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01/07/2021 | MONACO | N°19909

Monaco | Tribunal du travail, 1 juillet 2021, Monsieur a. P. c/ SARL S.


Motifs

Le Tribunal du travail,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 29 janvier 2020 et 1er juillet 2020, reçues les 3 février 2020 et 2 juillet 2020 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 48-2019/2020 et 15-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 25 février 2020 et 6 octobre 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-d

éfenseur, au nom de Monsieur a. P. en date du 22 octobre 2020 ;

Ouï Maître Sophie MARQUET, avocat prè...

Motifs

Le Tribunal du travail,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 29 janvier 2020 et 1er juillet 2020, reçues les 3 février 2020 et 2 juillet 2020 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 48-2019/2020 et 15-2020/2021 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 25 février 2020 et 6 octobre 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. P. en date du 22 octobre 2020 ;

Ouï Maître Sophie MARQUET, avocat près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur a. P. en sa plaidoirie ; Vu les pièces du dossier ;

Monsieur a. P. soutient avoir été embauché par la SARL S. en contrat à durée indéterminée à compter du 5 février 2018, en qualité de Commercial, avec un salaire net de 1.900 euros par mois hors commissions.

Par requête en date du 29 janvier 2020 reçue au greffe le 3 février 2020, Monsieur a. P. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* non-paiement de salaire : 5 700 euros,

* non-paiement de commissions : 810,74 euros,

* non-paiement de frais : 200 euros,

* remise de l'attestation Pôle Emploi et du solde de tout compte.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Par requête en date du 1er juillet 2020 reçue au greffe le 2 juillet 2020, Monsieur a. P. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* dire et juger que la SARL S. a unilatéralement réduit son salaire à compter du mois d'octobre 2018,

* dire et juger que la SARL S. a cessé de le rémunérer à compter du mois de février 2019,

* dire et juger que l'employeur a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail,

* dire et juger qu'il en résulte une faute de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail engageant sa responsabilité contractuelle,

* dire et juger que la rupture de la relation d'emploi liant les parties s'analyse en un licenciement,

* dire et juger que son licenciement ne repose pas sur un motif valable,

* dire et juger que son licenciement présent un caractère abusif tant en son principe qu'en sa mise en œuvre,

* en conséquence,

* condamner la SARL S. au paiement des sommes suivantes :

* dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 20 000 euros,

* rappel de salaire : 846,40 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif tant en son principe qu'en sa mise en œuvre, en indemnisation du préjudice moral et matériel : 33 000 euros,

* indemnité de licenciement : 1 198,17 euros bruts,

* indemnité compensatrice de préavis : 2 298,40 euros bruts,

* indemnité compensatrice de congés payés : à parfaire,

* le tout avec intérêts légaux de droit sur ces sommes à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du Tribunal du travail,

* condamner la SARL S. à la remise des documents rectifiés suivants : intégralité des bulletins de salaire régularisés, solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

* prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

* condamner la SARL S. aux dépens envers la Trésor, conformément à l'article 51 de la loi n° 446 portant création d'un Tribunal du travail.

À l'audience de conciliation, Monsieur a. P. a complété ses demandes de la manière suivante :

* indemnité compensatrice de congés payés : 2 758,08 euros,

* indemnité de licenciement : 1 379,04 euros,

* perte de chance de bénéficier de l'assurance chômage : 18 068,40 euros.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Monsieur a. P. a déposé des conclusions le 22 octobre 2020 dans lesquelles il demande au Tribunal de :

* prononcer la jonction des instances enrôlées sous les numéros 48-2019/2020 et 15-2020/2021,

* dire et juger que la SARL S. a unilatéralement réduit son salaire à compter du mois d'octobre 2018,

* dire et juger que la SARL S. a cessé de le rémunérer à compter du mois de février 2019,

* dire et juger que l'employeur a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail,

* dire et juger qu'il en résulte une faute de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail engageant sa responsabilité contractuelle,

* dire et juger que la rupture de la relation d'emploi liant les parties s'analyse en un licenciement,

