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01/07/2021 | MONACO | N°19910

Monaco | Tribunal du travail, 1 juillet 2021, Monsieur s. P. c/ la société à responsabilité limitée dénommée D. M.


Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 21 janvier 2019, reçue le 23 janvier 2019 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 67-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 12 février 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de Monsieur s. P. en date des 9 mai 2019, 12 mars 2020 et 12 novembre 2020 ;r>
Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur au nom de la S.A.R.L. D. M. en date des ...

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 21 janvier 2019, reçue le 23 janvier 2019 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 67-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 12 février 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de Monsieur s. P. en date des 9 mai 2019, 12 mars 2020 et 12 novembre 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur au nom de la S.A.R.L. D. M. en date des 14 novembre 2019 et 9 juillet 2020 ;

Après avoir entendu Maître Erika BERNARDI, avocat-stagiaire près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur s. P. et Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la même cour, pour la S.A.R.L. D. M. en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur s. P. a été embauché par la S.A.R.L. D. M. (ci-après D. à compter du 1er octobre 2014 en qualité de Sénior Manager, statut cadre, avec un coefficient 210 de la Convention Collective Française des Bureaux d'Études Techniques, Cabinets d'Ingénieurs Conseils, Sociétés de Conseils, avec une rémunération annuelle brute de 86.700 euros et une prime annuelle potentielle de 22.000 euros.

Il travaillait pour la société D. TAX & CONSULTING Luxembourg depuis le 16 septembre 2004.

À compter du 1er juin 2017, Monsieur s. P. a été promu Directeur de la S.A.R.L. D. M. sa rémunération annuelle brute passant à 100.000 euros.

Le 23 octobre 2017, Monsieur d. L. co-gérant de la société D. a remis en mains propres à Monsieur s. P. un avertissement.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 avril 2018, Monsieur s. P. a été convoqué à un entretien préalable fixé au 17 avril suivant.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 mai 2018, Monsieur s. P. a été licencié pour faute et dispensé d'exécuter son préavis.

Le 30 mai 2018, la société D. adresse une lettre au salarié dans laquelle elle l'accuse de détournements illicites et frauduleux de données confidentielles.

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception du 7 juin 2018, Monsieur s. P. a contesté les accusations portées par l'employeur, ainsi que son licenciement.

Par requête en date du 21 janvier 2019 reçue au greffe le 23 janvier 2019, Monsieur s. P. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* dire et juger que son licenciement a été prononcé sans motif valable,

* dire et juger qu'il n'a pas été rempli de ses droits au titre de son solde de tout compte,

* dire et juger que son licenciement présente un caractère abusif en ce qu'il a été prononcé dans des conditions brutales et vexatoires,

* en conséquence,

* condamner la S.A.R.L. D. M. à lui payer la somme de 10.733,43 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* condamner la S.A.R.L. D. M. à lui payer la somme de 34.500 euros au titre de la prime annuelle pour l'exercice 2017/2018 ainsi que les congés payés afférents soit la somme de 3.450 euros,

* condamner la S.A.R.L. D. M. à lui payer la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* dire et juger que les condamnations prononcées seront assorties de l'intérêt légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation,

* condamner la S.A.R.L. D. M. aux dépens.

Aucune conciliation n'ayant pu avoir lieu, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Monsieur s. P. a déposé des conclusions les 9 mai 2019, 12 mars 2020 et 12 novembre 2020 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

Sur la prime annuelle :

* cette prime est prévue par l'article 5 du contrat de travail,

* l'employeur ne démontre pas avoir convenu conjointement avec lui de la fixation des objectifs qualitatifs et/ou quantitatifs pour l'exercice 2017/2018 tel que le prévoit le contrat de travail,

* la société D. ne produit pas les résultats des évaluations de performance qui justifieraient le non-versement de la prime,

* il produit une attestation établie par Madame L. Directrice des Ressources Humaines, en date du 25 avril 2018 dans laquelle elle indique que le montant de la prime a été réévalué à la somme de 34.500 euros,

* à défaut de fixation de l'objectif par l'employeur, le salarié est en droit de réclamer l'intégralité de la rémunération variable ou à tout le moins le même bonus que celui versé l'année précédente,

* à la date de versement de la prime, soit le 31 juillet 2018, il faisait toujours partie des effectifs de l'entreprise, la période de préavis prenant fin le 10 août 2018,

Sur la validité du licenciement :

* la lettre de licenciement fait état d'un certain nombre de griefs qui ne sont ni précis, ni même établis et qui sont particulièrement vexatoires, voire diffamants et humiliants,

* son travail a toujours été reconnu et apprécié malgré ses conditions de travail sur lesquelles il n'avait cessé d'alerter les co-gérants et les associés,

* le fait que les co-gérants soient domiciliés à Paris et à Marseille ne leur a pas permis de s'impliquer activement dans la vie du bureau monégasque,

* il s'est retrouvé seul à gérer l'équipe ainsi que tous les dysfonctionnements,

* ces dysfonctionnements ont généré beaucoup d'insatisfaction, de mécontentement et de mal être dans les équipes,

* l'annonce de sa volonté de quitter l'entreprise au cours du mois de février 2018, la société D. a craint que ce départ affecte durement son activité,

* salir sa réputation demeurait le meilleur moyen d'éviter qu'il puisse se rétablir aisément en Principauté et que les clients le suivent,

* c'est à partir de ce moment que la société D. a débuté une vraie campagne de dénigrement à son égard, en tentant de rallier à sa cause des salariés de l'entreprise,

* tous les emails et attestations adverses sont datés à compter de février 2018, soit immédiatement après l'entretien au cours duquel il a annoncé qu'il souhaitait quitter l'entreprise,

* il lui est reproché un management agressif, propos et gestes déplacés,

* les termes employés à son encontre sont totalement disproportionnés, outrageants et diffamatoires,

* il a été manager au sein du réseau D. depuis 2009 et jamais aucun de ses collaborateurs ne s'est plaint de son comportement ou de son management,

