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28/09/2021 | MONACO | N°20081

Monaco | Tribunal du travail, 28 septembre 2021, Madame e. H. c/ La SAM A


Abstract

Contrat de travail - Modification de la situation juridique de l'employeur - Cession partielle d'activité - Transfert du contrat de travail - Activité à temps plein dans l'unité cédée - Transfert illégitime du contrat (non)

Résumé

Compte tenu des seules pièces produites par les parties, aucun élément ne permet de remettre en question le transfert du contrat de travail de la demanderesse. En effet, la salariée exerçait ses fonctions à temps plein au sein du magasin au moment de la cession du fonds de commerce correspondant. La salariée ne rapporte p

as la preuve d'une manœuvre de l'employeur en vue de son affectation sur ce magas...

Abstract

Contrat de travail - Modification de la situation juridique de l'employeur - Cession partielle d'activité - Transfert du contrat de travail - Activité à temps plein dans l'unité cédée - Transfert illégitime du contrat (non)

Résumé

Compte tenu des seules pièces produites par les parties, aucun élément ne permet de remettre en question le transfert du contrat de travail de la demanderesse. En effet, la salariée exerçait ses fonctions à temps plein au sein du magasin au moment de la cession du fonds de commerce correspondant. La salariée ne rapporte pas la preuve d'une manœuvre de l'employeur en vue de son affectation sur ce magasin avant sa cession. La cession partielle d'activité peut entraîner une « scission » du contrat de travail du salarié affecté pour partie seulement à une branche d'activité cédée. Ainsi, de salarié à temps plein auprès d'un seul employeur, il deviendra salarié à temps partiel auprès de deux employeurs. Faute pour la demanderesse de démontrer qu'elle partageait son temps de travail entre les trois établissements appartenant à la défenderesse, et ce durablement, elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour transfert illégitime de son contrat de travail.

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 28 SEPTEMBRE 2021

* En la cause de Madame e. H., demeurant X1 à MENTON (06500) ;

Demanderesse, comparaissant en personne ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, comparaissant en personne ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 22 octobre 2020, reçue le même jour ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 40-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 novembre 2020 ;

Vu les conclusions de Madame e. H. en personne, en date du 2 décembre 2020, reçues le 4 décembre 2020, et celles reçues le 30 mars 2021 ;

Vu les conclusions de la SAM A, reçues le 11 janvier 2021 ;

Ouï Madame e. H. en personne, en ses observations et explications ;

Ouï Monsieur a. SE., Administrateur, pour la SAM A, en ses observations et explications ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame e. H. a été embauchée par la SAM B à compter du 14 avril 2008 en qualité de Vendeuse.

Le 1er août 2016, la SAM B a fait l'objet d'un rachat par le groupe Z et le contrat de travail de Madame e. H. s'est poursuivi avec la SAM A.

Cette dernière est composée de trois établissements :

* La SAM B,

* La SAM A,

* La société C.

Au début de l'année 2020, Madame e. H. a été affectée sur la société « C ».

Le 10 juillet 2020, le fonds de commerce de la société « C » a été cédé à la SARL D.

Le contrat de travail de Madame e. H. s'est ainsi poursuivi avec la SARL D.

Par la suite, la SARL D a licencié Madame e. H.

Par mail en date du 8 août 2020, Madame e. H. a écrit à la SAM A afin de contester son transfert au sein de la SARL D et de lui faire part des difficultés au cours de l'exécution du contrat de travail.

Il lui était répondu le 9 septembre 2020 qu'elle avait accepté le transfert contesté et qu'elle n'avait jamais fait part de la moindre difficulté quant à l'exécution du contrat de travail durant la relation contractuelle.

La salariée s'est également rapprochée de l'Inspection du Travail, cette dernière concluant que le transfert de Madame e. H. n'apparaissait pas légitime dans un courrier adressé à la SAM A le 31 juillet 2020.

