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30/05/2022 | MONACO | N°20533

Monaco | Tribunal du travail, 30 mai 2022, M. A. c/ SAM B., exploitant le restaurant C.


En la cause de Monsieur A., demeurant X1à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque B. exploitant le restaurant « C. », dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat

-défenseur près la même Cour ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

 

Après en avoir déli...

En la cause de Monsieur A., demeurant X1à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque B. exploitant le restaurant « C. », dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat-défenseur près la même Cour ;

d'autre part ;

Visa

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

 

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

 

Vu la requête introductive d'instance en date du 16 novembre 2018, reçue le 22 novembre 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 57-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 8 janvier 2019 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur au nom de Monsieur A. en date du 13 octobre 2021 ;

Vu les conclusions considérées comme récapitulatives de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. B. exploitant le restaurant « C. », en date des 8 juillet 2021 ;

Après avoir entendu Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur A. et Maître Arnaud CHEYNUT, avocat-défenseur près la même Cour, pour la S.A.M. B. exploitant le restaurant « C. », en leurs plaidoiries à l'audience du 31 mars 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Motifs

Monsieur A. a été embauché par contrat à durée indéterminée le 30 avril 2012 en qualité de Commis de Cuisine pour une durée de travail hebdomadaire de 45 heures par la société B. exploitant le restaurant « C. ».

Il était promu en qualité de Chef de Partie en avril 2013. Il était licencié pour faute grave en février 2018.

Par procès-verbal de défaut du 7 janvier 2019, il saisissait le Bureau de Jugement du Tribunal du travail aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur à :

* - 3.494,16 euros de régularisation des heures supplémentaires pour la période de février 2013 à janvier 2018,

* - 16,83 euros de régularisation de prime d'ancienneté par rapport au montant des heures supplémentaires,

* - 1.064,96 euros de régularisation d'indemnisation due pendant les arrêts de travail par rapport au montant des heures supplémentaires,

* - 5.496,81 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* - 4.114,94 euros d'indemnité de congédiement,

* - 3.758,93 euros d'indemnité de licenciement après déduction de l'indemnité de congédiement,

* - 30.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* le tout avec intérêt au taux légal et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par conclusions considérées comme récapitulatives du 13 octobre 2021, Monsieur A. sollicite la nullité des pièces adverses nos 8, 8 bis, 9 et 9 bis pour ne pas être traduites fidèlement et ne pas mentionner le lien de subordination de l'attestant. Il soutient pour l'essentiel que :

* - suite à un long arrêt de travail pour un grave accident de trajet, suivi de congés payés, Monsieur A. a repris son travail le 8 novembre 2017,

* - il est arrivé en retard après avoir mal évalué son temps de trajet suite au changement de modalité de transport,

* - il subissait alors un premier avertissement dès le 9 novembre, l'employeur ayant évoqué un retard de quarante minutes alors qu'il n'était que de vingt minutes et s'étant plaint de l'absence de prévenance alors que Monsieur A.ne pouvait téléphoner alors qu'il conduisait,

* - la sanction était disproportionnée compte-tenu des circonstances,

* - il subissait un second avertissement le 15 décembre 2017 pour des retards inexistants les 11 et 13 décembre,

* - en effet, il ne devait pas prendre son service ces jours-là à 19 heures, mais à 20 heures comme l'atteste ses plannings,

* - il n'avait accusé que de 15 et 10 minutes de retard,

* - le 8 février 2018 Monsieur A. commettait une erreur de lecture de planning et ne se présentait pas sur son lieu de travail,

* - il avertissait immédiatement son employeur dès la prise de conscience de son erreur,

* - pour autant, son employeur ne lui en tenait pas rigueur et ne lui adressait aucune remarque,

* - à la fin de sa journée de travail du 9 février, Monsieur A. ressentait une vive douleur au dos et en informait son employeur,

* - après visite de son médecin il était arrêté du 10 au 13 février inclus,

* - il transmettait cet arrêt de travail à son employeur par la voie postale,

* - or, l'employeur indiquera n'avoir jamais reçu cet arrêt et obligera Monsieur A. à se rendre physiquement le 13 février sur son lieu de travail afin de le lui remettre en main propre,