* si les griefs étaient avérés, il s'étonne de ne jamais avoir été convoqué ou de ne jamais avoir été interrogé sur ce point, de n'avoir jamais été confronté aux collaborateurs plaignants dans le cadre d'une enquête interne,

* les collaborateurs qui attestent contre lui ne se sont jamais plaints auparavant,

* les mauvaises conditions de travail ont sérieusement contribué au départ de salariés,

* les allégations contenues dans les attestations produites par l'employeur sont générales et non étayées,

* certains salariés font état de faits qui leur ont été rapportés et qu'ils n'ont pas personnellement constatés,

* les reproches calomnieux proférés à son encontre sont en totale contradiction avec les témoignages de collaborateurs et collaboratrices qu'il produit aux débats,

* il n'a jamais adopté le moindre comportement agressif ou déplacé à l'égard de collaborateurs,

* contrairement à ce qui est allégué, l'ambiance de travail a toujours été bonne et il n'hésitait pas à féliciter ses équipes,

* l'employeur soutient encore qu'il se serait rendu coupable de harcèlement sans apporter le moindre élément,

* de telles accusations sans l'ombre d'un fondement sont très graves et relèvent d'actes purement diffamatoires inacceptables,

* l'employeur lui reproche également un état d'ébriété fréquent et des arrivées tardives au bureau :

* il s'agit d'un grief imprécis et matériellement invérifiable, n'ayant pour but que de lui nuire,

* les soirées dont il est fait état par l'employeur n'ont jamais donné lieu à un quelconque débordement,

* ces griefs ne sont aucunement démontrés et fermement contestés,

* l'employeur procède par allégations qui ne sont corroborées par aucune pièce,

* contrairement à ce qui est soutenu par l'employeur, son recentrage sur des fonctions commerciales a été rendu nécessaire du fait de la croissance du bureau de Monaco, afin d'alléger sa charge de travail et non pas pour l'éloigner du management,

* depuis 2015, il a eu à gérer tous les aspects opérationnels, commerciaux, juridiques, financiers et managériaux de l'entreprise,

* dans la mesure où son activité était recentrée sur la stratégie commerciale, cela impliquait qu'il soit moins impliqué dans les dossiers,

* la société D.ne peut lui reprocher à la fois un manque d'implication sur les dossiers et un manque d'encadrement et d'accompagnement des collaborateurs alors qu'elle lui demandait dans le même temps de se concentrer pleinement sur la stratégie et le développement commercial de la société,

* aucun client ne s'est d'ailleurs plaint de la qualité de son travail,

* la lettre de licenciement fait encore état de réticence, de refus d'appliquer les procédures marketing du groupe au plan des ressources humaines, des dépenses engagées,

* en l'absence des co-gérants, il lui appartenait de prendre des décisions,

* il n'a jamais agi avec déloyauté vis-à-vis de la société et souhaitait simplement que les sujets soient traités le plus efficacement possible,

* il n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction ni de la moindre remontrance à cet égard,

* il n'a cessé d'alerter à plusieurs reprises D. Paris sur le caractère très règlementé du recrutement du personnel en Principauté, ce qui a été analysé comme de la mauvaise volonté de sa part,

* il n'avait aucun pouvoir de décision en matière de dépenses engagées et de marketing, de sorte qu'aucune somme n'a été engagée sans qu'il ait au préalable obtenu l'aval des personnes habilitées à cet effet,

* l'employeur lui reproche une introduction dans les locaux le 23 mars 2018 à 2 heures du matin,

* il était tout simplement allé récupérer son porte-monnaie qu'il avait laissé dans son bureau,

* l'employeur l'accuse d'avoir détourné des données confidentielles,

* il a eu accès, dans le cadre de ses fonctions, à de nombreux documents, qu'il a restitués sans aucune difficulté,

* en tout état de cause, il était parfaitement en droit de collecter des documents professionnels en vue d'assurer sa défense et préserver ses droits,

* la restitution totale de ces divers éléments l'empêche d'ailleurs de pouvoir user de tous ces éléments dans le cadre de sa défense,

* tous les documents qu'il produit s'inscrivent dans le cadre de sa défense et dans le contexte du licenciement prononcé,

Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement :

* les motifs de licenciement sont tous infondés, outrageants et profondément humiliants et fallacieux,

* il n'a pas été en mesure de s'expliquer sur les faits reprochés lors de l'entretien préalable,

* l'entretien s'est déroulé en présence de Monsieur p. N. qui n'était ni un dirigeant ni même un salarié de la société D.

* il a été sommé devant huissier de justice de restituer les données auxquelles il avait pu avoir accès en sa qualité de Directeur, alors qu'il n'a jamais fait preuve d'une quelconque résistance pour ce faire,

* la violence et la soudaineté des reproches l'ont laissé dans un état psychologique particulièrement dégradé,

* la société D. lui a porté préjudice sciemment dans le cadre de sa reconversion professionnelle en salissant sa réputation,

* la dimension de la Principauté de Monaco a malheureusement favorisé la diffusion rapide des allégations proférées par l'employeur et le préjudice en résultant est important, tant personnel que professionnel.

Monsieur s. P. sollicite encore de voir déclarer nulle et de nul effet la pièce n° 52 produite par la défenderesse et de voir débouter la société D.de sa demande reconventionnelle.