* dire et juger que son licenciement ne repose pas sur un motif valable,

* dire et juger que son licenciement présent un caractère abusif tant en son principe qu'en sa mise en œuvre,

* en conséquence,

* condamner la SARL S. au paiement des sommes suivantes :

* rappel de salaire : 6 710,74 euros,

* rappel de salaire sur commission : 810,74 euros,

* rappel de salaire : 846,40 euros,

* dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 20 000 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif tant en son principe qu'en sa mise en œuvre, en indemnisation du préjudice moral et matériel : 33 000 euros,

* dommages et intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier de l'assurance chômage à hauteur de 18 068,40 euros,

* indemnité de licenciement : 1 198,17 euros bruts,

* indemnité compensatrice de préavis : 2 298,40 euros bruts,

* indemnité compensatrice de congés payés : 2 758,08 euros bruts,

* le tout avec intérêts légaux de droit sur ces sommes à compter de la convocation devant le bureau de conciliation du Tribunal du travail,

* condamner la SARL S. à la remise des documents rectifiés suivants : intégralité des bulletins de salaire régularisés, solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

* prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

* condamner la SARL S. aux dépens envers la Trésor, conformément à l'article 51 de la loi n° 446 portant création d'un Tribunal du travail.

Monsieur a. P. fait essentiellement valoir que :

* l'employeur n'a pas procédé aux déclarations relatives à son embauche auprès des services compétents et il ne lui a jamais remis son permis de travail malgré de multiples relances,

* il effectuait de la prospection et participait à des événements et salons pour présenter et promouvoir les produits de S.

* il effectuait également des missions complémentaires telles que la réalisation de devis pour les clients, un travail sur la communication de la société, la mise en place de la stratégie commerciale,

* il n'a jamais fait l'objet de la moindre remontrance et sanction pendant la relation de travail,

* le paiement du salaire n'était jamais effectué de la même manière et à la même période,

* à compter du mois d'octobre 2019, l'employeur a unilatéralement réduit son salaire sans l'en informer préalablement,

* à compter du mois de février 2019, il n'a plus été réglé de ses salaires,

* à la fin du mois de mars 2019, il a été licencié par téléphone,

* il n'a pas reçu les indemnités de rupture, ni les documents de fin de contrat,

* le 1er avril 2019, l'employeur a organisé la restitution du matériel qui lui avait été confié,

* dans la mesure où l'employeur n'a pas procédé à la déclaration d'embauche, il a perdu une chance de bénéficier de l'assurance chômage,

* la société S. l'a licencié dans le seul but de réduire les coûts de fonctionnement de la société,

* son poste a vraisemblablement été supprimé,

* il n'a perçu aucune indemnité de rupture,

* il s'agit de toute évidence d'un licenciement pour motif économique,

* il a été licencié verbalement par téléphone de manière soudaine et brutale sans qu'aucun motif ne lui ait été précisé, sans aucun entretien préalable,

* l'employeur ne lui a pas remis les documents de fin de contrat et n'a pas perçu les sommes devant lui revenir à ce titre,

* il a été privé de ressources financières suite à l'attitude de l'employeur.

La SARL S. ne s'étant jamais présentée ni personne pour elle, le Tribunal a demandé à Monsieur a. P. de procéder à la citation par voie d'huissier de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 39 de la loi n° 446.

Par acte en date du 17 décembre 2020 délivré par Maître Frédéric LEFEVRE, Huissier de Justice, la SARL S. a été citée pour l'audience du 7 janvier 2021.

L'Huissier instrumentaire n'a pu remettre ladite citation à personne et s'est donc rendu à la Mairie de Monaco où il a fait viser l'original par Monsieur le Maire et a avisé la SARL S. par lettre recommandée.

Pour autant, la société défenderesse n'a pas comparu et ne s'est pas faite représenter.

SUR CE,

Sur la jonction

Il convient, conformément à l'article 59, alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, d'ordonner la jonction des instances portant les numéros 48 de l'année judiciaire 2019-2020 et 15 de l'année judiciaire 2020-2021, dès lors qu'elles découlent d'un même contrat de travail.

