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15/04/2021 | MONACO | N°19765

Monaco | Tribunal du travail, 15 avril 2021, Monsieur p. M. c/ Madame o. D.


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 15 AVRIL 2021

En la cause de Monsieur p. M., demeurant X1 à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Audrey MENANT-SASPORTAS, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

Madame o. D., demeurant X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledi

t avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 15 AVRIL 2021

En la cause de Monsieur p. M., demeurant X1 à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Audrey MENANT-SASPORTAS, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

Madame o. D., demeurant X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 11 juin 2018, reçue le 18 juin 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 11-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 23 octobre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur p. M. en date 8 novembre 2018, 25 avril 2019 et 12 mars 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de Madame o. D. déposées les 14 mars 2019, 14 novembre 2019 et 9 juillet 2020 ;

Après avoir entendu Maître Audrey MENANT-SASPORTAS, avocat au barreau de Nice pour Monsieur p. M. et Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur p. M. a été embauché en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2013 par Madame o. D. en qualité d'Homme Toutes Mains.

Par courrier en date du 17 octobre 2017, le conseil de Monsieur p. M. va informer l'employeur des divers manquements de sa part dans le cadre de l'exécution du contrat de travail.

Le conseil de Madame o. D. répondra le 23 janvier 2018 en contestant l'ensemble des demandes du salarié.

Monsieur p. M. a fait l'objet d'un arrêt de travail pour cause de maladie du 1er novembre au 10 décembre 2017, puis du 11 au 18 février 2018.

Par lettre remise en main propre le 7 février 2018, Monsieur p. M. a été convoqué à un entretien en vue de son licenciement, fixé au 12 février 2018.

Monsieur p. M. a été licencié sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 mars 2018.

Par requête en date du 11 juin 2018, reçue au greffe le 18 juin 2018, Monsieur p. M. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

1/ à titre principal, sur les rappels de salaires au titre du salaire négocié :

* dire et juger que Madame o. D. n'a pas versé mensuellement le salaire négocié avec Monsieur p. M. (400 euros net par jour de travail),

En conséquence,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 52.918,31 euros net à titre de rappel de salaire négocié outre 5.291,83 € net de congés payés y afférents,

2/ à titre subsidiaire, sur les rappels de salaires selon une base de 169 heures mensuelles (salaire de base avril 2018 : 2.385,32 euros brut) :

Rappel de salaire de base :

* dire et juger que Madame o. D. n'a pas versé mensuellement le salaire de base de Monsieur p. M. selon bulletin de paie,

En conséquence,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 28.782,15 euros net à titre de rappel de salaires selon bulletins de paie,

Rappel de salaire au titre des heures d'astreinte :

* dire et juger que Monsieur p. M. restait à la disposition de son employeur par périodes consécutives jours et nuits,

* dire et juger que Madame o. D. n'a jamais réglé les heures d'astreintes de Monsieur p. M.

En conséquence,

* condamner Madame o.D.au paiement de la somme de 98.328,22 euros brut à titre de rappel de salaires sur heures d'astreintes outre 9.832,82 euros brut à titre de congés payés y afférents : (à parfaire),

3/ en tout état de cause :

Sur le rappel sur congés payés :

* dire et juger que Madame o. D. a supprimé purement et simplement 17,50 jours de congés payés acquis par Monsieur p. M. au mois de mai 2015,

En conséquence,

* à titre principal, rappel de congés payés sur la base du salaire négocié (400 euros net par jour de travail),

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 7.000 euros et à titre de rappel sur congés payés,

* à titre subsidiaire, rappel de congés payés sur la base du salaire mentionné sur le bulletin de paie (salaire de référence : 2.163,85 euros),

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 1.514,70 euros brut à titre de rappel sur congés payés,

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

* dire et juger que Madame o. D. a commis différents manquements dans l'exécution du contrat de travail (absence de salaire, absence de paiement de salaires mensuels, absence d'organisation des congés payés et paiement des congés payés, absence de paiement des astreintes, mise à l'écart du salarié),

En conséquence,

* dire et juger que Monsieur p. M. a subi un préjudice moral et financier du fait des manquements de son employeur,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi par Monsieur p. M.

Sur le licenciement :

* dire et juger que Madame o. D. a licencié abusivement Monsieur p. M.

En conséquence,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 30.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* ordonner l'exécution provisoire,

* intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal,

* ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en vigueur à compter de la saisine du Tribunal,

* condamner Madame o. D. à verser à Monsieur p. M. la somme de 3.000 euros pour tracasserie judiciaire et la condamner aux dépens.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Monsieur p. M. a déposé des conclusions les 8 novembre 2018, 25 avril 2019 et 12 mars 2020 dans lesquelles il reprend ses demandes sauf en ce qui concerne les rappels de salaire selon une base de 169 heures par mois qu'il ramène à la somme de 26.782,14 euros net et 24.133,70 euros net à titre subsidiaire et la somme de 3.000 euros pour tracasserie judiciaire.

Monsieur p. M. fait essentiellement valoir que :

* il était prévu entre les parties qu'il percevrait une rémunération nette journalière de 350 euros, comme cela était le cas également pour son collègue Monsieur v. M. employé en qualité d'Homme Toutes Mains,

* l'employeur n'a pas organisé d'horaire journalier de travail fixe de sorte qu'il travaillait généralement de 6 h 30 à 23 heures,

* à compter de janvier 2014, il était amené à plusieurs reprises à travailler pendant des périodes de plus de 15 jours consécutifs pour être ensuite de repos pour 15 jours, périodes de travail qui pouvaient perdurer jusqu'à 30 jours de travail consécutifs,

* il produit les feuilles de transmission établies entre lui et son binôme, Monsieur a. V. Ces feuilles avaient pour but que les deux salariés se transmettent les informations d'une période à une autre,

* dès la remise de la première paie, il s'est aperçu que l'employeur ne déclarait pas l'ensemble de son salaire,

* l'employeur lui remettait une partie en chèque et le reste en espèces,

* à compter de janvier 2014, son temps de travail a été organisé par période durant laquelle il était à la disposition de son employeur jour et nuit, en binôme avec son collègue de travail et a bénéficié à ce titre d'une augmentation de 400 euros net par jour, sans qu'elle n'apparaisse sur son bulletin de salaire,

* l'employeur a diminué son salaire à hauteur de 350 euros net par jour à compter de janvier 2015, puis à la somme de 300 euros net par jour en mai 2017,

* cette baisse impactait les espèces remises chaque mois selon le salaire négocié,

