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08/10/2020 | MONACO | N°19345

Monaco | Tribunal du travail, 8 octobre 2020, Monsieur n. M. c/ SAM SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 8 OCTOBRE 2020

En la cause de Monsieur n. M., demeurant X1à NICE (06200) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Patricia MUSSO, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appel de Monaco ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS, (Département des Établissements Hôteliers, Ba

lnéaires et Sportifs, en abrégé H. B. S.), dont le siège social se situe Place du Casino à MONACO ;

Défendere...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 8 OCTOBRE 2020

En la cause de Monsieur n. M., demeurant X1à NICE (06200) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Patricia MUSSO, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appel de Monaco ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS, (Département des Établissements Hôteliers, Balnéaires et Sportifs, en abrégé H. B. S.), dont le siège social se situe Place du Casino à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 12 novembre 2018, reçue le 14 novembre 2018 ; Vu la procédure enregistrée sous le numéro 54-2018/2019 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 8 janvier 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur au nom de Monsieur n. M. en date des 7 février 2019, 11 juillet 2019 et 13 février 2020 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS, en date des 13 juin 2019, 16 janvier 2020 et 14 mai 2020 ;

Après avoir entendu Maître Clyde BILLAUD, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour Monsieur n. M. et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la même Cour pour la S.A.M. SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS, en leurs observations ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur n. M. a été embauché par la société anonyme monégasque SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS (ci-après S.B.M.) à compter du 1er février 2012 en qualité d'Assistant au Chef Réception Caisse, par contrat à durée déterminée et ce, jusqu'au 31 août 2012, puis prolongé jusqu'au 31 janvier 2014.

À compter du 1er février 2014, Monsieur n. M. a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée pour exercer la fonction de Chef de Service Réception Caisse.

Par courrier en date du 11 avril 2018, Monsieur n. M. a informé son employeur de sa volonté de démissionner de ses fonctions à effet du 31 mai 2018.

Par courrier en date du 5 juillet 2018, le conseil de Monsieur n. M. a adressé à la S.B.M. une contestation du solde de tout compte et a sollicité un rappel de salaire à compter du 1er janvier 2015, estimant que son client avait exercé depuis cette date les fonctions de Directeur d'hébergement et non de Chef de Service Réception Caisse.

Suite au refus de la S.B.M. d'accéder à ses demandes, Monsieur n. M. a saisi le Tribunal du travail en conciliation, par requête en date du 12 novembre 2018 reçue au greffe le 14 novembre 2018, des demandes suivantes :

* condamner la S.B.M. à lui payer les sommes suivantes :

* 87.660,45 euros brut à titre de rappel de salaires du 1er janvier 2015 au 31 mai 2018,

* condamner en conséquence la S.B.M. à lui remettre ses bulletins de salaire rectifiés pour les années 2015, 2016, 2017 et du 1er janvier au 31 mai 2018, la mention « chef de réception » devenant « Directeur d'hébergement », poste réellement occupé depuis le 1er janvier 2015,

* condamner la S.B.M. à lui remettre son certificat de travail et son attestation Pôle Emploi rectifiés,

* condamner la S.B.M. à lui payer les sommes suivantes :

* dommages et intérêts pour :

* préjudice financier : 8.000 euros,

* préjudice moral : 7.000 euros,

* exécution provisoire du jugement à intervenir,

* intérêts de droit au taux légal à compter de la présente citation et jusqu'à parfait paiement.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Monsieur n. M. a déposé des conclusions les 7 février 2019, 11 juillet 2019 et 13 février 2020 dans lesquelles il reprend ses demandes figurant dans sa requête, y ajoutant :

« Requalifier le poste occupé par Monsieur M. au sein de la SBM à compter du 1er janvier 2015 jusqu'à son départ le 31 mai 2018 en Directeur d'hébergement,

(...).

Condamner la SBM à payer à Monsieur M. le complément d'indemnité monégasque sur la base de la rémunération rectifiée en l'état de la qualification de Directeur d'hébergement, soit la somme brute de 4.383 €,

(...).

Dire et juger que l'ensemble des condamnations sollicitées sera assorti d'une astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

(...).