La S.A.R.L. D. a déposé des conclusions les 14 novembre 2019 et 9 juillet 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La société D. soutient essentiellement que :

Sur le licenciement

* en septembre 2017, à l'occasion d'un séminaire, Monsieur s. P. dans un état d'ébriété avancé, a eu des gestes et une attitude particulièrement déplacée à l'égard de Madame l. B. Collaboratrice du groupe, ce qui lui a valu un avertissement en date du 23 octobre 2017,

* Monsieur s. P. n'a jamais contesté cette sanction disciplinaire,

* le demandeur soutient ne pas avoir cessé d'alerter les co-gérants sur les conditions de travail dégradées dans l'entreprise, mais n'apporte aucune preuve de ses prétendues alertes,

* les board meeting ne font pas état d'une situation critique notamment en termes de charge de travail,

* les conditions de travail dégradées sont du fait du demandeur,

* ce dernier produit un e-mail de Madame BE. en date du 24 avril 2018, expliquant les raisons de sa démission, alors qu'elle était en couple avec Monsieur s. P. cet écrit étant postérieur à l'entretien préalable avec ce dernier, lequel l'a nécessairement informée des griefs qui lui étaient reprochés,

* les témoignages produits par le demandeur n'apportent rien à la manifestation de la vérité,

* sur les douze employés ayant collaboré avec Monsieur s. P. six se rejoignent pour décrire des méthodes de management inappropriées, tandis que les quatre autres relatent des faits qui confirment les difficultés existantes,

* à la mi-février 2018, plusieurs collaborateurs et collaboratrices ont alerté la Direction pour dénoncer un management agressif, méprisant, si ce n'est insultant, fondé sur la critique systématique, elle-même portée sur un mode vexatoire,

* les attestations et les mèls produits démontrent incontestablement l'inconduite et le management inapproprié du demandeur,

* il est fait état d'un comportement non professionnel, d'un dénigrement des équipes, d'un mauvais encadrement,

* Monsieur s. P. est décrit comme une personne lunatique, tyrannique, irrespectueuse des collaborateurs. Un climat de peur a été instauré par celui-ci,

* le demandeur ne se présente pas aux réunions et ne prend pas connaissance des sujets,

* certains salariés ont démissionné suite à l'attitude de Monsieur s. P.

* la suite de ces nombreuses doléances, la Direction s'est rapprochée de D. Luxembourg et il s'est avéré que Monsieur s. P. s'y était très mal conduit,

* en conséquence, le 7 mars 2018, elle a retiré au demandeur le management des équipes et la gestion administrative du bureau,

* il a été constaté le 13 avril 2018 que Monsieur s. P. avait enregistré sur un disque dur externe une quantité très importante de fichiers appartenant à l'entreprise,

* lors de la restitution de ces données par voie d'Huissier de Justice le 28 juin 2018, Monsieur s. P. a refusé de signer la déclaration selon laquelle il n'avait pas utilisé, dupliqué ou sauvegardé ces données et avait procédé à leur destruction de manière complète et définitive,

* la copie des fichiers a débuté le 1er février 2018 jusqu'au 10 avril 2018, date de la convocation à l'entretien préalable,

* Monsieur s. P. a d'ailleurs commencé à exploiter une activité de conseil le 1er juin 2018 alors qu'il était en préavis, la société PHOENIX CONSULTING ayant un objet social pouvant recouper celui de la société D.

* les données litigieuses n'ont aucun lien direct avec les faits reprochés au salarié qui ne peut prétendre en avoir conservé une copie pour les besoins de sa défense,

* au contraire, la diversité de ces données montre qu'il s'est livré à une copie systématique et complète de toutes celles présentes sur le serveur de la société,

* lors des investigations menées en vue du licenciement, il est apparu que le fonctionnement de Monsieur s. P. avait généré des tensions avec le service informatique du groupe D.

* Monsieur s. P. engageait des frais somptuaires en dehors des procédures internes, commandant des travaux pour ornementer les locaux monégasques sans accord,

* le demandeur n'a jamais fait part de sa volonté de quitter l'entreprise,

* contrairement aux allégations de Monsieur s. P. et même si les co-gérants n'étaient pas sur site, ces derniers étaient à son écoute et le salarié n'était en aucun cas livré à lui-même,

* les co-gérants ont refusé la promotion du demandeur au rang de Directeur plusieurs années de suite, ce qui a conduit à un arrêt maladie de Monsieur s. P. en juin 2015 pendant un mois,

* dès la fin de l'année 2014, l'attention de Monsieur s. P. a été attirée sur le fait qu'il ne pouvait se présenter en tant que Directeur de la société,

* en juin 2016, les échanges entre les co-gérants illustrent leurs interrogations sur le caractère prématuré de la nomination de Monsieur s. P. en qualité de Directeur,

* même si certains clients étaient satisfaits, cela ne fait pas disparaître les doléances d'autres clients,

* les motifs reprochés étant réels, le licenciement ne saurait procéder d'un motif fallacieux,

* elle a évité à Monsieur s. P. un licenciement pour faute grave qui aurait eu un retentissement sur sa carrière professionnelle,

* par sa décision, elle a contribué à dissuader certaines collaboratrices d'enclencher des poursuites pour harcèlement,

* la présence de Monsieur p. N. lors de l'entretien préalable est justifiée dans la mesure où celui-ci avait pris des fonctions opérationnelles depuis le 8 mars 2018, lesquelles l'ont conduit à rencontrer les collaborateurs du site,

* Monsieur p. N. a ensuite été nommé aux fonctions de co-gérant en juin 2018,

* elle a organisé un entretien préalable alors que la loi monégasque ne le prévoit pas,

* avant de solliciter l'intervention d'un Huissier de Justice, elle a tenté d'obtenir la restitution des données collectées par Monsieur s. P. à plusieurs reprises, en vain,

* une fois le licenciement prononcé, elle s'est abstenue de tout commentaire à propos de son ancien collaborateur, le demandeur n'apportant pas le moindre témoignage contraire,

* il n'a subi aucun préjudice matériel puisqu'aucun motif fallacieux n'a présidé au licenciement,

* il ne démontre pas plus un quelconque préjudice moral,

Sur la prime annuelle

* cette prime était qualifiée de « potentielle » et n'avait donc aucun caractère automatique,

* elle était soumise aux résultats et à la qualité de la collaboration,

* la condition d'une collaboration méritoire n'était pas remplie,

* le montant allégué de la prime ne repose sur aucun fondement. L'attestation dont se prévaut Monsieur s. P. a été délivrée après le licenciement, non par Madame L. mais par un signataire pour ordre, non habilité à délivrer un tel document, s'agissant d'un service délocalisé au Maroc,

* le quantum de la demande n'a pas de réalité,

* au moment de son paiement, Monsieur s. P. ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise, la période de préavis ne pouvant être prise en compte, a fortiori parce qu'il avait été dispensé de l'exécuter.