* - l'employeur lui adressait un premier courrier de licenciement pour faute grave,

* - pour autant, le 17 février l'employeur annonçait à Monsieur A. l'annulation de son licenciement suite à la réception de la justification de son absence,

* - malgré sa demande, Monsieur A.ne recevait pas de confirmation écrite de cette annulation,

* - sa reprise de fonction était pourtant fondée sur la réception écrite de l'annulation, puisque selon le premier licenciement il était dispensé de présence sur son lieu de travail,

* - plus encore, il recevait une seconde lettre de licenciement datée du 19 février maintenant le licenciement pour faute grave,

* - le motif de ce second licenciement serait l'absence de reprise de poste suite à l'annulation du licenciement,

* - or, l'annulation d'un licenciement ne peut avoir lieu qu'avec l'accord du salarié et dans les mêmes formes que la notification elle-même, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce,

* - il s'agit bien d'un second licenciement, le premier n'ayant jamais été annulé, qui ne peut dès lors plus être fondé sur les antécédents ayant justifié le premier licenciement puisqu'il n'a jamais été annulé,

* - le comportement de l'employeur a été particulièrement brutal,

* - après avoir procédé à un premier licenciement pour un faux motif, puisque l'arrêt de travail avait bien été déposé, il a donné l'espoir à son salarié d'une annulation, pour finalement le licencier à nouveau sans aucune annonce préalable,

* - l'organisation d'un entretien préalable aurait permis à l'employeur de se rendre compte de l'erreur qu'il commettait,

* - Monsieur A. a subi un acharnement de son employeur depuis la reprise de son travail suite à un long arrêt,

* - il subit un préjudice financier important, n'ayant à ce jour pas retrouvé de situation professionnelle comparable,

* - il s'est trouvé dans une situation financière délicate lorsqu'il ne percevait que des indemnités chômage, ce d'autant qu'il avait été privé de toutes les indemnités de rupture,

* - Monsieur A. qui a été embauché pour une durée de travail hebdomadaire de 45 heures n'a jamais bénéficié de la majoration de 25 % pour les six heures supplémentaires par semaine,

* - l'autorisation d'embauchage fait bien référence à 45 heures de travail effectif, et non au régime d'heures d'équivalence,

* - les dispositions contractuelles ne faisaient pas non plus référence à ce régime,

* - en outre, au regard des plannings de travail il effectuait bien 45 heures de travail effectif,

* - les périodes de février 2013 à février 2018 ne sont pas prescrites,

* - la majoration des heures supplémentaires entraîne la modification de la prime d'ancienneté et de l'indemnisation de Monsieur A. pendant ses arrêts de travail, leur montant étant calculé sur le salaire intégral.

Par conclusions récapitulatives du 8 juillet 2021, la S.A.M. B. conclut au débouté de l'intégralité des demandes de Monsieur A. Elle soutient pour l'essentiel que :

* - les pièces nos 8 et 9 sont valables, leur lecture permettant la compréhension de lien de subordination entre l'employeur et l'attestant,

* - suite à un long arrêt de travail puis à la prise de congés, Monsieur A. a repris ses fonctions le 8 novembre 2017,

* - il est alors arrivé avec quarante minutes de retard sans prévenir son responsable,

* - il faisait alors l'objet d'un premier avertissement adressé le 22 novembre, qu'il ne contestait pas,

* - les 11 et 13 décembre 2017, il se présentait sur son lieu de travail en retard compte-tenu de l'absence de réservations importantes,

* - il faisait l'objet d'un nouvel avertissement le 14 décembre 2017, qu'il ne contestait pas non plus,

* - le 8 février 2018, il ne se présentait pas pour le service et ne répondait pas aux tentatives de contact du Chef de Cuisine,

* - il se manifestait à 15 h 30, prétextant une erreur de lecture de planning,

* - il refusait toutefois de se présenter pour la prise de service à 16 heures,

* - son insubordination n'est pas restée sans effet, puisqu'il a reçu cinq jours plus tard une notification de licenciement, fondée notamment sur cette absence,

* - le lendemain, à la fin de son service, il se plaignait du dos et précisait qu'il ne serait peut-être pas présent le lendemain,

