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25/06/2020 | MONACO | N°19281

Monaco | Tribunal du travail, 25 juin 2020, Monsieur a. M. c/ SAM COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 25 JUIN 2020

En la cause de Monsieur a. M., demeurant X1à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO ( C. A. M. ), dont le siège social se situe 3 avenue JF Kennedy à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude

de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie MARQUET...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 25 JUIN 2020

En la cause de Monsieur a. M., demeurant X1à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO ( C. A. M. ), dont le siège social se situe 3 avenue JF Kennedy à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour ;

d'autre part ;

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 6 octobre 2016, reçue le 7 octobre 2016 ; Vu la procédure enregistrée sous le numéro 32-2016/2017 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 29 novembre 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur au nom de a. M. en date des 4 mai 2017, 1er février 2018, 8 novembre 2018 et 16 octobre 2019 (et non le 16 octobre 2018 comme indiqué dans les conclusions) ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur au nom de la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO, en date des 5 octobre 2017, 17 mai 2018, 25 avril 2019 et 19 décembre 2019 ;

Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice pour Monsieur a. M. et Maître Sophie MARQUET, avocat près la Cour d'Appel de Monaco, pour la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur a. M. est entré au service de la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO (la C.A.M.) le 5 avril 2011, sous contrat à durée indéterminée, en qualité de Conducteur Receveur, coefficient 200.

Monsieur a. M. a été convoqué à un entretien préalable le 12 septembre 2015 et a fait l'objet, à la suite, d'une mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de la réunion du conseil de discipline.

Ce dernier s'étant réuni le 4 décembre 2015, Monsieur a. M. a été licencié pour faute suivant courrier recommandé en date du 18 décembre 2015.

Par requête en date du 6 octobre 2016, reçue au greffe le 7 octobre 2016, Monsieur a. M. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* rappel de salaire (notamment prime de repas décalés) : 9.000 euros,

* congés payés sur rappel de salaire : 900 euros,

* indemnité de licenciement (avant déduction de l'indemnité de congédiement) : 6.900 euros,

* dommages et intérêts pour non-paiement du salaire dû et licenciement abusif : 35.000 euros,

* exécution provisoire,

* intérêts au taux légal.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Monsieur a. M. a déposé des conclusions les 4 mai 2017, 1er février et 8 novembre 2018, 16 octobre 2019 dans lesquelles il demande au Tribunal dans le dernier état de ses écritures de :

* lui donner acte de ce qu'il se réserve d'établir et de présenter ultérieurement le compte exact du rappel de salaire concernant les primes de repas décalés et de congés payés y afférents, ensuite de la production par la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO des feuilles de route,

* constater le défaut de production de ces éléments,

* dire que la demande de rappel de salaire est fondée en son principe,

* tirer toutes conséquences de l'absence de production des feuilles de routes pour les années 2014 à 2015,

* faire droit à sa demande de rappel de salaire et lui allouer la somme de 9.000 euros, ainsi que les congés payés y afférents soit la somme de 900 euros,

* dire que le licenciement ne repose pas sur un motif valable,

* condamner la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO au paiement de la somme de 6.854,81 euros au titre de l'indemnité de licenciement, soit la somme de 4.012,27 euros après déduction de l'indemnité de congédiement,

* condamner la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO au paiement de la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire dû et licenciement abusif,

* dire que les sommes dues devront être réglées avec intérêts au taux légal à compter de la requête en justice pour celles dues au titre de rappel de salaire et à compter du jugement à intervenir pour les autres,

* ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

* condamner la défenderesse aux dépens.

Monsieur a. M. fait essentiellement valoir que :

Sur le rappel de salaire :

* en application de la Convention Collective du 30 novembre 1989, renvoyant à la Convention Collective Nationale des Réseaux de Transports Publics Urbains de Voyageurs du 11 avril 1986, applicable aux agents des transports urbains de la ville de Nice, la coupure pour repas de midi est au minimum de 45 minutes ; tout agent en service entre 11h30 et 14h ne bénéficiant pas, dans cet intervalle, d'une coupure pour repas au moins égale à 45 minutes reçoit une allocation représentative de frais pour repas décalé,

* il n'a jamais reçu ladite indemnité,

* tenant la prescription de 5 ans, sa demande formée le 6 octobre 2016, couvre la période commençant le 6 octobre 2011 et se terminant le 18 décembre 2015,

* l'engagement unilatéral et avenant n° 1 de la Convention Collective du 21 décembre 2018 ne vaut que pour l'avenir,