SUR CE,

Sur la nullité de la pièce n° 52 produite par la société D.

Monsieur s. P. soutient que les précisions apportées par Madame g. C. annexées à son attestation et datées du 8 novembre 2019 et qui ont vocation à éclairer le Tribunal sur l'existence de faits litigieux, ne respectent pas les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile relatives aux consignes à respecter pour la validité du témoignage en ce qu'elles ne comportent aucune mention obligatoire.

La société D. considère que les précisions manuscrites du 8 novembre 2019 complètent expressément ses précédents écrits et font corps avec l'attestation délivrée, laquelle est parfaitement conforme aux règles de validité posées par l'article 324 du Code de procédure civile.

La pièce n° 52 est constituée par une attestation établie par Madame g. C. en deux temps.

Madame g. C. a ainsi écrit un premier témoignage qui respecte les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, auquel a été annexé un témoignage complémentaire rédigé postérieurement sans que les mentions obligatoires prévues par l'article susvisé n'aient été reprises.

Les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile s'appliquent pour chaque attestation en l'absence de toute précision, de sorte que l'annexe datée du 8 novembre 2019 encourt la nullité.

Sur la prime annuelle

Le contrat de travail en date du 22 septembre 2014 liant les parties prévoit en son article 5 « Rémunération », paragraphes 5 à 9 :

« (...).

À cette rémunération fixe s'ajoute une prime annuelle potentielle dont le montant et les modalités de versement sont définies annuellement par la société.

Son attribution dépend à la fois de l'atteinte des objectifs qualitatifs et/ou quantitatifs fixés conjointement en début d'exercice fiscal et des résultats du processus d'évaluation des performances réalisé à la fin de l'exercice fiscal.

Cette prime, versée au terme de l'exercice fiscal est soumise d'une part à la signature par le salarié des feuilles d'objectifs annuelles et, d'autre part, à la présence du salarié à la date de versement.

Cette prime n'est pas incluse dans la base de calcul de l'indemnité de congés payés.

Pour l'exercice en cours, son montant potentiel est fixé à 22.000,00 euros bruts (vingt-deux mille euros) au prorata du temps de présence effectivement travaillé depuis l'arrivée du salarié «.

Il résulte des termes clairs de ces clauses que le principe du versement d'une prime n'était pas acquis chaque année, son montant étant en outre variable et dépendant des divers facteurs précités.

En effet, la rémunération variable accordée à Monsieur s. P. est purement discrétionnaire et qu'en cas de versement, » son montant et les modalités de versement sont définies annuellement par la société.

Son attribution dépend à la fois de l'atteinte des objectifs qualitatifs et/ou quantitatifs fixés conjointement en début d'exercice fiscal et des résultats du processus d'évaluation des performances réalisé à la fin de l'exercice fiscal «.

Quels que soient les paramètres de détermination de la rémunération variable, Monsieur s. P. a accepté le principe d'une prime discrétionnaire, de sorte qu'il n'avait pas de droit acquis au versement d'une rémunération variable.

Monsieur s. P. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de ce chef, ainsi que celle relative à l'indemnité de congés payés afférente.

Sur la validité de la rupture

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.

Monsieur s. P. a été licencié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 mai 2018, ainsi libellé :

» Monsieur,

Le 23 octobre 2017, nous avons été contraints de vous délivrer un avertissement relativement à votre comportement inadapté lors d'un séminaire organisé par la Région Méditerranée du groupe.

Cet avertissement n'a malheureusement pas été entendu.

En effet, depuis lors, plusieurs collaborateurs et collaboratrices nous ont alerté pour dénoncer un management agressif, méprisant, si ce n'est insultant, fondé sur la critique systématique, elle-même portée sur un mode vexatoire.

Laissant entendre que vous seriez en mesure de nuire à tout collaborateur qui ne se plierait pas à vos desiderata, vous avez cherché à imposer votre autorité par la crainte (...).

Plusieurs collaborateurs ont même utilisé le terme de « terreur » pour caractériser le climat généré, mettant en exergue que vous êtes lunatique.

À cela s'ajoute des gestes et propos extrêmement déplacés envers des collaboratrices.

Ce comportement général pourrait être qualifié de harcèlement, d'autant qu'il a provoqué des arrêts de travail, une collaboratrice ayant même démissionné, tandis que d'autres collaborateurs ont menacé de le faire.

Un état d'ébriété fréquent a été signalé, couplé à l'organisation de soirées inadaptées dans un cadre professionnel (hors et en présence de clients).

Ce problème d'intempérance expliquerait des arrivées très tardives au bureau.

De même, vous vous absentez régulièrement de votre poste sans explication.

Les investigations menées et qui nous ont conduit à vous mettre à pied depuis ont confirmé la réalité des faits.

En l'état de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 promulguée en Principauté sur le harcèlement et eu égard à vos responsabilités, nous ne pouvons ignorer le risque qui pèse sur la sécurité de nos collaborateurs et par contrecoup la réaction qui nous incombe.

Une réorganisation interne a consisté à vous recentrer sur vos fonctions commerciales et donc à limiter vos interventions au plan managérial.

Toutefois, cette nouvelle mesure s'est avérée inefficace, dans la mesure où certains clients se sont explicitement étonnés d'un manque d'implication dans les dossiers.

Il a été évoqué l'oubli de rendez-vous, l'arrivée en retard à ceux-ci.

Des clients se sont plaints d'un défaut de suivi des missions et de la relation client, lequel se traduit par un défaut d'encadrement et d'accompagnement des collaborateurs, délaissés et livrés à eux-mêmes, qui plus est sur des dossiers sensibles, comme ils nous en ont alerté.

Un état d'ébriété a aussi été observé par des clients, lequel n'est pas uniquement rencontré dans les soirées susvisées.

En définitive, il existe un risque majeur pour la sécurité des salariés, tandis que l'image de sérieux et la réputation de D. M.se trouvent affectées et partant sa notoriété.