Sur le rappel de salaire

Monsieur a. P. sollicite la somme de 6 246,40 euros pour les mois de février 2018 à mars 2019, se décomposant comme suit :

400 euros x 4 + 1 900 euros x 2 mois = 5 400 euros nets + 846,40 euros au titre des cotisations sociales = 6 246,40 euros.

Monsieur a. P. indique que l'employeur n'a pas procédé à la déclaration de son embauche, de sorte qu'aucun document ne permet de déterminer les obligations contractuelles respectives des parties et notamment concernant le salaire et les commissions devant être versés au demandeur.

Le dossier du demandeur comporte néanmoins les bulletins de salaire pour la période de juillet 2018 à septembre 2018, puis de janvier 2019 à avril 2019, lesquels font apparaître un salaire mensuel brut de 2.298,40 euros, soit un salaire net mensuel de 1.900 euros, sommes qu'il conviendra de retenir.

Monsieur a. P. produit également ses relevés de compte sur lesquels figurent les virements de la SARL S. pour le paiement de son salaire, soit 1 900 euros jusqu'au mois d'octobre 2018 ; à compter du mois de novembre 2018, les virements s'élèvent à la somme de 1 500 euros.

Monsieur a. P. n'a pas été payé de l'intégralité de son salaire pour les mois d'octobre 2018 à janvier 2019, soit une différence de 400 euros nets par mois, avec un total de 1 600 euros nets.

Les relevés de compte ne font ensuite état d'aucun autre versement de la part de la SARL S. de sorte qu'il reste dû au salarié la somme nette de 3.800 euros pour les mois de février et mars 2019.

Il y a lieu encore de rajouter les cotisations sociales calculées par le demandeur à la somme de 846,40 euros, qu'il conviendra de retenir.

La SARL S. sera dans ces circonstances condamnée à payer à Monsieur a. P.la somme brute de 6 246,40 euros à titre de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires de salaires.

Sur le rappel de commissions

Monsieur a. P. sollicite la somme de 810,74 euros correspondant à la commission qui lui est due sur une vente qu'il a réalisée auprès de la société MYMALINE.

En l'absence de dispositions contractuelles et de documents relatifs à l'embauche du demandeur démontrant l'existence pour ce dernier d'un droit à commission, Monsieur a. P. produit un courriel qui lui a été adressé par Monsieur G. gérant de la SARL S. le 22 novembre 2018 fixant le taux de commissions suivant le volume de ventes réalisées (pièce n° 2).

Monsieur a. P. produit encore une facture pro-forma datée du 7 novembre 2018, sur laquelle il apparaît en tant que commercial ayant réalisé la vente, et ce pour un montant TTC de 13 898,40 euros, soit 11 582 euros hors taxe.

Eu égard au barème fixé par Monsieur G. le taux de commission devait s'élever à 7 % du montant de la vente hors taxe, soit 810,74 euros.

Il conviendra en conséquence de condamner la SARL S. à payer à Monsieur a. P.la somme brute de 810,74 euros à titre de rappel de commissions, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires de salaires.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur

Le non-paiement de l'intégralité du salaire, puis de tout salaire à compter du mois de novembre 2018 et des commissions dues par l'employeur entraîne nécessairement un préjudice pour le salarié dont réparation lui est due, à hauteur de la somme de 5 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur le licenciement

Monsieur a. P. soutient avoir été licencié verbalement à la fin du mois de mars 2019, par téléphone.

Lorsque la rupture émane de l'employeur, l'acte de rupture se situe au moment où ce dernier a manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail ; en présence d'une lettre de licenciement, c'est l'envoi de cette lettre qui emporte, de la part de l'employeur, manifestation de sa volonté de rompre le contrat de travail.

En l'espèce, aucune lettre de licenciement n'a été adressée au salarié.

Si le licenciement recouvre toute rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur formalisée comme telle, cette qualification peut également être retenue même si l'employeur n'exprime pas formellement la volonté de mettre fin au contrat de travail du salarié.

Monsieur a. P. produit à ce titre les pièces suivantes :

* un courriel que Monsieur G. lui a envoyé le 1er avril, ainsi libellé :

« Salut a.

