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15/04/2021 | MONACO | N°19764

Monaco | Tribunal du travail, 15 avril 2021, Monsieur v. M. c/ Madame o. D.


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 15 AVRIL 2021

En la cause de Monsieur v. M., demeurant X1 à CANNES (06400) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Audrey MENANT-SASPORTAS, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

Madame o. D., demeurant X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défen

seur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les requêt...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 15 AVRIL 2021

En la cause de Monsieur v. M., demeurant X1 à CANNES (06400) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Audrey MENANT-SASPORTAS, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

Madame o. D., demeurant X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 11 octobre 2018 et 17 juillet 2019, respectivement reçues les 15 octobre 2018 et 18 juillet 2019 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 42-2018/2019 et 10-2019/2020 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 4 décembre 2018 et 8 octobre 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur v. M. déposées les 14 mars 2019, 13 juin 2019, 14 novembre 2019, 13 février 2020 et 26 octobre 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de Madame o. D. déposées les 9 mai 2019, 16 janvier 2020, 9 juillet 2020 et 5 janvier 2021 ;

Après avoir entendu Maître Audrey MENANT-SASPORTAS, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur v. M. et Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Madame o. D. en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur v. M. a été embauché en contrat à durée indéterminée en date du 10 octobre 2013 par Madame o. D. en qualité de Garde du Corps, à compter du 1er octobre 2013.

Monsieur v. M. a été licencié sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 mars 2017.

Par requête en date du 11 octobre 2018, reçue au greffe le 15 octobre 2018, Monsieur v. M. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

1/ sur les rappels de salaires selon une base de 169 heures mensuelles (salaire de base février 2017 : 2.362,39 euros brut)

* rappel de salaire de base :

* dire et juger que Madame o. D. n'a pas versé mensuellement le salaire de base de Monsieur v. M. selon bulletin de paie,

En conséquence,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 8.115,44 euros net à titre de rappel de salaire selon bulletins de paie,

* rappel de salaire au titre des heures d'astreinte :

* dire et juger que Monsieur v. M. restait à la disposition de son employeur par périodes consécutives jours et nuits,

* dire et juger que Madame D. n'a jamais réglé les heures d'astreintes de Monsieur v. M.

En conséquence,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 101.935,54 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures d'astreintes outre 10.193,55 euros brut à titre de congés payés y afférents (à parfaire),

2/ sur le rappel de salaire au titre des congés payés

* dire et juger que Madame o. D. a supprimé purement et simplement 30 jours de congés payés acquis par Monsieur v. M. au mois de février 2017,

En conséquence,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 3.048,70 euros brut à titre de rappel sur congés payés,

3/ sur l'exécution déloyale du contrat de travail

* dire et juger que Madame o. D. a commis différents manquements dans l'exécution du contrat de travail (absence de paiement de salaires, absence de paiement de salaires mensuels, absence d'organisation des congés payés et paiement des congés payés, absence de paiement des astreintes),

En conséquence,

* dire et juger que Monsieur v. M. a subi un préjudice moral et financier du fait des manquements de son employeur,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi par Monsieur v. M.

4/ sur le licenciement abusif

* dire et juger que Madame o. D. a licencié Monsieur v. M. avec précipitation et légèreté blâmable,

* dire et juger que Madame o. D. a licencié abusivement Monsieur v. M.

* dire et juger que Madame o. D. n'a pas réglé les congés payés de Monsieur v. M. pendant son préavis payé mais non exécuté,

* dire et juger que le certificat de travail de Monsieur v. M. est erroné (date de fin de contrat),

* dire et juger que l'attestation Pôle Emploi de Monsieur v. M. est erronée (date de fin de contrat),

En conséquence,

* Condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 472,47 euros brut à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

* condamner Madame o. D. au paiement de la somme de 50.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

5/ en tout état de cause

* ordonner la délivrance par Madame o. D. à Monsieur v. M. dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi,

* ordonner l'exécution provisoire,

* intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal,

* ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en vigueur à compter de la saisine du Tribunal,

* condamner Madame o. D. à verser à Monsieur v. M. la somme de 3.000 euros pour tracasserie judiciaire et la condamner aux dépens.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Par requête en date du 17 juillet 2019, reçue au greffe le 18 juillet 2019, Monsieur v. M. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

Sur le rappel de salaire au titre des heures d'astreinte

* dire et juger que Monsieur v. M. restait sur son lieu de travail à la disposition de son employeur par périodes consécutives jours et nuits,

* dire et juger que ces périodes constituent des astreintes,

* dire et juger que Madame o. D. n'a jamais réglé les heures d'astreinte de Monsieur v. M.

En conséquence, condamner Madame o. D. au paiement de :

* la somme de 118.167,05 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures d'astreinte,

* outre 11.816,70 euros brut à titre de congés payés afférents,

* ordonner l'exécution provisoire,

* intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal,

* ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal en vigueur à compter de la saisine du Tribunal. Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Monsieur v. M. a déposé des conclusions les 14 mars 2019, 13 juin 2019, 14 novembre 2019, 13 février 2020 et 26 octobre 2020 dans lesquelles il maintient ses demandes, ramenant néanmoins sa prétention au titre du rappel de congés payés à la somme brute de 3.038,70 euros.

Il sollicite également la jonction de l'affaire introduite le 11 octobre 2018 avec celle introduite le 17 juillet 2019.