* tous les salariés de la famille D. sont rémunérés de la même façon : un salaire négocié dont une partie était réglée en espèces et l'autre déclarée,

* le salaire étant un élément essentiel du contrat de travail, l'employeur ne pouvait pas le modifier unilatéralement,

* Madame o. D. ne lui a jamais réglé régulièrement son salaire, lequel lui était remis à la fin de la période travaillée,

* il travaillait depuis le 8 octobre 2012 pour le compte de Madame o. D. lorsqu'il travaillait pour la société de protection ALGIZ SECURITY (il percevait à ce titre une rémunération de 300 euros par jour),

* il n'est ainsi pas concevable qu'il ait décidé de quitter un emploi qui lui rapportait plus de 5.000 euros par mois pour un salaire de 2.000 euros,

* son permis de travail fait état d'une durée hebdomadaire de travail de 39 heures,

* il a été rémunéré pendant toute la relation de travail sur cette base,

* il n'a pas été réglé des salaires d'octobre 2013 à février 2014, puis les mois d'août et novembre 2014, juillet, septembre et décembre 2015, mai et décembre 2016, janvier, février et mai 2017,

* la simple mention d'une date sur un bulletin de salaire ne permet pas d'établir que le salaire correspondant a été versé au salarié, mais tout au plus que les bulletins de salaire lui ont été remis,

* de même, sa signature sur les bulletins de salaire des mois de mai et décembre 2016 en correspondance d'une mention écrite en russe « payé en espèces à la demande du salarié » ou « payé en espèces pas de chéquier » ne permet pas de prouver que le salaire correspondant à ces périodes ait été effectivement versé,

* il n'est pas établi que ces mentions aient été apposées en sa présence et en sa parfaite connaissance car il ne parle ni écrit le russe,

* il apparaît à la lecture de ses bulletins de paie que Madame o. D. a purement et simplement supprimé des jours de congés,

* l'employeur a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail tenant à :

* la modification unilatérale de sa rémunération,

* l'absence de paiement des salaires conformément aux bulletins de paie,

* l'absence de fourniture de travail à compter du 11 décembre 2017, à son retour d'arrêt maladie,

Sur le licenciement :

* son licenciement est intervenu suite à l'envoi par son conseil d'un courrier dans lequel il reprochait à son employeur divers manquements,

* du 27 octobre 2017 (date de réception du courrier) au 20 mai 2018, il a :

* travaillé 4 jours en octobre,

* été mis au placard du 11 décembre au 14 janvier 2018 et du 1er février 2018 au 10 février 2018,

* le licenciement dénote ainsi une véritable intention de nuire de la part de l'employeur,

* depuis son licenciement, il n'a pas trouvé d'emploi stable et connaît de nombreuses difficultés financières.

Madame o. D. a déposé des conclusions les 14 mars 2019, 14 novembre 2019 et 9 juillet 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle soulève également la nullité des pièces produites par le demandeur sous les numéros G02 et I05. Madame o. D. soutient essentiellement que :

* courant 2012, elle a fait appel à la société ALGIZ SECURITY pour assurer la sécurité de sa famille et Monsieur M. a été affecté à son service,

* Monsieur p. M. collaborait avec cette société en qualité de travailleur indépendant,

* compte-tenu de la précarité de ce statut et de la qualité de commerçante de Madame M. le demandeur a émis le souhait d'être embauché par ses soins,

* elle a consenti à l'embaucher en qualité d'homme toutes mains le 1er octobre 2013 pour un salaire brut mensuel de 2.297,27 euros (2.000 euros nets),

* Monsieur p. M. travaillait en binôme avec Monsieur a V. en alternance, sur un rythme de 15 jours travaillés/15 jours de repos,

Sur le prétendu salaire négocié :

* Monsieur p. M. est défaillant dans l'administration de la preuve,

* le demandeur fait état d'un mail qu'elle lui a envoyé et qui comporte une erreur de traduction. Ne parlant, n'écrivant et ne lisant pas le français, ce courriel a été envoyé sans qu'elle puisse s'assurer de son contenu,

* la lecture de l'intégralité de ce document démontre la mauvaise foi de Monsieur p. M.

* en tout état de cause, l'examen des bulletins de salaire du demandeur démontre que le salaire de ce dernier n'a jamais été baissé,

* contrairement aux prétentions de Monsieur p. M. les termes de cet email ne contiennent aucune indication permettant de justifier du taux journalier par lui allégué,

* l'Inspection du Travail et la Sûreté Publique ont été convaincues par ses explications puisqu'elles n'ont pas jugé opportun de donner suite aux plaintes de Monsieur p. M.

* l'attestation de Monsieur v. M. n'est d'aucun effet pour la solution du litige dans la mesure où elle est frappée de nullité. De plus, elle a été établie de manière croisée avec celle rédigée par Monsieur p. M. dans l'intérêt du premier, ce qui devra entraîner son rejet des débats,

* rien ne permet de relier la photographie produite par Monsieur p. M. à la relation de travail litigieuse,

* le décompte des prétendues heures d'astreinte est constitué d'un tableau Excel établi par le salarié pour les besoins de la présente cause,

* il en est de même pour le tableau Excel de rappel de salaire sur la base des bulletins de paie et celui concernant le rappel de salaire sur la base négociée entre les parties,

* la comparaison avec la situation antérieure de Monsieur p. M. au sein de la société ALGIZ SECURTIY n'est d'aucun intérêt dans la mesure où celui-ci intervenait en qualité de travailleur indépendant et devait, à ce titre, s'acquitter des charges sociales sur les sommes perçues,

* en l'absence de contrat de travail écrit, le seul document qui en tient lieu est la demande d'autorisation d'embauchage déposée le 23 octobre 2013 au Service de l'Emploi,

* au vu de ce document, les parties ont convenu d'un salaire brut mensuel de 2.292 euros et les bulletins de salaire sont conformes à la volonté des parties,

Sur le rappel de salaire sur la base de 169 heures mensuelles :

* pour seule preuve de ses prétentions, Monsieur p. M. produit un tableau Excel dépourvu de toute force probante faute d'avoir été établi par l'employeur,

* elle produit les bulletins de salaire contresignés par Monsieur p. M.

