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01/07/2021 | MONACO | N°19911

Monaco | Tribunal du travail, 1 juillet 2021, Monsieur c. T. c/ SAM des thermes marins Monte-Carlo


Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 1er mars 2018, reçue le 6 mars 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 51-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 26 mars 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame c. T. en date des 8 novembre 2018, 17 octobre 2019, 12 mars 2020 et 12 no

vembre 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. DES...

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 1er mars 2018, reçue le 6 mars 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 51-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 26 mars 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame c. T. en date des 8 novembre 2018, 17 octobre 2019, 12 mars 2020 et 12 novembre 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. DES THERMES MARINS MONTE-CARLO, en date des 10 janvier 2019, 12 décembre 2019 et 8 juillet 2020 ;

Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au Barreau de Nice, pour Madame c. T. et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près Cour d'appel de Monaco, pour la S.A.M. DES THERMES MARINS MONTE-CARLO, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Madame c. T. a été embauchée par la S.A.M. DES THERMES MARINS en contrat à durée déterminée du 23 juin 2008 au 22 juillet 2008, en qualité de Vestiaire.

Ce contrat va être prolongé jusqu'au 30 juin 2011, puis Madame c. T. va être engagée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2011.

Madame c. T. a développé une maladie professionnelle amenant la Médecine du Travail, le 17 juillet 2015, à la déclarer apte avec restrictions temporaires. Il était également préconisé d'alléger son poste de travail, interdisant la manutention répétée de charges de plus de 6 kg.

Le 27 juillet 2016, Madame c. T. a été déclarée en inaptitude temporaire.

Le 21 septembre 2016, un avis d'aptitude sur un poste de type administratif, surveillance, vendeuse, accueil (...) a été donné par la Médecine du Travail.

Le 29 septembre 2016, la salariée a été déclarée inapte définitive à son poste avec demande de reclassement. Par courrier en date du 29 octobre 2016, l'employeur a informé Madame c. T. qu'aucun poste disponible ou susceptible d'être aménagé n'avait pu être trouvé.

Après avoir été convoquée à 5 reprises devant la Commission de Reclassement des salariés déclarés inaptes, Madame c. T. a été licenciée par lettre en date du 20 septembre 2017 pour « refus d'une modification substantielle du contrat de travail ».

Par requête en date du 1er mars 2018 reçue au greffe le 6 mars 2018, Madame c. T. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* annulation avertissement du 20 juillet 2016,

* prorata 13e mois : 955,89 euros,

* point de départ préavis 1er octobre 2017,

* complément d'indemnité de préavis : 400 euros,

* congés payés sur complément de préavis : 40 euros,

* indemnité de licenciement (après déduction de l'indemnité de congédiement) : 3 500 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail : 150 000 euros,

* remise d'un certificat de travail et attestation Pôle Emploi rectifiée portant comme date de fin de préavis au 1er décembre 2017, sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

* intérêts au taux légal,

* exécution provisoire.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement. Madame c. T. a déposé des conclusions les 8 novembre 2018, 17 octobre 2019, 12 mars 2020 et 12 novembre 2020 dans lesquelles elle reprend ses demandes, sauf en ce qui concerne les prétentions suivantes :

* point de départ préavis 1er octobre 2017 : 355,40 euros,

* congés payés sur complément de préavis : 35,54 euros,

* indemnité de licenciement (après déduction de l'indemnité de congédiement) : 3 451,3 euros,

La demanderesse fait essentiellement valoir que :

Sur l'avertissement du 20 juillet 2016 :

* elle a contesté les reproches point par point par courrier du 20 août 2016,

* l'employeur ne produit aucun élément démontrant les griefs qui lui sont reprochés,

Sur les sommes restant dues :

* la lettre de licenciement en date du 20 septembre 2017, a été expédiée le 21 et reçue le 23 septembre pendant ses congés payés,

* l'employeur a unilatéralement stoppé ses dates de congés payés en lui payant cinq jours à ce titre sur le bulletin de salaire de novembre 2017, lesquels doivent dès lors lui être payés au titre de l'indemnité de préavis,

Sur le prorata de 13e mois :

* l'employeur s'est abstenu de lui régler ladite somme ainsi qu'il résulte du bulletin de salaire du mois de novembre 2017,

Sur la validité du licenciement :

* l'employeur avait aménagé son poste en l'excluant du ramassage du linge mouillé qui s'avérait très lourd,

* les THERMES MARINS ont cependant refusé d'en faire un aménagement de poste,

* cet aménagement n'était autre que son poste initial de vestiaire,

* en effet, le poste de vestiaire était bien celui qu'elle a occupé de son embauche à 2014,

* la période où elle s'est occupée de l'accueil et des casiers n'a été que temporaire puisque, le 13 mars 2017, elle a été déclarée apte avec recommandation d'aménagement de poste,

* le poste d'hôtesse vestiaire est complètement différent et implique des ports de charges importants,

* il ressort du rapport ergonomique suite à la commission de reclassement qui s'est réunie le 6 février 2017, que la véritable difficulté se trouvait dans le fait que l'effectif était trop restreint,

* les difficultés viennent du « grand tour » et non de son impossibilité à faire ce dernier,

* il s'agissait de prendre en charge le linge sale et mouillé et réapprovisionner en linge propre les différentes zones,

* le nombre d'hôtesses vestiaire a augmenté entre 2014 et 2016, ce qui va à l'encontre de la position adverse qui argue de la surcharge de travail imposée au reste de l'équipe,

* en la stigmatisant, l'employeur a délibérément instauré un climat conflictuel dans le service,

* l'aménagement de son poste de travail était bien possible, le refus de l'employeur ne reposant sur aucun élément concret, et ce d'autant plus que par mail en date du 16 août 2017, l'employeur a modifié le « tour »,

* son poste a d'ailleurs été aménagé pendant plusieurs mois, l'employeur refusant de maintenir cette situation,

* avant de la licencier, les THERMES MARINS ont saisi la Commission de Reclassement des salariés déclarés inaptes à cinq reprises,

* l'employeur s'est obstiné à vouloir lui trouver un poste, sans prendre le soin d'examiner la possibilité d'un aménagement de poste,

* pour démontrer ses tentatives de reclassement, l'employeur produit un mail général adressé le 7 octobre 2016 à l'ensemble des services,

* cette démarche ne constitue pas une recherche sérieuse de reclassement,

* lors de la première Commission, le licenciement a été refusé dans la mesure où il était relevé qu'un aménagement de son poste était possible, que l'employeur a refusé de mettre en place,