Par requête reçue au greffe le 22 octobre 2020, Madame e. H. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* sa réintégration au poste de vendeuse à effet immédiat sur les boutiques du centre commercial Y avec le maintien de son salaire et de son ancienneté, ainsi que la somme correspondante à quatre mois de salaire soit : 1.785,88 euros x 4 = 7.143,42 euros de dommages et intérêts,

* à défaut la somme correspondant à douze mois de salaire soit : 1.785,88 euros x 12 = 21.430,56 euros de dommages et intérêts.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Madame e. H. a déposé des conclusions les 4 décembre 2020 et 30 mars 2021 dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que :

* à compter du mois de juin 2019, Madame c. M. Comptable de la SAM A, a commencé son harcèlement moral,

* elle a ensuite été affectée à la société « C », cette affectation étant devenue définitive lorsque Madame c. M. a appris que cet établissement allait être vendu,

* elle a écrit à l'Inspection du Travail, laquelle lui a répondu le 13 novembre 2020 que son transfert au sein de la SARL D pouvait être discutable dans la mesure où son affectation principale à la société « C » n'était pas démontrée,

* la SAM A n'apporte pas la preuve de ce qu'elle aurait demandé son transfert dans une autre boutique que la SAM B, l'attestation de Monsieur a. G. ne pouvant être retenue eu égard au lien de subordination existant avec la défenderesse,

* au vu des plannings qu'elle produit, il est démontré qu'elle n'a jamais été affectée définitivement à la société « C », ce qui a été confirmé par l'Inspection du Travail au groupe Vegas le 22 juillet 2020 et à Madame n. S-M. Directrice d'Exploitation, le 31 juillet 2020,

* elle a signé son contrat de transfert avec la SARL D afin d'avoir une existence auprès de l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public F.

À l'audience de plaidoirie, Madame e. H. a indiqué qu'elle renonçait à sa demande de réintégration et en paiement de la somme de 7.143,42 euros, cette somme étant l'accessoire de la première.

La SAM A a déposé des conclusions le 11 janvier 2021 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

* l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ne fait pas référence à la notion d'affectation principale du salarié qui serait déterminée par le temps passé au sein de chaque établissement,

* il est seulement prévu que les contrats de travail en cours au moment de la modification doivent être transférés,

* le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit, dans les mêmes conditions où ils étaient exécutés au moment du changement d'exploitation,

* de surcroît, Madame e. H. a signé son contrat de transfert au sein de la SARL D,

* Madame c. C. n'a pas été concernée par le transfert en cause puisqu'elle était démissionnaire et n'a donc pas été incluse dans les effectifs faisant l'objet du transfert,

* en raison de la crise sanitaire liée au covid-19, Madame c. C. est revenue sur sa décision et a de nouveau fait partie de ses effectifs, postérieurement à la cession de la société « C »,

* lors de la cession de cet établissement, Madame e. H. y était rattachée de manière définitive,

* Madame e. H. y a été affectée au début de l'année 2020 à sa demande.

SUR CE,

* Sur l'application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 729 :

Aux termes de l'article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail, s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours, au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

En l'état de l'interprétation qui lui a été donnée par la jurisprudence (cf. jugement Tribunal du travail 22 avril 2004 NA. c/ PI. DO. SA. et RI. - confirmé par jugement du Tribunal de Première Instance en date du 16 février 2006 - Pourvoi rejeté par la Cour de Révision le 20 juin 2006) le texte susvisé, dans la mesure où il ne contient pas une énumération limitative des cas de modification, doit recevoir application, même en l'absence de liens de droit entre les employeurs successifs, dès lors que l'activité économique, qu'il s'agisse d'une activité de production ou de service, exercée par une personne juridique se trouve poursuivie, avec les mêmes moyens, par une autre personne juridique.

Le transfert peut concerner l'entreprise dans son intégralité ou une entité économique autonome.

Cette dernière est constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et dont l'identité est maintenue.

À ce titre, la directive du Conseil no 98/50 du 29 juin 1998 précise que les contrats se maintiennent lorsqu'il y a transfert d'une « entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique que celle-ci soit essentielle ou accessoire ».

Un ensemble de main-d'œuvre durable peut correspondre à une entité (CJCE, a. S.; CJCE, T.).

L'entité économique est constituée de trois éléments : une activité ; des personnes ; des éléments corporels ou incorporels.

L'ensemble doit être organisé. La réunion de quelques éléments d'exploitation non significatifs ne suffit pas à caractériser l'entité.