* elle justifie du paiement des salaires par la production de documents bancaires,

* il est établi par les relevés bancaires produits par Monsieur p. M. que ce dernier dispose d'un autre compte bancaire pour lequel il ne produit pas les relevés de compte ; le Tribunal n'ayant ainsi qu'une vision partielle de la situation bancaire du salarié,

* Monsieur p. M. tente de justifier ses heures d'astreinte par la production d'un tableau Excel qu'il a réalisé pour les besoins de la cause et qui n'a aucune valeur probante,

* le demandeur ne justifie pas de la réalisation de ces heures d'astreinte mais surtout que les parties avaient convenu que les heures d'astreinte donneraient lieu à indemnisation,

Sur les congés payés :

* aucune prétention n'a été développée sur ce point dans le courrier du conseil de Monsieur p. M. du 17 octobre 2017,

* compte-tenu du rythme de travail du salarié, à raison de 15 jours par mois, il prenait régulièrement ses congés sans avoir besoin de les poser. Cette situation est tellement évidente qu'au 31 décembre 2017, Monsieur p. M. avait acquis 94 jours de congés payés,

* cela résulte également de l'email que le demandeur a adressé au « team leader » le 1er février 2018,

* une partie de ces congés a été prise par le salarié et le reste lui a été réglé dans le cadre du solde de tout compte,

* elle produit différentes photographies publiées par le salarié sur son compte Facebook à l'occasion de ses vacances,

* les relevés bancaires du demandeur prouvent également que ce dernier a bénéficié d'autres congés,

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

* il est établi que la rémunération de Monsieur p. M. n'a jamais été modifiée,

* Monsieur p. M. a fait l'objet d'un arrêt maladie du 30 octobre au 11 décembre 2017 pour un syndrome anxio dépressif,

* jusqu'à cet arrêt, il s'occupait, avec Monsieur a V. de ses deux aînés,

* au retour de Monsieur p. M. elle a souhaité qu'il ne soit plus en contact avec les enfants. Sa décision était motivée tant de l'état psychologique du salarié que par ses revendications. Elle souhaitait préserver ses enfants,

* Monsieur p. M. restait néanmoins à la disposition des membres de la famille pour les conduire là où ils en avaient besoin,

* cette modification des conditions de travail relève de l'expression du pouvoir de direction de l'employeur et ne revêt aucun caractère abusif,

* de surcroît, le demandeur ne justifie nullement de l'étendue de son préjudice, ni de la consistance de celui-ci,

Sur le licenciement :

* Monsieur p. M. procède par affirmations sans démonstration, alors que la charge de la preuve lui incombe,

* en outre, le demandeur ne justifie nullement de l'étendue de son préjudice, ni de la consistance de celui-ci.

SUR CE,

Sur la nullité des pièces produites par le demandeur sous les numéros G02 et I05

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile,

« L'attestation doit, à peine de nullité :

1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature ».

La pièce n° G02 est constituée par une attestation établie par Monsieur v. M.

La défenderesse soutient que ce document comporte une date inexistante (le 02/00/2017) et ne précise pas l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties.

Elle ajoute que Monsieur v. M. a indéniablement un intérêt au procès dans la mesure où il a été salarié de Madame o. D. et qu'il a saisi le Tribunal du travail des mêmes demandes que Monsieur p. M. à son encontre.

L'intérêt au procès doit s'apprécier par rapport au présent litige et non sur l'action diligentée par le témoin à l'encontre du même employeur.

Cependant, il apparaît que Monsieur v. M. ancien salarié de la défenderesse, a fait l'objet d'un licenciement, contesté devant la présente juridiction et pour lequel Monsieur p. M. a établi une attestation également destinée à établir le bien fondé des prétentions qu'il revendique.

Bien plus, l'issue de la présente procédure aura nécessairement une influence sur le sort du procès diligenté par Monsieur v. M. les demandes présentées par les deux anciens salariés se rejoignant.

En l'état du lien de connexité évident existant entre les procédures diligentées par Monsieur p. M. d'une part et par Monsieur v. M. d'autre part, toutes les deux dirigées contre la défenderesse, et de l'établissement d'attestations croisées dans les conditions détaillées supra, il y aura lieu d'écarter des débats l'attestation de Monsieur v. M. qui n'apparaît pas suffisamment objective ni posséder toutes les garanties de loyauté requises pour contribuer à la manifestation de la vérité dans le cadre d'un procès équitable.

La pièce n° I05 est constituée par une attestation établie par Monsieur a. K.

La défenderesse indique que le témoin n'a pas mentionné l'existence d'un intérêt au présent procès.

L'intérêt au procès doit s'apprécier par rapport au présent litige et non sur l'action diligentée par le témoin à l'encontre du même employeur.

Il résulte des pièces du dossier que :

* Monsieur a. K. a été mis en cause dans le cambriolage du domicile des époux D. inculpé et placé en détention provisoire durant plusieurs mois, l'instruction pénale étant toujours en cours,

* que Monsieur v. M. a formellement reconnu Monsieur a. K. sur les vidéos de surveillance,

* que par la suite, celui-ci est revenu sur ses déclarations lors d'une confrontation devant le Juge d'instruction,

* que Monsieur p. M. et Monsieur v. M. ont rendu visite à Monsieur a. K. pendant sa détention.

Eu égard à ces éléments, il convient d'émettre les plus extrêmes réserves sur le revirement opéré par Monsieur v. M. et l'établissement par Monsieur a. K. d'une attestation en faveur de ce dernier et de Monsieur p. M.

Il y a lieu en conséquence d'écarter des débats l'attestation de Monsieur a. K. qui n'apparaît pas suffisamment objective ni posséder toutes les garanties de loyauté requises pour contribuer à la manifestation de la vérité dans le cadre d'un procès équitable.

Sur les rappels de salaire au titre du salaire négocié

Monsieur p. M. soutient qu'il devait être payé sur la base d'un salaire négocié de 400 euros nets par jour travaillé.

Il appartient à Monsieur p. M. qui sollicite paiement d'un rappel de salaires, d'expliciter sa demande, et de justifier de son bien-fondé.

Le contrat de travail est un contrat consensuel, dont l'existence et la validité ne sont pas subordonnées à la rédaction d'un écrit, lequel n'est requis qu'à titre de preuve des obligations qu'il contient.

En l'espèce, le contrat de travail de Monsieur p. M. n'ayant donné lieu à aucun écrit, il convient d'examiner les différents éléments de preuve versés aux débats, afin de déterminer l'accord des parties sur le contenu de la convention verbale en cause.

À cet égard, l'autorisation d'embauchage ou le permis de travail, qui ne sont que des documents administratifs, ne constituent nullement un contrat de travail mais un simple élément de preuve de ses conditions essentielles, lequel peut, le cas échéant, être contredit par d'autres éléments concordants de preuve.