Monsieur v. M. fait essentiellement valoir que :

* il était prévu entre les parties qu'il percevrait une rémunération nette journalière de 350 euros, comme cela était le cas également pour son collègue Monsieur p. M. employé en qualité d'Homme toutes mains,

* l'employeur n'a pas organisé d'horaire journalier de travail fixe de sorte qu'il travaillait généralement de 6 h 15 à 23 heures,

* dès la remise de la première paie, il s'est aperçu que l'employeur ne déclarait pas l'ensemble de son salaire,

* l'employeur lui remettait une partie en chèque et le reste en espèces,

* il est patent de constater à la lecture, d'une part, des bulletins de paie des années 2014 à 2017 et, d'autre part, de ses relevés bancaires qu'il n'a pas perçu l'intégralité des rémunérations qui lui étaient dues,

* sur les 35 derniers mois travaillés, seuls 32 règlements apparaissent sur ses relevés de compte,

* il lui reste dû les mois de juillet et août 2016 et janvier 2017,

Sur les heures d'astreinte

* il a été embauché sur la base de 39 heures hebdomadaires, soit 169 heures par mois,

* dans la réalité, il a effectué un nombre bien plus élevé d'heures de travail. Pour les mois d'octobre 2014, mars, octobre et novembre 2015, il est demeuré à la disposition de son employeur 24 h/24 pendant le mois complet,

* il a également été amené à se déplacer hors du territoire français pour les besoins de son emploi. Il était, pendant ces périodes, à la disposition permanente de son employeur et ne pouvait vaquer librement à ses occupations,

* il démontre les nombreuses dépenses qu'il a effectuées pour le compte de son employeur, prouvant ainsi le lien ténu existant entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle,

Sur le rappel de salaire au titre des congés payés

* il apparaît à la lecture de ses bulletins de paie que Madame o. D. a purement et simplement supprimé des jours de congés,

* en outre, l'employeur fait apparaître sur le bulletin de paie de février 2017 une prise de congés payés de trente jours, alors que le mois de février 2017 ne compte que 28 jours dont 20 jours ouvrables,

* il n'a tout simplement jamais pris ses congés payés pendant toute la relation contractuelle,

* Madame o. D. a unilatéralement déduit, d'une part, les 17,5 jours de congés payés acquis au cours de la première année civile de travail et, d'autre part, 30 jours de congés payés qui avaient été accumulés entre 2015 et 2017,

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

* la relation de travail entre les parties a débuté bien avant le 10 octobre 2013, soit le 16 janvier 2013,

* à cette date, il a quitté l'Ukraine où se trouvait sa famille, pour rejoindre son employeur,

* il reviendra en Ukraine en congés le 1er février 2013 et par la suite, il continuera d'effectuer des allers-retours entre l'Ukraine et la France,

* ce n'est qu'à partir du 10 octobre 2013 qu'il sera officiellement employé par la famille D.

* la non-déclaration officielle de la relation de travail à compter de janvier 2013 participe à la caractérisation d'une exécution déloyale des obligations contractuelles de l'employeur à son égard,

* Madame o. D.ne lui a pas réglé l'intégralité de ses salaires et a supprimé abusivement et unilatéralement des congés payés,

* l'employeur l'obligeait à assurer les dépenses concernant les réparations des véhicules de la famille lorsqu'il les utilisait,

* il n'a jamais osé se mettre en arrêt maladie alors qu'il est resté pendant deux ans avec une fracture de fatigue (de septembre 2014 à juillet 2016),

Sur le licenciement

* c'est avec une immense surprise qu'il a appris par son collègue de travail par message WhatsApp, qu'il devait se présenter sur son lieu de travail le 2 mars 2017 afin que lui soient remis son solde de tout compte et ses documents sociaux en vue de son licenciement,

* le lendemain, son licenciement lui a été notifié par lettre remise en main propre et l'employeur lui a remis l'ensemble des documents de fin de contrat,

* il a été dispensé d'exécuter son préavis,

* son licenciement a été brutal et soudain, sans aucun signe annonciateur de rupture,

* il n'a pas été rempli de ses droits, l'employeur ne lui ayant pas réglé les congés payés afférents au préavis.

Madame o. D. a déposé des conclusions les 9 mai 2019, 16 janvier 2020, 9 juillet 2020 et 5 janvier 2021 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle soulève également la nullité des pièces produites par le demandeur sous les numéros J01, J01 bis, J02 et J03.

Madame o. D. sollicite encore du Tribunal de :

* déclarer Monsieur v. M. forclos en sa demande de rappel de congés payés,

* le déclarer irrecevable en sa demande de congés payés à hauteur de la somme de 1.762,58 euros, non soumise au préliminaire obligatoire de conciliation.

Il est enfin demandé le bâtonnement de certains écrits de Monsieur v. M. dans ses écritures du 22 octobre 2020.

Madame o. D. soutient essentiellement que :

Sur le rappel de salaire contractuel

* elle produit les bulletins de salaire contresignés par Monsieur v. M.

* elle justifie du paiement des salaires par la production de documents bancaires,

* il est établi par les relevés bancaires produits par Monsieur v. M. que ce dernier dispose d'autres comptes bancaires vers lesquels il effectue de manière récurrente des virements et pour lesquels il ne produit pas les relevés de compte ; le Tribunal n'ayant ainsi qu'une vision partielle de la situation bancaire du salarié,

* Monsieur v. M. produit une photographie de billets de banque pour tenter de démontrer qu'une partie de son salaire aurait été payée en espèces,

* cependant, cette photographie est strictement identique à celle produite par Monsieur p. M. dans l'instance que ce dernier a initiée à son encontre,

* rien ne permet de relier la photographie produite à la relation de travail litigieuse,

* il n'existe aucune obligation légale pour l'employeur en Principauté, de rémunérer ou de compenser le temps d'astreinte,

* il appartient donc au salarié qui réclame le paiement d'heures d'astreinte de prouver :

* d'une part, l'accord de l'employeur pour le paiement des heures d'astreinte,

* d'autre part, de distinguer le temps d'astreinte, du temps de travail effectif,

