de Leader Price par le groupe Casino, la gestion des prix de Leader Price est demeurée de la seule responsabilité de Monsieur C.

* - Monsieur A. n'a jamais perçu la moindre rémunération variable,

* - il n'a pas osé les réclamer frontalement pendant des années, mais s'en est ouvert à plusieurs reprises auprès de Monsieur C. puis a mis en demeure la S.A.M. B. par courrier du 12 septembre 2018 d'avoir à lui régler sa rémunération variable pour les exercices antérieurs à 2018,

* - il adressait une nouvelle mise en demeure le 17 octobre 2018 pour les années 2010 à 2017,

* - le débat sur l'insuffisance professionnelle de Monsieur A. outre qu'il est inopportun en l'état d'un licenciement fondé sur l'article 6, n'aurait pas d'incidence sur la rémunération variable calculée sur le seul chiffre d'affaires tel que prévu à l'avenant contractuel,

* - le déclenchement de cette rémunération variable n'est pas conditionné par le fait que le chiffre d'affaires Leader Price représente encore 50 % du chiffre d'affaires total de la société,

* - les résultats de Monsieur A. relativement au chiffre d'affaires hors Leader Price montrent une progression de 28 % sur dix ans,

* - en outre le chiffre d'affaires a eu une progression de 19 % entre 2008 et 2014, il a continué à augmenter fin 2016 puis a légèrement baissé en 2017, tout en restant bien au-dessus du résultat atteint en 2014,

* - les résultats obtenus auprès du client Leader Price ne peuvent avoir aucune incidence sur sa rémunération variable,

* - l'avenant au contrat a eu pour effet de faire accepter par Monsieur A. une réduction mensuelle de salaire de 2.000 euros en contrepartie d'une rémunération variable versée annuellement, mais lui permettant de limiter sa rémunération annuelle à ce qu'elle était avant,

* - les documents produits à l'appui de ses prétentions ont été recueillis afin de faire valoir ses droits en justice, et nullement pendant toute la durée de la collaboration,

* - Monsieur A. a par ailleurs découvert qu'il avait accès aux rapports du Conseil d'Administration et peut ainsi produire le chiffre d'affaires réalisé par la société,

* - seules les données comptables vérifiées par l'expert-comptable certifient de la réalité du chiffre d'affaires sur un exercice,

* - les seuls tableaux comptables auxquels Monsieur A. avait accès ne suffisaient pas à l'informer complétement du chiffre d'affaires réalisé et de la répartition entre le hors Leader Price et le Leader Price lui-même,

* - ces tableaux comptables montrent d'ailleurs une différence avec les bilans comptables certifiés,

* - si ces documents devaient être écartés des débats, il appartiendrait alors à la S.A.M. B. de verser aux débats les éléments permettant au Tribunal de vérifier si les demandes sont fondées,

* - la prescription ne peut être acquise puisqu'elle doit commencer à courir à compter du moment où les éléments permettant le calcul de sa rémunération a été mise à disposition par la société, ce qui n'a jamais été le cas, en sorte qu'aucune prescription ne peut être acquise,

* - à défaut pour la S.A.M. B.de démontrer qu'elle lui a communiqué les informations nécessaires et suffisantes au calcul, Monsieur A. doit être considéré comme n'ayant pas connu les faits,

* - l'absence de demande écrite antérieure ne peut valoir renonciation à exercice de ses droits, ce d'autant en matière salariale compte-tenu du lien de subordination dans lequel Monsieur A.se trouve,

* - en s'abstenant de lui verser sa rémunération variable pendant des années l'employeur a violé son obligation de loyauté et inexécuté de manière fautive et abusive son contrat,

* - cette inexécution a engendré un préjudice qu'il convient de réparer à hauteur de 50.000 euros,

* - la S.A.M. B. demeure redevable d'une note de frais de 220,32 euros pour le mois d'octobre 2018,

* - au regard du quantum de congés payés acquis de soixante-huit jours il lui reste un reliquat dû de 11.793,51 euros bruts (déduction faite du premier versement de 17.092,47 euros bruts puis de la régularisation de 3.753,61 euros bruts de février 2019),

* - en le privant de sa juste rémunération l'employeur a violé le principe de loyauté et causé un préjudice Monsieur A. devant être indemnisé par l'allocation de 50.000 euros de dommages et intérêts,

* - l'employeur l'a en outre délibérément privé de ses prérogatives et responsabilités, le déclassant et le soumettant à des récriminations injustifiées permanentes,

* - l'indemnité de licenciement a été calculée sans prendre en compte son salaire variable ; elle aurait dû être calculée sur un salaire moyen de 10.400,03 euros sur 137 mois d'ancienneté et représenter la somme de 56.992,16 euros ; déduction faite des 46.159,69 euros perçus, il demeure un reliquat de 10.832,47 euros,

* - le licenciement n'est pas fondé sur un motif valable mais constitue une réaction à la saisine de la juridiction du travail en paiement d'arriérés de rémunération,

* - dès la connaissance de cette saisine, la S.A.M. B. a essayé de mettre Monsieur A. en défaut en lui adressant des demandes de justifications tenant à son activité commerciale,

* - n'y parvenant pas, elle lui a remis, le 16 novembre 2018, une convocation à un entretien préalable de licenciement devant se tenir le 22 novembre 2018,

* - elle lui a toutefois demandé de quitter l'entreprise sans délai en remettant au préalable ses outils professionnels,

* - alors que le licenciement ne lui a été notifié que le 27 novembre 2018, la cessation de ses activités a été annoncée au personnel et aux partenaires commerciaux dès le 16 novembre,

* - le 17 décembre 2018, la S.A.M. B. a notifié une rupture anticipée du préavis pour une prétendue faute grave consistant en une dissimulation à la clientèle d'un changement de fabricant des produits et en l'organisation de vente à perte,

* - or, Monsieur A. n'a jamais eu aucune responsabilité dans les achats, et donc le choix des fabricants et des prix d'achats, lesquels relevaient de la responsabilité directe de Monsieur C. représenté par son Directeur des achats, Monsieur D.