La demande d'autorisation d'embauchage signée par l'employeur et le salarié prévoit que Monsieur p. M. est embauché en qualité d'Homme Toutes Mains, en contrat à durée indéterminée, sur la base de 39 heures par semaine et un salaire mensuel brut de 2.292 euros.

Les bulletins de salaire établis dès l'embauche font tous référence à ce salaire.

Pour démontrer ses allégations, Monsieur p. M. produit les éléments suivants :

* une attestation de travail établie par Monsieur s. K. gérant de ALGIZ UC aux termes de laquelle Monsieur M. a travaillé pour ladite société en qualité de Garde de Sécurité en tant qu'autoentrepreneur du 08/10/2012 au 12/12/2012,

* des justificatifs de paiement par la société ALGIZ UC de sommes en contrepartie de ses prestations, pour les mois de juillet, octobre, novembre et décembre 2012, avec une moyenne de 5.653,38 euros par mois.

Il faut néanmoins tenir compte des cotisations sociales réglées par l'auto- entrepreneur et calculées proportionnellement au chiffre d'affaires, de sorte que la somme perçue par Monsieur p. M. ne correspond pas à un revenu net.

La différence de statut (salarié et indépendant) ne permet pas au Tribunal de retenir la somme revendiquée par Monsieur p. M. comme un salaire convenu entre les parties.

* un courriel adressé par Madame o. D. le 18 juillet 2017 dans lequel elle indique à Monsieur p. M. : « Nous avons réduit un peu votre salaire ».

Madame o. D. produit une attestation établie par madame P. ainsi libellée :

« Je connais les époux D. depuis plusieurs années. À titre amical, de temps en temps, je les aide en traduisant des courriers dans la mesure où ils ne maîtrisent pas le français.

En juillet (en début du mois), j'ai eu un appel de o. D. qui me semblait contrariée et qui m'a dicté en russe au téléphone un courrier que je devais traduire en français. En l'écoutant, je prenais notes de ce qu'elle me disais, elle m'a demandé de mettre en forme ses pensées pour les adresser par la suite à de salariés de la famille.

Je lui ai traduit son message le soir même car c'était urgent pour elle. Je l'ai sentie très bouleversée par cette situation.

En fin d'année 2017, o. m'a indiqué qu'à l'occasion d'un conflit avec l'un de ses employés, elle s'est aperçue qu'il y avait eu une confusion de sens lors de la traduction de ce courrier.

En fait elle souhaitait dire qu'elle réduisait le cercle de leurs responsabilités alors qu'elle n'avait pas réduit leur salaire.

D'ailleurs, à la fin d courrier que j'avais traduit il était bien précisé qu'ils n'avaient pas l'intention de réduire leur salaire.

Je suis désolée de cette erreur. Je regrette de ce malentendu et d'avoir pu mettre o. en difficulté ».

Une lecture complète de ce mèl permet de retenir cette version, puisqu'il est précisé :

« (...).

Nous ne pouvons pas nier qu'un jour nous serons obligés de réduire le nombre du personnel et leur salaire et nous agiterons selon nos priorités.

(...).

Pour le moment nous n'allons pas réduire votre salaire pour l'aligner au niveau du chauffeur.

(...) ».

* une photographie sur laquelle apparaît des espèces et un chèque, laquelle ne sera pas retenue dans la mesure où rien ne permet de la relier à l'employeur.

Il résulte des explications développées supra que la demande de rappel de salaire sur la base d'un salaire négocié de 400 euros, présentée par Monsieur p. M. n'est pas fondée.

Sur le rappel de salaire selon une base de 169 heures par mois

Monsieur p. M. soutient qu'il n'a pas été réglé de l'intégralité de ses salaires pour les mois d'octobre 2013 à février 2014, puis les mois d'août et novembre 2014, juillet, septembre et décembre 2015, mai et décembre 2016, janvier, février et mai 2017.

C'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli.

La délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées : l'employeur est donc tenu, en cas de contestation, de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables.

L'acceptation d'un bulletin de paie, sans réserve, ne vaut pas arrêté de compte et ne peut être interprétée comme impliquant une renonciation du salarié à toute réclamation ultérieure sur ses salaires.

L'émargement qui peut être demandé au salarié au moment de la paie ne peut porter que sur la conformité entre les sommes effectivement reçues et le chiffre porté sur le bulletin.

En l'espèce, l'employeur produit les bulletins de salaire des mois litigieux sur lesquels figure la mention manuscrite suivante :

* « reçu la somme de 2000 euros » avec une signature : bulletin du mois de novembre 2013,

* « reçu le 31/12/13 » avec une signature : bulletin du mois de décembre 2013,

* « reçu 28/02/2014 » avec une signature : bulletin du mois de février 2014,

* « le 07.09.14 » avec une signature : bulletin du mois d'août 2014,

* « le 27.11.2014 » avec une signature : bulletin du mois de novembre 2014,

* « le 03.10.15 » avec une signature : bulletin du mois de septembre 2015,

* « le 17.01.16 » avec une signature : bulletin du mois de décembre 2015,

* « le 05.08.16 » avec une signature : bulletin du mois de mai 2016. Ce document comporte en outre une phrase écrite en langue russe d'après le demandeur et une autre avec une écriture différente en langue française : « payé en espèces à la illisible du salarié ».

De plus, la signature et la date ont été écrites avec une encre bleue, le reste des mentions avec une encre noire.

* « le 09.01.17 » avec une signature : bulletin du mois de décembre 2016. Ce document comporte en outre une phrase écrite en langue russe d'après le demandeur et une autre avec une écriture différente en langue française : « payé en espèces pas de chéquier ».

De plus, la signature et la date ont été écrites avec une encre bleue, le reste des mentions avec une encre noire.

* « le 02.02.2017 » avec une signature : bulletin du mois de janvier 2017,

* « reçu le 13.03.2017 » avec une signature : bulletin du mois de février 2017,

* « 01.05.17 » avec une signature : bulletin du mois de mai 2017. Le bulletin de paie du mois de juillet 2015 ne comporte qu'une signature.

Le Tribunal relève dans un premier temps que Monsieur p. M. ne conteste pas sa signature telle que figurant sur les documents susvisés.

À l'occasion de la remise du bulletin de paie, l'employeur ne peut exiger aucune formalité de signature ou d'émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin.

Dès lors, en apposant sa signature sur les fiches de paie, Monsieur p. M. atteste non seulement avoir le document, mais également et surtout avoir reçu la somme y figurant.