* et enfin d'établir l'effectivité des heures d'astreinte réalisées,

* Monsieur v. M. est défaillant dans l'administration de la preuve,

* le décompte produit par le demandeur ne concerne pas seulement les mois d'octobre 2014, mars, octobre et novembre 2015 comme soutenu par Monsieur v. M. mais la période de février 2014 à février 2017, période pendant laquelle ce dernier aurait été à sa disposition 24 h/24,

* l'attestation de Monsieur p. M. n'est d'aucun effet pour la solution du litige dans la mesure où elle est frappée de nullité. De plus, elle a été établie de manière croisée avec celle rédigée par Monsieur v. M. dans l'intérêt du premier, ce qui devra entraîner son rejet des débats,

* il n'existe aucune preuve d'un quelconque lien entre les dépôts d'espèces sur le compte de Monsieur v. M. et la relation de travail liant les parties. Elle conteste fermement avoir réglé des sommes en espèces au salarié à titre de complément de salaire,

* de plus, les sommes versées en espèces sur le compte du demandeur sont sans commune mesure avec celles qui auraient dû être remises chaque mois, à savoir 3.250 euros en tenant compte des allégations du salarié (350 €par jour),

* Monsieur v. M. profitait de ses périodes de repos pour effectuer d'autres missions de protection pour le compte d'autres personnes, notamment en Ukraine, ce qui peut justifier les espèces déposées sur le compte bancaire du salarié,

* elle a justifié tant devant l'Inspection du travail que devant la Sûreté Publique, les modalités de règlement des dépenses courantes du foyer,

* le team leader retire chaque mois entre 30.000 et 60.000 euros en espèces. Cette somme est destinée à couvrir toutes les dépenses courantes de la famille,

* notamment, chaque homme de main reçoit environ entre 3.000 et 5.000 euros d'espèces par mois pour les frais dont il doit faire l'avance,

* en contrepartie, chaque salarié doit remettre régulièrement au team leader un décompte des frais par lui réglés au moyen des espèces, avec les justificatifs,

* les tableaux des dépenses produits par Monsieur v. M. sont incohérents et ne sont d'aucune utilité pour la solution du litige,

* les captures d'écran produites par le salarié ne sont d'aucune utilité, rien ne permettant d'établir un lien entre celles-ci et les tableaux de dépenses,

* rien ne permet de relier les vols HÉLI AIR avec la relation de travail, et ce, d'autant plus que certains vols ont été effectués en dehors des périodes auxquelles Monsieur v. M. prétend avoir travaillé,

* les calendriers produits par le salarié ont été établis par ce dernier pour les besoins de la cause, nul ne pouvant se pré constituer de preuve à soi-même. De surcroît, ils ne renseignent pas le Tribunal sur les prétendues astreintes,

* le tableau réalisé par le salarié a été fait pour les besoins de la cause et n'a aucune valeur probante, nul ne pouvant se pré constituer de preuve à soi-même,

* rien ne permet de démontrer un lien entre les déplacements à l'étranger de Monsieur v. M. et la relation de travail,

* le demandeur ne justifie pas de la réalisation de ces heures d'astreinte mais surtout que les parties avaient convenu que les heures d'astreinte donneraient lieu à indemnisation,

Sur les congés payés

* Monsieur v. M. soutient n'avoir jamais pris de congés alors qu'il écrit dans ses écritures du 13 février 2020 qu'il était en congés du 31 janvier 2014 au 14 février 2014,

* les prétentions du salarié sont en contradiction avec les calendriers qu'il produit et qui comportent d'importantes périodes de vacances,

* l'analyse des relevés bancaires du demandeur montre que ce dernier a pris six jours de congés payés courant mars 2016, durant lesquels il a séjourné en Corse,

* Monsieur v. M. a pu régulièrement prendre ses jours de congés, épuisant naturellement ses congés payés légaux,

* la régularisation de trente jours de congés payés portée sur le bulletin de paie de février 2017 concernait en réalité la période d'acquisition du droit à ces congés payés qui s'est écoulée entre le 1er mai 2014 et le 30 avril 2015 que le salarié a pris au cours de la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2016,

* à réception de son bulletin de salaire, le salarié n'a émis aucune contestation,

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

* Monsieur v. M. ne produit aucune pièce susceptible de démontrer qu'il aurait été embauché à compter du mois de janvier 2013,

* il est établi que la rémunération de Monsieur v. M. a toujours été réglée,

* Monsieur v. M. a, de sa propre initiative, refusé de bénéficier d'un arrêt de travail, ce dont il résulte de l'attestation du Docteur Amel FOUQUE-KASSAB,

* en toute état de cause, ce seul certificat reprenant les dires du patient ne saurait établir une quelconque faute de l'employeur,

* de surcroît, le demandeur ne justifie nullement de l'étendue de son préjudice, ni de la consistance de celui-ci,

Sur le licenciement

* elle fait appel à un Cabinet d'Expertise Comptable pour la gestion et l'établissement de la paie du personnel de maison,

* manifestement, le Cabinet d'Expertise Comptable a omis de comptabiliser les jours de congés payés du 1er  mars au 2 mai 2017,

* ayant pris connaissance de cette erreur, elle a procédé au règlement de la somme brute de 472,47 euros réclamée par le salarié,

* cette erreur qui ne lui est pas imputable ne saurait conférer au licenciement un caractère abusif,

* l'attestation Pôle Emploi mentionne bien que la fin du préavis non exécuté est le 3 mai 2017,

* il résulte des échanges de SMS entre le salarié et le team leader le 1er mars 2017 que Monsieur v. M. était d'ores et déjà informé du projet de rupture du contrat de travail,

* Monsieur v. M. procède par affirmations sans démonstration, alors que la charge de la preuve lui incombe,

* en outre, le demandeur ne justifie nullement de l'étendue de son préjudice, ni de la consistance de celui-ci.