De fait, l'activité locale se trouve gravement perturbée.

En outre, il a été mis en évidence une réticence, voire un refus d'appliquer les procédures du groupe au plan des ressources humaines, des dépenses engagées, du marketing.

Par ailleurs, vous vous êtes introduit dans les locaux à 2 heures du matin, le 23 mars dernier, déclenchant l'alarme et nécessitant l'intervention de la société de sécurité sans que nous ne sachions ce que vous avez bien pu trouver à faire au siège social à une telle heure.

Enfin, il est avéré que vous avez copié, en violation des procédures internes rappelés dans votre contrat, de très nombreuses données confidentielles appartenant à l'entreprise sur un disque dur personnel et externe, alors que rien ne justifie que vous disposiez à titre personnel de ces fichiers. Certaines de ces données concernent ou appartiennent à des clients ou à D. Luxembourg dont les intérêts pourraient être compromis par une utilisation et/ou une diffusion non autorisées.

La responsabilité de l'entreprise pourrait être recherchée du fait de vos agissements.

(...) ».

Il convient de reprendre les griefs contenus dans la lettre de rupture.

Un management agressif, méprisant, si ce n'est insultant, fondé sur la critique systématique, elle-même portée sur un mode vexatoire.

Le Tribunal relève que la société défenderesse produit en pièces nos 15 à 19, 23 à 26 des échanges de courriels entre des employés de D. France et les co-gérants de D. M. dans lesquels l'auteur rapporte des faits dont il n'a pas été témoin, reprenant les dires de salariés de la société D.

Il en est de même concernant les attestations produites en pièces nos 46 à 48.

Ces écrits ne sauraient dès lors démontrer les griefs reprochés au salarié, en l'absence de tout autre élément.

Le dossier de l'employeur comporte également des attestations des salariés visés dans lesdits échanges de mèls, en pièces nos 45, 47 à 51, ainsi qu'un courriel adressé par Madame e. EA. à Madame m. D. S. dont copie à Monsieur v. G. et Madame c. B. dans lequel elle fait état :

* d'une démotivation générale, dévalorisation des compétences des collaborateurs et collaboratrices et d'une absence totale de reconnaissance,

* d'un climat de peur ambiant et le départ de nombreux consultants confirmés,

* du manque de professionnalisme de Monsieur s. P.

* de la personnalité lunatique de ce dernier.

* attestation établie par Monsieur h. D. co-gérant de la société D. dans laquelle celui-ci indique :

« (...)

Au cours de nos premières années de collaboration, j'ai eu à constater des comportements non conformes aux règles de fonctionnement de D. (...).

Plus tard, à compter de mars 2016 plusieurs collaborateurs m'ont progressivement alerté sur son comportement avec les équipes dont il assurait le management :

* plusieurs départs et démissions de collaborateurs de D. M. liés à un management de s. P. trop pressant et agressif et faisant peser une pression psychologique disproportionnée. J'ai pu constater cela lors de mes entretiens en direct lors du départ des collaborateurs suivants : (...),

* refus de faire réaliser les entrevues de « work life balance » (...) j'ai donc dû contacter s. pour imposer la réalisation de ces « work life balance » finalement réalisés en décembre 2017 et janvier 2018 et qui ont permis de mettre à jour des comportements inappropriés de la part de s. P. vis-à-vis de collaborateurs de D. M. après une enquête des RH début 2018,

* des arrêts maladies répétés de l'assistante de D. M. g. C. en 2017 et 2018 suite à des pressions psychologiques extrêmement fortes de la part de s. P. J'ai eu l'occasion d'avoir des retours directs de cette assistante lors d'entrevues en tête à tête avec elle.

Compte tenu de ces éléments, nous avons sollicité les équipes RH qui ont entendu plusieurs collaborateurs du bureau et nous avons signalé des témoignages concordants relatant des faits graves de la part de s. générant une souffrance importante au sein des équipes «.

Monsieur s. P. s'étonne de l'absence de réaction des co-gérants face aux accusations portées à son encontre.

Pour autant, il n'est pas contestable que Monsieur s. P. a subi un changement de » service «, les fonctions de Management des équipes et la Gestion Administrative du bureau lui ayant été retirées le 7 mars 2018.

Les parties sont en désaccord sur les raisons de cette modification.

Monsieur s. P. soutient qu'elle était devenue indispensable au regard de l'ampleur de ses tâches, l'employeur soutenant quant à lui qu'elle était indispensable eu égard aux plaintes des salariés sur le comportement du demandeur.

Force est de constater qu'aucune des deux parties ne démontre ses allégations.

Dès lors, le doute devant profiter au salarié, ce changement de fonctions ne pourra être retenu à charge à l'encontre de celui-ci.

* attestation établie par Monsieur a. D. Senior Management chez D. M. ainsi libellée :

» Je faisais le lien entre s. P. et l'équipe de D. à Monaco. Mon travail consistait à retransmettre les directives de s. à l'équipe (...).

J'ai eu deux années de collaboration directe avec s.

(...) j'ai pu découvrir que s. était plus orienté sur un mode de travail luxembourgeois que monégasque et l'ai entendu répéter à plusieurs occasions la même réflexion : «quand j'étais junior, les jeunes travaillaient jusqu'à 22h». Cela peut sembler anodin, mais cette réflexion plombait l'ambiance et imposait un cadre de travail stakhanoviste. Le plaisir au travail, ainsi que la qualité de celui-ci en a énormément souffert.

(...).

En définitive, s. a de multiples facettes, mais il est avant tout quelqu'un avec une vision claire de ce qu'il veut atteindre comme objectifs et la manière dont il les atteindra. Il se forge rapidement des avis tranchés et a peu de capacité d'acceptation des critiques et une remise en question proche du néant.

Il est capable du meilleur comme du pire, qui ressort lorsqu'il considère être supérieur à une autre personne. Auquel cas, il ne lui montre que très peu de respect et n'hésite pas à lui rappeler «qui est le patron» «.