* - effectivement les trois jours suivants il ne se présentait pas à son poste, sans adresser aucun justificatif ni même un contact téléphonique,

* - il ne respectait pas le délai de notification de la prescription médicale dans les 48 heures,

* - face à son comportement désinvolte il lui était adressé une notification de licenciement pour faute grave, postée le 13 février à 16 h 28,

* - or, à 17 heures, il se présentait pour remettre en main propre un arrêt de travail prescrit du 10 au 13 février,

* - en possession de cet arrêt, l'employeur a souhaité lui donner une chance et organisé une conférence téléphonique le 17 février pour lui annoncer décider d'annuler le licenciement en sollicitant que Monsieur A. se présente à son poste le 18 février et respecte à l'avenir les horaires de travail,

* - si une confirmation écrite devait lui être adressée, Monsieur A. avait donné son accord pour une reprise de poste dès le lendemain,

* - l'acceptation de l'annulation du licenciement doit être claire et non équivoque ; or Monsieur A. admet lui-même dans ses conclusions qu'il l'avait acceptée,

* - néanmoins, Monsieur A. ne se présentait ni le 18 ni le 19,

* - il lui était alors adressé un nouveau courrier recommandé le 19 février pour lui annoncer que le licenciement notifié le 13 février était maintenu,

* - le licenciement de Monsieur A. est valable puisqu'il a commis un ensemble de manquements disciplinaires, et ce même si certains d'entre eux ont déjà été sanctionnés, la persistance d'un comportement désorganisant l'entreprise constituant une faute grave,

* - si le licenciement du 13 février avait été rétracté, les fautes subsistent et constituent du comportement global du salarié qui justifie de son licenciement pour faute grave,

* - les multiples retards du salarié ont occasionné une gêne pour le service, l'employeur ayant dû organiser le remplacement du salarié dans l'urgence, sans connaître la durée du retard ou s'il allait tout simplement être absent,

* - en application de l'article 2 de l'Arrêté Ministériel du 6 janvier 1960, les salaires des travailleurs de restaurant est calculé sur la base d'une durée de travail effectif de 45 heures par semaine,

* - Monsieur A. fait une lecture erronée de la jurisprudence, puisque c'est le régime des équivalences qui s'applique, à défaut de dispositions contractuelles qui permet à l'employeur de l'écarter,

* - le contrat de travail et les bulletins de paie de Monsieur A. mentionnent bien un horaire hebdomadaire de 45 heures,

 

SUR CE,

 

Sur les pièces

 

Les pièces nos 8 et 9 produites par la défenderesse sont des attestations de personnes mentionnant qu'elles n'ont aucun lien de subordination avec les parties avant de préciser qu'ils sont Cuisiniers au Cipriani.

L'article 324 alinéa 3 du Code de procédure civile exige que l'attestant mentionne s'il existe un lien de subordination avec les parties.

Cette mention a été respectée par les attestants, qui ont fait part de leur profession et donc de leur lien de subordination avec la défenderesse. Dans ces conditions les attestations sont recevables et il n'y a pas lieu de les annuler au motif d'une simple erreur matérielle ne pouvant induire en erreur le Tribunal.

Sur les heures supplémentaires

 

En application de l'article 1er de la loi n° 739 du 16 mars 1963, le salarié est rémunéré sur la base de trente-neuf heures de travail par semaine, ou de la durée considérée comme équivalente, ou de la durée fixée dans le contrat de travail.

En application de l'article 2 de l'Arrêté Ministériel n° 60-004, les salaires des employés de restaurants est calculé sur la base d'une durée de travail effectif de quarante-cinq heures par semaine.

En l'espèce, au regard de l'autorisation d'embauchage, Monsieur A. a été embauché en qualité de Commis de Cuisine pour une durée de quarante-cinq heures par semaine, base de calcul de son salaire.

Le régime d'équivalence n'est applicable aux heures effectuées par les employés de restaurant que si elles ne correspondent pas à un travail effectif. Dans ces conditions, les heures accomplies au-delà de la durée équivalente soit à compter de la quarante-sixième heure, donnent lieu à majoration.