SUR CE,

Sur la jonction

Il convient, conformément à l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, d'ordonner la jonction des instances portant les numéros 42 de l'année judiciaire 2018/2019 et 10 de l'année judiciaire 2019/2020, dès lors qu'elles découlent d'un même contrat de travail.

Sur la nullité des pièces produites par le demandeur sous les numéros J01, J01 bis, J02 et J03

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature ».

La pièce n° J01 est constituée par une attestation établie par Monsieur p. M.

La défenderesse soutient que ce document est entièrement dactylographié et ce, contrairement aux dispositions de l'article 324-2 du Code de procédure civile.

Le deuxième paragraphe de l'article 324 susvisé prévoit que l'attestation doit être écrite, datée et signée de la main de son auteur.

Le document litigieux étant dactylographié encourt en conséquence la nullité. La pièce n° J01 bis est constituée par une attestation établie par Monsieur p. M.

La défenderesse soutient que ce document ne précise pas l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties, ni s'il a un quelconque intérêt au présent procès.

Elle ajoute que Monsieur p. M. a indéniablement un intérêt au procès dans la mesure où il a été salarié de Madame o.D.et qu'il a saisi le Tribunal du travail des mêmes demandes que Monsieur v. M. à son encontre.

L'intérêt au procès doit s'apprécier par rapport au présent litige et non sur l'action diligentée par le témoin à l'encontre du même employeur.

Cependant, il apparaît que Monsieur p. M. ancien salarié de la défenderesse, a fait l'objet d'un licenciement, contesté devant la présente juridiction et pour lequel Monsieur v. M. a établi une attestation également destinée à établir le bien fondé des prétentions qu'il revendique.

Bien plus, l'issue de la présente procédure aura nécessairement une influence sur le sort du procès diligenté par Monsieur p. M. les demandes présentées par les deux anciens salariés se rejoignant.

En l'état du lien de connexité évident existant entre les procédures diligentées par Monsieur v. M. d'une part, et par Monsieur p. M. d'autre part, toutes les deux dirigées contre la défenderesse, et de l'établissement d'attestations croisées dans les conditions détaillées supra, il y aura lieu d'écarter des débats l'attestation de Monsieur p. M. qui n'apparaît pas suffisamment objective ni posséder toutes les garanties de loyauté requises pour contribuer à la manifestation de la vérité dans le cadre d'un procès équitable.

Les pièces nos J02 et J03 sont constituées par des attestations établies par Monsieur a. K.

La défenderesse indique que le témoin ne précise pas l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties, ni s'il a un quelconque intérêt au présent procès.

L'intérêt au procès doit s'apprécier par rapport au présent litige et non sur l'action diligentée par le témoin à l'encontre du même employeur.

Il résulte des pièces du dossier que :

* Monsieur a. K. a été mis en cause dans le cambriolage du domicile des époux D. inculpé et placé en détention provisoire durant plusieurs mois, l'instruction pénale étant toujours en cours,

* Monsieur v. M. a formellement reconnu Monsieur a. K. sur les vidéos de surveillance,

* par la suite, celui-ci est revenu sur ses déclarations lors d'une confrontation devant le Juge d'instruction,

* Monsieur p. M. et Monsieur v. M. ont rendu visite à Monsieur a. K. pendant sa détention.

Eu égard à ces éléments, il convient d'émettre les plus extrêmes réserves sur le revirement opéré par Monsieur v. M. et l'établissement par Monsieur a. K. d'une attestation en faveur de ce dernier et de Monsieur p. M.

Il y a lieu en conséquence d'écarter des débats l'attestation de Monsieur a. K. qui n'apparaît pas suffisamment objective ni posséder toutes les garanties de loyauté requises pour contribuer à la manifestation de la vérité dans le cadre d'un procès équitable.

Sur la demande de bâtonnement

Aux termes de l'article 34 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005, la suppression de discours injurieux, outrageants ou diffamatoires relatifs aux faits de la cause qui sont contenus dans les écrits produits par les parties peut être prononcée par le Juge statuant sur le fond de l'affaire.

Aux termes de l'article 23 alinéa 2 de la loi n° 1.047 du 28 juillet 1982 sur l'exercice des professions d'avocat-défenseur et d'avocat, la juridiction saisie de la cause peut ordonner la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires.

La défenderesse vise les écritures déposées par Monsieur v. M. le 22 octobre 2020 en page 2.

En l'espèce, les mots et les expressions litigieuses sont les suivants :

« 1/ Présentation de la famille D.

Il convient à titre liminaire de préciser que lors de leur arrivée sur Monaco, la famille D. a bénéficié des »appuis« de l'ancien commissaire principal et chef de la division de la Police Administrative, Monsieur c. C.

Cet ancien commissaire a été condamné pour avoir illégalement perçu des pots de vins en échange de la délivrance de cartes de séjour.

Or, après avoir fait de la prison, Monsieur c. C. a réussi à se faire nommer responsable de la sécurité du Basket ball Monaco club lequel appartient à Monsieur D.

En effet, en 2013, Monsieur s. D. est devenu le mécène du club de basket ball de Monaco, l'AS Monaco pour en devenir Président deux ans plus tard.

C'est dans ce contexte que la famille D. s'est installée en Principauté ».

Ces passages ne sont d'aucun intérêt pour la solution du litige, si ce n'est pour tenter de décrédibiliser l'employeur en supposant un lien entre les agissements délictueux de Monsieur c. C. et celui-ci.

Ces écrits constituent dès lors des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur de la défenderesse et excèdent la liberté d'expression nécessaire au déroulement des débats judiciaires.

La demande de bâtonnement présentée par la défenderesse sera dans ces circonstances retenue.