Condamner la SBM à payer à Monsieur M. la somme de 4.000 € au titre des frais exposés pour la présente instance car il serait inéquitable de laisser à sa charge des frais non compris dans les dépens,

(...) ».

Monsieur n. M. fait essentiellement valoir que :

* depuis le mois de janvier 2015, ses fonctions ont évolué et l'ensemble de ses tâches correspond à celles d'un poste de Directeur d'hébergement et non à celui de chef de réception,

* après le départ de Madame c. E. pour l'Hôtel de Paris le 1er avril 2016, de nombreuses tâches qu'elle effectuait en sa qualité de Directrice adjointe, lui ont incombé,

* il était en charge d'une équipe de trente personnes en haute saison (réceptionnistes, chefs de brigade, assistants chef de réception et relations clientèle),

* il a géré toutes les opérations journalières de la réception principale, de la réception groupes, de la caisse,

* il a assisté aux réunions hebdomadaires du service Yield,

* il a également participé à la réalisation des budgets annuels,

* il a validé les tarifs ainsi que l'ouverture des forfaits spéciaux et l'optimisation du produit chambres/suites,

* il a instauré un plan de formation des réceptionnistes (bien avant la mise en place du système actuel interne) et s'est assuré du respect par chaque réceptionniste des standards,

* il a géré les ventes du Grand-Prix de F1 ainsi que l'évènement WEOY de ces trois dernières années,

* il était en charge des attributions et de l'optimisation des Suites et Diamond Suites sur la très haute saison,

* en basse saison, il était en charge d'organiser avec la Gouvernante Générale et le Chef du Service Technique, la rénovation des bâtiments ainsi que l'entretien en profondeur des chambres et suites,

* dès le 6 juin 2018, soit moins d'une semaine après son départ, l'établissement a pourvu à son remplacement en nommant Monsieur a. B. en qualité de » Director of rooms division « en qualité de Directeur d'Hébergement à compter de cette date,

* l'employeur a ainsi reconnu sa charge de travail, laquelle l'a conduit à un burn out, précipitant sa décision de démissionner de son poste,

* cette nomination démontre également que les tâches qu'il effectuait correspondaient à celles d'un poste de Directeur d'hébergement et que le salaire aurait dû être fixé en conséquence,

* au cours de l'évaluation 2016 pour son activité pendant l'année 2015, Madame c. E. l'a informé que son profil correspondait à celui de » Résident Manager «, supérieur à celui de Directeur d'hébergement,

* au cours de l'évaluation 2017 pour l'année 2016, Monsieur e. S. écrit qu'il a les capacités pour envisager d'évoluer à un poste de direction de l'hébergement dans un établissement équivalent,

* durant les trois dernières évaluations des années 2015, 2016 et 2017, la qualité de son travail a été reconnue de manière incontestable, alors que pendant quatre années consécutives, sa direction lui a laissé espérer une évolution,

* il a formulé des demandes de promotion et d'augmentation de salaire au cours de ses trois dernières années d'activité, en vain,

* la fiche de poste du Chef de Réception produite par la S.B.M. ne lui a jamais été communiquée. Il ne l'a jamais signée et lui est, dès lors, inopposable,

* pour autant, il ne conteste pas la fiche de poste qui correspond effectivement à la description des tâches d'un Chef de Réception d'un hôtel 5 étoiles,

* avant la fermeture de l'Hôtel Hermitage pour travaux, ce dernier disposait d'un Directeur d'hébergement,

* comme il n'existe pas de grille de salaires dans la Convention Collective de l'Hôtellerie à Monaco, il a été contraint d'utiliser une grille applicable aux établissements équivalents en France,

* la Direction des Ressources Humaines n'a pas pris au sérieux son mal être,

* il n'avait pas pour projet de quitter la Côte-d'Azur alors qu'il venait de faire l'acquisition d'un appartement en juillet 2016,

* son départ a eu également des conséquences sur sa vie personnelle puisqu'il a dû rompre avec sa compagne qui n'a pas été en mesure de le suivre à Paris,

* son préjudice est dès lors incontestable.

