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17/03/2022 | MONACO | N°20421

Monaco | Tribunal du travail, 17 mars 2022, Monsieur A. c/ Société à responsabilité limitée B. B.


Motifs

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

En la cause de Monsieur A., demeurant à MENTON (06500) ;

Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 137 BAJ 18 du 18 janvier 2018, ayant élu domicile en l'étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société à responsabilité limitée dénommée B. B., dont le siège social se situe à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-B

ENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Maeva ZAMPORI, avocat-sta...

Motifs

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

En la cause de Monsieur A., demeurant à MENTON (06500) ;

Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 137 BAJ 18 du 18 janvier 2018, ayant élu domicile en l'étude de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

La société à responsabilité limitée dénommée B. B., dont le siège social se situe à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Maeva ZAMPORI, avocat-stagiaire ;

d'autre part ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 50-2018/2019 ;

Vu le jugement mixte du Tribunal du travail en date 13 mai 2020 ;

Vu l'arrêt de la Cour d'appel en date du 13 avril 2021 ;

Vu les conclusions de Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur au nom de Monsieur A. en date du 3 juillet 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de la S.A.R.L. B. B., en date du 21 décembre 2021 ;

Après avoir entendu Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur A. et Maître Maeva ZAMPORI, avocat-stagiaire, pour la S.A.R.L. B. B., en leurs plaidoiries à l'audience du 6 janvier 2022 ;

Vu les pièces du dossier ;

Dans un litige opposant Monsieur A. à la société à responsabilité limitée B. en abrégé B. suite à un licenciement pour faute grave, le Tribunal du travail a, par jugement mixte du 13 mai 2020 :

- prononcé la nullité des pièces nos 12 et 13 produites par la S.A.R.L. B.

- dit que le licenciement de Monsieur A. par la S.A.R.L. B. n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif,

- condamné la S.A.R.L. B. à payer à Monsieur A. les sommes suivantes :

- 3 778,96 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents à hauteur de 377,89 euros en brut, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018,

- 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- avant-dire-droit sur l'indemnité de licenciement, l'indemnité de congédiement et l'indemnité compensatrice de congés payés,

- ordonné la réouverture des débats et :

- enjoint aux parties de préciser et de détailler le calcul par elles opéré pour obtenir les sommes correspondant à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité de congédiement, en tenant compte des observations formulées par le Tribunal au titre de la Convention collective applicable et en produisant les bulletins de salaire de Monsieur A. du 1er décembre 2016 au 31 octobre 2017,

- enjoint à la S.A.R.L. B. de produire un décompte de la Caisse des congés payés du Bâtiment détaillant les sommes éventuellement versées à Monsieur A.au titre des congés payés,

- fixé un calendrier procédural,

- condamné la S.A.R.L. B. aux dépens du jugement.

Par arrêt du 13 avril 2021, la Cour d'appel a :

- annulé l'attestation n° 16 produite par la S.A.R.L. B.

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal du travail le 13 mai 2020,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamné la S.A.R.L. B. aux dépens,

Par conclusions du 3 juillet 2020 Monsieur A. expose :

- qu'il ne dispose pas des bulletins de salaire de décembre 2016 à février 2017,

- qu'il disposait au moment de la rupture du contrat de travail de 25 mois d'ancienneté,

- que son salaire brut mensuel moyen sur les six derniers mois était de 1 889,48 euros, mais qu'il ne travaillait que vingt jours par mois de sorte que le salaire mensuel doit être divisé par 20 pour obtenir le salaire journalier, qui est donc de 94,47 euros,

- que l'indemnité de licenciement correspond à ce salaire journalier moyen multiplié par ses vingt-cinq mois d'ancienneté, soit 2 361,75 euros,

- que l'indemnité de congédiement monégasque correspond à l'indemnité de licenciement française,

- qu'elle est calculée à partir de la rémunération brute perçue par le salarié avant la rupture, ne peut être inférieure à ¼ de mois de salaire par année d'ancienneté et l'ancienneté est calculée à partir de la fin du préavis même non exécuté,

- que le revenu brut mensuel moyen de Monsieur A. s'élevant à 1 889,48 euros et son ancienneté à deux ans, il lui est dû 944,74 euros à titre d'indemnité de congédiement,

- qu'en application de la Convention Collective du Bâtiment, l'indemnité de congédiement égale à vingt fois le salaire horaire (qui était de 11,38 euros bruts) par année d'ancienneté reviendrait à 455,20 euros, soit une indemnité inférieure à celle prévue par la loi n° 845 du 27 juin 1968 de sorte que Monsieur A. sollicite l'application de dispositions plus favorables,

Il sollicite en conséquence la condamnation de la S.A.R.L. B. à lui payer les sommes de :

- 2 361,85 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 944,74 euros au titre de l'indemnité de congédiement,

- 1 037,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

avec intérêts à compter de la citation devant le Bureau de Conciliation, outre la condamnation de la défenderesse aux entiers dépens.