Sur la recevabilité des demandes de rappel de congés payés

Sur la forclusion

Madame o. D. soutient que le salarié n'ayant pas dénoncé son solde de tout compte dans le délai de deux mois prévu par l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 est forclos dans sa demande de rappel de congés payés.

Le demandeur ne formule aucune observation sur l'irrecevabilité soulevée par la défenderesse.

En vertu de l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958, « Le reçu pour solde de tout compte, délivré par le travailleur à l'employeur lors de la résiliation ou de l'expiration de son contrat, peut être dénoncé dans les deux mois de la signature. La dénonciation doit être dûment motivée et faite par lettre recommandée.

La forclusion ne peut être opposée au travailleur :

a) Si la mention » pour solde de tout compte « n'est pas entièrement écrite de sa main suivie de sa signature ;

b) Si le reçu ne porte pas mention, en caractères très apparents, du délai de forclusion.

Le reçu pour solde de tout compte, régulièrement dénoncé ou à l'égard duquel la forclusion ne peut jouer, n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui figurent.

Le reçu pour solde de tout compte devra mentionner qu'il est établi en double exemplaire, dont l'un sera remis au travailleur ».

Le reçu pour solde de tout compte est une attestation que le salarié fait à son employeur, lors de l'expiration de son contrat de travail, aux termes de laquelle il reconnaît avoir reçu l'intégralité des sommes qui lui étaient dues.

Il présente un caractère probatoire et libératoire pour l'employeur, en ce qu'il interdit au salarié toute contestation ultérieure, sauf dénonciation par ce dernier dans le délai légal de deux mois, dès lors qu'il comporte les mentions exigées par l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 (TT, 25 novembre 1999, K.P. c / société L.).

Il est constant en droit que le reçu pour solde de tout compte a un effet libératoire pour l'employeur s'il a été régulièrement établi et non dénoncé par le salarié dans le délai de forclusion qui lui était imparti à cet effet.

Le reçu pour solde de tout compte produit aux débats respecte les conditions de forme exigées par les dispositions visées supra.

Ce document daté et signé le 2 mars 2017 fait notamment apparaître le versement par l'employeur d'une somme brute de 5.589,30 euros à titre d'indemnité de congés payés.

La requête saisissant la présente juridiction (en l'absence de toute contestation écrite du salarié auprès de l'employeur) étant en date du 11 octobre 2018 et reçue au greffe le 15 octobre 2018, la forclusion concernant la demande de rappel de congés payés doit être retenue.

Tenant ladite forclusion, il n'y a pas lieu de statuer sur l'irrecevabilité soulevée par Madame o.D.de la même demande non soumise au préalable obligatoire de conciliation.

Sur le rappel de salaire contractuel

Monsieur v. M. soutient qu'il n'a pas été réglé de l'intégralité de ses salaires pour les mois de juillet et août 2016 à hauteur de 1.998,95 euros pour chaque mois, ainsi que le mois de janvier 2017 pour la somme de 2.058,82 euros.

C'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli.

La délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées : l'employeur est donc tenu, en cas de contestation, de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables.

L'acceptation d'un bulletin de paie, sans réserve, ne vaut pas arrêté de compte et ne peut être interprétée comme impliquant une renonciation du salarié à toute réclamation ultérieure sur ses salaires.

L'émargement qui peut être demandé au salarié au moment de la paie ne peut porter que sur la conformité entre les sommes effectivement reçues et le chiffre porté sur le bulletin.

En l'espèce, l'employeur produit les bulletins de salaire des mois litigieux sur lesquels figurent les mentions manuscrites suivantes :

* « bien reçu 30/07/16 » avec une signature : bulletin du mois de juillet 2016,

* « bien reçu 05/09/16 » avec une signature : bulletin du mois d'août 2016,

* « bien reçu ! » avec une signature : bulletin du mois de janvier 2017.

Le Tribunal relève dans un premier temps que Monsieur v. M. ne conteste pas sa signature telle que figurant sur les documents susvisés.

À l'occasion de la remise du bulletin de paie, l'employeur ne peut exiger aucune formalité de signature ou d'émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin.

Dès lors, en apposant sa signature sur les fiches de paie, Monsieur v. M. atteste non seulement avoir reçu le document, mais également et surtout avoir reçu la somme y figurant.

Bien plus, Madame o. D. produit un listing des chèques débités sur son compte ouvert dans les livres de la banque ÉDMOND DE ROTHSCHILD pour les mois considérés, outre les talons de chèques correspondants et démontrant le paiement des salaires au demandeur.

Monsieur v. M. sera dans ces circonstances débouté de ses demandes à ce titre.

Sur le rappel de salaire au titre des heures d'astreinte

Monsieur v. M. sollicite, à titre subsidiaire, la somme brute de 118.167,05 euros, outre celle de 11.816,70 euros à titre de congés payés y afférents.

Il soutient qu'il demeurait à la disposition de son employeur 24 heures sur 24, la période visée allant du mois de février 2014 au mois de février 2017.

L'astreinte est considérée comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu'il est dans l'attente d'une demande d'intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d'astreinte (à l'exception des temps d'intervention) ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont donc pas rémunérés comme tel.

Dans certaines hypothèses, l'astreinte peut s'effectuer dans un logement de fonction, soit en dehors soit au sein de l'entreprise, dès lors que le salarié peut librement vaquer à ses obligations personnelles.

En présence d'une véritable astreinte, seuls les temps d'intervention constituent du temps de travail effectif.