La S.B.M. a déposé des conclusions les 13 juin 2019, 16 janvier 2020 et 14 mai 2020 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

* Monsieur n. M. n'apporte pas la preuve d'avoir exercé les fonctions de Directeur de l'Hébergement,

* le demandeur ne produit aucune pièce pour justifier de ses allégations,

* Monsieur n. M. n'explique pas en quoi les tâches qu'il effectuait relèveraient des attributions du Directeur de l'Hébergement, et ce d'autant qu'à la lecture de la fiche de poste du Chef de Réception, celles-ci relèvent parfaitement des attributions effectives de ce dernier,

* un Directeur d'hébergement est responsable de la totalité de l'activité hébergement de l'établissement. Il a la responsabilité non seulement de la réception mais également de la conciergerie, l'entretien, les relations avec la clientèle, ce qui représente la gestion et la direction de plus de cent salariés au sein de l'Hôtel Hermitage,

* Monsieur n. M. n'était en charge ni de la conciergerie dont la responsabilité incombe à Monsieur a. B. ni de la relation clientèle dont Madame l. B. assume la direction, ni des services d'étages dirigés par Madame m. L.

* la définition des fonctions au sein d'une entreprise relève du pouvoir de direction de l'employeur, lequel n'a pas l'obligation de faire contresigner ses fiches de poste à ses salariés,

* Monsieur n. M. indique lui-même ne jamais avoir eu la responsabilité de la totalité des attributions d'un Directeur de l'hébergement d'un hôtel quatre étoiles,

* au sein de l'Hôtel Hermitage, Monsieur n. M. n'a été en charge que du Service Réception,

* il n'a jamais été en charge de la coordination des services qu'il revendique, cette charge incombant au Directeur adjoint,

* après le départ de Madame c. E. les fonctions de Directeur de l'hébergement ont été exercées par Monsieur S. qui était par ailleurs Directeur adjoint de l'Hôtel,

* les évaluations dont le demandeur fait état montrent que le poste de Directeur d'hébergement était une aspiration de celui-ci dans le cadre de son évolution professionnelle,

* à l'issue de son évaluation 2017, Monsieur n. M. et l'employeur s'accordaient à dire que le salarié était désormais prêt à évoluer sur un poste de Directeur d'hébergement ; cela ne signifiant pas qu'il en avait déjà l'ensemble des prérogatives, ni qu'il en exerçait les fonctions,

* il résulte de l'organigramme actuel de l'Hôtel Hermitage que Monsieur B. nommé au poste de Directeur d`hébergement, s'est vu attribuer une partie des fonctions de l'ancien Directeur adjoint de l'établissement, Monsieur S. alors que le poste de Chef de Réception initialement occupé par Monsieur n. M. a été confié à Madame f. A.

* la création d'un poste de Directeur d'hébergement n'établit pas que Monsieur n. M. aurait effectivement effectué des tâches relevant de la fonction de Directeur de l'hébergement depuis le 1er janvier 2015,

* à titre subsidiaire, le quantum de la demande présentée par Monsieur n. M. n'est pas justifié,

* le demandeur se trouve dans l'impossibilité de fournir des éléments de comparaison internes à l'entreprise,

* il n'existe, en effet, pas de grille de salaires dans la Convention collective de l'Hôtellerie à Monaco,

* de plus, il n'y avait pas de Directeur d'hébergement au sein de l'Hôtel Hermitage dont les attributions étaient prises en charge par le Directeur adjoint,

* les grilles de salaires produites par Monsieur n. M. concernent les établissements hôteliers situés en France,

* la méthode de Monsieur n. M. consistant à établir un salaire médian entre un palace et un hôtel 5 étoiles n'est pas pertinente.

À l'audience de plaidoirie, le Tribunal a soulevé le moyen de droit tenant à la recevabilité de la demande de requalification présentée par Monsieur n.M.eu égard à la compétence de la Commission de Classement prévue par l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, ainsi que celles figurant dans les dernières conclusions de Monsieur n.M.et n'ayant pas fait l'objet du préliminaire de conciliation, à savoir :

* 4.383 euros brut au titre du complément d'indemnité monégasque,

* 150 euros au titre de l'astreinte,

* 4.000 euros au titre des frais.

Il a ainsi été demandé aux parties de déposer une note en délibéré, au plus tard le 24 juillet 2020 pour le demandeur et le 7 septembre 2020 pour la défenderesse.