À l'audience de plaidoirie fixée le 7 octobre 2021 les parties n'ont pas comparu.

L'affaire a été renvoyée pour être plaidée le 6 janvier 2022.

Par conclusions du 21 décembre 2021, la S.A.R.L. B. sollicite de débouter Monsieur A. de ses demandes et qu'il soit jugé qu'il ne peut prétendre à une indemnité de congédiement supérieure à 755,79 euros et une indemnité de licenciement supérieure à 1 133,69 euros déduction faite de l'indemnité de congédiement non cumulable, outre la condamnation de tout contestant aux entiers dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- Monsieur A. reconnaît que son salaire moyen brut mensuel de mars à septembre 2017 s'élève à la somme de 1 889,48 euros,

- il prétend que n'ayant travaillé que vingt jours par mois il conviendrait de diviser son salaire mensuel par 20 pour obtenir un salaire journalier de 94,47 euros,

- or, Monsieur A. travaillait 169 heures par mois, soit à temps plein,

- dès lors, son salaire par le nombre de jours de travail habituels dans le mois, soit 25, et son indemnité de licenciement s'élève à la somme de 1 889,48 euros,

- la règle selon laquelle l'indemnité légale de congédiement ne saurait être inférieure à celles des indemnités de même nature versées aux salariés des professions dans la région économique voisine renvoi pour son calcul au montant minimum légal,

- les taux applicables pour ladite indemnité après deux ans d'ancienneté sont de 1/5e de mois par année d'ancienneté jusqu'à dix ans d'ancienneté,

- Monsieur A. disposant de dix ans d'ancienneté, il a droit à une indemnité légale de congédiement de 755,79 euros,

- le calcul de l'indemnité conventionnelle de congédiement de Monsieur A. lui est moins favorable et en tout état de cause il retient un salaire horaire erroné de 11,38 euros alors qu'il était de 10,84 euros,

- Monsieur A. persiste à réclamer le paiement des deux indemnités alors qu'en application de la règle de non-cumul il convient de déduire le montant de l'indemnité de congédiement de celle de l'indemnité de licenciement,

- au titre de l'indemnité de licenciement il a donc droit en définitive à 1 133,69 euros,

- Monsieur A. a bien reçu de la part de la Caisse des congés payés du Bâtiment la somme de 5 442,55 euros au titre des congés payés pour 2016 et 2017 et les congés non pris de 2018, ce qu'il ne développe pas tout en maintenant de manière injustifiée sa demande.

À l'audience de plaidoirie du 6 janvier 2022, Monsieur A. a pris acte du paiement des indemnités de congés payés par la Caisse de congés payés du Bâtiment et renoncé à ce chef de demande.

SUR CE,

L'indemnité de licenciement correspond à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service dans l'entreprise.

En application de l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 845, le salaire journalier servant de base de calcul est égal au quotient du salaire correspondant au nombre de jours où le salarié a effectivement travaillé le mois ayant précédé son licenciement, sans que l'indemnité ne puisse excéder 6 mois de salaire.

S'il peut être admis qu'il soit pris en compte un salaire moyen pour le calcul de l'indemnité de licenciement, cela n'est applicable qu'en l'état de variations importantes affectant la rémunération mensuellement servie, notamment en cas de versement de commissions ou de primes d'objectifs.

En l'espèce, les salaires de Monsieur A. ne variaient pas particulièrement, hormis au mois de septembre 2017. Cette variation n'est pas liée au mode de rémunération mais uniquement au fait qu'il n'a travaillé que 83,20 heures au lieu de 169. Dès lors, l'indemnité se calcule sur la base de son salaire (946,98 euros), divisé par le nombre de jours travaillés (12 jours du 18 au 29 septembre), multiplié par 25 = 1 972,88 euros.

Afin de déterminer le montant de l'indemnité de congédiement due, il convient de déterminer l'indemnité la plus favorable entre l'indemnité légale ou conventionnelle.

Sur l'indemnité conventionnelle c'est à bon droit que Monsieur A. retient un taux horaire de 11,38 pour le mois de septembre 2017 (salaire brut 946,98/total heures 83,20) et aboutit à une indemnité de 455,20 euros.

