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09/07/2020 | MONACO | N°19084

Monaco | Tribunal du travail, 9 juillet 2020, Mme b. S. c/ y. Y.


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 9 JUILLET 2020

En la cause de Madame b. S., demeurant X1à NICE (06000) ;

Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 184 BAJ 15 du 16 juin 2016, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

Maître y. Y., avocat-défenseur, demeurant « X2», X2à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du

MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Xavier-Alexandre BOYER, ...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 9 JUILLET 2020

En la cause de Madame b. S., demeurant X1à NICE (06000) ;

Demanderesse, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n° 184 BAJ 15 du 16 juin 2016, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

Maître y. Y., avocat-défenseur, demeurant « X2», X2à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substituée et plaidant par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la même Cour ;

d'autre part ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 5 février 2018, reçue le 9 février 2018 ; Vu la procédure enregistrée sous le numéro 47-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 6 mars 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur au nom de Madame b. S. en date des 4 octobre 2018 et 14 novembre 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Pierre-Anne NOGUÈS-du MONCEAU, avocat-défenseur au nom de Maître y. Y. en date du 25 avril 2019 ;

Après avoir entendu Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour Madame b. S. et Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la même Cour pour Maître y.Y. en leurs observations ;

Vu les pièces du dossier ;

Madame b.S. a été embauchée le 21 mars 2011 par Maître y. Y. avocat-défenseur, dans un premier temps en tant que Secrétaire, puis en qualité de 1er Clerc après avoir suivi une formation à l'ENADEP aux frais de l'employeur.

Dans le dernier état de la relation de travail, Madame b. S. percevait un salaire mensuel brut de 2.389,01 euros.

Par lettre remise en main propre le 21 juillet 2014, la salariée a été convoquée à un entretien préalable devant se dérouler le 22 juillet 2014 à 14 h.

Elle a fait l'objet d'un licenciement pour suppression de poste le 29 juillet 2014, avec dispense d'exécution de son préavis et ce à sa demande.

Par requête en date du 5 février 2018, reçu au greffe le 9 février 2018, Madame b. S. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* 2.230,06 euros à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement,

* 2.582,18 euros à titre d'indemnité de congédiement,

* 529,39 euros au titre du maintien de salaires au cours des mois de juin et juillet 2014 (maladie),

* 3.773,96 euros à titre d'indemnité de congés payés,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moral et financier subis,

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* avec déduction de l'acompte de 2.635 euros versé par l'employeur,

* intérêts au taux légal pour l'ensemble de ces demandes à compter de la date de la citation à comparaître devant le Bureau de Conciliation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

* condamner Maître y. Y. à lui délivrer ses bulletins de paie de juin, juillet et août 2014, un reçu pour solde de tout compte et une attestation employeur rectifiés en conformité avec le jugement à intervenir,

* la condamner aux entiers dépens.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Madame b. S. a déposé des conclusions les 4 octobre 2018 et 14 novembre 2019 dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que :

* en tant que 1er Clerc, elle était en charge de toutes les tâches administratives relatives à l'Étude de Maître y.Y.

* elle s'est toujours acquittée de ces tâches avec conscience, rigueur et efficacité,

* elle n'a pas fait l'objet de la moindre sanction ou du moindre blâme quant à la qualité de son travail,

* à compter du mois de janvier 2014, elle a constaté un changement dans l'attitude de Maître y. Y. cette dernière devenant beaucoup plus distante,

* les relations avec l'employeur ont continué à se dégrader et un climat anxiogène s'est installé au sein de l'Étude,

* cette ambiance lourde a eu des répercussions sur sa santé et elle s'est retrouvée en arrêt de travail du 20 juin 2014 au 7 juillet 2014,

* contrairement à ce qu'indique l'employeur, elle n'a jamais demandé à être licenciée,

* quelques jours après son retour d'arrêt maladie, l'employeur lui a remis, le 21 juillet 2014, en main propre, une lettre de convocation à un entretien préalable,

* trois jours après la réception du reçu pour solde de tout compte, elle a adressé un courrier de contestation à son employeur, soit le 4 août 2014,

* une tentative de conciliation par devant Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre a été organisée, en vain,

* l'employeur ne démontre en aucune manière la suppression effective de son poste,

* le livre des entrées et sorties du personnel n'a pas été produit,

* Maître y. Y. ne rapporte pas plus l'existence de difficultés économiques,

* la défenderesse invoque alors un prétendu licenciement qu'elle aurait souhaité, ce qu'elle conteste formellement,