* - en outre, Monsieur A. a bien informé ses clients du rachat du fabricant de tagliatelles par une autre enseigne,

* - en tout état de cause ce changement, invoqué au soutien d'une faute grave en décembre 2018, est intervenu au début de l'année 2017 et a donné lieu à une réclamation du client le 21 novembre 2018, soit antérieurement au licenciement,

* - par ailleurs, le prix de vente fixé pour le client FLUNCH était bien au-dessus du prix du marché,

* - les prétendues fautes ayant conduit à la rupture du préavis étant inventées, son indemnité de trois mois est due (calculée sur un salaire moyen de 10.400,03 euros) ; n'ayant perçu que 5.122,77 euros bruts, il lui reste un reliquat à percevoir de 26.077,32 euros bruts, outre 3.120 euros bruts d'indemnité de congés payés sur préavis,

* - en n'invoquant pas de motif au licenciement de Monsieur A. tout en lui reprochant de nombreuses insuffisances professionnelles, la S.A.M. B. l'a privé de la possibilité de se défendre, démontrant que sa véritable intention était de se débarrasser de lui,

* - en réalité face aux réactions de Monsieur A. qui n'a pas entendu ne pas répondre aux attaques injustifiées de Monsieur C. un départ négocié lui a été proposé verbalement dès le mois de septembre 2018,

* - la preuve de cette proposition réside dans le fait que la société avait calculé son indemnité de licenciement au 30 juin et au 29 août 2018,

* - ne voulant pas lui verser sa rémunération variable, l'employeur a cherché à gagner du temps pour alimenter de prétendus manquements dans l'exécution de ses fonctions,

* - ainsi, l'employeur se mettait à l'interroger en permanence sur ses résultats, afin de tenter de le prendre en défaut,

* - de nombreux mails pressants, injustifiés et vexatoires lui ont été adressés au cours des derniers mois de collaboration,

* - les reproches adressés à Monsieur A. quant à sa prétendue insuffisance de résultats sont mensongers et fondés sur des stratagèmes pour inventer des pertes,

* - face à l'impossibilité de lui reprocher une quelconque insuffisance professionnelle, l'employeur mettait alors en œuvre un licenciement sur le fondement de l'article 6,

* - la S.A.M. B. a délibérément cherché à nuire à Monsieur A. notamment en ne lui versant pas son indemnité de licenciement, qui n'a pu être régularisée qu'en février 2019 suite à l'intervention de son Conseil,

* - le solde de tout compte délivré à Monsieur A. ne le remplissait pas de ses droits, ce qui constitue une violation avérée de la jurisprudence en la matière,

* - le licenciement a été prononcé avec brutalité, dans des conditions vexatoires et humiliantes,

* - il a été invité à quitter ses fonctions dès le jour où la convocation à un entretien préalable lui a été remise, et son départ a été annoncé à ses collègues et ses clients onze jours avant son licenciement effectif,

* - alors qu'il a consacré dix ans de sa vie pour la S.A.M. B. elle l'a jeté dehors du jour au lendemain,

* - il est actuellement toujours sans emploi,

* - il subit un préjudice moral évalué à 50.000 euros et un préjudice matériel au regard de son âge de 49 ans,

* - l'employeur, en usant de l'article 6 pour licencier son salarié, a reconnu qu'il n'avait aucun grief à formuler,

* - la demande reconventionnelle de dommages et intérêts à hauteur de 500.000 euros est exorbitante et décrédibilise en elle seule cette prétention,

* - en outre, elle est fondée sur la baisse du chiffre d'affaires du client Leader Price, qui aurait été induite par le comportement de Monsieur A. alors qu'il était du seul ressort de Monsieur C.

En défense la S.A.M. B. sollicite, par deux jeux de conclusions considérées comme récapitulatives du 14 juin 2021 :

- à titre principal :

Le rejet des pièces adverses nos 49 à 56 pour avoir été obtenues frauduleusement.

Le débouté de Monsieur A.de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- à titre subsidiaire :

Dire et juger que la demande portant sur les années 2010 au 26 octobre 2013 est prescrite et l'en débouter.

- pour le surplus :

Constater que Monsieur A. n'a émis aucune contestation pendant la relation contractuelle.

Dire et juger que le chiffre d'affaires réalisé par Monsieur A. est insuffisant pour prétendre à une quelconque rémunération variable en application de l'avenant du 10 juillet 2009.

Constater que la société s'en rapporte à justice sur la demande de remboursement des frais d'octobre 2019.

- en conséquence :

Débouter Monsieur A. de sa demande de rappel de salaire,

Débouter Monsieur A.de sa demande de dommages et intérêts.

- à titre reconventionnel :

Dire et juger que Monsieur A. a commis de nombreuses négligences au préjudice de la société.

Le condamner à la somme de 500.000 euros nets à titre de dommages et intérêts, dans chaque procédure.

Le condamner aux entiers dépens recouvrés par Maître Joëlle PASTOR-BENSA sur sa due affirmation.

En défense la S.A.M. B. expose essentiellement que :

* - les deux affaires n'ont aucun lien entre elles, l'une portant sur une demande de salaire et l'autre sur le bien-fondé du licenciement, en sorte qu'elles ne doivent pas être jointes,

* - pour justifier sa demande de rappel de salaires Monsieur A. produit des documents obtenus frauduleusement, (p-v et rapports des Assemblées Générales du Conseil d'Administration),

* - ces documents étaient destinés aux seuls Actionnaires et Membres du Conseil d'Administration et n'ont jamais été communiqués à Monsieur A.