Monsieur s. P. émet des doutes sur la sincérité de ce témoignage en mettant en avant des relations cordiales avec Monsieur D. ce qui ne saurait être suffisant pour ne pas tenir compte des déclarations de ce dernier.

* une attestation établie par Madame g. C. Assistante de Direction chez D. M. dans laquelle elle relate les faits suivants :

« (...).

Monsieur s. P. a été mon supérieur hiérarchique du 01/09/2015 au 06/12/207.

Durant cette période, j'ai été témoin et ai personnellement subi le comportement déviant de s. P.

Monsieur s. P. adoptait de manière habituelle et récurrente une attitude agressive et humiliante envers les salariés du bureau de Monaco qu'il encadrait en notamment :

* Des menaces (...).

* Des mots déplacés, souvent sur un ton élevé, en public envers ceux dont il estimait qu'ils ne donnaient pas satisfaction.

(...).

Il s'emportait aussi contre les collaborateurs ou leur adressait des remarques insultantes devant tous les collaborateurs du bureau. J'ai souvent vu des collègues pleurer face à ces incidents. Il est même arrivé à s. P. de jeter des dossiers au visage de certains en leur demandant de ramasser et de recommencer.

(...).

Enfin, j'ai souvent été témoin que M P. dénigrait régulièrement son équipe aussi bien que sa hiérarchie auprès des clients (...).

De manière générale, s. P. a instauré un climat de terreur au sein du bureau en évoquant régulièrement l'influence de sa famille en Principauté et en adoptant une attitude hostile et insultante non seulement envers ses collaborateurs que des supérieurs et d'une manière générale toute la société D.

Son comportement a mené de nombreux salariés à se retrouver en dépression nerveuse, puis à décider à donner leur démission (...).

Voilà, en conclusion, je souhaite confirmer ce que mon témoignage direct ou les échanges avec mes collègues ont démontré : M s. P. est un manager de piètre qualité, négligeant dans son travail et qui ne porte que sa petite personne en estime ».

Monsieur s. P. se contente de contester les déclarations de Madame g. C. mais sans apporter le moindre élément probant, alors qu'il n'a aucunement saisi la juridiction pénale pour faux témoignage.

* une attestation établie par Monsieur f. M. Consultant chez D. M. ainsi libellée :

« Je suis entré au bureau de Monaco en mars 2016, les premiers mois furent très intéressants et l'encadrement proposé par a. et s. était de bonne qualité.

Au fil du temps, les choses se sont peu à peu dégradées.

1/ J'ai été positionné sur notre mission qui consistait à mettre en place la plateforme RAJ pour le Gouvernement.

(...).

Lorsque a. était mon chef de projet, tout se passait bien. À son départ en novembre 2017, s. a repris ce rôle et les choses se sont mot illisible compliquées.

(...).

3/ (...) Lorsque nous avons relié la réponse, le nombre de feuille était trop important. s. a alors pris le document, l'a secoué très fortement provoquant la chute des feuilles et la destruction de la reliure. s. a jeté par terre ce qu'il restait du document, au milieu des autres feuilles déjà tombées, et nous a demandé de tout ramasser. Lui s'est assis sur un fauteuil tout en nous ordonnant de trouver une solution.

Ce comportement inacceptable reste aujourd'hui pour moi, le comportement le plus choquant de ma carrière.

4/ Enfin, s. aimait se vanter dans l'open space auprès des consultants d'avoir recadré G.

Le ton et la façon de dire les choses rendait mal à l'aise des personnes présentes, mais aucun n'osait dire quelque chose.

Je me souviens d'avoir vu une fois G. sortir en pleurant et d'avoir quelques minutes plus tard s. se targuer de l'avoir »défoncée«.

Cela mettait mal à l'aise tout le monde au vu de l'implication sans faille de G. ».

Monsieur s. P. ne formule aucune observation dans ses écritures sur les déclarations de Monsieur f. M.

Il produit par ailleurs des attestations en pièces nos 15 à 18 d'anciens salariés de la société D. aux termes desquelles le demandeur est décrit comme une personne professionnelle et consciencieuse, les témoins n'ayant constaté aucun propos ni gestes déplacés à l'encontre de ses collaborateurs et collaboratrices.

Parmi lesdites attestations, il convient de relever que Madame n. BE. est la compagne du demandeur et Monsieur DI. entretient ou a pu entretenir une relation avec la tante de celle-ci.

La proximité existante entre le salarié et ces deux personnes amène le Tribunal à apprécier les témoignages de celles-ci avec réserve.

Enfin, ces témoignages ne permettent en aucun cas de mettre en doute les déclarations reprises supra, Monsieur s. P. ciblant les personnes sur lesquelles il peut se permettre un comportement inadapté.

Il résulte dès lors des éléments développés supra que le grief lié au management de Monsieur s. P. est justifié.

Des gestes et propos extrêmement déplacés envers des collaboratrices.

L'employeur ajoute que « ce comportement général pourrait être qualifié de harcèlement, d'autant qu'il a provoqué des arrêts de travail, une collaboratrice ayant même démissionné, tandis que d'autres collaborateurs ont menacé de le faire ».

Pour démontrer ce grief, l'employeur produit :

* l'attestation établie par Madame g. C. qui fait état de « gestes inadmissibles et des mots extrêmement déplacés envers les femmes, collaboratrices ou visiteuses, des comportements familiers, même extrêmement graves et déplacés envers les femmes dont les collaboratrices de D. se permettant des gestes et des mots choquants », mais sans donner de précisions sur les gestes et propos reprochés à Monsieur s. P. ne permettant ni à ce dernier, ni au Tribunal de procéder à un contrôle sur des faits matériellement vérifiables.

Madame g. C. ajoute ensuite avoir été « témoin de commentaires de M. P. tels que » elle est physiquement intelligente « ou » elle a le cul de mon ex, elle va pouvoir faire carrière ici  «, à la suite d'entretien d'embauche.

Il s'agit de propos sexistes inadmissibles qui ne sauraient être tolérés quel que soit le contexte (personnel ou professionnel).