* l'employeur a par la suite proposé trois postes :

* le premier était « nettoyeuse de salon » et l'obligeait à travailler de nuit, ce qui lui était impossible dans la mesure où elle habitait Menton et se déplaçait en transport en commun,

* le deuxième était un poste de « préposé entretien site », pour lequel aucune mention sur sa rémunération n'était précisée,

* le troisième consistait à un poste d'« hôtesse wellness », pour lequel elle devait récupérer le linge pour l'ensemble des zones solarium et aqua fitness, et par conséquent la piscine avec un linge mouillé très lourd,

* la présentation de ce dernier poste était en totale inadéquation avec ses restrictions médicales,

* la fiche de poste produite à ce titre par l'employeur ne comporte aucune annotation particulière et va à l'encontre des restrictions proposées par la Médecine du Travail,

* à la lecture du rapport de l'Office de la Médecine du Travail, il ressort que l'organisation du service, en raison du sous-effectif chronique, ne permettait pas aux salariés d'effectuer les tâches du tour sereinement,

* si le poste n'avait consisté qu'à gérer le linge de l'unique jarre du solarium, elle l'aurait accepté, ne souhaitant pas perdre son emploi,

* il ne peut lui être reproché d'avoir refusé ce poste,

* l'employeur a usé abusivement de son droit le licencier sur un prétexte non fondé et non justifié,

* l'employeur a procédé dans un premier temps à un aménagement de son poste mais a refusé par la suite de maintenir celui-ci,

* le maintien de son poste était donc bien possible, le motif de licenciement étant donc un faux motif,

* l'objectif poursuivi était de la licencier ; l'employeur ayant fait preuve d'un acharnement rare puisqu'il a saisi la Commission de Reclassement à cinq reprises,

* la maladie professionnelle dont elle est atteinte résulte de ses conditions de travail,

* elle est suivie par un psychologue,

* licenciée à la veille de ses 55 ans, elle s'est vue privée de six mois supplémentaires de prise en charge par Pôle Emploi,

* elle est reconnue comme travailleur handicapé depuis le 12 juin 2019,

* elle a retrouvé un emploi à durée déterminée et à temps partiel du 29 avril 2019 au 28 avril 2020,

* son préjudice matériel et moral est considérable.

Madame c. T. sollicite encore de voir déclarer nulles les pièces nos 34 à 37 produites par les THERMES MARINS.

La S.A.M. DES THERMES MARINS a déposé des conclusions les 10 janvier 2019, 12 décembre 2019 et 8 juillet 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre.

Elle soutient essentiellement que :

Sur l'avertissement du 20 juillet 2016 :

* Madame c. T. n'avait pas conscience que son comportement était totalement inadapté vis-à-vis de la clientèle et ce d'autant plus qu'elle avait fait l'objet de plusieurs remarques à ce sujet,

* malgré cela, la demanderesse n'a jamais jugé nécessaire de modifier son comportement,

* dans sa lettre de contestation, Madame c. T. reconnaît elle-même que concernant le ton employé « à la cantonade », celui-ci n'est pas adapté,

Sur les sommes réclamées par Madame c. T. :

* l'indemnité de préavis :

* la demanderesse a perçu l'intégralité de l'indemnité de préavis pour la période du 25 septembre au 24 novembre 2017,

* Madame c. T. a été licenciée par courrier du 20 septembre 2017, reçu le 23 et elle se trouvait en congés payés jusqu'au 30 septembre suivant,

* elle a donc stoppé les dates de congés payés de Madame c. T. pour faire débuter la période de préavis à compter du 25 septembre 2017,

* les cinq jours restant dus ont été régularisés sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2017,

* Madame c. T. n'a eu aucun impact financier puisqu'elle a reçu l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés,

* même si le préavis avait débuté le 1er octobre 2017, celui-ci aurait expiré le 1er décembre 2017, soit la veille des 55 ans de la salariée,

* le prorata de 13e mois :

* le 13ème mois ne résulte ni de stipulations contractuelles, ni de stipulations conventionnelles, ni ne relève d'une obligation légale,

* la demanderesse ne démontre pas que l'usage en vigueur dans l'entreprise prévoyait un versement au prorata en cas de départ du salarié avant la date prévue pour son versement, soit le 31 décembre,

Sur le licenciement :

* de nombreux aménagements de poste ont été effectués et pas moins de trois postes de reclassement ont été proposés à la salariée,

* cette dernière a systématiquement refusé, sans raison valable, l'ensemble des propositions de reclassement qui lui ont été faites,

* l'aménagement du poste de Madame c. T. ne pouvait être définitif,

* cet aménagement préconisé par le Médecin du Travail était temporaire, limité à six mois,

* elle n'a fait que se conformer aux recommandations médicales de la Médecine du Travail durant la période préconisée par cette dernière,

* cet aménagement a significativement vidé le poste de Madame c. T. d'Hôtesse Vestiaire, de sa substance,

* Madame c. T. a été embauchée en 2008 en qualité de Vestiaire, dont les tâches étaient les suivantes :

* accueil et prise en charge du client,

* gestion du linge sale et propre,

* par la suite, une réorganisation est intervenue suite à la suppression du poste de lingère le 1er novembre 2014 et Madame c. T. a été nommée en qualité d'Hôtesse Vestiaire,

* la fiche de poste « hôtesse vestiaire » illustre bien que les tâches relatives à la gestion du linge représentaient les tâches les plus importantes,

* c'est précisément la raison pour laquelle l'aménagement du poste avait complètement vidé de sa substance le poste de Madame c. T.