Bien plus, Madame o. D. produit un listing des chèques débités sur son compte ouvert dans les livres de la banque EDMOND DE ROTHSCHILD pour les années considérées, outre les talons de chèques correspondants et démontrant le paiement des salaires au demandeur.

Concernant le salaire du mois d'octobre 2013, l'employeur ne produit aucun document ni aucune explication de sorte qu'il sera condamné à son paiement à hauteur de la somme brute de 2.292,27 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoire de salaire.

Il en sera de même concernant le salaire du mois de janvier 2014, le bulletin de salaire ne comportant aucune signature du salarié et l'employeur ne produisant aucun document justifiant du paiement du mois considéré. L'employeur devra dès lors être condamné à ce titre au paiement de la somme brute de 2.293,58 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoire de salaire.

Sur le rappel de salaire au titre des heures d'astreinte

Monsieur p. M. sollicite, à titre subsidiaire, la somme brute de 98.328,22 euros, outre celle de 9.832,82 euros à titre de congés payés y afférents.

Il soutient qu'il travaillait en relais avec son collègue de travail régulièrement par période de 15 jours travaillés et 15 jours non travaillés. Il demeurait ainsi à la disposition de son employeur 24 heures sur 24.

L'astreinte est considérée comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu'il est dans l'attente d'une demande d'intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d'astreinte (à l'exception des temps d'intervention) ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont donc pas rémunérés comme tel.

Dans certaines hypothèses, l'astreinte peut s'effectuer dans un logement de fonction, soit en dehors soit au sein de l'entreprise, dès lors que le salarié peut librement vaquer à ses obligations personnelles.

En présence d'une véritable astreinte, seuls les temps d'intervention constituent du temps de travail effectif. Dans le courriel du 18 juillet 2017, Madame o. D. écrit à Monsieur p. M. et a. en ces termes :

« Bonjour a. et p.

Nous avons appris qu'apparemment vous ne comprenez pas votre nouveau statut et que vous le prenez comme une punition pour quelque chose que vous n'avez pas mérité.

Peut-être, il vous semble que nous ne vous apprécions pas et n'apprécions pas votre dévouement à la famille. En réalité ce n'est absolument pas vrai.

Et c'est pour cela que vous continuez à travailler chez nous.

Mon mari et moi nous vous sommes reconnaissants pour votre travail et pour votre dévouement pendant nos premières années difficiles de notre vie à l'étranger et nous vous apprécions.

Cependant en 5 ans il y a eu beaucoup de changements dans le monde et dans notre famille. Notre vision de voir les choses a changé aussi ainsi que notre situation financière. Évidemment tous ces changements ont influencé notre vie quotidienne. Laissez-nous d'abord revenir à 5 ans en arrière pour vous rappeler vos obligations d'autrefois :

Assurer la protection des enfants et vivre dans la famille, c'est-à-dire 24h/24

Assurer le contrôle du régime quotidien des enfants : le réveil, la mise en œuvre des règles d'hygiène, la prise de douche froide, le footing le matin avant l'école, la préparation du repas, l'accompagnement des enfants l'école et à la sortie de l'école, leur accompagnement aux cours de sport, pendant leur visite chez le docteur, au cinéma etc..., l'achat de la provision, parfois le contrôle de leurs devoirs à domicile, le travail en tant que l'entraineur personnel, les cours de sport individuels avec les garçons, la communication avec leurs professeurs, le contrôle de l'heure pour aller dormir et beaucoup d'autres responsabilités.

Dans vos responsabilités il y avait aussi l'assistanat en tant que secrétaire, concierge, chauffeur et expéditeur, d'autres (...).

À présent les circonstances ont fait que le cercle de vos fonctions est devenu plus étroit.

(...) ».

Il résulte incontestablement des tâches telles que détaillées ci-dessus que Monsieur p. M. devait être présent pour le lever des enfants jusqu'à leur coucher, l'employeur ajoutant le terme » 24h/24 «.

Cependant, le Tribunal relève que le demandeur ne donne aucune précision sur les conditions d'un éventuel hébergement au domicile de l'employeur, ni sur les interventions qu'il aurait été amené à réaliser dans ce cadre ; le Tribunal étant dès lors dans l'impossibilité de vérifier si le salarié peut réellement vaquer à ses occupations personnelles.

Monsieur p. M. n'apporte aucun élément permettant de démontrer que les sujétions imposées par l'employeur l'empêchaient de vaquer à ses occupations personnelles.

Il s'agit dans ces circonstances, tel soutenu par le demandeur, de périodes d'astreinte justifiant le paiement des temps d'intervention.

Il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur p. M. de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures d'astreinte.

Sur le rappel de salaire au titre des congés payés

Monsieur p. M. sollicite une somme nette de 7.000 euros à titre principal et 1.514,70 euros bruts correspondant à 17,5 jours de congés payés supprimés par l'employeur.

Aux termes des dispositions de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, sauf stipulations de Conventions Collectives plus favorables, le salarié qui, au cours de la période suivant le 1er mai de l'année considérée, justifie avoir été occupé chez le même employeur pendant un minimum d'un mois de travail effectif, a droit à un congé dont la durée est déterminée à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail, sans que la durée de congé exigible puisse excéder trente jours ouvrables.

L'article 8 précise :

» La période des congés annuels est fixée par les conventions collectives. Elle doit comprendre la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.

En l'absence de convention collective, elle est fixée par l'employeur compte tenu des usages et après consultation des délégués ou, à défaut, des intéressés (...) «.

L'article 9 précise encore qu'il peut être dérogé aux dispositions de l'article 8 soit avec l'agrément du salarié, soit par voie de Convention collective.

Les congés payés constituent d'abord un droit annuel au repos, à la détente et aux loisirs.

La CJUE assigne aux congés payés » une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d'une part, et disposer d'une période de détente et de loisirs, d'autre part « (CJUE, 22 nov. 2011, C-214/10, KHS AG).

L'employeur qui emploie pendant la période fixée pour son congé légal un salarié à un travail rémunéré est considéré comme ne donnant pas le congé légal et devra des dommages-intérêts au salarié.

Il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé.

Il n'est pas contestable que Monsieur p. M. a acquis :

* 17,5 jours de congés sur la période du 1er octobre 2013 au 30 avril 2014. Aucun jour de congé n'étant décompté sur la période, ces 17,5 jours ont été reportés sur les bulletins de salaire suivants en N - 1,

* 30 jours de congés sur la période du 1er mai 2014 au 30 avril 2015. La fiche de paie du mois d'avril 2015 fait apparaître un solde de jours de congés en N - 1 de 17,5 jours.