Pour démontrer ses allégations, Monsieur v. M. produit les éléments suivants :

* ses relevés bancaires de 2013 à 2017 sur lesquels apparaissent des dépôts en espèces : cependant, rien ne permet de relier ses versements à l'employeur, et ce d'autant plus que certains proviennent d'un tiers dénommé « ZELINEKTY SS »,

* des tableaux des dépenses effectuées pour le compte de l'employeur de 2014 à 2017 (pièces n° L01 à n° L04) : le Tribunal relève que sur l'ensemble des tableaux ainsi produits, seule la pièce L02 concerne le demandeur et la seule période du mois de janvier (la mention « 01/15 » ayant été rajoutée à la main).

Par ailleurs, l'employeur ne conteste pas remettre régulièrement à ses employés des espèces afin d'assurer le paiement des dépenses courantes de la famille.

Enfin, l'analyse de ce document ne permet en aucune manière de conclure à la réalisation par le salarié d'heures d'astreinte.

* des captures d'écran en pièces n° L01 bis à n° L04 bis dont l'origine ne peut être certifiée.

* des documents « HÉLI AIR MONACO » détaillant la liste des déplacements effectués par Monsieur v. M. en hélicoptère de 2013 à mai 2016.

Toutefois, ces documents ne mentionnent pas la présence de membres de la famille D. lors de ces déplacements alors que des formalités d'enregistrement doivent obligatoirement intervenir, s'agissant en outre d'un vol international entre la Principauté de Monaco et Nice.

* des calendriers imprimés par le demandeur pour les années 2013 à 2017 sur lesquels celui-ci a surligné les périodes pendant lesquelles il estime avoir travaillé.

En l'absence d'éléments extérieurs, ces documents établis par Monsieur v. M. ne seront pas retenus, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même.

* une photocopie des visas apposés sur le passeport du salarié : ces documents démontrent que ce dernier a effectué divers déplacements mais rien ne permet de les relier à l'employeur.

Il en résulte que Monsieur v. M. ne démontre pas avoir été contraint de réaliser des heures d'astreinte.

En outre, il n'apporte aucun élément permettant de démontrer que les sujétions imposées par l'employeur l'empêchaient de vaquer à ses occupations personnelles.

Il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur v.M.de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures d'astreinte.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur v. M. sollicite la somme de 75.000 euros de dommages et intérêts sur ce fondement. Conformément à l'article 989 du Code civil, l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail. Monsieur v. M. formule divers griefs à l'encontre de son employeur et qu'il convient d'examiner :

L'absence de conclusion initiale d'un contrat de travail

Monsieur v. M. soutient avoir commencé à travailler pour la famille D. à compter du 16 janvier 2013 sans qu'un contrat de travail ne soit venu formaliser la relation de travail.

Pour justifier ses allégations, le demandeur produit une photocopie de son passeport sur lequel figurent des visas d'entrée en Ukraine.

En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé.

Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 739 du même jour définit le salaire comme la rémunération contractuellement due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier.

Enfin, l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et des directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci, ainsi placé sous sa subordination.

Ces règles étant d'ordre public, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur, notamment de la réalité ou de l'absence d'un lien de subordination.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Monsieur v. M. doit ainsi démontrer qu'il a effectivement réalisé un travail pour le compte de Madame o. D. si ce travail a été effectué moyennant le paiement d'un salaire et le premier s'est effectivement trouvé en état de subordination à l'égard de la seconde nommée, la subordination juridique se caractérisant comme précisé supra.

Force est de constater que Monsieur v. M. est défaillant dans l'administration de la preuve ; les allers et venues entre l'Ukraine et Monaco ne permettant pas de conclure à l'exécution d'un travail dans les conditions rappelées supra pour le compte de la défenderesse.

Le non-paiement de l'intégralité du salaire

Les prétentions du demandeur ont été rejetées supra de sorte qu'elles ne sauraient justifier une quelconque exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

Monsieur v. M. soutient encore que l'employeur l'obligeait à assurer les dépenses concernant les réparations des véhicules de la famille lorsqu'il les utilisait.

Il indique avoir déboursé les sommes suivantes :

* 5.400 euros pour les voitures de marque « Cayenne » et « Maybach » au mois de juillet 2016,

* 700 euros durant l'été 2015 pour une « Bentley cabriolet »,

* 1.200 euros au cours de l'automne 2014 pour une « Bentley Green ».

Les relevés de compte produits par le demandeur ne font état d'aucun paiement des sommes susvisées.

Monsieur v. M. ne produit aucun élément permettant de démontrer les paiements invoqués de sorte que ses allégations à ce titre ne seront pas retenues.

L'impossibilité de se voir prescrire un arrêt maladie

Monsieur v. M. soutient qu'il n'a jamais osé se mettre en arrêt maladie alors qu'il est resté pendant deux ans (de septembre 2014 à juillet 2016) avec une fracture de fatigue, sachant que l'employeur ne lui paierait pas son salaire.

Le demandeur produit un certificat médical établi le 14 janvier 2019 par le Docteur Amel FOUQUE-KASSAB, ainsi libellé :

« Je soussigné certifie que Mr v. M. m'a consulté du 23/09/2014 au 07/07/2016 pour fracture de fatigue de l'avant pied droit avec suites douloureuses et fracture de fatigue du 5e métatarse pied gauche avec suites douloureuses également.

Pour ce type de pathologie, je prescris un arrêt de travail afin de permettre la récupération et la consolidation.

J'ai donc proposé un arrêt de travail à M. M. qui a refusé en m'indiquant que s'il ne travaillait pas il ne serait pas payé ».

Il convient de relever que le Médecin ne fait que relater les déclarations et les doléances du patient, lesquelles ne peuvent être retenues en l'absence d'élément extérieur.

Il résulte dans ces circonstances des explications développées supra que la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur n'est pas fondée.

Sur la rupture

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (CR du 9 mai 2003 PE. c/ S.A.M. TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).