* - Monsieur A. n'avait pas accès à ces documents dans le cadre de ses fonctions, et se contredit d'ailleurs en indiquant qu'il disposait d'un accès informatique lui permettant de consulter ces documents tout en affirmant qu'il n'avait pas accès à la comptabilité de la société,

* - ces documents ayant été soustraits à l'employeur ils doivent être écartés des débats,

* - privée de support, la demande de rappel de salaire doit dès lors être rejetée,

* - Monsieur A. a été embauché selon contrat signé le 5 avril 2007 à effet du 2 juillet 2007 en qualité de Directeur Général Délégué moyennant une rémunération fixe mensuelle de 8.000 euros nets sur douze mois,

* - le préambule du contrat rappelle précisément les objectifs que le salarié devait atteindre et notamment

* » de ramener à 50 % le rôle du client Leader Price dans le chiffre d'affaires actuel et ce dans un délai de 3 ans (...) À cette fin Monsieur A. s'engage à (...) améliorer les résultats de la société dans le sens précité «,

* - cet objectif s'entend d'une augmentation du chiffre d'affaires global de la société, c'est-à-dire maintenir la part du chiffre d'affaires Leader Price dans le chiffre d'affaires actuel avec en plus le développement d'un nouveau chiffre d'affaires,

* - la thèse soutenue par Monsieur A. à savoir le développement d'un nouveau chiffre d'affaires, tout en admettant la diminution du chiffre d'affaires global en perdant sur le client historique Leader Price serait un non-sens,

* - le 10 juillet 2009 un avenant au contrat de travail était signé afin de remotiver Monsieur A. dans l'atteinte des objectifs fixés et dans un contexte d'insuffisance des résultats,

* - il percevait depuis lors une rémunération fixe de 6.000 euros nets par mois outre une rémunération variable en fonction du chiffre d'affaires global réalisé par la S.A.M. B. hors » Leader Price et Charcuteries Gourmandes «, réparti de la manière suivante :

*  500 euros si le CA hors LP et CG atteint 25 % du CA global,

*  1.000 euros si le CA hors LP et CG atteint 30 % du CA global,

*  1.500 euros si le CA hors LP et CG atteint 35 % du CA global,

*  2.000 euros si le CA hors LP et CG atteint 40 % du CA global,

*  2.500 euros si le CA hors LP et CG atteint 45 % du CA global,

* - cet avenant n'a jamais remis en question les autres dispositions contractuelles du contrat de travail initial qui demeuraient applicables,

* - dès lors, l'objectif initial à atteindre, à savoir conserver le maintien du chiffre d'affaires généré par le client Leader Price représentant 50 % du chiffre d'affaires total de la société, était maintenu,

* - malgré l'article 3 du contrat de travail, dans lequel il était convenu que Monsieur C. conserve sous sa seule autorité certains secteurs et notamment la gestion du client Leader Price, Monsieur A. s'est progressivement imposé sur ces secteurs allant au-delà de la mission qui lui avait été confiée,

* - Monsieur A. est intervenu dans la gestion commerciale en introduisant des logiciels au détriment du Directeur Commercial,

* - puis il s'est arrogé le client Leader Price et a repris l'intégralité du développement commercial de la société (y compris le client Leader Price) et au moins depuis janvier 2013, tel qu'il a d'ailleurs reconnu dans un mail du 7 février 2015,

* - son rôle actif dans la gestion du client Leader Price ressort clairement des mails avec ses interlocuteurs au sein du groupe Casino (qui a racheté l'enseigne Leader Price) et de ses aveux mêmes dans le mail sus-évoqué,

* - Monsieur A. s'est plaint à de nombreuses reprises de sa surcharge de travail, puis de la réduction de ses attributions lorsqu'un renfort a été embauché, admettant par là-même qu'il était titulaire de nombreuses délégations du dirigeant,

* - si Monsieur A. n'a jamais perçu de part variable c'est parce que ses résultats ne le lui permettaient pas, le chiffre d'affaires total de la société ayant chuté de plus de 26 millions d'euros en 2010 à 15 millions d'euros en 2017 en raison de l'effondrement du client Leader Price qu'il avait complétement délaissé passé de 20 millions en 2010 à seulement 6 millions en 2017,

* - il le savait d'ailleurs pertinemment, son absence de réclamation le démontrant,

* - la demande de rappel de salaire de Monsieur A. est intervenue après qu'il se soit marginalisé et ait refusé toute aide offerte afin d'atteindre ses objectifs,

* - puis il a imaginé une thèse, se produisant des preuves à lui-même, afin de faire croire qu'il avait reçu une proposition de licenciement avec un départ au 30 septembre 2018 moyennant le versement d'une indemnité de 83.000 euros,

* - après l'avoir mis en demeure de régler la prétendue rémunération variable due, Monsieur A. A. s'est précipité vers le règlement judiciaire sans attendre que le Conseil de la S.A.M. B. puisse faire une étude approfondie de sa demande,

* - en tout état de cause, Monsieur A. interprète de manière erronée l'avenant au contrat de travail qui prévoyait en réalité un calcul annuel de la part variable avec un versement annuel de la prime,

* - ainsi, pour l'année 2011, si l'objectif de 30,3 % devait avoir été atteint, ce n'est pas une rémunération de 12.000 euros à laquelle il aurait droit, mais de 1.000 euros,

* - par ailleurs, la prétention de Monsieur A. est en partie prescrite et ne peut porter que sur la période comprise à compter du 27 octobre 2013 en application de l'article 2044 du Code civil,

* - Monsieur A. avait connaissance mensuellement du chiffre d'affaires réalisé par la société, ce qu'il a fini par admettre, et était ainsi suffisamment informé afin d'exercer toute voie utile en paiement de sa rémunération variable,

* - la demande de dommages et intérêts pour inexécution abusive du contrat de travail est infondée, l'employeur n'ayant commis aucune faute et Monsieur A. n'ayant jamais émis une quelconque contestation pendant huit ans,

* - en outre, il sollicite deux fois dans les deux instances la réparation du même préjudice,

* - elle n'est en outre nullement justifiée en son préjudice,

* - Monsieur A. a subi plusieurs avertissements concernant son manque de résultats,

* - cette insuffisance de résultats a persisté et Monsieur A. s'est vu notifier un premier avertissement le 13 janvier 2015,

* - malgré cela aucune amélioration n'a eu lieu et un nouvel avertissement lui était adressé le 18 mai 2018,

* - l'équipe d'encadrement a dû être renforcée pour pallier ses insuffisances,

* - Monsieur A. ayant mal pris ces embauches, il posait un ultimatum à son employeur et sollicitait une indemnité financière de départ ou une augmentation de salaire,

* - il va ensuite solliciter une demande de rappel de salaire, pour la première fois le 12 septembre 2018, et saisir le Tribunal du travail précipitamment dès le 26 octobre 2018,

* - il va alors accentuer son attitude de défiance et refuser toute collaboration, commettant de graves négligences dans la gestion des clients,