Concernant le calcul de l'indemnité légale, le Tribunal du travail a rappelé dans son jugement mixte que :

- Aux termes de l'article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968 « Tout salarié, lié par un contrat de travail à durée déterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de congédiement dont le montant minimum ne pourra être inférieur à celui des indemnités de même nature versées aux salariés dans les mêmes professions, commerces et industries de la région économique voisine (...) »,

- Cette disposition légale monégasque renvoie au montant minimum légal de la région économique voisine (Cour de révision, 26 mars 1998, société E. c/ I.), qui est la France, si bien que l'indemnité légale de congédiement monégasque doit correspondre à son équivalent français, l'indemnité légale de licenciement (Code du travail français, articles L. 1234-9, R. 1234-2, R. 1324-4),

- Les taux applicables après deux ans d'ancienneté sont :

- 1/5e de mois par année d'ancienneté,

- et 2/15e de mois par année au-delà de dix années «.

Or, depuis le 25 septembre 2017 (décret n° 2017-1398), les taux applicables sont :

- 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans,

- 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Par ailleurs, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité est le 1/12e de la rémunération des douze derniers mois précédant le congédiement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, le tiers des trois derniers mois comme s'il avait travaillé normalement.

Les douze derniers mois sont octobre 2016 à septembre 2017, soit un salaire moyen de 1 979,14 euros et les trois derniers mois sont juillet à septembre 2017, soit un salaire moyen de 1 567,35 euros.

Monsieur A. aurait dès lors droit à 989,57 euros (1 979,14 / ¼ x 2).

L'indemnité légale étant la plus favorable il convient de la retenir.

Monsieur A. sollicitant la somme de 944,74 euros, il convient de se limiter à ce montant.

En application de l'article 3 de la loi n° 845 » Les deux indemnités prévues aux articles précédents (congédiement et licenciement) ne peuvent être cumulées. Celle visée à l'article premier (congédiement) doit être versée le jour où prend effet le congédiement ; son montant est déduit, le cas échéant, de celui de l'indemnité prévue à l'article 2 (licenciement) ".

Il convient dès lors de déduire la somme de 944,74 euros (indemnité de congédiement) de celle de 1 972,88 euros afin d'obtenir une indemnité de licenciement de 1 028,14 euros.

Les parties, qui succombent chacune respectivement, doivent supporter par moitié les dépens du présent jugement, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Constate que Monsieur A. a abandonné sa réclamation au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Condamne la société à responsabilité limitée B. à verser à Monsieur A. la somme de 1 028,14 euros (mille vingt-huit euros et quatorze centimes) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018, date de la citation devant le Bureau de Conciliation ;

Condamne la société à responsabilité limitée B. à verser à Monsieur A. la somme de 944,74 euros (neuf cent quarante-quatre euros et soixante-quatorze centimes) à titre d'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018, date de la citation devant le Bureau de Conciliation ;

Rejette le surplus des demandes ;

Laisse la charge des dépens à chacune des parties qui succombent partiellement et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire ;

Composition

Ainsi jugé par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Anne-Marie MONACO, Monsieur Cédric CAVASSINO, membres employeurs, Madame Alexandra OUKDIM, Monsieur Gilles UGOLINI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique au Palais de Justice, le dix-sept mars deux mille vingt-deux, par Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Mesdames Anne-Marie MONACO et Alexandra OUKDIM, Messieurs Cédric CAVASSINO et Gilles UGOLINI, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20421
Date de la décision : 17/03/2022

Analyses

Il n'y a pas lieu de prendre en compte, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, tel que prévue par l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, un salaire moyen qui n'est applicable qu'en l'état de variations importantes affectant la rémunération mensuellement servie, notamment en cas de versement de commissions ou de primes d'objectifs, alors que les salaires du salarié ne variaient pas particulièrement, hormis au mois de septembre avant son licenciement, pendant lequel il n'a travaillé que 83,20 heures au lieu de 169. Dès lors, l'indemnité se calcule sur la base de son salaire mensuel, divisé par le nombre de jours travaillés, multiplié par le nombre de mois d'ancienneté. Quant au montant de l'indemnité de congédiement, il y a lieu de retenir le calcul de l'indemnité légale, plus favorable que celui de l'indemnité conventionnelle. Enfin, en l'absence de cumul de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité de congédiement, le montant de l'indemnité de congédiement est déduit du montant de l'indemnité de licenciement.

Social - Général  - Responsabilité de l'employeur.

Contrat de travail - Licenciement - Indemnité de licenciement - Indemnité de congédiement - Mode de calcul.


Parties
Demandeurs : Monsieur A.
Défendeurs : Société à responsabilité limitée B. B.

Références :

article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968
loi n° 845 du 27 juin 1968
article 2 alinéa 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2022-03-17;20421 ?

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