* il ne dispose pas de l'ensemble de ses feuilles de route, mentionnant ses heures de début et de fin de service, afin de lui permettre de chiffrer précisément le montant dû,

* l'employeur excipe d'un document daté du 1er septembre 1976 suivant lequel le personnel de la C.A.M. aurait renoncé à ne pas réclamer le paiement de la prime de repas. Or, ce document ne lui est pas opposable,

* la C.A.M. reconnaît devoir verser cette prime à certains de ses agents et s'affranchit de la Convention Collective pour d'autres,

Sur le licenciement :

* chaque agent reçoit des horaires précisant les heures et lieux de prise de début et de fin de service, ces horaires restant néanmoins à titre informatif (en fonction des aléas du trajet, la fin de service d'un conducteur peut s'effectuer en avance ou en retard par rapport à ce qui est indiqué),

* les heures supplémentaires par rapport aux horaires remis sont portées par le salarié sur sa feuille de route,

* sur le service qui n'aurait pas été effectué dans son intégralité le 08/10/2015,

* la C.A.M. prétend que suite à une plainte d'un usager, il aurait délibérément raccourci son service,

* son bus affichait le code « ne prend plus de voyageurs », pensant donc qu'il s'agissait de sa fin de service,

* il n'avait plus personne dans son bus, l'arrêt suivant ne visant qu'à déposer les voyageurs et non à les faire monter,

* il lui est reproché d'avoir stationné à l'arrêt Place d'Armes sans monter à l'arrêt Monaco Ville ; or, la fiche horaire produite par la C.A.M. prévoit d'abord la desserte de Monaco Ville, puis de prendre les voyageurs pour Place d'Armes, sans que cela ne soit prévu dans le circuit présenté aux voyageurs,

* la C.A.M. prétend que les instructions professionnelles lui auraient imposé de monter à l'arrêt de Monaco ville, mais n'en justifie pas, pas plus qu'elle ne justifie de la plainte qui aurait été portée par un usager,

Sur les feuilles de route qui auraient été falsifiées :

* il lui est reproché d'avoir indiqué à 77 reprises, sur 183 services, qu'il avait réalisé un supplément de 10 minutes pour l'année 2015,

* le débat porte sur le moment de la fin de service,

* la C.A.M. ne prend pas en compte le temps nécessaire passé sur le lieu de travail au-delà de la fermeture de la billettique, à savoir le temps que l'agent met à compter et remettre sa caisse, faire le tour de son bus pour vérifier son état et la présence d'objets oubliés,

* ce n'est qu'une fois l'ensemble de ces tâches accomplies que le service de l'agent prend fin et non à la seconde à laquelle il arrête la billettique de son véhicule,

* la note de service du 10 mars 2010 est antérieure à son entrée au sein de la C.A.M. et ne peut lui être opposée,

* la note de service du 8 mai 2012 ne présente aucun intérêt pour la solution du litige,

* ce sont donc les suppléments au-delà de 10 minutes qui font l'objet d'une rémunération supplémentaire majorée de 25 %,

* la fin théorique est celle mentionnée sur les fiches horaires des agents portées sur l'horaire du retour au dépôt mais il ne s'agit pas de l'heure à laquelle il cesse son travail,

* il n'a pas fait de fausses déclarations, il a exactement mentionné l'heure à laquelle son service était terminé, moment où il remet sa caisse au dépôt et qu'il s'en trouve déchargé,

* la C.A.M. produit des éléments relatifs à des prétendus manquements antérieurs, sans lien avec la faute qui lui reprochée,

* il ne reconnait aucunement avoir tenu des propos irrespectueux pendant l'entretien préalable, et encore moins avoir été agressif,

* il conteste vivement les termes du rapport d'entretien produit par l'employeur, lequel ne comporte pas sa signature,

* il a subi une mise à pied l'excluant du jour au lendemain de la société,

* il a été heurté par les termes de la lettre de licenciement,

* il s'agit d'un licenciement brutal et vexatoire.