Dsl de ne pas t'avoir répondu mais j'ai été dans une galère la semaine dernière au niveau temps monstrueuse.. obligé de faire des galipettes dans tous les sens.. je commence à reprendre un peu pied sur terre.. le changement est vraiment galère.. mais bon j'ai rien lâché donc du coup ça va passer (...).

Je ne sais pas si ça peut d'aller mais je peux t'envoyer ça de sûr pour fin de semaine. car j'aurai du temps sur Paris pour le faire (...).

Et je pense pour te solder presque tout pour la fin du mois maximum. je vais te donner au fur et à mesure des semaines.. en commençant par celle la

Sinon. je me rappelais plus que tu vais la CB, car il me faut celle-là pour payer la carrosserie (...) Et en plus je dois la laisser à A. pour qu'il parte ce soir avec à Paris pour son hôtel.

Juste pour savoir, le dernier service que je te demanderai c'est si tu peux aller payer la carrosserie amener la voiture à France car et donner la CB à A... en cas vois avec lui directement car je sais qu'il part vers 15h à peu près.

Tiens mois au jus.

Bises ».

* un échange de SMS des 15 et 25 avril 2019, en ces termes :

* 15/04/2019 à 17h55 : « Salut S., je ne comprends pas trop ton silence (...) Mercredi je visite un appartement, j'ai absolument besoin les documents et le virement. Merci d'avance ».

* 15/04/2019 à 14h00 : « Salut S., Il y a R. qui a appelé. Tu penses pouvoir m'envoyer les documents et le virement la semaine pro ? ».

* Réponse du même jour : « Salut a. Je suis complètement navré mais j'ai été dans une situation assez compliqué également et dur à gérer… le week-end de paques vient de passer donc je récupère du temps (...) Je m'occupe de toi avant ce week-end pour les papiers (...) et je t'appelle tranquillement demain.. je suis encore désolé pour tout (...)  ».

* Réponse toujours du même jour : « ça marche pas de soucis. Merci. Bonne journée à demain ».

Il résulte de ces pièces que l'employeur reconnaît devoir des sommes et devoir remettre des documents à son salarié, invitant même ce dernier à restituer la carte bancaire de la société et à laisser la voiture à France Car, ce qui s'apparente à une restitution des moyens mis par la société à la disposition de Monsieur a. P. pour exécuter ses fonctions.

Cette demande manifeste l'intention de l'employeur de mettre fin au contrat de travail liant les parties.

Ladite rupture s'apparente dès lors à un licenciement qui a pris effet le 1er avril 2019, lequel devra être déclaré non valable.

Sur les conséquences financières du licenciement

Monsieur a. P. peut prétendre au versement de l'indemnité de préavis d'un mois d'un montant brut de 2 298,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires de salaires.

Aux termes des dispositions de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, sauf stipulations de Conventions Collectives plus favorables, le salarié qui, au cours de la période suivant le 1er mai de l'année considérée, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un minimum d'un mois de travail effectif, a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail, sans que la durée de congé exigible puisse excéder trente jours ouvrables.

Il résulte des articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 que l'indemnité afférente au congé, qui est égale à 1/10ème de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, ne pourra être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Monsieur a. P. sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 2.758,08 euros correspondant à 25 jours de congés payés acquis et non pris (période de préavis incluse).

Le demandeur ajoute avoir bénéficié de dix jours de congés mais ne précise pas les dates de ses congés. Le Tribunal imputera en conséquence lesdits congés sur l'été de la période du 1er mai 2018 au 1er mai 2019.

Le Tribunal relève encore que les bulletins de salaire établis par l'employeur ne comportent aucun détail sur les congés acquis, pris ou reportés.

Le demandeur procède à un calcul sur l'ensemble de la relation contractuelle alors que celui-ci doit intervenir pour chaque période de référence.

Sur la période du 1er février 2018 au 30 avril 2018

Monsieur a. P. a acquis durant cette période 7,5 jours de congés payés, arrondis à 8 jours et il n'a pris aucun congé sur ladite période.

