Abstract
Contrat de travail - Licenciement - Indemnité de préavis (non) - Renonciation expresse à l'exécution du préavis - Indemnité de licenciement (oui) - Faculté de renonciation (non) - Montant - Application de la loi française
Résumé
L'inexécution du préavis par le salarié ayant été décidée d'un commun accord entre les parties, suivant document signé des parties, aucune indemnité compensatrice de préavis ne lui est donc due. Le tribunal souligne que le salarié, qui prétend ne pas avoir saisi la portée du document s'est présenté sans demander l'intervention d'un interprète.
L'article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968 renvoie au montant minimum légal de la région économique voisine, qui est la France, si bien que l'indemnité légale de congédiement monégasque doit correspondre à son équivalent français, l'indemnité légale de licenciement. Le Décret n° 2017-1398 daté du 25 septembre 2017, publié le 26 septembre est entré en vigueur le 27 septembre et s'applique à Monaco pour les licenciements notifiés à partir du 27 septembre 2017. S'agissant d'une indemnité légale, le salarié ne pouvait y renoncer, contrairement à l'indemnité de préavis qui est liée à une exécution de la prestation de travail.
Motifs
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 4 JUIN 2020
* En la cause de Monsieur f. M. G. R., demeurant X1 à MENTON (06500) ;
Demandeur, comparaissant en personne ;
d'une part ;
Contre :
* La société à responsabilité limitée A, dont le siège social se X2 à MONACO, prise en la personne de son gérant en exercice ;
Défenderesse, comparaissant en personne ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 13 novembre 2019, reçue le 15 novembre 2019 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 36-2019/2020 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 décembre 2019 ;
Vu les conclusions de Monsieur f. M. G. R. en personne, en date du 13 février 2020 ;
Ouï Monsieur f. M. G. R. en personne, en ses observations et explications ;
Ouï la SARL A, en personne, en ses observations et explications ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Par requête en date du 13 novembre 2019, reçu au greffe le 15 novembre 2019, Monsieur f. M. G. R. a saisi le Tribunal du Travail en conciliation des demandes suivantes, à l'encontre de la SARL A :
* - 4.600 euros correspondant à deux mois de préavis,
* - 1.725 euros correspondant à une indemnité d'un quart de salaire par an.
Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.
Monsieur f. M. G. R. a déposé des conclusions dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :
* - au début du mois de mars, l'employeur lui a indiqué qu'il n'avait plus de travail,
* - la lettre de licenciement est intervenue le 15 mars 2019,
* - il a signé les papiers qui lui ont été présentés par l'employeur mais sans comprendre ce qu'il signait,
* - l'inspection du travail lui a dit que « beaucoup de choses n'étaient pas légales »,
* - l'employeur n'a jamais répondu aux courriers de l'Inspection du Travail.
L'employeur a soutenu qu'il y avait eu un accord avec le salarié pour qu'il quitte l'entreprise mais que celui-ci ne l'a pas respecté.
SUR CE,
* Sur l'indemnité de préavis :
La loi n° 729 du 16 mars 1963 fixe la durée du préavis à un mois, si l'ancienneté du salarié au service d'un même employeur est supérieure à six mois ininterrompus ou à deux mois si cette ancienneté est supérieure à deux années ininterrompues.
En cas d'inexécution par le salarié du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable.
En l'espèce, le licenciement est intervenu par courrier en date du 15 mars 2019 remis en main propre au salarié.
Le même jour, Monsieur f. M. G. R. a signé un document intitulé « attestation », ainsi libellée :
« Je soussigné M. G. f. déclare ne pas vouloir faire les 2 mois de préavis dû à la SARL A suite au licenciement et par la même occasion, déclare renoncer aux indemnités qui me sont dû ».
Le salarié soutient ne pas avoir saisi toute la portée de ce document.
Le Tribunal relève que le demandeur s'est présenté sans avocat et n'a jamais demandé l'intervention d'un interprète, tant devant le Bureau de Conciliation que devant le Bureau de Jugement.
Ce faisant, le document par lui signé le 15 mars 2019 doit être retenu.
L'inexécution du préavis par le salarié a ainsi été décidée d'un commun accord entre les parties et aucune indemnité compensatrice de préavis ne lui est due.
Monsieur f. M. G. R. sera débouté de ce chef de demande.
* Sur l'indemnité d'un quart de salaire par an :
Monsieur f. M. G. R. sollicite la somme de 1.725 euros à ce titre.
Les pièces de son dossier montrent qu'il s'agit de l'indemnité de congédiement.
Aux termes de l'article 1er de la loi n° 845 du 27 juin 1968, « Tout salarié, lié par un contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de congédiement dont le montant minimum ne pourra être inférieur à celui des indemnités de même nature versés aux salariés dans les mêmes professions, commerces et industries de la région économique voisine ... ».
Cette disposition légale monégasque renvoie au montant minimum légal de la région économique voisine ( Cour de Révision, 26 mars 1998, société E c/ I ), qui est la France, si bien que l'indemnité légale de congédiement monégasque doit correspondre à son équivalent français, l'indemnité légale de licenciement ( articles L.1234-9, R. 1234-2, R.1234-4 du Code du travail français ).
Le Décret ( MACRON ) n° 2017-1398 daté du 25 septembre 2017, publié le 26 septembre est entré en vigueur le 27 septembre et s'applique à Monaco pour les licenciements notifiés à partir du 27 septembre 2017.
Le nouveau mode de calcul de l'indemnité de congédiement à Monaco est désormais fixé comme suit :
* - un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans (au lieu de 1/5ème de mois par année d'ancienneté),
* - un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans (identique à l'ancien calcul de 1/5ème + 2/15èmes de mois par année au-delà de dix ans).
S'agissant d'une indemnité légale, le salarié ne pouvait y renoncer, contrairement à l'indemnité de préavis qui est liée à une exécution de la prestation de travail.
En conséquence, la demande en paiement de la somme de 1.041,18 euros au titre de l'indemnité de congédiement doit être accueillie en l'absence de contestation du calcul opéré.
Les trois derniers mois travaillés avant la rupture à prendre en considération sont les suivants : décembre 2018, janvier et février 2019.
Ainsi, la moyenne de ces trois derniers mois permet de retenir un salaire de référence de 2.021,13 euros, aucun élément n'étant produit permettant de calculer la moyenne sur les douze mois précédant la rupture.
Soit une moyenne de 2.021,13 euros, somme constituant le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité de congédiement.
Monsieur f. M. G. R. bénéficiait d'une ancienneté de 2 ans et 6 mois.
L'indemnité de congédiement s'élève ainsi à la somme de 1.263,20 euros, qui se décompose comme suit :
* - 2.021,13 x 1/4 x (2 + 6/12)
avec la précision qu'il faut tenir compte des mois entiers.
* Sur les dépens :
Partie succombante, la SARL A sera condamnée aux dépens.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort et après en avoir délibéré,
Condamne la SARL A à payer à Monsieur f. M. G. R. la somme de 1.263,20 euros ( mille deux cent soixante-trois euros et vingt centimes ) à titre d'indemnité de congédiement ;
Déboute Monsieur f. M. G. R. du surplus de ses demandes ;
Condamne la SARL A aux dépens du présent jugement ;
Composition
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Francis GRIFFIN, Régis MEURILLION, membres employeurs, Messieurs Fabrizio RIDOLFI, Silvano VITTOROSIO, membres salariés, et lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique, au Palais de Justice, le quatre juin deux mille vingt, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Francis GRIFFIN, Régis MEURILLION, Fabrizio RIDOLFI et Silvano VITTOROSIO, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais.
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