Le demandeur a déposé une note en délibéré le 22 juillet 2020 dans laquelle il indique que :

– Sur la compétence de la Commission de Classement sur la demande de requalification du poste occupé par Monsieur n. M. au sein de la S.B.M. :

* l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 modifiée par la loi n° 1.068 du 28 décembre 1983 prévoit que le classement des salariés dans les diverses catégories professionnelles est déterminé par l'employeur ou son représentant, sous le contrôle de l'Inspecteur du travail,

* la Commission de Classement est compétente pour connaître des différends relatifs à la contestation du classement des salariés dans les diverses catégories socioprofessionnelles,

* la saisine de la Commission de Classement est une faculté et ne constitue pas une démarche préalable impérative à la saisine du Tribunal du travail.

Monsieur n. M. n'a pas estimé utile de saisir la Commission de Classement en cours d'exécution de son contrat de travail puisque ses demandes de promotion et d'augmentation de salaire formulées au cours des trois dernières années d'activité ont donné lieu de la part de ses deux directions successives, à une réponse d'attente dans un premier temps. Puis, dans un second temps, il a été indiqué à Monsieur n. M. qu'il n'y aurait plus de Directeur hébergement au sein de l'Hermitage,

* la saisine de la Commission de Classement aurait donc été vaine pendant la période d'exécution du contrat de travail,

* ce n'est qu'après son départ de la S.B.M. que Monsieur n. M. a appris la nomination d'un Directeur hébergement, raison pour laquelle il a engagé la présente procédure considérant que son employeur lui avait dissimulé la réalité de la situation pendant près de trois ans,

* par ailleurs, l'analyse de la jurisprudence démontre que les salariés saisissant la Commission de Classement étaient tous en poste à la date de la saisine. Or Monsieur n. M. a saisi le Tribunal du travail après sa démission,

* la Commission de Classement n'était donc pas compétente pour statuer sur une éventuelle demande de requalification.

– Sur les demandes financières non formulées lors du préliminaire de conciliation :

* il n'est pas contesté que pour la première fois dans ses conclusions, Monsieur n. M. sollicite :

* la condamnation de la S.B.M. à lui régler la somme brute de 4.383 euros au titre du complément d'indemnité monégasque,

* que l'ensemble des condamnations soit assorti d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

* la condamnation de la S.B.M. à lui régler la somme de 4.000 euros au titre des frais,

* ces demandes n'étaient pas formulées lors du préliminaire de conciliation, mais elles constituent des demandes connexes des demandes principales et sont justifiées par l'évolution du litige,

* en effet, ces demandes sont justifiées par le fait que Monsieur n. M. n'imaginait pas devoir poursuivre la procédure devant le bureau de jugement et espérait que la S.B.M. reconnaisse la réalité de sa situation au stade de la conciliation,

* face à la mauvaise foi et à la multiplication des mensonges de la défenderesse au cours de la procédure, Monsieur n. M. n'a pas eu d'autre choix que de solliciter ces sommes.

La S.B.M. a déposé sa note en délibéré le 3 septembre 2020, aux termes de laquelle :

– Sur la compétence de la Commission de Classement :

* l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 prévoit explicitement la compétence de la Commission de Classement pour connaître des différends relatifs à la contestation du classement des salariés dans les diverses catégories professionnelles,

* il prévoit également la compétence du Tribunal du travail en tant que juridiction d'appel des décisions rendues par cette Commission,

* ces dispositions instaurent une compétence exclusive de la Commission de Classement et sa saisine ne constitue pas une démarche facultative comme le soutient Monsieur n. M.

* aucune disposition légale ne soumet la compétence de la Commission de Classement à la condition que le salarié soit toujours en poste au sein de l'entreprise,

– Sur les demandes présentées par Monsieur n. M. et non soumises au préliminaire de conciliation :

* la connexité des demandes, tel que soutenu par le demandeur, ne saurait justifier la recevabilité d'une demande n'ayant pas été soumise préalablement au bureau de conciliation,

* aucune disposition légale ne fait exception à la règle selon laquelle toute demande, même connexe, doit faire l'objet d'un préliminaire de conciliation,

* la Cour d'appel de Monaco a pu considérer que des demandes tendant aux mêmes fins que les demandes originaires et procédant de la même cause constituaient des demandes nouvelles,

* les demandes de Monsieur n. M. même à les supposer connexes à ses prétentions originaires, constituent donc des demandes nouvelles devant être soumises au préliminaire de conciliation,

* l'article 42 de la loi n° 446 offre la possibilité de modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, opportunité que Monsieur n. M. n'a pas saisie.