* - l'employeur décidait alors d'engager une procédure de licenciement,

* - il lui remettait en main propre le 16 novembre 2018 une convocation à un entretien préalable pour le 22 novembre 2018, le dispensant de toute activité jusqu'à la tenue de l'entretien pour qu'il puisse prendre conseil,

* - il lui était demandé de laisser dans l'entreprise son ordinateur et son téléphone afin de permettre le suivi des dossiers pendant son absence,

* - il n'a pas contesté ces mesures et ne justifie pas en quoi elles lui auraient causé un quelconque préjudice,

* - le jour de l'entretien il remettait les clefs et badges, ces objets ne lui étant pour l'heure d'aucune utilité,

* - il était licencié par courrier du 27 novembre 2018 sur le fondement de l'article 6,

* - la décision de licenciement n'a nullement été arrêtée le 16 novembre et le mail indiquant aux différents partenaires qu'il avait » quitté « l'entreprise correspondait uniquement à une réalité et était destiné à assurer le parfait suivi des dossiers en cours, sans aucune intention de nuire,

* - pendant l'exécution de son préavis Monsieur A. a commis de graves manquements à son obligation de loyauté et de bonne foi en dissimulant le changement de fabricants de certains produits et en validant et poursuivant des ventes à perte,

* - suite à la découverte pendant le préavis de faits graves et fautifs, la société lui a notifié une rupture anticipée et immédiate au 17 décembre 2018,

* - Monsieur A. a signé son solde de tout compte sous réserve du remboursement de ses frais professionnels d'octobre et novembre 2018, sans aucune réserve au titre de sa rémunération variable, en sorte qu'il a été intégralement rempli de ses droits,

* - le retard qui a pu avoir lieu dans le versement de l'indemnité de licenciement ne provenait pas d'une intention de nuire mais d'une erreur administrative,

* - le licenciement ayant été prononcé sur le fondement de l'article 6, aucune explication n'a à être apportée sur le motif du licenciement,

* - par ailleurs, aucune circonstance abusive n'entoure la rupture,

* - le préjudice allégué par Monsieur A. est totalement démesuré : il base son calcul de perte de revenu sur un salaire intégrant une part variable non due et il ne justifie aucunement rechercher activement un emploi,

* - en réalité Monsieur A. qui affirme être sans emploi, a créé une société dans l'immobilier en juin 2019,

* - la demande de reliquat d'indemnité légale de licenciement est infondée puisque basée sur un salaire incluant une part variable non due,

* - le non-paiement d'une partie de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents est justifié par la découverte de faits graves ayant conduit à le dispenser d'exécution dudit préavis, en outre son quantum est erroné puisque calculé sur une part variable de salaire non dû,

* - la demande de reliquat de congés payés est infondée puisque calculée sur un salaire intégrant une part variable non due,

* - la S.A.M. B. s'en rapporte à justice relativement au remboursement des frais d'octobre 2018, précisant que Monsieur A. n'a jamais sollicité le règlement ni même présenté cette note de frais avant l'engagement de la procédure devant le Tribunal du travail,

* - les agissements de Monsieur A. ont causé un important préjudice à la société,

* - le chiffre d'affaires du client Leader Price, dont il avait la pleine responsabilité, s'est effondré,

* - par son inaction dans le suivi et la gestion du client il a causé une perte importante des marges, voire des marges négatives, et a dégradé la notoriété et l'image de la société auprès des clients et des partenaires,

* - eu égard aux nombreuses négligences commises par Monsieur A. et l'effondrement du chiffre d'affaires Leader Price, la S.A.M. B. est fondée à obtenir une réparation de son préjudice à hauteur de 500.000 euros dans chaque instance,

* - enfin, en dehors des cas où l'exécution provisoire est de droit, elle ne peut être ordonnée qu'en cas d'urgence, Monsieur A. n'ayant pas motivé cette urgence cette demande doit être écartée.

*  

SUR CE,

 

Sur la jonction

 

Monsieur A. a introduit deux procédures à l'encontre la S.A.M. B. (S.M.S.), l'une relative à la réclamation d'une rémunération variable pour les années 2010 à 2017, l'autre relative à la contestation de son licenciement et à une rémunération variable pour l'année 2018.

Les problématiques juridiques étant déjà liées dans la seconde instance, il convient de joindre le premier dossier afin d'apporter une réponse unique et globale concernant la rémunération variable et ce dans un souci de bonne administration de la justice.

Sur le rejet des pièces

Monsieur A. produit au soutien de sa demande de rémunération variable les pièces nos 49 à 56 constituées de procès-verbaux de Conseil d'Administration et d'Assemblée Générale.

Si la liberté de la preuve en matière sociale accorde au salarié la possibilité de se prévaloir de documents dont il aurait eu connaissance à l'occasion de ses fonctions, il ne peut le faire que lorsque ces pièces sont strictement nécessaires à la défense de ses intérêts.

En l'espèce, les pièces litigieuses ne sont pas des documents de travail auxquels Monsieur A. avait accès.

Surtout, Monsieur A. avait communication régulière de la part de son employeur de l'évolution du chiffre d'affaires de la société et de sa répartition par client. Il a en outre obtenu communication d'un tableau actualisé à première demande en janvier 2018.

Dès lors que ces pièces ne sont pas strictement nécessaires à la défense de ses intérêts, elles doivent être écartées des débats.

 

Sur la rémunération

 

Aux termes du contrat de travail du 5 avril 2007, Monsieur A. a été embauché en qualité de Directeur Général Délégué pour une rémunération mensuelle nette de 8.000 euros avec comme objectif de ramener à 50 % le rôle du client Leader Price dans le chiffre d'affaires dans un délai de trois ans.

Cet objectif était la cause du contrat.

Le contrat stipulait que Monsieur C. représentant légal de la société S.M.S., s'étant investi personnellement dans les secteurs de la gestion administrative, la gestion du dossier Leader Price et clients étrangers affectés directement à Monsieur C. la gestion des fournisseurs, la gestion des ressources humaines en général il entendait » conserver sous sa seule autorité le contrôle de ces services, à propos desquels Monsieur A.ne pourra prendre aucune initiative sans l'autorisation expresse et écrite de Monsieur C.«.