* les hôtesses vestiaires s'occupent de l'acheminement, cinq à six fois par jour en moyenne, des peignoirs ou serviettes utilisés par la clientèle dans les lieux réservés au stockage du linge sale,

* en raison de ses restrictions médicales, Madame c. T. était dispensée d'effectuer cette mission, la plus importante et la plus chronophage, laissant donc cette charge à ses collègues de travail,

* le « grand tour » impliquait le port de charges importantes,

* la manipulation du linge mouillé outrepasse significativement les recommandations de la Médecine du Travail,

* les tâches de Madame c. T. se limitaient ainsi à l'accueil des clients, au nettoyage des casiers des vestiaires et aux tâches administratives,

* les échanges de mails produits démontrent en outre que la salariée n'était pas satisfaite de cet aménagement de poste, ce qui ressort également des déclarations de ses collègues de travail,

* dès lors, elle a alerté par mail du 20 juillet 2016 le Médecin du Travail sur le fait que Madame c. T. manifestait encore des problèmes liés à son souci de santé,

* la charge de travail supplémentaire sur les collègues de travail de Madame c. T. a entraîné une dégradation des relations de travail,

* elle a alors adressé un mail aux salariés concernés le 16 août 2017 afin d'alléger leurs plannings,

* cette mesure était exceptionnelle et n'avait pas vocation à perdurer dans le temps,

* l'Inspecteur du Travail a relevé aux termes de son courrier du 13 juillet 2017 que l'aménagement du poste de Madame c. T. impactait de façon trop importante les conditions de travail des autres salariés,

* le 29 septembre 2016, Madame c. T. a été déclarée inapte définitive à son poste avec demande de reclassement,

* elle a alors interrogé l'ensemble des services,

* aucun poste disponible compatible avec les qualifications professionnelles de Madame c. T. n'était disponible,

* elle a invité la salariée à se rapprocher de la Direction des Ressources Humaines de la S.B.M., allant au-delà de ses obligations légales en matière de reclassement,

* la S.B.M. a proposé un poste de nettoyeuse de salon au sein du Casino de MONTE- CARLO et du Casino Café de Paris, lequel a reçu l'aval de la Médecine du Travail,

* Madame c. T. a refusé cette proposition, ne souhaitant pas travailler de nuit,

* il a alors été décidé de créer un poste spécialement pour la salariée, à savoir « préposée entretien site », lequel était préalablement approuvé par le Médecin du Travail,

* la salariée n'a jamais considéré cette proposition, alors que les conditions salariales étaient identiques,

* la S.B.M. s'est, par la suite, engagée à aménager le poste précédemment proposé à Madame c. T. afin de réduire les horaires de nuit et lui permettre à chaque fin de service de pouvoir bénéficier de transports en commun,

* Madame c. T. a refusé ce poste par courrier du 19 janvier 2017,

* le 13 mars 2017, la salariée a été déclarée apte à reprendre son travail, avec recommandation d'aménagement de poste,

* une nouvelle proposition de reclassement a été faite à la salariée sur un poste spécialement créé, à savoir « hôtesse wellness »,

* ce dernier avait reçu l'aval du Médecin du Travail,

* ce poste n'entraînait pas de modification de sa rémunération, ainsi que ses conditions générales de travail (poste de jour, travail week-end et jours fériés),

* Madame c. T. a refusé cette proposition par courrier du 21 juillet 2017,

* une réunion était organisée afin de démontrer à la salariée que la description de ce poste correspondait bien au poste validé par le Médecin du Travail,

* le 28 juillet 2017, le Médecin du Travail a confirmé par mail que le poste présenté en réunion respectait bien les restrictions médicales de Madame c. T.

* malgré ce, Madame c. T. maintenait sa position,

* par décision du 15 septembre 2017, la Commission de Licenciement a autorisé le licenciement de la demanderesse,

Sur le caractère abusif de la rupture :

* tous les éléments du dossier montrent qu'elle est largement allée au-delà de ses obligations légales et qu'elle a toujours œuvré dans le souci de la préservation des droits de sa salariée et son maintien dans ses effectifs,

* Madame c. T. ne démontre pas le contraire,

* elle ne saurait être déclarée responsable de la dégradation de l'état de santé de la salariée postérieurement au licenciement,

* le certificat du psychologue a été établi près de deux ans après la rupture et ne fait que relater les doléances de Madame c. T.

* il en est de même concernant le statut de travailleur handicapé reconnu à la demanderesse le 12 juin 2019.

SUR CE,

Sur la nullité des pièces nos 34 à 37 produites par les THERMES MARINS

Madame c. T. en sollicite la nullité au motif que ces documents ne sont accompagnés d'aucun document d'identité permettant d'identifier l'auteur, s'agissant d'attestations ne respectant pas le formalisme de l'article 324 du Code de procédure civile.

La société défenderesse soutient qu'il ne s'agit pas d'attestations au sens des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, mais de déclarations spontanées rédigées à l'époque par les salariés suite au « ras-le-bol » provoqué par l'attitude de Madame c. T. au sein du service.

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature ».

Aux termes des dispositions de l'article 323 du Code de procédure civile :

« Lorsque la preuve testimoniale est admissible, le tribunal peut recevoir des tiers les déclarations de nature à l'éclairer sur les faits litigieux auxquels ils ont assisté ou qu'ils ont personnellement constatés.

Les déclarations sont faites par attestation ou recueillies par voie d'enquête ».

Les pièces nos 34 à 37 sont constituées de déclarations écrites de quatre salariés des THERMES MARINS, collègues de travail de Madame c. T. datées du 23 novembre 2016, soit près de dix mois avant le licenciement de celle-ci, de sorte qu'elles ne peuvent revêtir le caractère d'attestations destinées à éclairer le Tribunal sur les faits litigieux, puisque rédigées avant tout litige.

Il n'y a pas lieu en conséquence de déclarer nuls les documents produits en pièces nos 34 à 37.

Sur l'avertissement du 20 juillet 2016

Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié ; que la sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée.

Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire.

Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis.

Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.

La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification.

En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit.

Madame c. T. a fait l'objet d'un avertissement par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 juillet 2016, ainsi libellé :

« Madame,

À plusieurs reprises nous avons eu à vous rappeler à l'ordre, tant sur votre présentation (coiffure, maquillage), que sur votre expression orale.

Vous êtes, en effet, inutilement désagréable avec les clients en vous adressant à eux sèchement, voire avec dureté.

J'ai eu plusieurs doléances sur ce point.

La dernière date du 14 juillet 2016 où une cliente s'est plainte de votre mauvais accueil (ton inapproprié) et la manière peu élégante avec laquelle vous avez instruit sa demande quand elle a souhaité savoir si son mari avait regagné l'hôtel.

Au lieu de faire une recherche informatique qui aurait permis de savoir s'il avait ou non libéré son vestiaire, vous avez choisi d'entrer dans les locaux et de demander à la cantonade si M X était là !

Manifestement vous n'avez pas conscience que votre comportement n'est pas celui qu'attend notre clientèle, bien que votre encadrement vous en ait fait la remarque à plusieurs reprises.

Pour mémoire vous avez déjà été sanctionnée d'une mise en garde en novembre 2015 ; je me vois donc au regret de vous notifier un avertissement, en espérant que vous saurez en tenir compte et avoir, à l'avenir, un comportement conforme aux standards de l'entreprise.