Le bulletin de salaire du mois de mai 2015 ne reprend pas ces 17,5 jours en N-1 mais seulement les 30 jours acquis pendant la période de référence (01/05/2014 au 30/04/2015).

L'employeur a versé la somme brute de 6.546,81 euros à ce titre, correspondant à 68,79 jours ouvrables.

L'étude des bulletins de salaire depuis le mois de mai 2015 montre que le décompte de l'employeur ne tient pas compte des 17,5 jours acquis jusqu'au 30 avril 2015.

Il n'est pas contestable que Monsieur p. M. sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux congés acquis au titre notamment de périodes antérieures à la période de référence en cours à la date de la rupture.

Ainsi qu'il a été rappelé supra les congés payés doivent être pris chaque année, pendant la période de prise de congés, en fonction de l'acquisition de la période de référence. Le salarié ne peut pas refuser de partir en congés et l'employeur ne doit pas empêcher le salarié de prendre ses congés, sans un motif légitime et sous réserve de compensation.

Dès lors, les congés non pris ne peuvent pas être reportés d'une année sur l'autre.

Cependant, cette règle doit être appréciée au cas par cas et en tenant compte de l'attitude de l'employeur et des obligations lui incombant à ce titre.

En l'espèce, il apparaît que la mention sur les bulletins de paye de la période s'étendant du 1er mai 2014 au 30 avril 2015 des congés non pris sur l'année précédente vaut accord de l'employeur pour leur report sur cette dernière période.

En cas de litige portant sur le respect des droits légaux ou conventionnels à congés payés d'un salarié, la charge de la preuve incombe à l'employeur. Il lui appartient de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

L'article 20 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 prévoit que » l'employeur est tenu de délivrer, chaque année, aux salariés partant en congé, un «bulletin de congés payés» dont la forme sera fixée par arrêté ministériel «.

L'employeur qui aurait négligé d'imposer des congés ou qui a empêché un salarié de prendre les congés qu'il demandait ne serait pas légitime à les supprimer au terme de la période de référence.

En l'espèce, l'employeur soutient que le salarié a pris des congés compte tenu du rythme de travail de ce dernier, à raison de 15 jours par mois. Monsieur p. M. prenait régulièrement des congés sans avoir besoin de poser des jours de repos.

Cette thèse ne saurait être retenue par le Tribunal dans la mesure où cela reviendrait à imposer au salarié de prendre des congés pendant ses jours de repos en suite de sa période travaillée de 15 jours.

En effet, l'employeur a pour obligation d'attribuer au salarié un certain nombre de jours au titre du repos annuel, dont il ne peut s'acquitter en comptabilisant dans les jours de congés des temps de repos accordés pour d'autres raisons.

Dès lors, les jours de repos acquis par le salarié au titre d'un roulement de travail par quinzaine (15 jours de travail suivis de 15 jours de repos) n'ont ni la même cause ni le même objet que les congés payés auxquels le salarié a droit.

Il en résulte que Monsieur p. M. doit recevoir une indemnité compensatrice pour les 17,5 jours de congés payés non pris et ce, à hauteur de la somme brute de 1.514,70 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoire de salaire.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur p. M. sollicite la somme de 75.000 euros de dommages et intérêts sur ce fondement. Conformément à l'article 989 du Code civil, l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail. Monsieur p. M. formule divers griefs à l'encontre de son employeur et qu'il convient d'examiner :

* la modification unilatérale de la rémunération de Monsieur p. M.

Cette prétention a été rejetée supra de sorte qu'elle ne saurait justifier une quelconque exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

* l'absence de paiement des salaires conformément aux bulletins de salaire.

Monsieur p. M. a nécessairement subi un préjudice du fait du non-paiement de son salaire en temps réel, lequel sera forcément limité en l'absence de revendication du salarié auprès de l'employeur.

* l'absence de fourniture de travail à compter du 11 décembre 2017.

Monsieur p. M. soutient qu'à son retour d'arrêt maladie, le 11 décembre 2017, aucun travail ne lui a été fourni par l'employeur.

Il résulte du courriel adressé par l'employeur à Messieurs p. M. et a. V. le 18 juillet 2017 que les tâches des deux salariés ont été modifiées de la manière suivante :

« (...).

Vos nouvelles conditions de travail : vous n'avez plus droit d'utiliser nos voitures ni pour des raisons personnelles ni pour venir au travail ou partir à la maison.

Nous ne payerons plus vos parking et le carburant pour vos voitures.

Pendant votre journée de travail vous, comme tous les autres chauffeurs, vous devez attendre en dehors de notre appartement, à l'exception des cas où votre présence est nécessaire.

Vos horaires de travail sont assez flexibles, mais vous avez le temps pour le déjeuner et le dîner (avec accord du team leader) si vous êtes pris au travail. Nous ne payerons pas vos repas à l'exception des cas où nous vous invitons à manger avec nous.

Pour le moment nous n'allons pas réduire votre salaire pour l'aligner au niveau du chauffeur (...) ».

Ce mèl étant antérieur aux courriers adressés par le conseil du demandeur à l'employeur, la modification des tâches attribuées à Monsieur p. M. ne peut être regardée comme une sanction suite aux revendications de celui-ci.

Madame o. D. ne conteste pas avoir modifié les conditions de travail du salarié, invoquant son pouvoir de direction. Elle indique que cette modification ne revêt aucun abus.

Le pouvoir de direction s'exerce librement lorsqu'il ne se traduit pas par une modification unilatérale du contrat.

Le pouvoir de direction permet à l'employeur d'aménager la relation de travail dans le respect de deux limites : l'ordre public et les éléments du contrat immuables, c'est-à-dire non modifiables unilatéralement.

Le changement des conditions de travail relève du pouvoir unilatéral de l'employeur : le pouvoir de direction s'exerce donc normalement sur les conditions de travail.

En revanche, la modification du contrat échappe au pouvoir unilatéral de l'employeur ; elle ne peut intervenir que d'un commun accord.

La modification du contrat est celle qui porte sur un élément « essentiel ».

La fonction est un élément de l'essence du contrat de travail, car le salarié est engagé pour occuper un emploi déterminé ou un poste d'une catégorie d'emploi déterminée. L'altération des fonctions ou du volume des tâches qui affecte la nature de l'emploi constitue en général une modification du contrat.

La variation des tâches à accomplir, qui ne traduit qu'un simple aménagement des fonctions sans dénaturer l'emploi, est souvent un simple changement des conditions de travail.