La C.A.M. a déposé des conclusions les 5 octobre 2017, 17 mai 2018, 25 avril et 19 décembre 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

Sur le rappel de salaire :

* dans le cadre de son engagement conventionnel, elle applique les modalités de versement des primes négociées, écrites et versées aux agents des transports urbains de la ville de Nice mais ne se réfère pas pour autant à leurs usages,

* elle demeure créatrice de ses propres avantages et usages internes,

* cette différence au sujet des usages et avantages internes est notamment justifiée par les spécificités des réseaux entre Monaco et Nice, lesquelles sont admises de longue date et justifient que les primes accordées ne soient pas identiques,

* elle applique un engagement unilatéral interne,

* le 1er septembre 1976, le syndicat du personnel de la C.A.M. s'est engagé, indépendamment des conditions de travail et des éventuels usages niçois, à ne pas réclamer le paiement de la prime de repas décalé tant que les services à heures continues seraient appliqués au sein de l'entreprise,

* la dénonciation de cet engagement unilatéral ne pouvait être effectuée que par le syndicat du personnel de la C.A.M. après avis de l'Assemblée Générale des salariés,

* jusqu'au 21 décembre 2018, aucune dénonciation ou nouvel accord n'a été formellement effectué de sorte que les demandes qui ont pu être formulées antérieurement par les délégués du personnel étaient, de fait, inopérantes,

* les conditions de versement de la prime de repas décalé découlent uniquement du choix des salariés et des conditions de travail pour lesquelles ils ont opté,

* ce n'est que depuis l'avenant du 1er janvier 2019, que les conditions de versement de la prime de repas décalé sont clairement et expressément définies,

* Monsieur a. M. est dès lors infondé à solliciter seul, sans légitimité aucune, la dénonciation de l'engagement unilatéral du syndicat et est toujours infondé à demander un bénéfice individuel rétroactif à ce titre,

* le demandeur ne chiffre et ne justifie pas ses demandes,

* elle produit un tableau Excel faisant état des prises et fins de service de Monsieur a. M. enregistrées entre le 6 octobre 2011 et le 11 novembre 2015, duquel il ressort que sur les 1.014 services effectués par le salarié sur la période considérée, seuls 52 services couvrent la plage horaire 11h30-14h00. Si la prime de repas décalé avait été applicable, la somme due se serait élevée à 371,74 euros ; Monsieur a. M. sollicitant la somme de 9.000 euros à ce titre,

Sur le licenciement :

* le salarié doit respecter les directives de l'employeur,

* il s'agit là d'obligations inhérentes au lien de subordination,

Sur les services délibérément tronqués par Monsieur a. M.

* suite à la réclamation téléphonique d'un usager, lequel s'est plaint que le 8 octobre 2015, le bus qu'il avait l'habitude de prendre n'avait pas desservi l'arrêt Monaco Ville, elle a mandaté Monsieur M. Responsable Coordination d'Exploitation afin de diligenter un contrôle qualité sur le service concerné,

* il résulte de l'enquête que Monsieur a. M. a délibérément raccourci son service et avait porté sur sa feuille de route un supplément de travail non effectué de 10 minutes,

* contrairement aux dires du demandeur, la desserte de Monaco Ville était prévue tant sur sa fiche horaire de jour que sur son pupitre de bord dont l'information lui est donnée en direct par le service d'aide d'exploitation (SAE),

* la fiche horaire du jour précisait : « après desserte de Monaco ville, prendre les voyageurs pour place d'armes et rentre au parking des pêcheurs. FIN DE SERVICE »,

* Monsieur a. M. avait donc pour instruction de se rendre à Monaco Ville même en l'absence de voyageurs dans le bus afin de permettre aux éventuels usagers s'y trouvant de descendre sur la place d'armes,

* de fait, le salarié reconnaît qu'il n'a pas suivi les instructions de l'employeur,

* il prétend pour se justifier qu'il aurait été induit en erreur par le code girouette alors que ce dernier est contrôlé par le SAE et s'affiche automatiquement suivant le lieu géographique du bus et de l'horaire. Dès lors, lorsque le bus de Monsieur a. M. se trouvait Place d'Armes, à 20h18, la girouette affichait automatiquement le code « Monaco ville »,

* dans l'hypothèse où la girouette n'afficherait pas le bon code, les salariés sont formés pour ajuster le code girouette en fonction de la course et des instructions professionnelles,

* si Monsieur a. M. avait un doute sur le prochain arrêt desservi, il lui aurait suffi de se référer au pupitre SAE, lequel affichait la prochaine destination, en l'occurrence Monaco Ville,

* des faits similaires s'étaient déjà produits le 18 septembre 2015,

Sur les falsifications des feuilles de route :

* elle a procédé à un contrôle qualité de l'ensemble des services effectués par Monsieur a. M. entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2015,

* sur les 183 services effectués par le demandeur, Monsieur a. M. avait indiqué à 77 reprises qu'il aurait réalisé un supplément de 10 minutes,

* ces temps supplémentaires ne correspondaient pas à la réalité du travail effectif du salarié,

* Monsieur a. M. s'octroyait du temps supplémentaire alors que selon les cas :