Aux termes d'un avenant du 10 juillet 2009, les parties ont modifié la rémunération dans les conditions suivantes :

»  Monsieur A. percevra une partie fixe de rémunération majorée d'une part variable, laquelle sera fonction du chiffre d'affaires global de S.M.S. hors Leader Price et Charcuteries Gourmandes.

* - la part fixe de son salaire s'élèvera à la somme de 6.000 euros mensuels nets,

* - la part variable s'établira comme suit :

* - 500 euros si le CA hors LP & Charcuteries Gourmandes atteint 25 % du CA global de S.M.S.,

* -  1.000 euros si le CA hors LP & Charcuteries Gourmandes atteint 30 % du CA global de S.M.S.,

* -  1.500 euros si le CA hors LP & Charcuteries Gourmandes atteint 35 % du CA global de S.M.S.,

* -  2.000 euros si le CA hors LP & Charcuteries Gourmandes atteint 40 % du CA global de S.M.S.,

* -  2.500 euros si le CA hors LP & Charcuteries Gourmandes atteint 45 % du CA global de S.M.S. Cette part variable sera calculée en fin d'année «.

Cet avenant est intervenu dans les circonstances suivantes selon ses termes » Monsieur A. conscient de la nécessité de se montrer solidaire de l'entreprise en la période actuelle de crise, a accepté par mail du 8 mai 2009 une modification des modalités de calcul de sa rémunération «.

Cet avenant est particulièrement clair sur sa cause, les difficultés économiques de la société. Dès lors, la thèse soutenue par l'employeur à compter de 2015 et contestée par Monsieur A. selon laquelle il se serait agi d'une mesure de remotivation dans un contexte d'insuffisance professionnelle n'est pas sérieuse et ne saurait emporter la conviction du Tribunal.

Concernant cette insuffisance professionnelle, l'employeur opère une confusion entre l'objectif du contrat et l'objectif ouvrant droit à rémunération variable.

En effet, le contrat de travail avait fixé un objectif de résultat, à savoir ramener à 50 % le rôle du client Leader Price dans le chiffre d'affaires, et ce dans un délai de trois ans. Cet objectif ne conditionnait nullement la rémunération de Monsieur A. mais causait la relation de travail. Dès lors, l'éventuelle insuffisance de résultat pouvait constituer un motif valable de licenciement mais ne pouvait avoir d'incidence sur la rémunération.

En revanche, la clause de rémunération variable ne fixait pas de plafond au déclenchement du paiement et n'instituait pas comme condition relative au paiement le maintien du chiffre d'affaires Leader Price à une part d'au moins 50 %, encore moins à un maintien du montant dudit chiffre d'affaires.

En outre, contrairement à ce que l'employeur soutient, le client Leader Price demeurait de la responsabilité de Monsieur C.et Monsieur A. ne pouvait prendre aucune initiative sans son autorisation.

En l'espèce, si Monsieur A. avait outrepassé ses fonctions cela aurait pu conduire à la résolution du contrat de travail et non pas au refus de paiement de sa rémunération variable, non conditionnée à un quelconque objectif sur le client Leader Price.

En tout état de cause, l'employeur ne démontre pas que Monsieur C. aurait été dépossédé de ses fonctions et que Monsieur A. se serait arrogé le client Leader Price. En effet, il est infondé de revendiquer que toutes les actions de Monsieur A. auprès du groupe Casino auraient concerné Leader Price à compter de son rachat par le groupe. La simple lecture du tableau récapitulatif du chiffre d'affaires de la société S.M.S. sur les années 2013 à 2017 faisant clairement apparaître d'une part le client Casino et d'autre part le client Leader Price. Les deux activités étaient donc bien demeurées distinctes. De même, de nombreux mails au cours de la période de travail (notamment septembre 2011, octobre 2011, mai 2012, février 2013, septembre 2013, octobre 2013, décembre 2014, novembre 2016, mai 2018) démontrent que Monsieur A. rend compte à Monsieur C.de ses activités auprès de Leader Price et sollicite son accord sur les décisions à prendre.

En conséquence, la rémunération variable, qui n'était ni conditionnée au maintien d'une part de 50 % du client Leader Price dans le chiffre d'affaires, ni au maintien du montant du chiffre d'affaires du client Leader Price, client dont Monsieur A. n'était pas en charge, devait être versée selon les conditions prévues à l'avenant du 10 juillet 2009.

Concernant le montant de la rémunération variable, il ne peut être déduit de la dernière stipulation contractuelle, à savoir » cette part variable sera calculée en fin d'année « que le montant du salaire variable serait annuel. En effet, le calcul est établi en fin d'année, au moment où le chiffre d'affaires est comptabilisé. En revanche, la part variable étant un complément d'un salaire mensualisé, elle doit suivre le même sort. Si l'intention des parties avait été d'accorder une rémunération variable annuelle, l'avenant l'aurait stipulé ou se serait fondé sur le salaire annuel fixe.

Dès lors, Monsieur A. a droit, pour la période non prescrite d'octobre 2013 à novembre 2018 à une rémunération variable, dont le sort suit celui de la rémunération fixe et est donc versée en net.

Contrairement à ce que la société S.M.S. soutient, la demande de Monsieur A. n'est pas privée de fondement puisqu'il produit le tableau récapitulant le total du chiffre d'affaires de 2013 à 2017, distinguant le client Leader Price et les autres.

Ainsi, en 2017, le chiffre d'affaires total était de 15.458.207 euros, tandis que le chiffre hors Leader Price était de 9.125.439 euros et représentait donc 59 %.

En 2016, le chiffre d'affaires total était de 17.858.607 euros, tandis que le chiffre hors Leader Price était de 9.748.526 euros et représentait donc 54 %.

En 2015, le chiffre d'affaires total était de 18.875.564 euros, tandis que le chiffre hors Leader Price était de 9.784.492 euros et représentait donc 52 %.

En 2014, le chiffre d'affaires total était de 21.071.905 euros, tandis que le chiffre hors Leader Price était de 8.643.155 euros et représentait donc 41 %.

En 2013, le chiffre d'affaires total était de 22.032.211 euros, tandis que le chiffre hors Leader Price était de 8.410.625 euros et représentait donc 38 %.