Si la tâche confiée au salarié, quoique différente de celle qu'il effectuait antérieurement, correspond à sa qualification, il n'y a pas modification du contrat de travail, mais simple changement des conditions de travail.

La qualification à prendre en considération n'est pas celle correspondant aux diplômes ou titres effectivement détenus par le salarié mais celle correspondant à l'emploi précédemment occupé.

En l'espèce, Monsieur p. M. a été engagé en qualité d'Homme Toutes Mains, avec des fonctions plus larges et plus complètes que celles d'un simple chauffeur.

L'employeur détaille d'ailleurs ces tâches dans son mèl du 18 juillet 2017 :

« (...).

Assurer la protection des enfants et vivre dans la famille, c'est-à-dire 24h/24.

Assurer le contrôle du régime quotidien des enfants : le réveil, la mise en œuvre des règles d'hygiène, la prise de douche froide, le footing le matin avant l'école, la préparation du repas, l'accompagnement des enfants l'école et à la sortie de l'école, leur accompagnement aux cours de sport, pendant leur visite chez le docteur, au cinéma etc., l'achat de la provision, parfois le contrôle de leurs devoirs à domicile, le travail en tant que l'entraineur personnel, les cours de sport individuels avec les garçons, la communication avec leurs professeurs, le contrôle de l'heure pour aller dormir et beaucoup d'autres responsabilités.

Dans vos responsabilités il y avait aussi l'assistanat en tant que secrétaire, concierge, chauffeur et expéditeur, d'autres (...).

À présent les circonstances ont fait que le cercle de vos fonctions est devenu plus étroit.

(...) ».

L'employeur reconnaît que les tâches de Monsieur p. M. ont été réduites à celles de simple chauffeur, devant attendre en dehors de l'appartement.

De plus, Madame o. D. ajoute que malgré cette modification des fonctions et du volume des tâches, le salaire de Monsieur p. M. ne sera pas réduit et aligné sur celui d'un chauffeur, ce qui démontre qu'il s'agit bien de deux emplois différents avec des tâches et des fonctions spécifiques.

Ce faisant, l'employeur a modifié un élément essentiel du contrat de travail liant les parties en supprimant l'essentiel des tâches anciennement exécutées par Monsieur p. M.

Le demandeur a nécessairement subi un préjudice du fait des deux griefs retenus à l'encontre de l'employeur et qui sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la rupture

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du Travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PE. c/ S.A.M. TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).

Il appartient à Monsieur p. M. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Monsieur p. M. soutient avoir été licencié abusivement suite au courrier adressé par son conseil.

Le conseil de Madame o. D. apportera la réponse suivante le 23 janvier 2018 :

« Ma chère Consœur,

Je fais suite à mon fax officiel du 7 novembre dernier.

Ma cliente a, depuis, procédé à des vérifications auprès du team leader en charge du personnel de maison. Au vu des explications qui lui ont été données, elle conteste fermement les prétentions de votre client.

Elle relève que depuis son embauche Monsieur M. ne s'est jamais plaint de ses conditions de travail et pour cause elles lui convenaient parfaitement.

La présente réclamation est perçue par ma cliente comme une véritable tentative d'extorsion de fonds. Dès lors, elle n'entend pas y donner suite.

(...) ».

Par lettre remise en main propre le 7 février 2018, Monsieur p. M. était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, et ce pour le 12 février suivant.

Il a été indiqué supra que la modification des fonctions et tâches exécutées par le salarié n'était pas une mesure de rétorsion en suite dudit courrier dans la mesure où cette modification est intervenue avant son envoi.

Bien plus, les revendications du demandeur telles que figurant dans la lettre de son conseil n'ont pas été retenues ; le non-paiement du salaire du mois d'octobre 2013 n'étant pas invoqué à cette occasion.

Il y a donc lieu de considérer que Monsieur p. M. est défaillant dans l'administration de la preuve des motifs prétendument fallacieux pour lesquels il aurait été licencié.

Dès lors, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Monsieur p. M. soutient également que rien ne lui permettait d'entrevoir la possibilité d'être licencié et que la dispense de préavis dont il a fait l'objet constitue une mesure vexatoire.

Cependant, eu égard aux éléments repris ci-dessus (échanges entre les avocats respectifs des parties, l'employeur présentant les revendications du salarié comme une tentative d'extorsion de fonds.), Monsieur p. M. ne peut être surpris de la mesure prise à son encontre.

La dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas en soi une mesure vexatoire ; le contexte précité dans laquelle elle est intervenue n'étant en aucune manière abusive.

Monsieur p. M. ne démontre pas plus en quoi ladite dispense de préavis serait fautive.

Aucune faute ne peut dès lors être reprochée à l'employeur dans les circonstances entourant la rupture. Monsieur p. M. sera dans ces circonstances débouté de sa demande indemnitaire.

Sur la capitalisation des intérêts

L'article 1009 du Code civil prévoit que » les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale ".

Bien que les sommes attribuées à Monsieur p. M. au titre du salaire du mois d'octobre 2013 et des congés payés supprimés par l'employeur soient incontestables, l'absence de toute revendication du demandeur à ce titre pendant la relation de travail justifie le rejet de la demande présentée en application des dispositions visées supra.

Sur la demande reconventionnelle de la défenderesse

Les droits de Monsieur p. M. ayant été en partie reconnus dans la présente instance, l'employeur ne saurait prétendre à une quelconque somme à titre de dommages et intérêts.

Sur l'exécution provisoire

Les conditions requises par l'article 202 du Code de procédure civile pour que l'exécution provisoire puisse être ordonnée n'étant pas réunies en l'espèce la demande à ce titre ne pourra qu'être rejetée.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge de Madame o. D.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette des débats les pièces produites par Monsieur p. M. sous les numéros G02 et I05 ;

Condamne Madame o. D. à payer à Monsieur p. M. les sommes brutes suivantes :

* 4.585,85 euros (quatre mille cinq cent quatre-vingt-cinq euros et quatre-vingt-cinq centimes) au titre des salaires des mois d'octobre 2013 et janvier 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoire de salaire ;

* 1.514,70 euros (mille cinq cent quatorze euros et soixante-dix centimes) à titre de rappel de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2018, date de la réception au greffe de la requête introductive d'instance et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoire de salaire,

* 10.000 euros (dix mille euros) de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Dit que le licenciement de Monsieur p. M. par Madame o. D. n'est pas abusif ;

Déboute Monsieur p. M. de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Déboute Monsieur p. M. du surplus de ses demandes ;

Déboute Madame o. D. de sa demande reconventionnelle ;

Condamne Madame o. D. aux dépens du présent jugement.