Il appartient à Monsieur v. M. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Monsieur v. M. ne développe aucune argumentation quant à un quelconque motif fallacieux mais soutient avoir été licencié avec précipitation et légèreté blâmable, son licenciement ayant été brutal et soudain, sans aucun signe annonciateur de la rupture.

Dans un premier temps, il y a lieu d'indiquer que la dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas en soi une mesure vexatoire ; le contexte précité dans laquelle elle est intervenue n'étant en aucune manière abusive.

Monsieur v. M. ne démontre pas plus en quoi ladite dispense de préavis serait fautive.

Il apparaît ensuite que lors de la rupture, les droits du salarié n'ont pas été respectés dans la mesure où l'employeur avait omis de payer la somme brute de 472,47 euros correspondant aux jours de congés payés pendant le préavis.

Cependant, cette somme a été régularisée le 7 juillet 2020 par le conseil de la défenderesse.

Monsieur v. M. soulève encore une erreur de l'employeur dans la rédaction de l'attestation Pôle Emploi qui mentionnerait une date erronée de fin de contrat.

Le document mentionne sur ce point que la durée d'emploi du salarié est du 01/10/2013 au 02/03/2017, avec la précision que le préavis n'a pas effectué mais payé du 03/03/2017 au 03/05/2017.

Au cours du préavis, les relations contractuelles de travail perdurent dans les mêmes termes qu'antérieurement à la rupture. Partant, le salarié demeure sous la subordination de l'employeur qui doit continuer à lui fournir du travail, à lui verser sa rémunération et lui octroyer les avantages, notamment en nature, dont il bénéficiait jusqu'alors.

Le contrat de travail subsiste jusqu'à la fin du préavis bien que le salarié soit dispensé d'exécution et l'inexécution du préavis de licenciement n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin.

Il convient dans ces circonstances d'ordonner la rectification de l'attestation Pôle emploi en ce sens, cette dernière devant mentionner la date du 03/05/2017 comme date de fin d'emploi.

Ce faisant, l'employeur a agi avec une légèreté blâmable rendant les circonstances entourant le licenciement, abusives.

Il apparaît en outre que l'employeur a agi avec une précipitation et une légèreté blâmable en licenciant Monsieur v. M. en une journée.

Les circonstances entourant ladite rupture sont dès lors abusives, justifiant l'allocation à Monsieur v. M. de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

En effet, l'échange de SMS entre Monsieur v. M. et le team leader du 1er mars 2017 à 19h23 ne peut valoir ni une convocation à un entretien ni l'entretien lui-même.

Il est seulement indiqué au salarié de se présenter le lendemain pour « laisser le téléphone », « signer le papier » et recevoir son salaire dans le cadre de son licenciement qui est intervenu le 2 mars 2017 à 9 heures.

La rupture est dès lors intervenue de manière brutale, dans la mesure où Monsieur v. M. ne pouvait en aucune manière anticiper le licenciement dont il a fait l'objet de manière expéditive ; et ce d'autant plus que l'annonce de la rupture n'a pas été faite par l'employeur mais par un salarié de l'entreprise.

Quant au préjudice invoqué, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.

L'octroi de dommages et intérêts s'avère dès lors justifié.

Monsieur v. M. a nécessairement supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté et brutalité.

En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice moral apparaît devoir être justement évalué à la somme de 15.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la capitalisation des intérêts

L'article 1009 du Code civil prévoit que « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale ».

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande ainsi présentée, les sommes attribuées à Monsieur v. M. consistant en des dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la demande reconventionnelle de la défenderesse

Les droits de Monsieur v. M. ayant été en partie reconnus dans la présente instance, l'employeur ne saurait prétendre à une quelconque somme à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande au titre des tracasseries judiciaires

Cette demande d'un montant de 3.000 euros s'apparente aux frais irrépétibles existants en droit français, notion inconnue du droit du for, de sorte que Monsieur v. M. sera débouté de ce chef de prétention.

Sur l'exécution provisoire

Les conditions requises par l'article 202 du Code de procédure civile pour que l'exécution provisoire puisse être ordonnée n'étant pas réunies en l'espèce la demande à ce titre ne pourra qu'être rejetée.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge de Madame o. D.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des instances portant les numéros 42 de l'année judiciaire 2018/2019 et 10 de l'année judiciaire 2019/2020 ;

Rejette des débats les pièces produites par Monsieur v. M. sous les numéros J01, J01 bis, J02 et J03 ;

Ordonne la suppression des conclusions de Monsieur v. M. en date du 22 octobre 2020 du passage suivant, page 2 :

« 1/ Présentation de la famille D.

Il convient à titre liminaire de préciser que lors de leur arrivée sur Monaco, la famille D. a bénéficié des »appuis« de l'ancien commissaire principal et chef de la division de la Police Administrative, Monsieur c. C.

Cet ancien commissaire a été condamné pour avoir illégalement perçu des pots de vins en échange de la délivrance de cartes de séjour.

Or, après avoir fait de la prison, Monsieur c. C. a réussi à se faire nommer responsable de la sécurité du Basket ball Monaco club lequel appartient à Monsieur D.

En effet, en 2013, monsieur s. D. est devenu le mécène du club de basket ball de Monaco, l'AS Monaco pour en devenir Président deux ans plus tard.

C'est dans ce contexte que la famille D. s'est installée en Principauté ».

Dit que la demande en paiement de rappel d'indemnité de congés payés présentée par Monsieur v. M. est irrecevable pour cause de forclusion ;

Dit que le licenciement de Monsieur v. M. par Madame o. D. est abusif ;

Condamne Madame o. D. à payer à Monsieur v. M. la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute Monsieur v. M. du surplus de ses demandes ;

Déboute Madame o. D. de sa demande reconventionnelle ;

Condamne Madame o. D. aux dépens du présent jugement.