SUR CE,

Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles présentées par le demandeur

En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum.

Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.

En l'espèce, Monsieur n. M. a présenté des demandes additionnelles dans ses écritures, n'ayant pas fait l'objet du préliminaire de conciliation, ce qu'il ne conteste aucunement.

Il est patent que Monsieur n. M. n'a pas sollicité dans sa requête introductive d'instance les sommes suivantes :

* 4.383 euros brut au titre du complément d'indemnité monégasque,

* 4.000 euros au titre des frais.

Il n'a pas plus sollicité que l'ensemble des condamnations soit assorti d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Ce faisant, l'irrecevabilité desdites demandes doit être prononcée eu égard aux dispositions rappelées supra, lesquelles sont d'ordre public.

Sur la qualification applicable à Monsieur M.et le rappel de salaire correspondant

Monsieur n. M. revendique la qualification de Directeur d'hébergement et le salaire correspondant, estimant qu'il en a exécuté toutes les tâches pendant la relation de travail.

Le demandeur a ainsi saisi le Tribunal du travail d'un litige relatif à un rappel de salaire fondé sur le classement au poste de » Directeur de l'hébergement «.

Cependant, l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 a institué une procédure dérogatoire ayant pour effet de soustraire à la compétence du Tribunal du travail, en premier ressort, les différends nés à l'occasion du classement des salariés en diverses catégories professionnelles pour les attribuer à la Commission de Classement, au regard du caractère décisionnel dévolu à celle-ci tenue de trancher le différend entre les parties par une décision motivée.

Dans un jugement rendu le 25 octobre 2001 (BE. c/ S.A.M. EMONE), le Tribunal de première instance a déclaré IRRECEVABLE l'appel formé à l'encontre d'une décision rendue par le Tribunal du travail, ayant réformé une décision de la Commission de Classement, en indiquant essentiellement au soutien de sa décision :

» que la lecture combinée des dispositions de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création du Tribunal du Travail et des dispositions postérieures de la loi n° 739 du 16 mars 1963 faisait apparaître que le législateur avait entendu soustraire à la compétence du Tribunal du Travail en premier ressort les différends nés à l'occasion du classement des salariés dans les diverses catégories professionnelles, instituant par la même une procédure dérogatoire aux règles posées par la loi n° 446 précitée, au profit d'une Commission de Classement dont la composition et les règles de fonctionnement sont prévues par l'Ordonnance Souveraine n° 3094 du 3 décembre 1963 ".

Par ailleurs, si la Cour de révision n'a pas à ce jour expressément tranché cette question, en statuant au fond, dans les instances portées devant elle en cette matière, sans soulever l'irrecevabilité du pourvoi au motif que la voie de l'appel était seule ouverte (Cour de révision 24 mai 1993 : J. L. c/ FU. a. la haute juridiction a implicitement confirmé que le Tribunal du travail statuait bien, à l'égard des décisions rendues par la Commission de Classement, comme juridiction d'appel.

Monsieur n. M. ne saurait dès lors saisir directement le Tribunal du travail comme juridiction de premier degré pour statuer sur la qualification revendiquée ; seule la Commission de Classement étant compétente pour ce faire, en application des dispositions d'ordre public reprises supra.

Monsieur n. M. sera dans ces circonstances déclaré irrecevable en ses demandes présentées au titre de sa qualification et du coefficient applicable.

Le Tribunal ordonnera en outre le sursis à statuer sur la demande de rappel de salaire, de rectification de ses bulletins de salaire, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi, ainsi que des dommages et intérêts dans l'attente de la décision de la Commission de Classement.