En l'espèce, Monsieur A. sur lequel la charge de la preuve de l'existence d'heures supplémentaires incombe, produit en tout et pour tout un planning de travail de la semaine du 11 décembre, faisant apparaître quatre jours de travail pour des durées de 7 h 30 et un bulletin de salaire du mois de février 2018 ne décomptant pas d'heures supplémentaires.

À défaut pour Monsieur A.de démontrer qu'il aurait accompli une quelconque heure supplémentaire, il sera débouté de sa demande et des demandes subséquentes de régularisation.

 

Sur le licenciement

Le licenciement, qui produit ses effets dès sa notification, ne peut être rétracté par l'employeur qu'avec l'accord du salarié concerné par cette mesure. À défaut d'acceptation la rupture du contrat de travail s'avère définitivement consommée et rend nécessaire l'appréciation de la validité de son motif.

Par ailleurs, la rétractation comme l'acceptation de cette rétractation ne sont soumises à aucune règle de forme et peuvent donc résulter des comportements des parties, tels que l'envoi d'un planning, le paiement du salaire par l'employeur et la reprise du poste par le salarié.

En l'espèce, Monsieur A. a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février à 16 heures 28. La date de réception de cette lettre n'est pas connue mais, compte tenu de la venue du salarié dans le restaurant peu de temps après cet envoi, il est raisonnable de penser qu'il en a été informé à ce moment-là.

Il est constant que, lors d'une conversation téléphonique du 17 février, l'employeur a annoncé sa volonté de rétracter le licenciement. Le licenciement avait déjà été notifié à ce moment-là et produisait ses effets. La rétractation ne serait alors valable qu'avec l'accord du salarié. Or, Monsieur A.ne démontre pas avoir accepté cette rétractation, cela ne ressortant ni des attestations des délégués du personnel ni du comportement du salarié. À défaut, et sans qu'il ne soit nécessaire d'apprécier si le motif invoqué par Monsieur A. était justifié ou non, le licenciement n'a pu être rétracté et a produit ses effets.

Dès lors, il n'y a bien eu qu'un seul licenciement, celui du 13 février, dont la rétractation n'a pu intervenir. D'ailleurs, la sortie des effectifs de Monsieur A. a bien été actée au 16 février, soit antérieurement au courrier du 19 février, et certainement à la date de présentation de la lettre recommandée du 13.

Le licenciement ayant été consommé, il convient d'apprécier la validité de son motif et les circonstances de sa mise en œuvre.

En l'espèce, Monsieur A. s'est vu reproché :

* - la non prise de poste du 8 février 2018 et le refus de présentation pour le service du soir,

* - la non prise de poste trois jours consécutifs, les 10, 11 et 12 février, sans avertissement aucun,

* - la réitération de comportements fautifs suite à deux avertissements pour non-respect des horaires.

Ces faits sont matériellement établis et non contestés par le demandeur, qui ne justifie ni avoir prévenu son employeur de ses différents retards, ni avoir effectivement adressé son arrêt de travail du 10 février dans les quarante-huit heures, tel qu'imposé par le Règlement Intérieur.

Constitue une faute grave tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise.

Par ailleurs, l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à tenir compte de griefs antérieurs, même déjà sanctionnés en leur temps, pour justifier une sanction aggravée reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.

Si les dispositions du Règlement Intérieur d'une entreprise ne s'imposent pas au Juge quant à la qualification de la faute, il n'en demeure pas moins qu'en l'espace de trois mois, Monsieur A. est arrivé trois fois en retard sans aviser son employeur, n'a pas pris son service le 8 février et n'a pas justifié de son arrêt de travail. Il avait fait l'objet d'un premier avertissement le 9 novembre, puis d'un second intitulé dernier avertissement le 15 décembre. Il a pourtant réitéré son comportement dès le 8 février, peut être en commettant une erreur d'inattention, mais en tout état de cause en refusant de se présenter pour le service du soir, ce qu'il ne conteste pas.

La répétition de ces absences injustifiées a nécessairement causé un préjudice à l'employeur, qui n'était jamais informé de l'arrivée ou non de son salarié et ne pouvait anticiper son remplacement.

Le comportement du salarié était fautif et pouvait confiner à la gravité justifiant une rupture immédiate de la relation de travail.