* l'attestation établie par Madame e. EA. qui décrit les faits suivants lors d'une soirée d'équipe, Monsieur s. P. étant » éméché et dans un état second « :

» (...) je décidai de m'isoler dans ma chambre pour me reposer avant de repartir à Nice en voiture avec f. M. (senior consultant) et une collègue. C'est alors que passant par la terrasse commune, M P. (toujours éméché) se jeta sur mon lit, me saisit fermement les cuisses et y pose sa tête, les lèvres contre mes cuisses. Il resta là pendant plusieurs minutes et, tandis que j'essayais de le réveiller, continuait à me serrer plus fermement. J'essayais de me dégager de son emprise, suite à quoi il se réveilla, tituba et sortit de ma chambre sans rien dire (...) «.

Madame e. EA. donne ensuite des exemples de propos déplacés du demandeur : » 4/ À l'issue de plusieurs entretiens d'embauche, mon ancien responsable se permettait plusieurs remarques déplacées et dégradantes concernant les candidates rencontrées, notamment sur le plan physique. «Physiquement intelligente», «(gros) atouts non négligeables», etc. Ces actes de sexisme ordinaire ne faisaient aucunement référence aux compétences professionnelles de la candidate et ne faisaient que renforcer un profond sentiment de malaise parmi les consultantes présentes «.

* l'attestation établie par Monsieur a. D. qui décrit un comportement de Monsieur s. P. lors d'une soirée entre collègues D.de la région Méditerranée à la suite d'un séminaire stratégie méditerranée :

» (...) À l'issue de ces présentations, nous avons un temps de débriefing suivi d'un repas et d'une soirée plus informelle. Au cours de cette soirée, nous avons pu échanger avec la directrice D. N. s. m'avait alors fait comprendre qu'il la trouvait jolie et qu'il «se la ferait bien».

À la fin de cette soirée, s. sous l'emprise de l'alcool, a été retrouvé en train de tambouriner à la porte de la directrice. À trois personnes, nous avons dû le ramener manu militari à sa chambre afin d'éviter plus de débordements (...) «.

Monsieur s. P. se contente de contester les déclarations des salariés mais sans apporter le moindre élément probant, alors qu'il n'a aucunement saisi la juridiction pénale pour faux témoignage.

Les attestations litigieuses font pourtant état de faits particulièrement graves à l'encontre de Monsieur s. P. susceptibles pour certains de revêtir une qualification pénale. D'ailleurs, celui-ci parle dans ses écritures de faits diffamatoires, ce qui aurait pu justifier la saisine du Tribunal correctionnel sur le fondement de la diffamation.

Un état d'ébriété fréquent a été signalé, couplé à l'organisation de soirées inadaptées dans un cadre professionnel (hors et en présence de clients). Ce problème d'intempérance expliquerait des arrivées très tardives au bureau.

Les attestations produites en pièces nos 49 à 52 démontrent ce grief, les salariés collègues de travail de Monsieur s. P. donnant des exemples précis et circonstanciés, que le demandeur se contente, là encore, de contester sans apporter d'élément contraire.

Des clients se sont plaints d'un défaut de suivi des missions et de la relation client, lequel se traduit par un défaut d'encadrement et d'accompagnement des collaborateurs, délaissés et livrés à eux-mêmes, qui plus est sur des dossiers sensibles, comme ils nous en ont alertés.

L'employeur ne produit aucune plainte de client permettant de justifier ce grief qui ne sera, dès lors, pas retenu.

Une réticence, voire un refus d'appliquer les procédures du groupe au plan des ressources humaines, des dépenses engagées, du marketing.

La pièce n° 37 produite par la société D. fait état d'une difficulté liée à la commande de téléphones portables de marque iPhone, s'agissant d'un échange de mèls entre le 15 juin et le 1er juillet 2016, soit près de deux ans avant le licenciement de Monsieur s. P.

L'employeur ne démontre aucune nouvelle » infraction « du demandeur aux procédures du groupe telles que détaillées dans la lettre de rupture.

Ce grief ne sera dans ces circonstances pas retenu.

Introduction de Monsieur s. P. dans les locaux à 2 heures du matin, le 23 mars dernier, déclenchant l'alarme et nécessitant l'intervention de la société de sécurité » sans que nous ne sachions ce que vous avez bien pu trouver à faire au siège social à une telle heure «.

Monsieur s. P. ne conteste pas ce grief et soutient qu'il était allé chercher son porte-monnaie oublié dans son bureau.

Ce fait ne saurait être déclaré fautif dans la mesure où l'employeur ne démontre pas que Monsieur s. P. se serait livré, à cette occasion, à des manœuvres déloyales.

Ce grief ne sera pas retenu.

La copie de très nombreuses données confidentielles appartenant à l'entreprise sur un disque dur personnel et externe.

Monsieur s. P. ne conteste pas ce grief mais estime qu'il était parfaitement en droit de collecter des documents professionnels en vue d'assurer sa défense et préserver ses droits.

La production en justice de documents confidentiels ne peut être justifiée que lorsque cela est strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense du salarié dans le litige l'opposant à son employeur.

Le salarié ne peut communiquer les documents de l'entreprise que dans le but d'assurer sa défense devant le Tribunal du travail.

Les documents produits par le salarié doivent concourir à la résolution du litige et être » strictement nécessaires « à la défense du salarié, » les seuls à justifier « ses allégations.

En l'espèce, Monsieur s. P. procède par allégations sans préciser la nature des fichiers enregistrés sur son disque dur externe, ni l'utilisation qu'il aurait pu en faire devant la présente juridiction.

L'argumentation du salarié à ce titre ne sera pas retenue.

Le contrat de travail liant les parties prévoit en son article 8 en ses paragraphes 8 à 10 :

» Compte tenu de l'activité de la société, le salarié sera tenu, indépendamment d'une obligation de réserve générale, à une discrétion absolue sur tous les faits qu'il pourrait apprendre en raison de son activité ou du seul fait de son appartenance à la société. Cette obligation persistera après la rupture du présent engagement.

Les collaborateurs de la société sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues à l'article 308 du Code pénal monégasque, dont une copie a été présentée au salarié.