Je vous prie (...) ».

Madame c. T. a contesté cet avertissement par courrier en date du 20 août 2016, en ces termes :

« (...).

Croyez bien que j'accorde la plus grande importance à vos observations, néanmoins je conteste formellement certains faits reprochés :

1/ Le maquillage : Très rares sont les fois où je ne suis venue au travail pas maquillée. Malheureusement ce sont les fois où ma santé n'était pas au rendez-vous.

J'avais pris sur moi pour assumer mon travail mais j'avoue pas pour le maquillage. Je ne referais plus la même erreur.

2/ La coiffure : Je peux admettre que ma coiffure ne vous convienne pas. La texture de mes cheveux ne me permets pas de garder un brushing soutenu pour la journée malgré la quantité de laque que je mets. Je continuerai à faire tous les efforts dans ce domaine, au mieux que je peux.

(...) ».

Le Tribunal relève que même si Madame c. T. ne conteste pas certaines fois ne pas avoir été maquillée et/ou avoir été quelque peu décoiffée, il s'agit d'un aveu non circonstancié dans le temps, et ce, d'autant plus que l'employeur ne donne aucune précision temporelle.

Ce faisant, le doute devant profiter au salarié, les griefs tenant au maquillage et à la coiffure ne seront pas retenus.

« (...).

3/ Vous êtes en effet, inutilement désagréable avec les clients en vous adressant à eux sèchement, voire avec dureté.

Or, la réalité est ou autre.

Le qualificatif INUTILEMENT démontre une personne qui dans son habitude est désagréable, sèche et dure. Je suis appréciée par mon accueil chaleureux, je suis souriante, agréable et serviable depuis 8 ans.

Et je n'ai pas à me forcer pour être comme cela.

Si certaines personnes vous ont apparemment dit le contraire selon je cite « plusieurs doléances à ce sujet », ce sont certainement des personnes qui n'ont pas du tout appréciées que je leur demande leur carte d'abonnement ou justificatif de tout genre (j'aimerais savoir quels genres de doléances ont été faites à mon encontre pour en comprendre le sens et me justifier le cas échéant).

(...) ».

L'employeur n'a pas répondu à la demande de la salariée et ne produit aux débats aucun élément permettant de démontrer la réalité du comportement reproché de sorte que ce grief ne sera pas retenu.

« (...).

4/ Le 14 juillet : mauvais accueil (ton inapproprié) : Or la réalité est ou autre.

Vous étiez en compagnie de cette personne. Sachant que vous êtes la directrice, que vous avez une certaine éthique, il aurait été fou de ma part que j'accueille sur un ton inapproprié cette personne !!

Je vous ai salué premièrement puis madame et ensuite, madame a fait sa doléance «.

Le Tribunal relève que l'employeur ne produit aucun élément démontrant ce grief. » (...).

5/ À la cantonade

Certes j'aurais pu rechercher sur le bloc si monsieur avait regagné l'hôtel. Mais j'ai cru bon pour parer au plus vite (car la recherche aurait été beaucoup plus longue) de rentrer au vestiaire.

Il y avait seulement les deux personnes que je venais de recevoir.

Par contre, il y avait quelqu'un qui se douchait. J'ai appelé monsieur par son nom pour savoir si c'était lui puis je suis sortie en disant à madame qu'il n'était pas là.

Gentiment elle m'a répondu « ce n'est pas grave je l'attendrais à l'hôtel ».

Je veux bien retenir ce point qui me permettra à l'avenir de faire patienter la personne en ne commettant plus cette même erreur.

(...) ».

La reconnaissance de Madame c. T. d'une erreur commise sur ce point ne saurait justifier un avertissement, un simple rappel ou remarque de l'employeur étant suffisant.

Sur le complément d'indemnité de préavis

Il n'est pas contestable que le licenciement a été notifié à Madame c. T. alors que cette dernière se trouvait en congés payés.

Il apparaît encore que l'employeur a réduit unilatéralement la durée des congés de la salariée pour « transformer » les cinq jours restant en préavis.

Il n'est pas plus contestable que les congés payés et le préavis n'ont pas le même objet.

La CJUE estime que « selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l'Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive n° 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993 » (CJUE, 22 nov. 2011, aff. C-214/10, KHS AG).

Ce droit est consacré par l'article 31, § 2, de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne.

La CJUE considère que les congés payés ont « une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d'une part, et disposer d'une période de détente et de loisirs, d'autre part » (CJUE, 22 nov. 2011, C-214/10, KHS AG).

Le préavis de licenciement est tout autre et doit permettre au salarié, notamment en cas de dispense d'exécution, de rechercher un autre emploi, les deux périodes ne pouvant ainsi se confondre.

En réduisant sans l'accord du salarié, les congés de ce dernier, l'employeur a commis une faute.

Cependant, il convient encore de relever que Madame c. T. n'a subi aucun préjudice financier puisqu'elle a perçu l'intégralité de l'indemnité de préavis lui revenant (soit deux mois de salaire), ainsi que l'indemnisation des cinq jours de congés payés restant dans le cadre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

La seule répercussion concerne la date de fin de contrat qui aurait dû être au 30 novembre 2017.

Madame c. T. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de complément d'indemnité de préavis.

Sur le prorata de 13e mois

Madame c. T. sollicite la somme de 955,89 euros à ce titre au prorata de ses mois de présence.

L'employeur soutient que la prime de fin d'année est versée aux salariés présents dans l'entreprise à la date de son versement, soit, au 31 décembre.

Les primes ou gratifications versées par l'employeur constituent un usage d'entreprise lorsqu'elles réunissent les trois critères de généralité, constance et fixité.

Le versement d'une prime n'a un caractère obligatoire que si cette pratique constitue un usage dont la constance, la généralité et la fixité permettent d'établir la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager envers ses salariés et de leur octroyer ainsi un avantage financier.

Ces trois conditions sont cumulatives et si l'une d'entre elles fait défaut, il ne sera pas possible de présumer que l'employeur a souhaité accorder, en pleine connaissance de cause, un droit supplémentaire aux salariés par rapport à la loi, au statut collectif ou au contrat individuel de travail.

C'est au salarié qui invoque l'usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.

En l'espèce, si le versement de cette prime n'est pas prévu contractuellement, l'employeur ne conteste pas verser à ses salariés, tous les ans, une prime de fin d'année.

Le critère lié à la constance et à la fixité est donc bien rapporté.