* l'employeur se retranche derrière un courriel en date du 25 juillet 2014, adressé en dehors de ses heures de travail et alors que la procédure de licenciement était déjà entamée,

* la défenderesse soutient encore que le licenciement pour suppression de poste ne serait pas transposable à l'avocat en tant qu'employeur, sans pour autant démontrer juridiquement sa thèse,

Sur le maintien de salaire pendant son arrêt maladie :

* elle a été placée en arrêt de travail du 20 juin 2014 au 7 juillet 2014,

* elle a perçu au mois de juin 2014 la somme totale de 1.828,38 euros alors que son salaire mensuel net est de 2.251,66 euros,

* elle aurait dû percevoir l'intégralité de son salaire conformément à l'article 27 de la Convention Collective Nationale des Avocats et de leur Personnel du 20 février 1979,

* elle a ainsi subi une perte de salaire d'un montant de 423,98 euros,

* pour le mois de juillet 2014, elle a perçu une somme totale de 2.145,55 euros sa perte de salaire s'élevant ainsi à la somme de 106,11 euros,

Sur l'indemnité de congés payés :

* le jour de son licenciement, elle disposait de trente-huit jours de congés à prendre,

* l'indemnité compensatrice lui revenant s'élève ainsi à la somme de 3.773,96 euros,

* sur les dommages et intérêts pour les préjudices moral et financier :

* au cours des deux mois qui ont précédé son licenciement, elle n'a pas perçu l'intégralité de ses salaires,

* le reçu pour solde de tout compte comportait une retenue injustifiée d'un montant de 2.635 euros,

* quatre années après son licenciement, elle n'a pas reçu l'intégralité de son solde de tout compte, à savoir la somme de 2.524 euros,

* l'attestation PÔLE EMPLOI n'était pas complète,

* elle n'a pu faire valoir ses droits auprès de PÔLE EMPLOI,

Sur le licenciement abusif :

* elle a fait l'objet d'un licenciement brutal et soudain,

* la rupture repose sur un motif fallacieux. Sous le couvert d'un prétendu motif économique, celle-ci repose sur des griefs inhérents à sa personne,

* le licenciement a été mis en œuvre avec une légèreté blâmable eu égard aux nombreuses irrégularités relevées.

Madame b. S. demande également de voir écarter des débats l'attestation établie par Monsieur r. G. (pièce adverse n° 19) pour non-respect des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile.

Maître y. Y. a déposé des conclusions le 25 avril 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultat de l'atteinte portée à sa réputation.

Elle fait essentiellement valoir que :

* c'est Madame b. S. qui a souhaité mettre un terme à son contrat de travail ainsi qu'il résulte d'un courriel que celle-ci a adressé le 25 juillet 2014 au Cabinet B.,

* la salariée n'a eu de cesse d'exercer une véritable pression consistant à la menacer d'arrêts de travail successifs tous les quinze jours si elle ne procédait pas à son licenciement dans les conditions qu'elle exigeait,

* elle n'envisageait pas de licencier Madame b. S. employée sérieuse et motivée, sur laquelle elle avait beaucoup investi dans le cadre d'une formation ENADEP,

* c'est ainsi qu'elle a décidé de supprimer le poste de 1er Clerc,

* n'ayant qu'un salarié, elle n'avait pas d'autre choix que d'accepter les conditions de Madame b.S.au risque d'être mise en difficulté par la suite,

* Madame b. S. a préparé l'organisation de son licenciement. Par son courrier du 30 juillet 2014, la salariée a bien confirmé son acceptation d'être licenciée pour suppression de poste,

* Madame b. S. a intégralement été remplie de ses droits,

* la référence à la Convention Collective Française ne concerne que les salaires. Les articles concernant la maladie ne sont pas applicables en Principauté,

* les parties étaient d'accord quant aux modalités, à la nature et aux conséquences financières de la rupture, de sorte qu'aucune somme ne saurait être due à la salariée à titre de dommages et intérêts pour un prétendu préjudice moral ou financier.

SUR CE,

Sur la demande de rejet de la pièce n° 22 produite par Maître y. Y. après la fixation du dossier

La pièce n° 22 est constituée par une attestation non datée produite le 14 mai 2020.

À l'audience de mise en état du 12 mars 2020, les parties ont indiqué au Tribunal que le dossier était en état et pouvait faire l'objet d'une fixation pour plaidoirie.

L'affaire a ainsi été renvoyée à l'audience du 26 mars 2020, puis du 19 mai 2020.