* il arrivait en avance à sa fin de service comparée à la fin de service théorique qui lui est garantie et rémunérée,

* il s'octroyait du temps supplémentaire alors que son service était clos et qu'un autre agent l'avait relevé et était déjà en conduite sur le second service de la journée,

* il s'octroyait du temps supplémentaire alors que son retard enregistré était bien inférieur à ce qu'il prétendait,

* il ne terminait pas sa course, arrivait en avance à son lieu de parcage et inscrivait un temps supplémentaire,

* les suppléments de 10 minutes n'ont cessé d'augmenter au fil des ans,

* la fin de service lors de la fermeture billettique a toujours été la règle dans l'entreprise,

* la balance horaire de Monsieur a. M. du 01/01 au 11/11/2015 est positive de 2h38, ce temps d'avance lui ayant été rémunéré comme temps de travail quand bien même il n'a pas été effectué, ainsi que les temps supplémentaires falsifiés,

* elle a fait preuve de patience à l'égard du demandeur, eu égard aux nombreux manquements constatés et de l'irrespect des procédures mises en place au sein de l'entreprise,

* elle a pris le soin de convoquer le salarié à un entretien qui s'est déroulé le 12 novembre 2015 pour lui permettre de s'expliquer,

* à cette occasion, Monsieur a. M. s'est emporté et a adopté un ton agressif envers la Direction,

* elle a instruit le dossier et a tenu à prendre en compte tous les éléments et entendre le salarié et ses représentants, avant de prendre sa décision.

* elle demande également la jonction de la présente instance avec celle pendante entre les mêmes parties sur saisine du 18 octobre 2017.

SUR CE,

Sur la demande de jonction

Aux termes de l'article 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 :

« Toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent avoir fait l'objet d'une seule instance, à peine d'être déclarées non recevables, à moins que le demandeur ne justifie que les causes des demandes nouvelles ne sont nées à son profit ou n'ont été connues de lui que postérieurement à l'introduction de la demande primitive.

Sont toutefois recevables les nouveaux chefs de demandes tant que le tribunal du travail ne se sera pas prononcé en premier ou en dernier ressort sur les chefs de la demande primitive ; il ordonnera la jonction des instances et se prononcera sur elles par un seul et même jugement ».

En l'espèce, la C.A.M. sollicite la jonction entre l'instance introduite par Monsieur a. M. suivant requête en date du 6 octobre 2016, reçue au greffe le 7 octobre 2016 et celle par elle introduite par requête en date du 13 octobre 2017, reçue au greffe le 18 octobre 2017, à l'encontre de Monsieur a. M.

Il apparaît toutefois que l'action engagée par la C.A.M. à l'encontre de Monsieur a. M. est fondée sur des sommes versées à ce dernier à titre d'allocation chômage postérieurement à la rupture du contrat de travail.

La compétence du Tribunal du Travail n'étant pas retenue pour statuer sur l'action diligentée par la C.A.M. à l'encontre de Monsieur a. M. la demande de jonction présentée par la défenderesse sera rejetée.

Sur la demande de rappel de salaire (prime de repas décalé)

En vertu de l'article 11 de la loi n° 739, la C.A.M. est tenue de verser à ses employés les montants minima des salaires, primes, indemnités de toute nature au moins égaux à ceux pratiqués dans la région économique voisine, dans les mêmes professions, commerces ou industries en vertu de la réglementation ou de conventions collectives, pour les conditions de travail identiques.

L'article VII de la Convention Collective du Travail de la C.A.M. du 30 novembre 1989 prévoit que l'employeur se réfère au réseau de transport de la ville de Nice concernant :

a) la rémunération, échelon d'ancienneté et classification qui seront ceux appliqués aux agents des transports urbains de la ville de Nice,

b) les primes qui seront appliquées dans les mêmes conditions que le paragraphe a) en tenant compte du caractère particulier de chaque réseau.

L'article 10 de l'accord cadre du 22 décembre 1998 relatif à la branche sur l'emploi par l'organisation, l'aménagement, la réduction du temps de travail dispose :

« Le présent article s'applique aux seuls personnels roulants.

Une coupure est une période pendant laquelle le salarié n'est plus à la disposition de l'employeur et peut vaquer librement à des occupations personnelles.

Les coupures d'une durée inférieure ou égale à 30 minutes sont comptées dans la durée du travail.

Aucun service ne peut compter plus de deux coupures. Les deux temps de battement applicables sur les lignes régulières sont considérés comme du temps de travail effectif.