L'analyse de ces pourcentages remet définitivement en cause la version de l'employeur, puisque pour les années 2013 et 2014, au cours desquelles le client Leader Price était demeuré majoritaire, aucune rémunération variable n'avait pour autant été versée à Monsieur A.

Au regard de l'avenant, Monsieur A. a droit à une rémunération de 1.500 euros nets par mois pour les mois d'octobre à décembre 2013 (4.500 euros nets), 2.000 euros nets par mois pour les mois de janvier à décembre 2014 (24.000 euros nets), 2.500 euros nets par mois pour les mois de janvier 2015 à décembre 2017 (90.000 euros nets), soit un total de 118.500 euros nets, que la société SMS est condamnée à lui verser, avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire s'agissant d'une rémunération.

Concernant l'année 2018, il convient de rouvrir les débats et d'enjoindre à la société S.M.S. de produire les chiffres d'affaires afin de permettre d'établir le calcul, selon un calendrier fixé au dispositif et sous astreinte en cas de retard.

La privation injustifiée d'une partie de sa rémunération est un comportement fautif de l'employeur qui a nécessairement causé un préjudice à son salarié, dont le salaire était amputé annuellement de sommes importantes. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, en tenant compte du fait que s'il ne démontre pas avoir sollicité cette rémunération avant la fin de l'année 2017 pour la première fois, il n'en demeure pas moins qu'il en a été privé pendant plus de 4 ans et a dû intenter une action en justice pour être rétabli dans ses droits.

Aux termes du contrat de travail, Monsieur A. avait droit au remboursement de frais. Il sollicite le remboursement d'une note d'un montant de 220,32 euros pour le mois d'octobre 2018 que la société S.M.S. ne conteste pas être due. Elle sera en conséquence condamnée à lui verser ladite somme de 220,32 euros avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation et ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

 

Sur les congés payés

 

Aux termes des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, l'indemnité afférente au congé est égale à 1/10ème de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence et ne peut être inférieur au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Le calcul doit ainsi se faire pour chaque période de référence, soit du 1er mai au 30 avril de chaque année ayant ouvert droit à congés et ce jusqu'à la fin du préavis.

Le salaire de référence de chaque année pris par les parties est erroné. Pour la société S.M.S. car il ne tenait pas compte des rémunérations variables, pour Monsieur A. car il tient compte de la rémunération de l'année 2018 et non pas de celle de chaque année précédente au cours desquelles il a cumulé certains congés payés, la rémunération variable de ces années n'ayant pas toujours été la même. Qu'en outre, comme indiqué supra, le salaire de l'année 2018 ne peut en l'état être fixé.

Il convient dans ces circonstances d'enjoindre aux parties de procéder au calcul de l'indemnité de congés payés due au salarié conformément aux dispositions citées ci-dessus, selon la méthode la plus favorable pour le salarié sur la base, soit du 10ème de la rémunération totale reçue au cours de la période de référence (règle du dixième), soit du salaire qui aurait été perçu par l'intéressé pendant la période de congé s'il avait continué à travailler (règle dite du maintien de salaire) et pour chaque période de référence, en tenant compte de la rémunération globale du salaire (fixe et variable) et de son montant en brut.

 

Sur la rupture du préavis

 

L'employeur qui constate l'existence d'une faute grave du salarié a la faculté de mettre immédiatement un terme au contrat de travail et d'interrompre le versement de l'indemnité compensatrice.

En l'espèce, l'employeur ne soutient pas que le salarié aurait violé ses obligations contractuelles, auxquelles il était toujours tenu, pendant son délai congé dont il était dispensé, mais que des faits particulièrement graves commis antérieurement auraient été découverts à ce moment-là, rendant impossible le maintien de la relation contractuelle.

Précisément, il lui reproche d'avoir découvert la dissimulation d'un changement de fabricant produits aux clients et d'avoir validé des ventes à perte, faits qui n'auraient été portés à la connaissance de l'employeur qu'après le licenciement. 

L'analyse des échanges internes à la société permet d'établir que :

* -           le client METRO a porté une réclamation concernant le changement de fabricant le 22 novembre 2018,

* -           Madame D. interroge la Direction sur la conduite à adopter en l'absence d'information du client par Monsieur A. en janvier 2017.

Il est intéressant à ce stade de s'interroger sur la manière dont Madame D. aurait été au courant de la prétendue omission de Monsieur A. à une date à laquelle elle n'était pas employée de la société, si ce n'est à supposer que la société lui aurait communiqué cette information et donc qu'elle le savait antérieurement à la prétendue découverte.

Par ailleurs, dès le 25 novembre 2018, soit avant le licenciement, Madame D. s'adresse à l'avocat de la société pour lui expliquer les graves fautes professionnelles commises par Monsieur A. Or, la rupture anticipée du préavis n'aura lieu que le 17 décembre. Le simple fait d'avoir attendu 22 jours pour réagir ôte à la prétendue faute la gravité nécessaire à son invocation, puisqu'elle rend intolérable le maintien de la relation et nécessite un caractère de relative immédiateté.

Surtout, il ressort des échanges de mails que :

* -           le 27 janvier 2017, Monsieur A. découvre qu'il y a eu un changement de fournisseur et demande des précisions à Messieurs E. et D.

* -           puis il leur demande d'informer le client,

* -           le 5 juillet 2018, Monsieur E. indique à Madame F. que c'est Monsieur A. qui aurait refusé de communiquer les informations sur le nouveau fournisseur au client.

Ainsi, il est établi, d'une part, que Monsieur A. a bien donné pour consignes que le client soit informé et que, d'autre part, l'accusation de Monsieur E. sur le prétendu refus de Monsieur A. (non démontré) a été portée dès le mois de juillet 2018, soit bien avant le licenciement sans que l'employeur n'apporte aucune réaction.

Concernant les ventes à perte, il ressort de nombreux échanges et notamment, de la lettre d'avertissement du 18 mai 2018, du mail de Madame D. du 24 octobre 2018, des mails de Monsieur C. des 3 et 15 novembre 2018, que la question des prétendues ventes à perte de Monsieur A. notamment pour le client AUCHAN, sont connues de l'employeur et lui valent d'ailleurs des reproches.