Par courrier en date du 14 mai 2020, le Conseil de la défenderesse a informé le Tribunal de son souhait de déposer une nouvelle attestation hors audience ou de modifier le calendrier judiciaire.

Le Conseil de Madame b. S. s'oppose à une telle production en raison de son caractère tardif.

Le calendrier procédural, qui a été mis en place et a reçu l'accord des parties, emportait nécessairement obligation pour chacune d'elles de le respecter.

En communiquant une pièce le 14 mai 2020, soit cinq jours avant l'audience de plaidoirie, le Conseil de la défenderesse a agi de manière tardive et porté atteinte au principe du contradictoire, sur le respect duquel il appartient au Juge de veiller, puisqu'il ne permettait pas au conseil de la demanderesse d'y répondre utilement en raison de la prochaine fixation à plaider.

Au regard de la violation du principe du contradictoire auquel cette communication tardive porte atteinte, la pièce n° 22 produite par Maître y. Y. sera dès lors écartée des débats.

Sur le rejet des débats de l'attestation produite par Maître y. Y. en pièce n° 19

Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :

1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. »

La pièce n° 19 est une attestation établie par Monsieur r. G., laquelle ne reprend pas la mention prévue au 5e paragraphe de l'article 324 repris ci-dessus.

De plus, elle n'est accompagnée d'aucun document officiel justifiant l'identité de son auteur, conformément au 6e paragraphe de l'article susvisé.

L'absence de cette mention et de pièce justifiant l'identité de son auteur doit entraîner la nullité de l'attestation.

Sur le motif du licenciement

Expressément consacrée par l'article 11, alinéa 2 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, lequel dispose que la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée peut intervenir sans préavis si elle résulte de l'accord des parties, d'une faute grave, ou d'un cas de force majeure, la rupture négociée dite encore rupture amiable ou rupture conventionnelle constitue un mode spécifique de rupture du contrat de travail.

Aux termes de l'article 1134 du Code civil, les Conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Si les parties à un contrat de travail peuvent mettre un terme de manière amiable à leurs relations contractuelles, cette faculté doit faire l'objet d'un accord sur le principe et les modalités de la rupture, étant relevé qu'il appartient à celui qui l'invoque d'en établir la réalité et le contenu.

Le contrat de travail demeurant civil à l'égard du salarié, l'employeur qui se prévaut de l'existence d'une Convention de rupture dite « d'un commun accord  » doit en rapporter la preuve, conformément aux règles édictées par les articles 1188 et suivants du Code civil.

En l'espèce, l'objet de la demande étant supérieur à 1.140 euros et l'objet de l'accord en cause ayant une valeur indéterminée, la preuve testimoniale ne peut être reçue qu'en présence d'un commencement de preuve par écrit.

Le licenciement de Madame b. S. a été évoqué avec le Cabinet B. dès le 1er juillet 2014 ainsi qu'il résulte d'un courriel de la même date.

Par courrier remis en main propre à la salariée, l'employeur a convoqué cette dernière à un entretien devant se dérouler le 22 juillet 2014 à 14h00.

Des échanges de courriels vont se poursuivre avec le Cabinet B. pour évoquer les différentes options de rupture du contrat de travail liant les parties.

Madame b. S. va adresser un mèl au Cabinet B. le 25 juillet 2014, en ces termes :

« Chère Madame,

En accord avec Maître Y. je vous adresse les projets de courriers que celle-ci a rédigés en vue de mon licenciement, pour vous les soumettre avant de mettre cette procédure en place.

Elle vous appellera à cet effet.

Je vous confirme que je suis d'accord sur ce licenciement pour suppression et que je n'effectuerai pas le préavis qui ne me sera pas réglé.

Bien à vous. »

Ainsi, le licenciement interviendra par lettre en date du 29 juillet 2014.

Le 30 juillet 2014, Madame b.S. adresse un courrier à l'employeur en ces termes :

« Cher Maître,

Je fais suite à votre correspondance du 29 juillet dernier et à notre entretien du 22 juillet 2014 par lesquels vous m'informiez de la réorganisation de votre Étude.

J'ai pris bonne note de ce que vous alliez procéder à la suppression de mon poste de premier clerc afin de le remplacer par un poste de secrétaire, et j'en comprends l'utilité.

Je vous serais très obligée de bien vouloir me dispenser du préavis de deux mois qui doit débuter le 1er août 2014.

J'accepte par conséquent qu'il ne me soit pas rémunéré.