Rémunération totale perçue pendant la période de référence : 2 298,40 x 3 = 6 895,20 euros,

1/10e de la rémunération totale : 689,52 euros.

Valeur d'un jour de congé : 689,52/ 8 = 86,19 euros.

Indemnité pour jours de congés : 86,19 x 8 = 689,52 euros.

Sur la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2019

Monsieur a. P. a acquis durant cette période 30 jours de congés payés, et il a pris dix jours de congé sur ladite période. Il lui reste ainsi un reliquat de 20 jours de congé non pris.

Rémunération totale perçue pendant la période de référence : 2 298,40 x 12 = 27 580,80 euros, 1/10e de la rémunération totale : 2 758,08 euros.

Valeur d'un jour de congé : 2 758,08/ 30 = 91,94 euros.

Indemnité pour jours de congés : 91,94 x 20 = 1 838,80 euros.

L'indemnité compensatrice de congés payés devant revenir à Monsieur a. P. s'élève à la somme brute de 2 528,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la convocation devant le Bureau de conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires de salaires.

Conformément à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, Monsieur a. P. est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement d'un montant de 1 198,17 euros tel que sollicité dans le dispositif de ses écritures, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la perte de chance de bénéficier de l'assurance chômage

Il apparaît à la lecture du dossier que Monsieur a. P. n'a pas reçu l'attestation Pôle Emploi, document indispensable pour pouvoir s'inscrire auprès de cet organisme et pouvoir percevoir les allocations correspondantes.

Le demandeur produit à ce titre une estimation de ses droits sur la durée globale d'indemnisation par Pôle Emploi, soit une somme de 18 068,40 euros bruts.

Cependant, il s'agit d'une perte de chance dont l'indemnisation ne peut jamais être égale à l'avantage qui aurait été tiré si l'événement manqué s'était réalisé.

En effet, dans le cas d'espèce, il n'est pas certain que Monsieur a. P. soit resté sans emploi pendant toute la durée d'indemnisation prévue par Pôle Emploi.

Ce faisant, son indemnisation ne peut correspondre à la durée d'indemnisation prévue à hauteur de 420 jours.

Monsieur a. P. se verra ainsi attribuer la somme de 10 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier des allocations Pôle Emploi.

Sur le caractère abusif de la rupture

Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

En l'espèce, l'employeur a agi avec une légèreté blâmable et avec brutalité en annonçant la rupture des relations contractuelles par téléphone.

Par ailleurs, Monsieur a. P. n'a pas été rempli de ses droits ainsi qu'il a été développé supra.

Monsieur a. P. soutient en outre que le véritable motif de la rupture serait économique.

Il résulte des courriels et des sms échangés entre le demandeur et Monsieur G. que l'entreprise dirigée par ce dernier a eu des difficultés pour régler les sommes dues à Monsieur a. P.

Cependant, ce seul élément est insuffisant pour retenir un quelconque motif économique ayant présidé la rupture du contrat de travail litigieux.

Monsieur a. P. n'a toujours pas été payé de tous ses salaires, ni des indemnités de rupture, malgré les promesses de l'employeur.

Les conditions de mise en œuvre de la rupture révèlent ainsi l'intention de la SARL S. de nuire aux intérêts de Monsieur a. P. justifiant l'indemnisation du préjudice matériel subi par le salarié.

L'octroi de dommages et intérêts s'avère dès lors justifié.

Le Tribunal relève que Monsieur a. P. ne produit aucun élément sur sa situation financière et/ou professionnelle actuelle.

En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice apparaît devoir être justement évalué à la somme de 10 000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la remise des documents liés à la rupture

Il convient d'ordonner, en tant que de besoin, la délivrance d'un certificat de travail, du reçu pour solde de tout compte, des bulletins de salaire et de l'attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la présente décision, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai.