Cependant, le droit au paiement prorata temporis d'une prime de treizième mois ou de fin d'année à un membre du personnel ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve.

Madame c. T. étant défaillante dans l'administration de la preuve sur ce point sera déboutée de ce chef de demande.

Sur la validité du licenciement

Le salarié déclaré médicalement inapte à son poste de travail bénéficie aux termes de la loi n° 1348 du 25 juin 2008 d'une obligation de reclassement ; que le licenciement n'est alors possible qu'en cas d'impossibilité établie de reclassement ou en cas de refus par le salarié du reclassement.

En vertu de l'article 3 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008, « Au vu du rapport établi par le médecin du travail, l'employeur propose au salarié un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé. Pour ce faire, il peut mettre en œuvre des mesures telles que des mutations, des transformations de postes, des formations adaptées à l'emploi proposé et internes à l'entreprise ou des aménagements du temps de travail ».

L'article 3 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008 impose à l'employeur de prouver l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié en établissant avoir recherché les éventuelles mutations, transformations de postes, formations adaptées ou aménagements du temps de travail, en fonction des conclusions et indications figurant dans le rapport que le médecin dresse indépendamment de sa déclaration d'inaptitude définitive à l'emploi.

Il résulte de l'exposé des motifs de cette loi que « le texte s'attache à faire du reclassement une option concrète et crédible » et que l'article 3 précité impose à l'employeur « au vu des indications du médecin du travail, de rechercher un nouveau poste approprié aux capacités du salarié », le poste proposé après ces recherches devant « correspondre, autant faire se peut, aux compétences de l'intéressé ».

Le rapporteur de ce texte au Conseil National a également été amené à préciser que « quant à l'employeur, si le texte ne l'oblige pas à reclasser les salariés déclarés inaptes, il sera néanmoins tenu de rechercher de façon active toutes les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise » et que la liste des mesures susceptibles d'être prises par l'employeur à cet égard n'est pas exhaustive.

Si l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyen, il reste que pour pouvoir procéder régulièrement au licenciement, il lui appartient au préalable de rapporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié, et ce, nécessairement, après avoir étudié les possibilités existantes ou pouvant exister au sein de l'entreprise en fonction des préconisations de la médecine du travail (CA, 9 octobre 2012, même affaire), « en établissant avoir recherché les éventuelles mutations, transformations de postes, formations adaptées ou aménagements du temps de travail, en fonction des conclusions et indications figurant dans le rapport que le médecin dresse indépendamment de sa déclaration définitive d' inaptitude à l'emploi » (Cour de Révision, 31 octobre 2013, même affaire).

Seul le Médecin du Travail, a le pouvoir de déclarer l'inaptitude du salarié ; à cette fin, la déclaration d'inaptitude définitive comprend ses indications sur les aptitudes du salarié, lesquelles s'analysent comme un conseil avisé destiné à l'employeur. Il y est joint un rapport dans lequel ce Médecin, qui dispose d'une parfaite connaissance de l'environnement dans lequel évolue le salarié par les visites de contrôle qu'il est amené à effectuer dans l'année dans l'entreprise, formule ses conclusions et des indications sur l'aptitude éventuelle du salarié à exercer une des tâches existant dans l'entreprise.

La Médecine du Travail a déclaré, le 29 septembre 2016, Madame c. T. inapte définitivement à son poste de travail avec demande de reclassement, en précisant :

« Sur un poste sans manutention répétitive de charges de plus de 6 kg.

Apte sur un poste de type administratif, surveillance, vendeuse, accueil (...) ».

Plusieurs avis seront rendus par la suite par la Médecine du Travail :

* le 13 mars 2017 :

« Apte avec recommandations d'aménagement de poste.

Commentaires :

Sur un poste sans manutention répétitive de charges de plus de 6 kg :

* Le poste »accueil« convient

* Peut sans contrainte de cadence essayer la reprise sur le poste nécessitant la manipulation du linge propre et du linge dans les jarres des vestiaires hommes/femmes du -3

* Éviter le poste nécessitant manipulation du linge dans les étages Nécessité de prévoir une étude de poste avec l'ergonome ».

* Le 4 mai 2017 :

« Apte avec recommandations d'aménagement de poste.

Commentaires :

* Gérer le réapprovisionnement du linge propre vestiaire entre la lingerie et le vestiaire

* Vider régulièrement les chariots de linge sales des vestiaires

Éviter :

* La réception de l'ensemble des cages de linge pour la répartition au sein des différents services

* Le réapprovisionnement du linge propre ainsi que la récupération linge sale pour l'ensemble de l'établissement ».

* Le 4 septembre 2017 :

« Apte avec recommandations d'aménagement de poste.

Commentaires :

Sans contrainte de cadence pour :

* Gérer le réapprovisionnement du linge propre vestiaire entre la lingerie et le vestiaire

* Vider régulièrement les chariots de linge sales des vestiaires

Éviter :

* La réception de l'ensemble des cages de linge pour la répartition au sein des différents services

* Le réapprovisionnement du linge propre ainsi que la récupération linge sale pour l'ensemble de l'établissement.

Apte également sans restriction au poste d'»hôtesse wellness« tel que défini avec le Dr Coramet le 27 juillet 2017 ».

L'employeur notifiait à Madame c. T. son licenciement par courrier en date du 20 septembre 2017, en ces termes :

« Madame,

En date du 13 juillet 2017, je vous ai reçu en présence d'un délégué du personnel afin de vous proposer le poste d'»hôtesse wellness«, poste correspondant parfaitement aux restrictions médicales faites par la Médecine du travail lors de votre reprise après maladie le 13 mars 2017.

Pour mémoire cette proposition intervenait dans le cadre d'une situation qui ne cessait de se détériorer au sein du service des vestiaires, situation à laquelle l'Inspection du travail nous a sommés de trouver une solution lors de nombreux échanges et notamment par courrier en date du 13 juillet 2017.

Ainsi le 13 juillet 2017, nous vous avons proposé ce poste qui avait était validé par la Médecine du travail, comme répondant parfaitement à vos aptitudes professionnelles, sans changement de rémunération, de statut, ni de lieux de travail.

Suite à ce rendez-vous, vous avez auprès de la Médecine du travail émis le souhait de procéder à une étude de ce poste en présence du Médecin du travail, ce qui a été aussitôt organisé en date du 27 juillet 2017.

Cependant de façon tout à fait surprenante, vous avez par écrit en date du 21 juillet 2017 refusé cette proposition de poste.