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Michel GRAMAGLIA, membres employeurs, Messieurs Serge ARCANGIOLINI, Fabrizio RIDOLFI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quinze avril deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Michel GRAMAGLIA, Serge ARCANGIOLINI et Fabrizio RIDOLFI, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 19765
Date de la décision : 15/04/2021

Analyses

L'intérêt au procès doit s'apprécier par rapport au présent litige et non sur l'action diligentée par le témoin à l'encontre du même employeur.Le contrat de travail est un contrat consensuel, dont l'existence et la validité ne sont pas subordonnées à la rédaction d'un écrit, lequel n'est requis qu'à titre de preuve des obligations qu'il contient. Lorsque le contrat de travail n'a donné lieu à aucun écrit, il convient d'examiner les différents éléments de preuve versés aux débats, afin de déterminer l'accord des parties sur le contenu de la convention verbale en cause. À cet égard, l'autorisation d'embauchage ou le permis de travail, qui ne sont que des documents administratifs, ne constituent nullement un contrat de travail mais un simple élément de preuve de ses conditions essentielles, lequel peut, le cas échéant, être contredit par d'autres éléments concordants de preuve.C'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli. La délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées : l'employeur est donc tenu, en cas de contestation, de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables. L'acceptation d'un bulletin de paie, sans réserve, ne vaut pas arrêté de compte et ne peut être interprétée comme impliquant une renonciation du salarié à toute réclamation ultérieure sur ses salaires. L'émargement qui peut être demandé au salarié au moment de la paie ne peut porter que sur la conformité entre les sommes effectivement reçues et le chiffre porté sur le bulletin. À l'occasion de la remise du bulletin de paie, l'employeur ne peut exiger aucune formalité de signature ou d'émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin.L'astreinte est considérée comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu'il est dans l'attente d'une demande d'intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d'astreinte (à l'exception des temps d'intervention) ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont donc pas rémunérés comme tel. Dans certaines hypothèses, l'astreinte peut s'effectuer dans un logement de fonction, soit en dehors soit au sein de l'entreprise, dès lors que le salarié peut librement vaquer à ses obligations personnelles. En présence d'une véritable astreinte, seuls les temps d'intervention constituent du temps de travail effectif.Les congés payés constituent d'abord un droit annuel au repos, à la détente et aux loisirs. La CJUE assigne aux congés payés « une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d'une part, et disposer d'une période de détente et de loisirs, d'autre part » (CJUE, 22 nov. 2011, C-214/10, KHS AG). L'employeur qui emploie pendant la période fixée pour son congé légal un salarié à un travail rémunéré est considéré comme ne donnant pas le congé légal et devra des dommages-intérêts au salarié. Il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé. Les congés payés doivent être pris chaque année, pendant la période de prise de congés, en fonction de l'acquisition de la période de référence. Le salarié ne peut pas refuser de partir en congés et l'employeur ne doit pas empêcher le salarié de prendre ses congés, sans un motif légitime et sous réserve de compensation. Dès lors, les congés non pris ne peuvent pas être reportés d'une année sur l'autre. Cependant, cette règle doit être appréciée au cas par cas et en tenant compte de l'attitude de l'employeur et des obligations lui incombant à ce titre. En cas de litige portant sur le respect des droits légaux ou conventionnels à congés payés d'un salarié, la charge de la preuve incombe à l'employeur. Il lui appartient de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. L'employeur qui aurait négligé d'imposer des congés ou qui a empêché un salarié de prendre les congés qu'il demandait ne serait pas légitime à les supprimer au terme de la période de référence. En effet, l'employeur a pour obligation d'attribuer au salarié un certain nombre de jours au titre du repos annuel, dont il ne peut s'acquitter en comptabilisant dans les jours de congés des temps de repos accordés pour d'autres raisons.Conformément à l'article 989 du Code civil, l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail. Le pouvoir de direction s'exerce librement lorsqu'il ne se traduit pas par une modification unilatérale du contrat. Le pouvoir de direction permet à l'employeur d'aménager la relation de travail dans le respect de deux limites : l'ordre public et les éléments du contrat immuables, c'est-à-dire non modifiables unilatéralement. Le changement des conditions de travail relève du pouvoir unilatéral de l'employeur : le pouvoir de direction s'exerce donc normalement sur les conditions de travail. En revanche, la modification du contrat échappe au pouvoir unilatéral de l'employeur ; elle ne peut intervenir que d'un commun accord. La modification du contrat est celle qui porte sur un élément « essentiel ». La fonction est un élément de l'essence du contrat de travail, car le salarié est engagé pour occuper un emploi déterminé ou un poste d'une catégorie d'emploi déterminée. L'altération des fonctions ou du volume des tâches qui affecte la nature de l'emploi constitue en général une modification du contrat. La variation des tâches à accomplir, qui ne traduit qu'un simple aménagement des fonctions sans dénaturer l'emploi, est souvent un simple changement des conditions de travail. Si la tâche confiée au salarié, quoique différente de celle qu'il effectuait antérieurement, correspond à sa qualification, il n'y a pas modification du contrat de travail, mais simple changement des conditions de travail. La qualification à prendre en considération n'est pas celle correspondant aux diplômes ou titres effectivement détenus par le salarié mais celle correspondant à l'emploi précédemment occupé.En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du Travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PENMAN c/ S.A.M. TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES). Alors que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté. À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit. Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Rupture du contrat de travail  - Conditions de travail  - Contrats de travail  - Responsabilité de l'employeur.

Attestation de témoin - Demande en nullité - Appréciation de l'intérêt au procès - Contrat de travail - Nature consensuelle - Salaire - Paiement - Preuve incombant à l'employeur - Astreinte - Définition - Temps de travail effectif pour les temps d'intervention - Congés payés Droit annuel au repos - Obligations de l'employeur - Contrat de travail Exécution de bonne foi - Distinction entre pouvoir de direction et modification du contrat - Rupture du contrat de travail - Article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 - Abus en cas de motif fallacieux.


Parties
Demandeurs : Monsieur p. M.
Défendeurs : Madame o. D.

Références :

article 324 du Code de procédure civile
article 20 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956
article 989 du Code civil
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 202 du Code de procédure civile
article 1009 du Code civil
loi n° 619 du 26 juillet 1956
article 103 du Code pénal
Article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2021-04-15;19765 ?

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