(...). »

Ces échanges de courriers démontrent l'accord exprimé par Madame b. S. sur le principe de la rupture amiable de son contrat de travail.

Ils démontrent également que la salariée a été associée aux différents projets de rupture.

La condition du préavis a également été réglée par les parties, Madame b. S. demandant à en être dispensée sans paiement du salaire.

Il résulte de ces explications que les parties ont décidé de mettre un terme au contrat de travail d'un commun accord, de sorte que la demande tendant à voir reconnaître l'absence de motif valable du licenciement sera rejetée.

La demande subséquente tenant à voir reconnaître le caractère abusif de la rupture devra également être rejetée.

Sur les sommes réclamées par Madame b.S.

L'indemnité de congédiement

Madame b. S. s'estime créancière de la somme de 2.582,18 euros, alors qu'elle a perçu à ce titre la somme de 1.736 euros.

Le Tribunal relève que la demanderesse ne détaille pas le calcul par elle opérée pour obtenir la somme de 2.582,18 euros et ne produit pas ses bulletins de salaire permettant de procéder au calcul de l'indemnité de congédiement due.

Il y a lieu encore de relever que l'employer a détaillé son mode de calcul sur lequel la salariée n'a développé aucune contestation dans ses écritures.

Madame b. S. sera dans ces circonstances déboutée de ce chef de demande.

Sur les congés payés

La somme réclamée par la salariée correspond à celle figurant sur le reçu pour solde de tout compte de sorte que sa réclamation est infondée.

Sur le revenu de substitution pendant l'arrêt maladie de Madame b.S.

Madame b. S. fonde sa demande sur les dispositions de l'article 27 de la Convention collective nationale des Avocats et de leur Personnel du 20 février 1979.

L'employeur soutient qu'il s'agit d'une Convention Collective Française dont seules certaines dispositions sont applicables en Principauté.

En l'absence de Convention collective monégasque propre à l'activité d'avocat et de toute stipulation du contrat de travail de Madame b. S. lui étendant personnellement le bénéfice de la Convention collective française Nationale des Avocats et de leur Personnel du 20 février 1979, celle-ci, pour pouvoir prétendre au bénéfice du revenu de substitution prévu par l'article 27 de l'accord collectif susvisé, doit préalablement démontrer que son employeur s'est volontairement soumis aux dispositions de la Convention Collective Française, dont elle revendique aujourd'hui l'application.

Force est de constater que Madame b.S.ne rapporte pas la preuve exigée, alors surtout que l'employeur ne lui a jamais versé le complément sollicité.

Bien plus, le bulletin de salaire pour le mois d'août 2014 comporte la mention suivante :

» Conv. Coll. MC 3078 - Avocats - Personnel salarié Conv. Coll. FR Classification et Minima seulement Pour Conv. Coll. France : Minima et classification uniquement. "

Ainsi, l'employeur s'est volontairement soumis aux dispositions de la Convention Collective Française seulement sur les points concernant les salaires et la classification des salariés.

En l'état des dispositions des articles 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 et 1 de l'Arrêté ministériel n° 63.131 du 21 mai 1963 instituant la parité des salaires monégasques minima avec ceux pratiqués dans la région économique voisine, pour des conditions de travail identiques, en vertu de la réglementation ou de Conventions collectives, Madame b.S.ne caractérise pas la volonté de l'employeur de se soumettre à l'intégralité des dispositions prévues par l'accord étranger susvisé et notamment de son article 27.

Dans ces circonstances, l'invocation de la Convention collective française des Avocats et de leur Personnel n'apparaît pas opérante en ce qu'elle ne peut régir le cas d'une salariée exerçant sur le territoire monégasque à défaut de Convention collective équivalente en Principauté d'une part et étant d'autre part précisé que la loi 739 du 16 mars 1963 ne fait référence aux Conventions Collectives de la région économique voisine que pour la fixation des montants minima de salaire.

Madame b. S. sera dès lors déboutée de ce chef de demande.

Sur la demande reconventionnelle de Maître y. Y.

La défenderesse sollicite la somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de l'atteinte portée à la réputation de son Etude par une procédure judiciaire injustement entreprise par Madame b. S.

Le Tribunal relève que la défenderesse ne démontre pas l'atteinte à sa réputation de sorte que sa demande en dommages et intérêts devra être rejetée.