Pour autant, en envisageant de rétracter son licenciement pour faute grave, l'employeur a implicitement mais nécessairement reconnu que le comportement fautif ne rendait pas intolérable le maintien de la relation contractuelle.

Dès lors, si le motif de rupture du contrat était valable, les indemnités de préavis et de congédiement étaient en revanche dues.

En application des articles 7 et 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, Monsieur A. a droit à une indemnité correspondant à la rémunération et avantages de toute nature dont il aurait bénéficié pendant le délai de préavis, de deux mois en l'espèce. Au regard d'un salaire mensuel brut de 2.756,19 euros (tel que cela ressort de son attestation Pôle Emploi) Monsieur A. aurait droit à la somme de 5.512,38 euros, ramenée à 5.496,81 euros bruts, tel que demandé, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

En application de l'article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968, Monsieur A. qui comptait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à une indemnité de congédiement dont le montant minimum ne pourra être inférieur à celui des indemnités de même nature versées aux salariés dans les mêmes professions, commerces ou industries de la région économique voisine. En application du décret n° 2017-1398 le taux applicable est d'1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté. Par ailleurs, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité est le 1/12ème de la rémunération des douze derniers mois précédant le congédiement ou, selon la formule la plus avantageuse, le tiers des trois derniers mois comme s'il avait travaillé normalement. En l'espèce, ce sont les trois derniers mois qui sont le plus avantageux à Monsieur A. qui a donc droit, sur une base de salaire de 2.756,19 euros (1/3 des trois derniers mois) et une ancienneté de cinq ans à 3.445,24 euros, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bureau de Conciliation.

Le motif du licenciement étant valable, Monsieur A. sera débouté de sa demande d'indemnité de licenciement.

Afin de déterminer si le licenciement a été mis en œuvre de manière abusive, il convient d'apprécier les circonstances l'ayant entouré, le motif du licenciement étant valable, aucun faux motif n'ayant présidé à la décision de l'employeur.

En l'espèce, Monsieur A. soulève le caractère brutal par l'absence d'organisation d'entretien préalable. Si un tel entretien n'est pas une obligation légale, il permet de s'assurer que l'annonce de la rupture ne soit pas un choc pour un salarié ne pouvant anticiper une telle annonce et de lui permettre de se défendre. Or, la décision de licenciement est intervenue dans un contexte d'absence injustifiée de son salarié depuis trois jours, suite à deux avertissements, puis une nouvelle absence injustifiée cinq jours auparavant. Dans ces circonstances, la décision de licenciement ne pouvait être brutale pour un salarié ayant manifestement violé ses obligations de prévenance de son employeur à plusieurs reprises. Il convient d'ailleurs de rappeler que ce n'est pas à l'employeur de s'enquérir des motifs des multiples absences de son salarié, mais à ce dernier de le prévenir de ses causes d'empêchements ou de retards.

En revanche, les circonstances ayant entouré la rupture et particulièrement les termes de la lettre du 19 février constituent un comportement blâmable de l'employeur. En effet, alors que seul le licenciement du 13 février, dont la révocation n'a pas été acceptée, fonde la rupture, l'employeur a indiqué dans son courrier du 19 février que le licenciement prendrait effet à compter de la date de présentation de cette lettre. L'employeur n'a d'ailleurs pas agi ainsi, actant la rupture à compter du 16 février. Cette erreur a nécessairement induit en erreur son salarié, qui d'ailleurs conteste le licenciement du 19 février dans son recours alors que ce n'en est pas un. De plus, en privant le salarié de ses indemnités de préavis et de congédiement, alors qu'il ne pouvait valablement invoquer une faute grave pour avoir annoncé son intention d'y renoncer, l'employeur a également commis une légèreté blâmable.

Le motif du licenciement étant valable seul le préjudice moral de Monsieur A. sera indemnisé à hauteur de 1.500 euros.

Aucune urgence n'étant caractérisée il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire pour le surplus.