Sur l'exécution provisoire

Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

Sur les dépens

Partie succombante, la SARL S. sera condamnée aux dépens du présent jugement qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, par défaut, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des instances portant les numéros 48 de l'année judiciaire 2019-2020 et 15 de l'année judiciaire 2020-2021 ;

Dit la rupture du contrat de travail ayant lié Monsieur a. P. à la SARL S. s'analyse en un licenciement qui a pris effet le 1er avril 2019 ;

Dit que le licenciement de Monsieur a. P. par la SARL S. n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;

Condamne la SARL S. à payer à Monsieur a. P. la somme de 10 000 euros (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financier et moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne la SARL S. à payer à Monsieur a. P. les sommes suivantes :

* la somme brute de 6 246,40 euros (six mille deux cent quarante-six euros et quarante centimes) à titre de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires de salaires ;

* la somme brute de 810,74 euros (huit cent dix euros et soixante-quatorze centimes) à titre de rappel de commissions, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires de salaires ;

* la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par la SARL S. avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

* la somme brute de 2 298,40 euros (deux mille deux cent quatre-vingt-dix-huit euros et quarante centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires de salaires ;

* la somme brute de 2 528,32 euros (deux mille cinq cent vingt-huit euros et trente-deux centimes) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2020, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaires et accessoires de salaires ;

* la somme de 1 198,17 euros (mille cent quatre-vingt-dix-huit euros et dix-sept centimes) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

* la somme de 10 000 euros (dix mille euros) à titre de perte de chance de bénéficier des allocations Pôle Emploi, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne la délivrance par la SARL S. à Monsieur a. P. d'un certificat de travail, du reçu pour solde de tout compte, des bulletins de salaire et de l'attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la présente décision, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

Déboute Monsieur a. P. du surplus de ses demandes ;

Condamne la SARL S. aux dépens du présent jugement qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'assistance judiciaire.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19909
Date de la décision : 01/07/2021

Analyses

Lorsque la rupture émane de l'employeur, l'acte de rupture se situe au moment où ce dernier a manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail ; en présence d'une lettre de licenciement, c'est l'envoi de cette lettre qui emporte, de la part de l'employeur, manifestation de sa volonté de rompre le contrat de travail. En l'espèce, aucune lettre de licenciement n'a été adressée au salarié.Si le licenciement recouvre toute rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur formalisée comme telle, cette qualification peut également être retenue même si l'employeur n'exprime pas formellement la volonté de mettre fin au contrat de travail du salarié.Il résulte des pièces que l'employeur reconnaît devoir des sommes et devoir remettre des documents à son salarié, invitant même ce dernier à restituer la carte bancaire de la société et à laisser la voiture à France Car, ce qui s'apparente à une restitution des moyens mis par la société à la disposition du salarié pour exécuter ses fonctions. Cette demande manifeste l'intention de l'employeur de mettre fin au contrat de travail liant les parties.Il apparaît à la lecture du dossier que Monsieur a. P. n'a pas reçu l'attestation Pôle Emploi, document indispensable pour pouvoir s'inscrire auprès de cet organisme et pouvoir percevoir les allocations correspondantes. Le demandeur produit à ce titre une estimation de ses droits sur la durée globale d'indemnisation par Pôle Emploi, soit une somme de 18 068,40 euros bruts. Cependant, il s'agit d'une perte de chance dont l'indemnisation ne peut jamais être égale à l'avantage qui aurait été tiré si l'événement manqué s'était réalisé. En effet, dans le cas d'espèce, il n'est pas certain que Monsieur a. P. soit resté sans emploi pendant toute la durée d'indemnisation prévue par Pôle Emploi. Ce faisant, son indemnisation ne peut correspondre à la durée d'indemnisation prévue à hauteur de 420 jours. Monsieur a. P. se verra ainsi attribuer la somme de 10 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier des allocations Pôle Emploi.Constitue une rupture abusive l'employeur qui a annoncé la rupture des relations contractuelles par téléphone.

Social - Général  - Rupture du contrat de travail.

Contrat de travail - Licenciement - Qualification.


Parties
Demandeurs : Monsieur a. P.
Défendeurs : SARL S.

Références :

article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
articles 10 et 11 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
loi n° 619 du 26 juillet 1956
article 59, alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 60 de la loi n° 446 du 16 mai 1946


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2021-07-01;19909 ?

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