Le nombre journalier de services à deux coupures ne peut dépasser 10% du nombre total de services. Il peut être dérogé à cette limite par accord d'entreprise qui devra en définir les contreparties.

La coupure pour repas de midi est au minimum de 45 minutes. Tout agent en service entre 11h30 et 14 heures qui ne bénéficie pas, dans cet intervalle, d'une coupure pour repas au moins égale à 45 minutes reçoit une allocation représentative de frais pour repas décalé, égale au salaire d'une demi-heure du salaire de base d'un conducteur-receveur de 10 ans d'ancienneté. Les accords d'entreprise peuvent prévoir des dispositions dérogeant à cet article ».

Le 1er septembre 1976, le Syndicat du Personnel de la C.A.M. adresse un courrier au Directeur de l'entreprise en ces termes :

« Monsieur le Directeur,

Le 1er octobre 1976 sera mis en application un nouveau service à heures continues.

Celui-ci comporte 3 numéros avec repas décalés. Le personnel, étant demandeur, a pris la décision en assemblée générale de ne pas réclamer la prime afférente à ces 3 numéros tant que ce service sera en application.

Ces mêmes dispositions seront valables pour les numéros du dimanche qui seront mus en service le même jour... ».

Quelle que soit la qualification donnée à ce courrier (engagement unilatéral, accord atypique), l'usage ainsi appliqué dans l'entreprise étant par nature supplétif de la volonté des parties, peut être mis à néant par un accord collectif.

En effet, lorsqu'un accord d'entreprise qui a le même objet qu'un engagement unilatéral ou un usage, est conclu entre l'employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, cet accord a pour effet de mettre fin à cet engagement unilatéral ou à cet usage.

En l'espèce, il convient ainsi de retenir les dispositions reprises supra (Convention collective de la C.A.M. du 30 novembre 1989 et accord cadre du 22 décembre 1998) intervenues postérieurement à l'engagement du 1er septembre 1976 et qui se sont ainsi substituées à ce dernier.

Monsieur a. M. est dès lors en droit d'obtenir le paiement de l'allocation représentative de frais pour repas décalé pour la période non prescrite du 6 octobre 2011 au 18 décembre 2015.

Monsieur a. M. estime qu'il ne peut être en mesure de calculer la somme devant lui revenir à ce titre alors que la C.A.M. a produit toutes les feuilles de route du demandeur pour la période considérée.

Après analyse de ces documents, il en résulte que la somme calculée par l'employeur à hauteur de 371,74 euros couvrant 52 services permettant l'allocation de la prime litigieuse, correspond à la réalité desdites feuilles de route, lesquelles comportent les heures de début et de fin de service du chauffeur avec la signature de ce dernier.

Il convient dans ces circonstances de condamner la C.A.M. au paiement de cette somme, outre celle de 37,17 euros correspondant aux congés payés afférents, avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire s'agissant de salaire et accessoires de salaire.

Sur le motif de la rupture

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.

Monsieur a. M. a été licencié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 décembre 2015, ainsi libellé :

« Monsieur,

Conformément à l'article XXII de notre convention collective concernant les sanctions disciplinaires du deuxième degré, nous avons été amenés à réunir un conseil de discipline, le 4 décembre 2015 pour délibérer sur votre situation contractuelle, suite aux falsifications de fins de service que vous avez opérées sur vos feuilles de route vous octroyant des suppléments abusifs. Ces faits se sont aggravés par des manquements au respect des consignes et des procédures mises en place.

Pour répondre à la réclamation d'un usager, un contrôle de la journée du 8 octobre 2015 a été réalisé. Nous avons constaté qu'assurant le service 106, au lieu de desservir Monaco-Ville conformément au programme établi par votre employeur, vous vous rendez directement au parking des pêcheurs pour stationner votre bus. Malgré un itinéraire raccourci vous avez porté sur votre feuille de route un supplément de 10 minutes inexpliqué nécessitant une analyse plus large.

Nous avons été contraints, dans ce cadre, de procéder à l'examen de vos feuilles de travail depuis le début de l'année 2015. Celui-ci a prouvé que vous avez suivi méthodiquement, sur toute la période considérée, un mode opératoire identique à celui utilisé le 8 octobre 2015, notant, à une fréquence soutenue, de fausses fins de service pour vous attribuer au moins 10 minutes supplémentaires à chaque fois.

Ces fausses déclarations écrites et signées sont constitutives d'une fraude intentionnelle organisée et récurrente. Votre reprise de travail, à la fin du mois d'octobre n'a pas été l'occasion de mettre un terme à vos pratiques et ignorant votre obligation de loyauté envers votre employeur, vous avez continué à abuser de sa confiance pour améliorer vos revenus.