Chacune des parties succombant partiellement, elles conserveront la charge de leurs propres dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

 

Rejette la demande de nullité des pièces n° 8 et 9 produites par la société anonyme monégasque B. exploitant le restaurant « C. » ;

Rejette la demande de rappel d'heures supplémentaires et les demandes subséquentes ;

Dit que le licenciement a été prononcé par courrier du 13 février 2018 ;

Dit que le comportement de Monsieur A. ne constitue pas une faute grave ;

Condamne la société anonyme monégasque B. exploitant le restaurant « C. » à verser à Monsieur A. la somme de 5.496,81 euros bruts (cinq mille quatre cent quatre-vingt-seize euros et quatre-vingt-un centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis et ce avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Condamne la société anonyme monégasque B. exploitant le restaurant « C. » à verser à Monsieur A. la somme de 3.445,24 euros (trois mille quatre cent quarante-cinq euros et vingt-quatre centimes) à titre d'indemnité de congédiement et ce avec intérêts au taux légal à compter de la citation en conciliation ;

Dit que le motif du licenciement est valable ;

Rejette la demande d'indemnité de licenciement ;

Dit que le licenciement a été mis en œuvre avec légèreté blâmable,

Condamne la société anonyme monégasque B. exploitant le restaurant « C. » à verser à Monsieur A. la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus ;

Laisse la charge de ses propres dépens à chacune des parties ;

Composition

Ainsi jugé par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Émile BOUCICOT et Daniel CAVASSINO, membres employeurs, Messieurs Bernard ASSO et Walter DERI, membres salariés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, et - en l'absence d'opposition des parties - mis à disposition au Secrétariat du Tribunal du Travail, le trente mai deux mille vingt-deux.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20533
Date de la décision : 30/05/2022

Analyses

M. A., embauché en 2012 en contrat à durée indéterminé comme commis de restaurant, a été promu puis licencié en 2018 pour faute grave. Il saisit le Tribunal du travail pour demander la régularisation de ses heures supplémentaires et contester la nature de son licenciement.L'arrêté ministériel n° 60-004 du 6 janvier 1960 prévoit que les salaires des employés de restaurants est calculé sur la base d'une durée de travail effectif de quarante-cinq heures par semaine, seules les heures accomplies au-delà relèvent de la majoration. Or, M. A. n'est pas à même de fournir, notamment par son planning ou sa fiche de paye, la preuve qu'il aurait accompli une heure supplémentaire. Le Tribunal décide de le débouter de sa demande.S'agissant du licenciement, il lui a été notifié par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception, puis l'employeur s'est rétracté sans pour autant que M. A. ait déclaré avoir accepté cette rétractation. Ainsi, le licenciement a bien produit ses effets depuis l'envoi de la lettre recommandée. Il lui est reproché plusieurs non prises de poste et retards qui ne sont pas contestés et peuvent être considérés comme des fautes graves car entrainant la désorganisation du service. En l'espèce, le Tribunal ne retient pas la gravité car le fait pour l'employeur de s'être postérieurement rétracté à la suite de l'envoi de la lettre, permet d'estimer que le comportement fautif de M. A. ne rendait pas impossible la poursuite des relations contractuelles. Le motif de licenciement étant valable, la gravité n'est pas reconnue et le Tribunal décide de retenir au profit de M. A. une indemnité correspondant au délai de préavis, le calcul de ses années d'ancienneté dans le cadre de son indemnité de congédiement et la reconnaissance de son préjudice moral du fait de la légèreté blâmable de son employeur.

Conditions de travail  - Rupture du contrat de travail  - Contrats de travail  - Responsabilité de l'employeur  - Hôtel - café - restaurant.

Contrat de travail - Secteur de la restauration - Heures supplémentaires - Preuves (non) - Licenciement - Rétractation de l'employeur - Faute grave (non) - Motif valable (oui) - Légèreté blâmable de l'employeur (oui) - Indemnités de licenciement (non) - Indemnités de congédiement - Préjudice moral (oui) - Dommages et intérêts (oui).


Parties
Demandeurs : M. A.
Défendeurs : SAM B., exploitant le restaurant C.

Références :

articles 7 et 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963
article 1er de la loi n° 739 du 16 mars 1963
article 324 alinéa 3 du Code de procédure civile
article 2 de l'Arrêté Ministériel du 6 janvier 1960
arrêté ministériel n° 60-004 du 6 janvier 1960
article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2022-05-30;20533 ?

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