Face à vos nombreux refus et à une situation qui ne cessait de se dégrader, vous m'avez malheureusement contraint de saisir la commission devant statuer sur le licenciement d'un salarié protégé par courrier recommandé en date du 4 septembre 2017.

La commission qui s'est réunie le 14 septembre 2017 et par procès-verbal daté du 15 septembre 2017 a validé votre licenciement.

Je suis donc au regret de devoir procéder à votre licenciement pour refus d'une modification substantiel du contrat de travail et inaptitude professionnelle.

(...) ».

La Cour d'appel considère, depuis un arrêt rendu le 30 juin 2020 (S.A.M. PARTNER'S SERVICE/B.), » que la déclaration définitive d'inaptitude ne peut à elle-seule constituer un véritable motif valable de licenciement, l'état de santé ou le handicap n'étant pas une cause de rupture du contrat de travail.

Que la validité du licenciement d'un salarié malade est subordonnée d'une part à la reconnaissance de son inaptitude physique définitive par le médecin du travail, d'autre part à l'impossibilité démontrée par l'employeur de procéder à son reclassement ou au refus du reclassement proposé par le salarié «.

En l'espèce, la lettre de rupture fonde le licenciement de Madame c. T. sur son refus d'accepter le poste d'»hôtesse wellness«, suite à la déclaration d'inaptitude de la Médecine du Travail.

L'employeur considère qu'il s'agit d'un refus de modification substantielle de contrat de travail par la salariée justifiant ainsi la rupture de ce dernier.

Tenant la jurisprudence de la Cour d'appel reprise ci-dessus, ce motif n'est pas valable et ne peut justifier le licenciement d'un salarié malade déclaré inapte par la Médecine du Travail.

En effet, le fondement de la rupture étant la déclaration d'inaptitude de la salariée par la Médecine du Travail, seule » l'impossibilité démontrée par l'employeur de procéder à son reclassement ou au refus du reclassement proposé par le salarié « peut constituer un motif valable de licenciement.

Dans ces circonstances, il apparaît superfétatoire de se prononcer sur l'argumentation développée par les parties quant à un quelconque reclassement de la salariée, le licenciement étant d'ores et déjà déclaré non valable.

Madame c. T. est dès lors en droit de prétendre au bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, sous déduction du montant de l'indemnité de congédiement déjà perçue, tel que prescrit par l'article 3 de ladite loi.

Cette indemnité sera fixée à la somme, non discutée par l'employeur, de 3 451,31 euros, après déduction de l'indemnité de congédiement d'un montant de 3 627,74 euros, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur le caractère abusif de la rupture

Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister, dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Au cas particulier, Madame c. T. sollicite d'être indemnisée à hauteur de la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable n'ouvre droit à la réparation du préjudice matériel en résultant que lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de décision, soit par exemple en invoquant des motifs fallacieux ou encore en prononçant la rupture malgré l'absence de tout fondement légal, ce qui ne s'avère pas être le cas en l'espèce.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré infondé.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Pour justifier un licenciement, le motif invoqué doit être valable, c'est-à-dire » présenter les conditions requises pour produire son effet « et par extension être » acceptable, admissible, fondé «.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait » tromper «.

Un faux motif n'est pas en soi considéré comme fallacieux s'il n'est pas démontré l'intention de tromper ou de nuire de l'employeur.

S'agissant d'un motif non valable, il n'est pas, pour autant, automatiquement fallacieux.

Par ailleurs, le faux motif ne peut caractériser de facto l'abus de l'employeur ; à défaut, cela reviendrait à utiliser la notion française de » cause réelle et sérieuse «.

En effet, en droit français, un licenciement sans cause réelle et sérieuse (fondé sur un faux motif) est abusif et entraîne automatiquement l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

En droit monégasque, un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif.

Tenant ces considérations, l'absence de recherche de reclassement par l'employeur ne saurait fonder l'abus de la rupture du contrat de travail, cet élément fondant la validité de ladite rupture.

Reprendre ce même motif pour caractériser un abus de l'employeur dans sa décision de rompre le contrat de travail reviendrait à retenir la notion française de cause réelle et sérieuse, dont l'absence entraîne de facto l'allocation de dommages et intérêts.

La salariée soutient que l'intention de l'employeur était de la licencier, celui-ci ayant fait preuve d'un acharnement rare, puisqu'elle a dû subir cinq comparutions devant la Commission de Classement avant d'être congédiée.

Le Tribunal relève sur ce point que les parties s'abstiennent de produire toutes les décisions rendues par la Commission de Classement, seuls deux procès-verbaux figurant dans le dossier de Madame c. T. :

* celui du 11 novembre 2016, suite à la déclaration d'inaptitude définitive de la salariée à son poste, avec demande de reclassement dans lequel la commission s'oppose au licenciement envisagé pour les motifs suivants :

« (...).

Attendu que l'employeur a formulé en séance une proposition de reclassement au sein de la Société des Bains de Mer, laquelle proposition n'a pas fait l'objet d'une acceptation de la part de Mme T. ;

Attendu que le Médecin du travail précise que cette proposition d'aménagement de poste est en adéquation avec l'état de santé de l'intéressée ;

Aussi, après avoir entendu les parties dans leurs explications, la Commission constate donc qu'un reclassement est possible.

En conséquence, la Commission s'oppose au licenciement de Madame c. T. ».

* celui du 7 décembre 2016, ainsi libellé :

« (...).

Pour mémoire, une proposition de reclassement avait été formulée à la salariée sur un poste de « nettoyeuse de salon » au sein de la Société des Bains de Mer en fin de séance, lors de la Commission qui s'est tenue le vendredi 11 novembre 2016.

En conséquence, cette Commission avait estimé à bon droit qu'un reclassement était possible.

Attendu que par courrier en date du 25 novembre 2016, Mme c. T. ne donnait pas suite à ladite proposition, les THERMES MARINS MONTE CARLO ont demandé la saisine d'une nouvelle commission afin de statuer sur le sort de cette salariée.

Attendu que Mme c. T. avait fait l'objet d'un aménagement de poste suite à sa déclaration de maladie professionnelle pendant une période de plusieurs mois.

Attendu que la Commission estime que l'arrêt de cet aménagement de poste n'est pas suffisamment motivé par l'employeur.