Pour édifier sa position sur une base solide et vous garantir le bénéfice du doute, la Direction est intervenue dès que les faits ont été avérés et qu'ils se sont confirmés objectivement après de nombreux contrôles.

...

Nous déplorons par ailleurs que vos agissements fautifs s'aggravent sur le terrain, à 2 reprises en moins d'un mois, par une desserte incomplète. Ainsi, à l'instar du 8 octobre 2015, le 18 septembre 2015, méprisant l'instruction professionnelle, vous avez aussi tronqué votre service.

...

Malgré nos remarques et demandes d'améliorations, nous ne pouvons que constater que votre comportement professionnel est contraire à nos instructions. Face à de fausses déclarations constitutives de fraude, la C.A.M., concessionnaire du service public de voyageurs, employant des salariés qui gèrent de l'argent public ne peut transiger sur la loyauté et l'honnêteté.

Ces éléments démontrent objectivement que votre attitude nuit au bon fonctionnement de l'entreprise et le Conseil de discipline a été réuni pour avis sur la suite à donner.

Au terme des échanges au sein du Conseil de Discipline, la Direction a donc pris la décision de procéder à votre licenciement, dans les conditions prévues par la réglementation et par les dispositions conventionnelles qui sont applicables à votre contrat de travail… ».

L'employeur reproche deux griefs à Monsieur a. M. qu'il convient d'examiner :

Sur les services tronqués

Monsieur a. M. ne conteste pas ne pas avoir effectué l'intégralité des arrêts et ne pas être monté de la place d'Armes jusqu'à Monaco-Ville, mais soutient que :

* il n'avait plus personne dans son bus,

* l'arrêt suivant ne visait qu'à déposer des voyageurs et non à les faire monter,

* son bus affichait le code « ne prend plus de voyageurs ».

Pour justifier ce grief, l'employeur produit les éléments suivants :

– un rapport spécial de « vérification de passage aux arrêts » en date du 9 octobre 2015, établi par Monsieur Sébastien M. ainsi libellé :

« Suite à un contrôle qualité effectué sur la desserte de certains arrêts en fin de journée au moyen de notre Système d'Aide à l'Exploitation, je souhaite porter à votre connaissance des faits qui se sont déroulés le jeudi 8 octobre 2015 au soir.

L'agent M. a. qui effectuait le service 106 avec le bus n°l10 a indiqué sur sa feuille de route que j'ai contrôlée le vendredi 9 octobre au matin, un supplément de 10 minutes à la suite de son service.

Je profite donc de ce contrôle pour suivre la fin de service de l'agent M.

Lors de sa dernière course dans le sens retour, le bus arrive à l'arrêt Place d'Armes à 20h18 en direction de Monaco-Ville avec l'50 d'avance sur l'horaire théorique (Annexe 1). Le bus s'immobilise près de 4 minutes à l'arrêt puis quitte ce dernier à 20h22 mais ne se rend pas à Monaco-Ville comme l'indique son service et tourne à gauche directement, empruntant l'avenue du Port et se dirige vers le parking des Pêcheurs (fin de service pour les bus de la ligne 1 et 2).

II se présente à 20h23 à l'entrée du Parking des Pêcheurs (Annexe 2, connexion Wifi à 20h23mn 50s) et s'immobilise dans le parking à 20h24mn 47s (Annexe 3).

J'ai effectué la vérification auprès du CIGM pour savoir si une fermeture de l'avenue de la Porte Neuve aurait empêché notre agent d'effectuer convenablement la fin de son parcours de ligne mais rien ne figure sur la main courante des opérateurs en fonction ce soir-là.

Je ne comprends pas pourquoi l'agent M. a indiqué un supplément de 10 minutes à son service alors que sa fin de service réelle correspond à une minute près à la fin de service théorique.

Je reste à votre disposition pour plus de précisions ».

– Un rapport spécial du même jour, établi également par Monsieur M. ainsi libellé :

« Objet : vérification de passage aux arrêts

À l'issue d'un précédent contrôle concernant l'agent M. qui avait » raccourci « son service sans instruction de sa hiérarchie le 8 octobre 2015, je souhaite vous indiquer un autre dysfonctionnement constaté sur ce même agent.

Cela concerne le 18 septembre 2015, l`agent M a. a effectué le service 106 avec le bus n° 136.