Sur les dépens

Succombant dans ses prétentions, Madame b. S. sera condamnée aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette des débats la pièce n° 22 produite par Maître y. Y. ;

Prononce la nullité de l'attestation produite par Maître y. Y. en pièce n° 19 ;

Déboute Madame b. S. de toutes ses demandes ;

Déboute Madame y. Y. de sa demande reconventionnelle ;

Condamne Madame b. S. aux dépens du présent jugement.

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Alain HACHE, Madame Diane GROULX, membres employeurs, Monsieur Rino ALZETTA, Madame Alexandra OUKDIM, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le neuf juillet deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Alain HACHE, Rino ALZETTA, Mesdames Diane GROULX et Alexandra OUKDIM étant empêchées, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19084
Date de la décision : 09/07/2020

Analyses

En communiquant une pièce le 14 mai 2020, soit cinq jours avant l'audience de plaidoirie, le Conseil de la défenderesse a agi de manière tardive et porté atteinte au principe du contradictoire, sur le respect duquel il appartient au Juge de veiller, puisqu'il ne permettait pas au conseil de la demanderesse d'y répondre utilement en raison de la prochaine fixation à plaider.L'absence de la mention prévue au 5e paragraphe de l'article 324 du Code de procédure civile et de pièce justifiant l'identité de son auteur comme l'exige de 6e paragraphe dudit article doit entraîner la nullité de l'attestation.Si les parties à un contrat de travail peuvent mettre un terme de manière amiable à leurs relations contractuelles, cette faculté doit faire l'objet d'un accord sur le principe et les modalités de la rupture, étant relevé qu'il appartient à celui qui l'invoque d'en établir la réalité et le contenu. Le contrat de travail demeurant civil à l'égard du salarié, l'employeur qui se prévaut de l'existence d'une Convention de rupture dite « d'un commun accord » doit en rapporter la preuve, conformément aux règles édictées par les articles 1188 et suivants du Code civil. Ces échanges de courriers démontrent l'accord exprimé par Madame b. S. sur le principe de la rupture amiable de son contrat de travail. Ils démontrent également que la salariée a été associée aux différents projets de rupture. La condition du préavis a également été réglée par les parties, Madame b.S. demandant à en être dispensée sans paiement du salaire. Il résulte ainsi des faits de l'espèce que les parties ont décidé de mettre un terme au contrat de travail d'un commun accord, de sorte que la demande tendant à voir reconnaître l'absence de motif valable du licenciement sera rejetée. La demande subséquente tenant à voir reconnaître le caractère abusif de la rupture devra également être rejetée.En l'espèce, l'employeur s'est volontairement soumis aux dispositions de la Convention collective française seulement sur les points concernant les salaires et la classification des salariés. En l'état des dispositions des articles 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 et 1 de l'Arrêté ministériel n° 63.131 du 21 mai 1963 instituant la parité des salaires monégasques minima avec ceux pratiqués dans la région économique voisine, pour des conditions de travail identiques, en vertu de la réglementation ou de Conventions collectives, Madame b.S. ne caractérise pas la volonté de l'employeur de se soumettre à l'intégralité des dispositions prévues par l'accord étranger susvisé et notamment de son article 27. Dans ces circonstances, l'invocation de la Convention collective française des Avocats et de leur Personnel n'apparaît pas opérante en ce qu'elle ne peut régir le cas d'une salariée exerçant sur le territoire monégasque à défaut de Convention collective équivalente en Principauté d'une part et étant d'autre part précisé que la loi 739 du 16 mars 1963 ne fait référence aux Conventions Collectives de la région économique voisine que pour la fixation des montants minima de salaire.La défenderesse sollicite la somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de l'atteinte portée à la réputation de son Étude par une procédure judiciaire injustement entreprise par Madame b. S. Le Tribunal relève que la défenderesse ne démontre pas l'atteinte à sa réputation de sorte que sa demande en dommages et intérêts devra être rejetée.

Procédure civile  - Rupture du contrat de travail  - Relations collectives du travail.

Procédure civilePrincipe du contradictoire - Demande de rejet de pièce communiquée tardivement - Violation du principe du contradictoire (oui) - Pièce écartée des débats (oui)Attestation de témoins - Demande de nullité d'une attestation de témoin - Conditions posées par l'article 324 CPC - Condition remplies (non) - Nullité de l'attestation (oui).


Parties
Demandeurs : Mme b. S.
Défendeurs : y. Y.

Références :

article 1134 du Code civil
article 324 du Code de procédure civile
articles 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963
CPC
article 11, alinéa 2 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
Arrêté ministériel n° 63.131 du 21 mai 1963
Code civil
article 103 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2020-07-09;19084 ?

Source

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