Aussi, après avoir entendu les parties dans leurs observations, la Commission constate notamment que les arguments développés par les THERMES MARINS MONTE CARLO ne sont pas de nature à exclure l'impossibilité de conserver la salariée à son poste aménagé, au regard de sa maladie professionnelle.

En conséquence, la Commission s'oppose au licenciement de Madame c. T. «.

S'en suivront les réunions des 6 février, 25 août et 14 septembre 2017, cette dernière validant le licenciement de Madame c. T.

Il résulte de ces éléments que l'employeur a saisi la Commission de Classement avec précipitation dans la mesure où la salariée n'avait toujours pas fait part de son acceptation ou de son refus d'accepter la proposition de poste qui lui avait été faite par les THERMES MARINS, ce qui a donné lieu à la première décision de la Commission de Classement.

Cette précipitation constitue une légèreté blâmable de l'employeur, mais en aucun cas une intention de nuire à la salariée.

Par la suite, l'employeur saisira ladite Commission à l'issue de chaque refus opposé par Madame c. T. sur les postes qui lui étaient proposés.

Le Tribunal constate à ce titre que l'employeur a tenté de respecter les préconisations de la Commission de Classement et les recommandations de la Médecine du Travail.

Dans ces circonstances, Madame c. T. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Elle ne démontre pas plus la volonté de nuire ou de tromper de l'employeur.

Dès lors, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Madame c. T. soulève également la brutalité de la rupture mais ne détaille aucunement les actes de l'employeur qui justifieraient celle-ci.

La salariée considère enfin que l'employeur est responsable de la dégradation de son état de santé.

Il convient dès lors de rechercher si l'inaptitude définitive constatée par la Médecine du Travail a été directement causée par les agissements de l'employeur.

Il appartient à Madame c. T. de rapporter la preuve que l'inaptitude a été la conséquence du comportement fautif des THERMES MARINS.

Pour ce faire, la demanderesse invoque le rapport de l'Office de la Médecine du Travail du 14 juin 2017, aux termes duquel :

* Le » grand tour « pose des problématiques concentrées sur un temps limité, avec des contraintes posturales et de manutention :

» - Des déplacements dans tous les services avec leurs contraintes propres...

* Des postures physiquement contraignantes dans toutes les tâches...

* Des ports de charges importantes : la quantité de linge utilisée quotidiennement est très impressionnante...

* Des contraintes pour les mains non négligeables...

* Pression temporelle, conséquences de l'organisation,

(...).

Sur les périodes de forte affluence, c'est-à-dire où les entrées sont nombreuses sur un temps limité de 30 minutes (...), dans la journée uniquement, nous avons 3 hôtesses (sous conditions que la responsable adjointe fasse partie de l'effectif).

Cependant, dans l'après-midi, et surtout à partir de 18h30-19h, la nécessité d'effectuer le grand tour, combiné au planning du service, les plaintes des salariés se confirment : l'équipe se retrouve en sous-effectif, et l'hôtesse n'effectuant pas le grand tour se retrouve seule au desk avec des injonctions paradoxales :

* Ne pas quitter son poste d'accueil au desk, alors que les jarres se remplissent

* Garantir un service de qualité aux clients, et donc quitter quelques instants l'accueil pour viser les jarres, avec pour conséquences des clients qui se servent seuls en linge en arrivant, ou qui attendent la remise de leur matériel ou leur clé de voiture !

(...).

* Contraintes organisationnelles :

Les services ne terminent pas tous à la même heure, et ce sont les hôtesses vestiaire qui se retrouvent en charge des activités de ces activités (...).

Un effectif trop restreint : aux 7 filles effectuant le roulement, il faut encore enlever les jours de repos (...) et les restrictions éventuelles à certaines tâches (...) Tous ces jours font que les hôtesses se retrouvent régulièrement en «sous-effectif» sur des périodes «critiques» – notamment le soir – pour effectuer un roulement sur une amplitude horaire très importante (de 6h à 21h30).

(...) ».

La Médecine du Travail relève ainsi une problématique liée principalement au grand tour et à un manque d'effectif.

Toutefois, même si l'affection de la demanderesse a été reconnue en tant que maladie professionnelle, il n'est aucunement fait état de recommandations de la Médecine du Travail au titre d'un aménagement du poste de travail, que l'employeur n'aurait pas respectées.

Il convient en effet de rappeler que la charge de la preuve repose exclusivement sur la salariée.

Les constatations contenues dans le rapport susvisé sont toutes postérieures à la déclaration d'inaptitude litigieuse et Madame c.T.ne produit aucun élément démontrant qu'elle aurait porté à la connaissance de son employeur les difficultés auxquelles elle aurait été confrontées dans l'exécution de ses tâches quotidiennes et dont l'absence de prise en compte par celui-là aurait entraîné une dégradation de son état de santé.

Force est dès lors de constater que la demanderesse est défaillante dans l'administration de la preuve.

En définitive, seule une légèreté blâmable telle que retenue supra doit être mise à la charge de l'employeur, justifiant l'allocation de dommages et intérêts à la salariée en réparation de son préjudice moral.

En effet, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.

Les difficultés financières dont il est fait état sont en effet le résultat de la diminution de revenu, provoquée par la perte d'emploi et non la conséquence de la brutalité et de l'abus qui, à les supposer établis, auraient caractérisé le licenciement. De plus, le demandeur n'établit nullement en quoi ces difficultés matérielles auraient été provoquées par les circonstances fautives ayant entouré le licenciement, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été retenues par le Tribunal. Elles ne peuvent être de nature à établir l'existence d'une faute dans la mise en œuvre de la rupture (Cour de révision, 26 mars 2014, Pourvoi n° 2013-17).

Madame c. T. ne saurait ainsi prétendre qu'à l'indemnisation de son préjudice moral lié à la faute de l'employeur telle que relevée supra.