II se présente à l'arrêt Place d'Armes en direction de Monaco-Ville à 20h14, soit 10 minutes avant la fin théorique de son service (Annexe 1). À 20h15, le bus démarre et comme cela a été constaté sur la soirée du 8 octobre dernier, emprunte directement l'avenue du Port en tournant à gauche pour rejoindre le parking des pêcheurs sans desservir le dernier arrêt du parcours, soit Monaco-Ville.

À 20h17, le bus 136 se présente à l'entrée du parking des pêcheurs (Annexe 2).

J'ai effectué à nouveau la vérification auprès du CIGM pour savoir si une fermeture de l'avenue de la Porte Neuve aurait empêché notre agent d'effectuer convenablement la fin de son parcours de ligne mais rien ne figure sur la main courante des opérateurs en fonction ce soir-là.

En moins d'un mois, cet agent a effectué à 2 reprises cette manœuvre non autorisée.

Je reste à votre disposition pour plus de précisions ».

– La fiche horaire de la ligne 106 dans laquelle il est expressément mentionné :

« après la desserte de Monaco-Ville, prendre les voyageurs pour place d'Armes et rentre au parking des Pêcheurs pour 20h20. FIN DE SERVICE ».

La fiche horaire à destination des usagers (consultable sur le site internet de la C.A.M.) indique également que le dernier arrêt desservi sur la ligne 2 dans le sens Jardin Exotique/Monaco-Ville est Monaco-Ville et non Place d'Armes.

Il n'appartient pas à l'agent de décider unilatéralement, en dehors de toute considération liée à des difficultés de circulation, de ne pas assurer ce dernier arrêt, même si aucun passager ne monte à l'arrêt Place d'Armes, et ce, d'autant plus que Monsieur a. M. avait pour consigne de prendre les voyageurs qui auraient pu se trouver à l'arrêt de Monaco-Ville pour les descendre jusqu'à l'arrêt de la Place d'Armes.

Monsieur a.M.ne saurait se retrancher derrière la mention figurant sur la girouette du bus («  ne prend plus de voyageurs ») dans la mesure où il lui appartenait d'afficher le bon code afin d'informer les usagers.

Enfin, l'annexe n° 1 de la Convention de Concession du 8 octobre 2013 « cahier des charges pour l'exploitation du service de transport public de voyageurs de la Principauté de Monaco » détaille les points d'arrêt de chaque ligne et l'arrêt Monaco-Ville y est mentionné.

En agissant de la sorte, en contravention aux instructions de son employeur, Monsieur a. M. a eu un comportement fautif justifiant une sanction disciplinaire.

Sur les falsifications de feuille de route

Monsieur a. M. ne conteste pas les faits reprochés à ce titre mais estime qu'ils ne peuvent constituer une faute, ne s'agissant en aucune manière d'une falsification.

Il soutient que les 10 minutes comptabilisées en plus correspondent à l'ouverture et à la fermeture de la billettique, au temps que l'agent met à compter et remettre sa caisse, faire le tour de son bus pour vérifier son état et la présence d'objet oublié ; le temps de service n'étant pas identique au temps passé par l'agent à son poste et sur son lieu de travail, et ce postérieurement à la fermeture de la billettique.

Une directive européenne définit le temps de travail comme « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur, et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales » (Dir. cons. CE n° 93/104, 23 nov. 1993, art. 2).

À ce titre, tout le temps passé par le salarié dans les locaux de l'entreprise, dans le cadre de ses obligations professionnelles, doit en principe être considéré comme du temps de travail effectif.

En effet, lorsqu'il se trouve pour ce motif dans l'enceinte de l'entreprise, le salarié est en permanence, sauf rares exceptions, à la disposition de son employeur.

Tout ce temps est donc présumé consacré à son activité professionnelle.

Les temps passés, dans l'entreprise, au poste de travail, qu'ils soient consacrés ou non à l'exercice des fonctions ou d'une activité professionnelle, doivent être entièrement comptabilisés comme temps de travail dès lors que le salarié reste sous le contrôle et l'autorité de son employeur.

Doivent donc être pris en compte tous les temps que consacre le salarié à des activités exercées pour le compte de l'entreprise, que ceux-ci correspondent à des tâches accessoires à son travail ou sans rapport avec lui.

Il en va ainsi notamment du temps consacré à la mise en route des machines, au rangement des outils et/ou à leur nettoyage, à la transmission ou à la réception de consignes.

Eu égard à ces principes, l'argumentation de Monsieur a. M. devrait permettre de retenir le temps consacré à faire le tour du bus (intérieur et extérieur) et pour se rendre au bureau pour déposer la caisse comme du temps de travail.