Pour autant, l'employeur n'a pas estimé avoir à s'en prévaloir au soutien d'une quelconque faute, encore moins une faute grave.

Dans ces conditions, aucune faute n'a été découverte par l'employeur au cours de l'exécution du préavis et sa rupture anticipée était parfaitement injustifiée.

Le salaire de référence pour la fixation de l'indemnité de préavis ne pouvant être fixé du fait de l'absence de fixation de la rémunération variable pour l'année 2018 il convient de réserver le calcul de cette indemnité jusqu'à ce que la rémunération puisse être fixée suite à la réouverture.

 

Sur le licenciement

 

L'employeur dispose, sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, d'un droit autonome et unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié, sans se référer à un motif inhérent à la personne de celui-ci.

Il doit en contrepartie verser une indemnité de licenciement correspondant à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service dans l'entreprise.

En application de l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, le salaire journalier servant de base de calcul est égal au quotient du salaire correspondant au nombre de jours où le salarié a effectivement travaillé le mois ayant précédé son licenciement, sans que l'indemnité ne puisse excéder six mois de salaire.

En l'espèce, le salaire journalier de Monsieur A. n'est pas conforme à celui retenu par l'employeur, puisqu'il ne tient pas compte de la rémunération variable due pour l'année 2018. Il convient dès lors de réserver le calcul du reliquat d'indemnité de licenciement et d'enjoindre aux parties de procéder à son calcul au regard de la rémunération variable qui sera due pour l'année 2018, en recalculant le salaire brut.

Par ailleurs, l'employeur ne dispose pas d'un droit discrétionnaire et absolu de rupture du contrat. Ainsi, constitue un licenciement abusif le licenciement fondé sur un faux motif ainsi que celui mis en œuvre de manière abusive.

Il appartient alors au salarié de rapporter la preuve de l'existence d'un abus et du préjudice qui en est résulté.

En l'espèce, après huit ans de non-versement de sa rémunération variable, Monsieur A. a mis en demeure son employeur par courrier du 17 octobre 2018, puis a saisi le Tribunal du travail le 26 octobre 2018, la société S.M.S. étant convoquée en audience de conciliation par courrier du 2 novembre 2018.

Le 16 novembre 2018, Monsieur A. était convoqué à un entretien préalable devant se dérouler le 22 novembre, et dispensé d'activité dans l'intervalle pour lui » permettre de prendre conseil «. Il lui était immédiatement demandé de restituer l'intégralité des outils de travail et l'intégralité des clients de la société étaient informés de son départ de la société » ce jour " et de son remplacement par un autre employé.

La concomitance entre la réclamation de Monsieur A. et la décision de licenciement, notifiée le 27 novembre mais en réalité prise dès le 16 novembre puisqu'annoncée à la clientèle sans équivoque, démontre qu'il s'agissait d'une réaction à sa revendication, en outre légitime, et un détournement manifeste de la possibilité de rompre un contrat de travail sans énonciation de motif.

Ainsi, en alléguant à l'encontre de son salarié un motif de licenciement fallacieux, l'employeur a fait un usage abusif de son droit de rupture en sanctionnant un salarié qui avait osé réclamer son dû.

En conséquence, il convient de réparer le préjudice matériel subi par Monsieur A. du fait de la perte de son emploi. Celui-ci ayant subi suite à son licenciement une longue période de chômage au cours de laquelle il ne percevait plus que 3.548,16 euros d'allocation par mois en dernier lieu, il y a lieu de lui allouer la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts.

Concernant les circonstances de mise en œuvre du licenciement, il y a lieu de rappeler qu'après onze ans de service, Monsieur A. a été écarté brusquement de l'entreprise quelques jours après avoir saisi le Tribunal du travail d'une juste revendication. Il a été humilié auprès de l'ensemble des clients de la société par l'annonce immédiate de ce qu'il avait quitté la société, alors qu'il n'était même pas encore officiellement licencié. Il a ensuite fait l'objet de la vindicte de son employeur qui lui a coupé brusquement le versement de son indemnité de préavis et ce alors qu'aucune faute, encore moins grave, ne pouvait lui être reprochée.

La volonté manifeste d'humiliation, outre le comportement vexatoire et blâmable, doit être réparé par l'allocation à Monsieur A. de la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts pour son préjudice moral.

 

Sur les autres demandes

 

L'analyse détaillée ci-dessus a permis de démontrer que Monsieur A. n'a commis aucun des faits qui lui sont reprochés. Particulièrement, il est établi qu'il n'avait pas en charge le client Leader Price et il ne peut dès lors se voir imputer la baisse du chiffre d'affaires.

Par ailleurs, la demande de Monsieur A. étant parfaitement fondée, il n'a commis aucun abus de droit. En conséquence, les demandes reconventionnelles de la S.A.M. B. seront rejetées.

L'urgence n'étant pas caractérisée pour le surplus, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Les dépens seront réservés en fin de cause.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, par jugement mixte, en premier ressort et après en avoir délibéré,

 

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 49-2018/2019 et 70-2018/2019 ;

Écarte des débats les pièces nos 49 à 56 produites par Monsieur A. ;

Dit que la demande en rappel de rémunération de décembre 2010 à septembre 2013 est prescrite ;

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à Monsieur A. la somme de 118.500 euros nets (cent dix-huit mille cinq cents euros) à titre de rémunération variable pour la période d'octobre 2013 à décembre 2017, avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Ordonne la réouverture des débats selon calendrier ci-dessous et enjoint à la S.A.M. B. de produire le tableau récapitulatif du chiffre d'affaires par client, distinguant le chiffre d'affaires par client hors Leader Price, le chiffre d'affaires du client Leader Price et le chiffre d'affaires global, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard en cas de non-respect du délai fixé ;

Condamne la S.A.M. B. à verser à Monsieur A. la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts ;

Condamne la S.A.M. B. à verser à Monsieur A. la somme de 220,32 euros remboursement de note de frais, avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation et ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Ordonne la réouverture des débats selon calendrier ci-dessous et enjoint aux parties de calculer les congés payés pour chaque période de référence au regard de la rémunération globale brute de Monsieur A. intégration faite des rémunérations variables nettes ;