Sur les dépens

Les dépens de la présente décision mixte seront mis à la charge de Monsieur n. M.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, par jugement mixte, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Déclare irrecevables les demandes au titre du complément d'indemnité monégasque pour la somme brute de 4.383 euros, au titre des frais pour la somme de 4.000 euros et au titre de l'astreinte, présentées par Monsieur n. M. ;

Déclare irrecevable la demande de Monsieur n. M. au titre de sa qualification et du coefficient applicable.

Sursoit à statuer sur les demandes présentées par Monsieur n. M. au titre du rappel de salaire et de rectification de ses bulletins de salaire, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi, ainsi que des dommages et intérêts dans l'attente d'une décision rendue par la Commission de Classement prévue par l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le coefficient devant être appliqué au salarié ;

Ordonne le retrait de la procédure du rang des affaires en cours et dit qu'elle sera rappelée à la première audience utile, à la demande de l'une quelconque des parties ou d'office par le Tribunal, dès qu'une décision définitive aura été rendue dans la procédure mentionnée ci-dessus ;

Condamne Monsieur n. M. aux dépens du présent jugement.

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Francis GRIFFIN, Jean-Pierre DESCHAMPS, membres employeurs, Messieurs Hubert DUPONT-SONNEVILLE, Bruno AUGÉ, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le huit octobre deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Francis GRIFFIN, Jean-Pierre DESCHAMPS, Hubert DUPONT-SONNEVILLE et Bruno AUGÉ, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 19345
Date de la décision : 08/10/2020

Analyses

En application de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, le bureau de jugement du Tribunal du travail ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum. Si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifier ses demandes devant le bureau de conciliation, la possibilité d'augmenter ses prétentions ou d'en formuler de nouvelles, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette même loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, en application de l'article 1er précité.L'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 a institué une procédure dérogatoire ayant pour effet de soustraire à la compétence du Tribunal du travail, en premier ressort, les différends nés à l'occasion du classement des salariés en diverses catégories professionnelles pour les attribuer à la Commission de Classement, au regard du caractère décisionnel dévolu à celle-ci tenue de trancher le différend entre les parties par une décision motivée.Dans un jugement rendu le 25 octobre 2001 (BE. c/ S.A.M. EMONE), le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable l'appel formé à l'encontre d'une décision rendue par le Tribunal du travail, ayant réformé une décision de la Commission de Classement, en indiquant essentiellement au soutien de sa décision : « que la lecture combinée des dispositions de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création du Tribunal du Travail et des dispositions postérieures de la loi n° 739 du 16 mars 1963 faisait apparaître que le législateur avait entendu soustraire à la compétence du Tribunal du Travail en premier ressort les différends nés à l'occasion du classement des salariés dans les diverses catégories professionnelles, instituant par la même une procédure dérogatoire aux règles posées par la loi n° 446 précitée, au profit d'une Commission de Classement dont la composition et les règles de fonctionnement sont prévues par l'Ordonnance Souveraine n° 3.094 du 3 décembre 1963 ».Par ailleurs, si la Cour de révision n'a pas à ce jour expressément tranché cette question, en statuant au fond, dans les instances portées devant elle en cette matière, sans soulever l'irrecevabilité du pourvoi au motif que la voie de l'appel était seule ouverte (Cour de révision 24 mai 1993 : Jean L.e c/ FU. a. la haute juridiction a implicitement confirmé que le Tribunal du travail statuait bien, à l'égard des décisions rendues par la Commission de Classement, comme juridiction d'appel.Monsieur n. M. ne saurait dès lors saisir directement le Tribunal du travail comme juridiction de premier degré pour statuer sur la qualification revendiquée ; seule la Commission de Classement étant compétente pour ce faire, en application des dispositions d'ordre public reprises supra.

Procédures spécifiques  - Contrats de travail  - Justice (organisation institutionnelle).

Contrat de travail - Tribunal du travail - Demandes nouvelles devant le bureau de jugement (oui) - Recevabilité (non).


Parties
Demandeurs : Monsieur n. M.
Défendeurs : SAM SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS

Références :

loi n° 739 du 16 mars 1963
article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963
Ordonnance Souveraine n° 3.094 du 3 décembre 1963
Ordonnance Souveraine n° 3094 du 3 décembre 1963
loi n° 1.068 du 28 décembre 1983
article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2020-10-08;19345 ?

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