L'employeur soutient quant à lui que le service du chauffeur prend fin lors de la fermeture de la billettique, laquelle est formalisée par la pression de la touche « transfert réseau » figurant sur le pupitre SAE.

Le Tribunal remarque sur ce point que la C.A.M. ne donne aucune précision sur le temps passé par le chauffeur postérieurement à la fermeture de la billettique tel que décrit ci-dessus.

Un doute sur la réalité et la matérialité de la faute doit dès lors être retenu dans l'intérêt du salarié, de sorte que le grief lié à la falsification des feuilles de route ne sera pas retenu.

Il résulte de l'ensemble de l'argumentation développée supra que le licenciement dont Monsieur a. M. a fait l'objet est fondé sur une cause valable.

Il sera dans ces circonstances débouté de sa demande d'indemnité de licenciement.

Sur le caractère abusif de la rupture

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il appartient à celui qui réclame des dommages-intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Au cas particulier, Monsieur a. M. sollicite d'être indemnisé à hauteur de la somme de 35.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail.

L'analyse qui précède a permis de constater que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement se sont avérés fondés.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Force est de constater que Monsieur a. M. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Le Tribunal relève en effet que le demandeur ne développe aucune argumentation quant à un quelconque motif fallacieux.

Monsieur a. M. soulève le caractère vexatoire du licenciement.

Il résulte des pièces du dossier que Monsieur a. M. a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de la réunion du conseil de discipline, laquelle ne saurait constituer un abus de la part de l'employeur au regard des faits reprochés au salarié.

Il apparaît encore que l'employeur a parfaitement respecté la procédure en matière de sanction disciplinaire.

Monsieur a. M. a été reçu en entretien, ce qui a donné lieu à un courrier par lui adressé à l'employeur le 18 novembre 2015, dans lequel il reconnaît avoir eu des propos blessants à l'encontre du Directeur et de son épouse.

Aucun abus de l'employeur dans la mise en œuvre de la rupture (précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné) ne peut être retenu.

Le Tribunal relève cependant des propos particulièrement vexatoires contenus dans la lettre de licenciement concernant le grief sur « les feuilles de route », dans la mesure où ce dernier n'a pas été retenu.

En effet, l'employeur utilise les termes de « fraude intentionnelle organisée et récurrente... vous avez continué à abuser de sa confiance pour améliorer vos revenus ».

Il convient dès lors de retenir l'existence d'un préjudice moral causé par de tels propos, lequel sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 5.000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les dépens

La S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO sera condamnée aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette la demande de jonction présentée par la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO ; Condamne la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO à payer à Monsieur a. M. la somme de 371,74 euros (trois cent soixante et onze euros et soixante-quatorze centimes), à titre de rappel de prime de repas décalé, outre celle de 37,17 euros (trente-sept euros et dix-sept centimes) au titre des congés payés afférents, avec intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2016, date de la convocation devant le Bureau de Conciliation et exécution provisoire ;

Dit que le licenciement de Monsieur a. M. par la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO est fondé sur un motif valable mais revêt un caractère abusif ;

Condamne la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO à payer à Monsieur a.M.la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la S.A.M. COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO aux dépens du présent jugement.

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-François CULLIEYRIER, José GIANNOTTI, membres employeurs, Messieurs Lionel RAUT, Philippe LEMONNIER, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le vingt-cinq juin deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Jean-François CULLIEYRIER, José GIANNOTTI, Lionel RAUT et Philippe LEMONNIER, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19281
Date de la décision : 25/06/2020

Analyses

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.Il appartient à celui qui réclame des dommages-intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.En l'espèce, aucun abus de l'employeur dans la mise en œuvre de la rupture (précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné) ne peut être retenu. Le Tribunal relève cependant des propos particulièrement vexatoires contenus dans la lettre de licenciement concernant le grief sur « les feuilles de route », dans la mesure où ce dernier n'a pas été retenu. En effet, l'employeur utilise les termes de « fraude intentionnelle organisée et récurrente... vous avez continué à abuser de sa confiance pour améliorer vos revenus ». Il convient dès lors de retenir l'existence d'un préjudice moral causé par de tels propos, lequel sera correctement indemnisé par l'allocation d'une somme de 5.000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Contrats de travail  - Rupture du contrat de travail.

Contrat de travail - Licenciement abusif - Rupture abusive (oui) - Dommages-intérêts (oui).


Parties
Demandeurs : Monsieur a. M.
Défendeurs : SAM COMPAGNIE DES AUTOBUS DE MONACO

Références :

article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2020-06-25;19281 ?

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