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Michel GRAMAGLIA, membres employeurs, Messieurs Serge ARCANGIOLINI, Fabrizio RIDOLFI, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quinze avril deux mille vingt et un, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Michel GRAMAGLIA, Serge ARCANGIOLINI et Fabrizio RIDOLFI, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 19764
Date de la décision : 15/04/2021

Analyses

Il convient, conformément à l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, d'ordonner la jonction des instances, dès lors qu'elles découlent d'un même contrat de travail.L'intérêt au procès doit s'apprécier par rapport au présent litige et non sur l'action diligentée par le témoin à l'encontre du même employeur.Aux termes de l'article 34 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005, la suppression de discours injurieux, outrageants ou diffamatoires relatifs aux faits de la cause qui sont contenus dans les écrits produits par les parties peut être prononcée par le juge statuant sur le fond de l'affaire. Aux termes de l'article 23, alinéa 2 de la loi n° 1.047 du 28 juillet 1982 sur l'exercice des professions d'avocat-défenseur et d'avocat, la juridiction saisie de la cause peut ordonner la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires. En l'espèce, les passages litigieux ne sont d'aucun intérêt pour la solution du litige, si ce n'est pour tenter de décrédibiliser l'employeur en supposant un lien entre les agissements délictueux de Monsieur c. C. et celui-ci. Ces écrits constituent dès lors des imputations injurieuses, outrageantes ou diffamatoires de nature à porter atteinte à l'honneur de la défenderesse qui excèdent la liberté d'expression nécessaire au déroulement des débats judiciaires.Le reçu pour solde de tout compte est une attestation que le salarié fait à son employeur, lors de l'expiration de son contrat de travail, aux termes de laquelle il reconnaît avoir reçu l'intégralité des sommes qui lui étaient dues. Il présente un caractère probatoire et libératoire pour l'employeur, en ce qu'il interdit au salarié toute contestation ultérieure, sauf dénonciation par ce dernier dans le délai légal de deux mois, dès lors qu'il comporte les mentions exigées par l'article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 (TT, 25 novembre 1999, K.P. c / société L.). Il est constant en droit que le reçu pour solde de tout compte a un effet libératoire pour l'employeur s'il a été régulièrement établi et non dénoncé par le salarié dans le délai de forclusion qui lui était imparti à cet effet.C'est à l'employeur, débiteur de l'obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli. La délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées : l'employeur est donc tenu, en cas de contestation, de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables. L'acceptation d'un bulletin de paie, sans réserve, ne vaut pas arrêté de compte et ne peut être interprétée comme impliquant une renonciation du salarié à toute réclamation ultérieure sur ses salaires. L'émargement qui peut être demandé au salarié au moment de la paie ne peut porter que sur la conformité entre les sommes effectivement reçues et le chiffre porté sur le bulletin. À l'occasion de la remise du bulletin de paie, l'employeur ne peut exiger aucune formalité de signature ou d'émargement autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien au montant net figurant sur ce bulletin.L'astreinte est considérée comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. Dans la mesure où le salarié peut, lorsqu'il est dans l'attente d'une demande d'intervention éventuelle, vaquer librement à des occupations personnelles, les temps d'astreinte (à l'exception des temps d'intervention) ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont donc pas rémunérés comme tel. Dans certaines hypothèses, l'astreinte peut s'effectuer dans un logement de fonction, soit en dehors soit au sein de l'entreprise, dès lors que le salarié peut librement vaquer à ses obligations personnelles. En présence d'une véritable astreinte, seuls les temps d'intervention constituent du temps de travail effectif.Conformément à l'article 989 du Code civil, l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail. En application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage temporairement à exécuter un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire déterminé. Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 739 du même jour définit le salaire comme la rémunération contractuellement due au travailleur placé sous l'autorité d'un employeur, en contrepartie du travail ou des services qu'il a accomplis au profit de ce dernier. Enfin, l'autorité reconnue à l'employeur consiste dans le pouvoir de donner des ordres et des directives à son salarié, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le cas échéant les manquements de celui-ci, ainsi placé sous sa subordination. Ces règles étant d'ordre public, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont pu donner à leur convention, mais seulement des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur, notamment de la réalité ou de l'absence d'un lien de subordination. En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (CR du 9 mai 2003, PE. c/ S.A.M. TRANSOCÉAN MARITIME AGENCIES). Alors que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté. À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit. Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque. La dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas en soi une mesure vexatoire.Au cours du préavis, les relations contractuelles de travail perdurent dans les mêmes termes qu'antérieurement à la rupture. Partant, le salarié demeure sous la subordination de l'employeur qui doit continuer à lui fournir du travail, à lui verser sa rémunération et lui octroyer les avantages, notamment en nature, dont il bénéficiait jusqu'alors.

Contrats de travail  - Rupture du contrat de travail  - Responsabilité de l'employeur.

Instances découlant d'un même contrat de travail - Jonction (oui) - Attestation de témoin - Demande en nullité - Appréciation de l'intérêt au procès - Demande de bâtonnement - Conditions - Reçu pour solde de tout compte - Définition - Effets - Salaire - Paiement - Preuve incombant à l'employeur - Astreinte - Définition - Temps de travail effectif pour les temps d'intervention - Contrat de travail - Exécution de bonne foi - Preuve du contrat de travail - Rupture du contrat de travail - Article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 - Abus en cas de motif fallacieux.


Parties
Demandeurs : Monsieur v. M.
Défendeurs : Madame o. D.

Références :

article 324 du Code de procédure civile
article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 103 du Code pénal
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 989 du Code civil
article 202 du Code de procédure civile
article 324-2 du Code de procédure civile
article 23, alinéa 2 de la loi n° 1.047 du 28 juillet 1982
article 7 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958
article 34 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005
article 1009 du Code civil
Article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2021-04-15;19764 ?

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