Dit que la rupture anticipée du préavis était injustifiée ;

Ordonne la réouverture des débats selon calendrier ci-dessous et enjoint aux parties de calculer le reliquat d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents au regard du salaire que Monsieur A. aurait effectivement perçu pendant la période, intégration de la part de rémunération variable nette de l'année 2018 ;

Dit que l'indemnité de licenciement de Monsieur A. devait être calculée sur la base du salaire journalier du mois précédant le licenciement, intégration de la part de rémunération variable nette de l'année 2018 ;

Ordonne la réouverture des débats selon calendrier ci-dessous et enjoint aux parties de calculer le reliquat d'indemnité de licenciement au regard du salaire journalier du mois précédant le licenciement, intégration de la part de rémunération variable nette de l'année 2018 ;

Réserve les reliquats d'indemnités de congés payés, de préavis et congés payés y afférents et de licenciement ;

Dit que le licenciement est fallacieux ;

Condamne la S.A.M. B. à verser à Monsieur A. la somme de 150.000 euros (cent cinquante mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

Dit que le licenciement a été mis en œuvre de manière abusive ;

Condamne la S.A.M. B. à verser à Monsieur A. la somme de 50.000 euros (cinquante mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Rejette l'intégralité des demandes de la S.A.M. B. ;

Fixe le calendrier suivant concernant les mesures avant-dire-droit :

* -           le jeudi 14 juillet 2022 pour la production pièces sollicitées par la S.A.M. B.

* -           le jeudi 1er septembre 2022 pour les conclusions de Maître Christophe SOSSO, aux intérêts de Monsieur A.

* -           le lundi 3 octobre 2022 pour les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, aux intérêts de la S.A.M. B.

* -           le mardi 4 octobre 2022 clôture,

* -           le JEUDI 6 OCTOBRE 2022 pour plaidoiries .

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus ;

Réserve les dépens en fin de cause ;

Composition

Ainsi jugé par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Émile BOUCICOT et Daniel CAVASSINO, membres employeurs, Messieurs Walter DERI et Bernard ASSO, membres salariés, assistés de Madame Céline RENAULT, Secrétaire adjoint, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le trente mai deux mille vingt-deux.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 20536
Date de la décision : 30/05/2022

Analyses

En vertu de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation, mais ce n'est pas pour autant un droit discrétionnaire et absolu de rupture du contrat. Un licenciement sera ainsi qualifié d'abusif s'il est fondé sur un faux motif ou mis en œuvre de manière abusive. M. A. employé par la SAM B. en qualité de Directeur général délégué a introduit deux procédures à l'encontre de son employeur : la première relative à une rémunération variable pour les années 2010 à 2017 ; la seconde relative à son licenciement et une rémunération variable pour l'année 2018.S'agissant de sa rémunération, M. A. était rétribué par une part fixe et une part variable qui augmentait en fonction de la place grandissante que pouvait prendre la gestion d'un client dont il avait la charge dans le chiffre d'affaires de la SAM B. Cette gestion était réalisée sous l'autorité de M. C., représentant légal de la SAM B et était la cause principale du contrat conclu entre les parties. Le Tribunal énonce qu'il n'est aucunement démontré par la SAM B. que M. A. aurait dépossédé M. C. de son client et a sollicité son accord sur les décisions à prendre. Le contrat prévoyant le montant de la rémunération variable est annuel et est calculé au moment où le chiffre d'affaires est comptabilisé, en fin d'année. Cela constitue une partie de son salaire qui lui est mensualisé. Le Tribunal condamne la SAM B. en reconnaissant que M. A. a droit, pour la période non prescrite d'octobre 2013 à novembre 2018 à une rémunération variable, dont le sort suit celui de la rémunération fixe. L'entreprise doit lui verser un total de 118 500 € nets, correspondant aux mois de janvier 2015 à décembre 2017. En revanche, le Tribunal sursoit à statuer pour l'année 2018 et enjoint la SAM B. à produire les chiffres d'affaires pour permettre le calcul de la part variable. Le non-paiement de cette part variable constitue un comportement fautif de l'employeur qui conduit le Tribunal à le condamner à 10 000€ de dommages et intérêts.Concernant la rupture de préavis, l'employeur a constaté l'existence d'une faute grave découverte après le licenciement. Or, le Tribunal constate qu'aucune faute n'a été découverte par l'employeur au cours de l'exécution du préavis et sa rupture anticipée était injustifiée.  Concernant le licenciement, la SAM B doit en contrepartie de cette résiliation verser une indemnité correspondant à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service dans l'entreprise. En l'espèce, le salaire retenu n'est pas conforme car il ne tient pas compte de la part variable. S'agissant des circonstances, M. A. a été convoqué à un entretien préalable au cours duquel il lui a été demandé de restituer l'intégralité des outils de travail et les clients de la société ont été informés le jour même de son départ, ainsi que de son remplacement. L'employeur a ainsi usé à l'encontre de son salarié d'un motif de licenciement fallacieux et fait un usage abusif de son droit de rupture en sanctionnant un salarié réclamant seulement son dû. Le Tribunal décide de réparer le préjudice matériel subi par M. A. du fait de la perte de son emploi en lui allouant la somme de 150 000 € de dommages et intérêts.Le licenciement est intervenu alors que M. A. avait 11 ans d'ancienneté ; celui-ci a été écarté brusquement de l'entreprise quelques jours après avoir saisi le Tribunal du travail. La SAM B. a eu une volonté manifeste de l'humilier, auprès de l'ensemble des clients et en interrompant le préavis, alors qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée. Le Tribunal condamne le comportement vexatoire et blâmable de la SAM B. qui doit être réparé par l'allocation à M. A. de la somme de 50.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.

Rupture du contrat de travail  - Responsabilité de l'employeur  - Conditions de travail  - Contrats de travail.

Contrat de travail - Licenciement - Salaire - Part variable - Conditions du licenciement - Comportement fautif de l'employeur (oui) - Préjudice matériel et moral - Comportement vexatoire et blâmable - Dommages et intérêts (oui).


Parties
Demandeurs : M. A.
Défendeurs : SAM B.

Références :

articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956
article 2044 du Code civil
article 2 alinéa 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2022-05-30;20536 ?

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