L'entité économique est conçue comme « un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et qui est suffisamment structurée et autonome » (CJUE 20 juill. 2017, no C-458/05).

Eu égard à ces observations, la vente du fonds de commerce de la société « C » concerne une entité économique autonome, le magasin disposant d'éléments corporels et incorporels lui permettant une exploitation propre et autonome.

Par ailleurs, le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit par l'effet de la loi. Le salarié ne peut refuser le transfert.

Enfin, il doit s'agir d'une entité où le salarié exerce ses fonctions.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Madame e. H. exerçait ses fonctions au sein de la société « C » depuis le mois de février 2020.

Interprétant la directive européenne n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, la Cour de justice européenne a dit pour droit que celle-ci devait être interprétée en ce sens que les droits et les obligations résultant d'un contrat de travail sont transférés à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur concerné, à trois conditions :

* que la scission du contrat de travail soit possible ;

* qu'elle n'entraîne pas une détérioration des conditions de travail ;

* qu'elle ne porte pas atteinte au maintien des droits des travailleurs garantis par cette directive.

En l'espèce, Madame e. H. soutient que son transfert au sein de la société « C » n'était pas définitif et qu'elle était amenée à y être affectée ponctuellement pour remplacer des collègues absentes.

Il résulte des échanges de courriers entre Madame e. H. la SAM A et l'Inspection du Travail que la première a travaillé dans l'établissement litigieux entre les mois de mars et novembre 2018 et à compter de février 2020.

Pour autant, Madame e. H. produit en pièce G un formulaire SE138-01 « Convention de sécurité sociale entre la France et la Principauté de Monaco » duquel il résulte qu'elle a été détachée par la SAM A au sein de la SAS E, sise X3 à Roquebrune-Cap-Martin du 13 février 2017 au 12 février 2018.

Ce document démontre que la demanderesse exerçait ses fonctions sur plusieurs sites et en dernier lieu dans l'établissement transféré.

Le Tribunal relève que les parties s'abstiennent de produire le contrat de travail ayant existé entre elles, lequel aurait pu permettre de vérifier les conditions d'exécution du contrat.

Il n'est pas plus produit un quelconque document sur l'emploi du temps de la demanderesse.

Ce faisant, et tenant les seules pièces produites par les parties, et notamment par Madame e. H. demanderesse, aucun élément ne permet de remettre en question le transfert du contrat de travail de celle-ci au sein de la SARL D.

En effet, la salariée exerçait ses fonctions à temps plein au sein de la société « C » au moment de la cession du fonds de commerce correspondant.

Madame e. H. fait état d'une manœuvre de Madame c. M. Comptable de la SAM A, tendant à l'affecter sur le magasin litigieux sachant que ce dernier allait être vendu, mais n'apporte aucun élément permettant d'accréditer ses allégations.

Le Tribunal rappelle qu'en cas de cession d'une simple branche d'activité, le salarié partiellement affecté à l'activité cédée verra son contrat de travail partiellement transféré.

En effet, la cession partielle d'activité peut entraîner une « scission » du contrat de travail du salarié affecté pour partie seulement à une branche d'activité cédée. Ainsi, de salarié à temps plein auprès d'un seul employeur, il deviendra salarié à temps partiel auprès de deux employeurs.

Faute pour Madame e. H. de démontrer qu'elle partageait son temps de travail entre les trois établissements appartenant à la SAM A, et ce durablement, elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour transfert illégitime de son contrat de travail.

Succombant dans ses prétentions, Madame e. H. sera condamnée aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Déboute Madame e. H. de ses demandes ;

La condamne aux dépens du présent jugement ;

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Nicolas MATILE-NARMINO, Michel GRAMAGLIA, membres employeurs, Madame Alexandra OUKDIM, Monsieur Bernard ASSO, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique au Palais de Justice, le vingt-huit septembre deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Nicolas MATILE-NARMINO, Michel GRAMAGLIA, Bernard ASSO et Madame Alexandra OUKDIM, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20081
Date de la décision : 28/09/2021

Analyses

Contrats de travail ; Procédures collectives et opérations de restructuration


Parties
Demandeurs : Madame e. H.
Défendeurs : La SAM A

Références :

article 15 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2021-09-28;20081 ?

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