Ainsi compte tenu des éléments d'appréciation dont dispose le Tribunal et notamment l'âge de Madame c. T. lors de la notification de son licenciement (54 ans) et de son ancienneté de service (9 ans et 5 mois), le préjudice moral subi par celle-ci, consécutivement à la rupture de son contrat de travail et en rapport avec la légèreté blâmable dont s'est rendu coupable l'employeur, sera équitablement réparé par l'allocation à son profit d'une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Sur l'exécution provisoire

Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

Sur les dépens

La S.A.M. DES THERMES MARINS qui succombe sera condamnée aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Annule l'avertissement infligé par la S.A.M. DES THERMES MARINS à Madame c. T. le 20 juillet 2016 ;

Dit que le licenciement de Madame c. T. par la S.A.M. DES THERMES MARINS n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;

Condamne la S.A.M. DES THERMES MARINS à payer à Madame c. T. les sommes suivantes :

* 3 451,31 euros (trois mille quatre cent cinquante et un euros et trente et un centimes) au titre de l'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

* 40 000 euros (quarante mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute Madame c. T. du surplus de ses demandes ;

Condamne la S.A.M. DES THERMES MARINS aux dépens du présent jugement.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19911
Date de la décision : 01/07/2021

Analyses

Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire. Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis. Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail. La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification. En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit.En l'espèce, il n'est pas contestable que le licenciement a été notifié à Madame c. T. alors que cette dernière se trouvait en congés payés. Il apparaît encore que l'employeur a réduit unilatéralement la durée des congés de la salariée pour « transformer » les cinq jours restant en préavis. Il n'est pas plus contestable que les congés payés et le préavis n'ont pas le même objet. La CJUE estime que « selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l'Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive no 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993 » (CJUE, 22 nov. 2011, aff. C-214/10, KHS AG). Ce droit est consacré par l'article 31, § 2, de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne. La CJUE considère que les congés payés ont « une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d'une part, et disposer d'une période de détente et de loisirs, d'autre part » (CJUE, 22 nov. 2011, C-214/10, KHS AG). Le préavis de licenciement est tout autre et doit permettre au salarié, notamment en cas de dispense d'exécution, de rechercher un autre emploi, les deux périodes ne pouvant ainsi se confondre. En réduisant sans l'accord du salarié, les congés de ce dernier, l'employeur a commis une faute. Cependant, il convient encore de relever que Madame c. T. n'a subi aucun préjudice financier puisqu'elle a perçu l'intégralité de l'indemnité de préavis lui revenant (soit deux mois de salaire), ainsi que l'indemnisation des cinq jours de congés payés restant dans le cadre de l'indemnité compensatrice de congés payés. La seule répercussion concerne la date de fin de contrat qui aurait dû être au 30 novembre 2017. Madame c. T. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de complément d'indemnité de préavis.Les primes ou gratifications versées par l'employeur constituent un usage d'entreprise lorsqu'elles réunissent les trois critères de généralité, constance et fixité. Le versement d'une prime n'a un caractère obligatoire que si cette pratique constitue un usage dont la constance, la généralité et la fixité permettent d'établir la volonté non équivoque de l'employeur de s'engager envers ses salariés et de leur octroyer ainsi un avantage financier. Ces trois conditions sont cumulatives et si l'une d'entre elles fait défaut, il ne sera pas possible de présumer que l'employeur a souhaité accorder, en pleine connaissance de cause, un droit supplémentaire aux salariés par rapport à la loi, au statut collectif ou au contrat individuel de travail. C'est au salarié qui invoque l'usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.Si l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyen, il reste que pour pouvoir procéder régulièrement au licenciement, il lui appartient au préalable de rapporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié, et ce, nécessairement, après avoir étudié les possibilités existantes ou pouvant exister au sein de l'entreprise en fonction des préconisations de la médecine du travail (CA, 9 octobre 2012), « en établissant avoir recherché les éventuelles mutations, transformations de postes, formations adaptées ou aménagements du temps de travail, en fonction des conclusions et indications figurant dans le rapport que le médecin dresse indépendamment de sa déclaration définitive d' inaptitude à l'emploi » (Cour de révision, 31 octobre 2013).Seul le Médecin du Travail, a le pouvoir de déclarer l'inaptitude du salarié ; à cette fin, la déclaration d'inaptitude définitive comprend ses indications sur les aptitudes du salarié, lesquelles s'analysent comme un conseil avisé destiné à l'employeur. Il y est joint un rapport dans lequel ce Médecin, qui dispose d'une parfaite connaissance de l'environnement dans lequel évolue le salarié par les visites de contrôle qu'il est amené à effectuer dans l'année dans l'entreprise, formule ses conclusions et des indications sur l'aptitude éventuelle du salarié à exercer une des tâches existant dans l'entreprise.La Cour d'appel considère, depuis un arrêt rendu le 30 juin 2020 (S.A.M. PARTNER'S SERVICE/B.), « que la déclaration définitive d'inaptitude ne peut à elle-seule constituer un véritable motif valable de licenciement, l'état de santé ou le handicap n'étant pas une cause de rupture du contrat de travail. Que la validité du licenciement d'un salarié malade est subordonnée d'une part à la reconnaissance de son inaptitude physique définitive par le médecin du travail, d'autre part à l'impossibilité démontrée par l'employeur de procéder à son reclassement ou au refus du reclassement proposé par le salarié ».Le faux motif ne peut caractériser de facto l'abus de l'employeur ; à défaut, cela reviendrait à utiliser la notion française de « cause réelle et sérieuse ». En effet, en droit français, un licenciement sans cause réelle et sérieuse (fondé sur un faux motif) est abusif et entraîne automatiquement l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. En droit monégasque, un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif. Tenant ces considérations, l'absence de recherche de reclassement par l'employeur ne saurait fonder l'abus de la rupture du contrat de travail, cet élément fondant la validité de ladite rupture. Reprendre ce même motif pour caractériser un abus de l'employeur dans sa décision de rompre le contrat de travail reviendrait à retenir la notion française de cause réelle et sérieuse, dont l'absence entraîne de facto l'allocation de dommages et intérêts.Il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe. Les difficultés financières dont il est fait état sont en effet le résultat de la diminution de revenu, provoquée par la perte d'emploi et non la conséquence de la brutalité et de l'abus qui, à les supposer établis, auraient caractérisé le licenciement. De plus, le demandeur n'établit nullement en quoi ces difficultés matérielles auraient été provoquées par les circonstances fautives ayant entouré le licenciement, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été retenues par le Tribunal. Elles ne peuvent être de nature à établir l'existence d'une faute dans la mise en œuvre de la rupture (Cour de révision, 26 mars 2014, Pourvoi n° 2013-17).

Social - Général  - Contrats de travail  - Rupture du contrat de travail.

Sanction disciplinaire - Avertissement - Contrôle du Tribunal du travail.


Parties
Demandeurs : Monsieur c. T.
Défendeurs : SAM des thermes marins Monte-Carlo

Références :

article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 323 du Code de procédure civile
loi n° 1348 du 25 juin 2008
article 3 de la loi n° 1.348 du 25 juin 2008
articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 103 du Code pénal
article 324 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2021-07-01;19911 ?

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