Le salarié reconnaît que la violation des stipulations sus énoncées engageait sa responsabilité tant civile que pénale «.

Il résulte incontestablement de cette clause que Monsieur s. P. a violé son obligation de discrétion, de confidentialité et de loyauté à l'égard de la société D. en transférant sur son disque dur personnel des informations confidentielles appartenant à l'employeur.

La pièce n° 32 produite par la société défenderesse a permis d'identifier 28.372 fichiers réalisés entre le 1er février et le 10 avril 2018, ainsi que 26.283 présentant la copie de fichiers de type bureautique vers un support externe de type disque dur.

Il apparaît encore 85.079 enregistrements réalisés les 27, 28, 29 et 30 mars 2018 et 10 avril 2018, certains fichiers contenant des données clients.

Ce seul comportement du salarié demandeur justifie la rupture du contrat de travail pour faute.

Il résulte ainsi de l'ensemble des explications développées supra que le licenciement de Monsieur s. P. est fondé sur des motifs valables, justifiant le rejet de sa demande en paiement de l'indemnité de licenciement.

Sur le caractère abusif de la rupture

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait » tromper ", ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Force est de constater que Monsieur s. P. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement ;

Le demandeur invoque la brutalité dont a fait preuve l'employeur et le caractère vexatoire du licenciement.

Les pièces du dossier montrent que Monsieur s. P. a bénéficié d'un entretien préalable au cours duquel il a pu s'exprimer.

La présence de Monsieur p. N. lors de cet entretien ne saurait être considérée comme fautive, celui-ci intervenant au sein de la société D. depuis plusieurs mois dans le cadre d'une enquête interne suite aux accusations de salariés portées à l'encontre du demandeur.

L'employeur a pris un délai de réflexion de près de trois semaines avant de prendre la décision de licencier son salarié.

Dès lors, aucune précipitation ou brutalité ne peut être reprochée à l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement.

Il en est de même concernant la restitution des outils professionnels et des données informatiques détournées par le salarié.

En effet, avant de faire intervenir un Huissier de Justice à cette fin, l'employeur a convoqué Monsieur s. P. par courrier, en vain.

Le demandeur invoque encore la déloyauté de la société D. qui lui a porté sciemment préjudice dans le cadre de sa reconversion professionnelle en salissant sa réputation, mais sans fournir le moindre élément à l'appui de son allégation.

Monsieur s. P. sera dans ces circonstances débouté de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'action en justice constitue l'exercice d'un droit et l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol.

En outre, la défenderesse ne rapporte la preuve d'aucun préjudice.

Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens

Succombant dans ses prétentions, Monsieur s. P. sera condamné aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Prononce la nullité du document daté du 8 novembre 2019 annexé à l'attestation produite en pièce n° 52 par la S.A.R.L. D. M. ;

Dit que le licenciement de Monsieur s. P. par la S.A.R.L. D. M. repose sur une cause valable et n'est pas abusif ;

Déboute Monsieur s. P. de toutes ses demandes de ce chef ;

Déboute Monsieur s. P. de sa demande en paiement de la prime annuelle pour l'exercice 2017/2018 et les congés payés afférents ;

Déboute la S.A.R.L. D. M. de sa demande reconventionnelle ;

Condamne Monsieur s. P. aux dépens du présent jugement.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19910
Date de la décision : 01/07/2021

Analyses

Après avoir rédigé un premier témoignage respectant les dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, l'auteur de l'attestation a rédigé en annexe un témoignage complémentaire ne reprenant pas les mentions obligatoires prévues par l'article susvisé. Or, les dispositions de celui-ci s'appliquent pour chaque attestation, en l'absence de toute précision, de sorte que l'annexe encourt la nullité.Il résulte de la clause du contrat de travail prévoyant les conditions d'octroi d'une prime annuelle que le principe de son versement n'était pas acquis chaque année, son montant étant variable et dépendant de divers facteurs expressément prévus, définis annuellement par l'employeur, à savoir l'atteinte des objectifs qualitatifs et/ou quantitatifs fixés conjointement en début d'exercice fiscal et des résultats du processus d'évaluation des performances réalisé à la fin de l'exercice fiscal. Ayant accepté le principe d'une prime discrétionnaire, le salarié n'avait pas de droit acquis au versement d'une rémunération variable. Sa demande en versement de la prime annuelle est rejetée.Le licenciement du salarié, directeur d'agence, repose sur des motifs valables. En effet, son management agressif, méprisant, voire insultant, ressort d'attestations de collaborateurs, l'un d'eux indiquant qu'il imposait un cadre de travail stakhanoviste, d'autres mentionnant des humiliations et évoquant un climat de terreur. Le salarié se contente de contester ces déclarations sans apporter le moindre élément probant, alors qu'il n'a aucunement saisi la juridiction pénale pour faux témoignage. Il lui était également reproché des gestes déplacés et des propos sexistes envers des collaboratrices et candidates à un emploi, ce qui résulte effectivement de plusieurs attestations, ainsi qu'un état d'ébriété lors de soirées d'équipe ou de séminaires. Enfin, il a violé son obligation de discrétion, de confidentialité et de loyauté à l'égard de l'employeur en transférant sur son disque dur personnel des informations confidentielles appartenant à l'employeur, soit plusieurs dizaines de milliers de fichiers, certains contenant des données clients. Ce seul comportement du salarié justifiait à lui seul la rupture du contrat de travail pour faute.

Social - Général  - Contrats de travail  - Responsabilité de l'employeur.

Procédure civile - Attestations - Non conforme à l'article 324 du Code de procédure civile - Rédaction de deux attestations successives - Seconde attestation établie en annexe de la première sans indication des mentions obligatoires - Nullité de la seconde attestation (oui).


Parties
Demandeurs : Monsieur s. P.
Défendeurs : la société à responsabilité limitée dénommée D. M.

Références :

article 324 du Code de procédure civile
loi n° 1.457 du 12 décembre 2017
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 308 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2021-07-01;19910 ?

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