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26/09/2019 | MONACO | N°18453

Monaco | Tribunal du travail, 26 septembre 2019, Madame o. B. c/ La société A


Abstract

Contrat de travail - Licenciement - Motif valable (non) - Fondement sur des faits déjà sanctionnés - Indemnité de licenciement (oui) - Rupture abusive (non) - Dommages-intérêts (non) - Harcèlement - Application des règles de droit commun - Responsabilité de l'employeur non établie

Résumé

La salariée a été licenciée pour les mêmes faits que ceux pour lesquels elle a fait l'objet d'un avertissement alors que l'employeur avait épuisé son pouvoir de sanction. Le licenciement est dans ces circonstances dépourvu de cause valable. La demanderesse est

dès lors en droit de prétendre à l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de ...

Abstract

Contrat de travail - Licenciement - Motif valable (non) - Fondement sur des faits déjà sanctionnés - Indemnité de licenciement (oui) - Rupture abusive (non) - Dommages-intérêts (non) - Harcèlement - Application des règles de droit commun - Responsabilité de l'employeur non établie

Résumé

La salariée a été licenciée pour les mêmes faits que ceux pour lesquels elle a fait l'objet d'un avertissement alors que l'employeur avait épuisé son pouvoir de sanction. Le licenciement est dans ces circonstances dépourvu de cause valable. La demanderesse est dès lors en droit de prétendre à l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

En droit français, un licenciement sans cause réelle et sérieuse est abusif et entraîne automatiquement l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. En droit monégasque, un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif. En l'espèce, la demanderesse n'invoque aucun abus de l'employeur dans la mise en œuvre de la rupture, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

La loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relatif au harcèlement et à la violence au travail n'étant pas applicable au moment de la rupture, la responsabilité de l'employeur doit être recherchée par application du droit commun. La salariée ne rapporte pas la preuve d'actes répétés d'harcèlement sexuel de la part d'un autre employé, le seul mail produit est insuffisant. Elle n'établit pas non plus avoir informé l'employeur. Elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 26 SEPTEMBRE 2019

* En la cause de Madame o. B., demeurant X1à NICE (06300) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Caroline MACHAUX, avocat au barreau de Nice, substituée par Maître Marie PORTHE, avocat en ce même barreau ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alice PASTOR, avocat près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 19 mars 2018, reçue le 20 mars 2018 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 54-2017/2018 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 10 avril 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur au nom de Madame o. B. en date des 17 mai 2018, 6 décembre 2018 et 14 mars 2019 ;

Vu les conclusions de Maître Alice PASTOR, avocat au nom de la S. A. M. A, en date des 4 octobre 2018, 7 février 2019 et 9 mai 2019 ;

Après avoir entendu Maître Marie PORTHE, avocat au barreau de Nice pour Madame o. B. et Maître Alice PASTOR, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour la S. A. M. A en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame o. B. a été embauchée par la société anonyme monégasque A (ci-après A) et détachée au sein de l'établissement situé à Nice à compter du 10 décembre 2015 dans la mesure où elle ne pouvait obtenir la délivrance d'une autorisation d'embauchage selon la législation monégasque.

La S. A. M. A a été autorisée à embaucher Madame o. B. le 10 novembre 2016 et un avenant à son contrat de travail a été signé entre les parties le même jour aux termes duquel Madame o. B. a été promue « responsable commerciale » avec pour mission de préserver et de renforcer la présence commerciale et l'image de marque de la défenderesse au Nigéria.

Par lettre en date du 5 septembre 2017, Madame o. B. a reçu un avertissement.

Madame o. B. a ensuite été licenciée par courrier en date du 11 septembre 2017, avec dispense d'exécuter son préavis.

Par requête en date du 19 mars 2018, reçue au greffe le 20 mars 2018, Madame o. B. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* dire et juger que son licenciement ne repose pas sur un motif valable et revêt un caractère abusif,

* condamner la S. A. M. A à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité de licenciement : 2.264,97 euros nets,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif : 20.000 euros,

* rappel de salaire du mois de novembre 2016 à septembre 2017 : 2.200 euros bruts,

* commissions mensuelles du mois de novembre 2016 à septembre 2017 : 19.152,22 euros bruts,

* indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaire et commissions : 2.135,22 euros bruts,

* dommages et intérêts au titre des faits de harcèlement moral : 13.200 euros nets,

* intérêts au taux légal et moratoires à compter de la saisine du Tribunal du travail,

* remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un bulletin de salaire mentionnant les indemnités allouées et les rectificatifs apportées (rappel de salaires, commissions mensuelles, indemnité compensatrice de congés payés susmentionnées),

* exécution provisoire,

* dépens de l'instance.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Madame o. B. a déposé des conclusions les 17 mai 2018, 6 décembre 2018 et 14 mars 2019 dans lesquelles elle fait essentiellement valoir que :

sur le licenciement :

* le 5 septembre 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable au terme duquel un avertissement lui a été infligé,

* le 11 septembre 2017, elle a été licenciée pour les mêmes faits que ceux ayant motivé l'avertissement,

* tenant le principe de la prohibition de la double sanction, le licenciement est abusif,

* elle n'a pas réitéré un comportement fautif entre le 5 et le 11 septembre 2017 et elle n'a pas non plus commis de nouvelle faute durant cette période,

* dans ses écritures, la société se réfère exclusivement aux motifs évoqués dans la lettre d'avertissement pour tenter de justifier le bienfondé du licenciement,

* dans ses dernières écritures, la société invoque des faits découverts postérieurement à l'avertissement sur l'ampleur de sa négligence dans le suivi de ses dossiers,

* il est fait état d'un seul client dont le mécontentement était antérieur à son arrivée,

sur le harcèlement :

* très rapidement après son embauche, elle a fait l'objet d'un harcèlement au travail de la part de son supérieur hiérarchique, Monsieur f. R.

* ce dernier n'avait en effet de cesse de lui faire des remarques déplacées à connotation sexuelle ou sur son physique,

* elle lui a adressé un mail le 23 mai 2016 aux termes duquel elle lui demandait de cesser cette attitude inconvenante,

* Monsieur f. R. ne prenait pas la peine de lui répondre,

* elle a également averti la Direction par mail du comportement inapproprié de Monsieur f. R. sans que celle-ci ne réagisse,

* elle est contrainte de consulter régulièrement un médecin depuis le mois de décembre 2016,

* son état de santé s'est d'ailleurs aggravé puisque depuis juin 2017, elle présente des troubles du sommeil avec anxiété et troubles de l'humeur pour lesquels elle est régulièrement suivie par le Docteur BR.,

sur les rappels de salaire :

* lors de son passage de l'antenne de Nice à la société monégasque, son salaire a fait l'objet d'une diminution de 10 %, à compter du 10 novembre 2016,

* elle a informé la société de cette irrégularité par lettre du 11 avril 2017 mais aucune suite n'y a été donnée,

* elle n'a pas reçu le paiement des commissions mensuelles qui étaient pourtant convenues et déterminées dans son contrat de travail.

* La S. A. M. A a déposé des conclusions les 4 octobre 2018, 7 février 2019 et 9 mai 2019 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

sur le licenciement :

* les griefs énoncés dans la lettre de licenciement n'étaient pas exhaustifs,

* l'employeur n'est pas lié par le motif énoncé dans la lettre de licenciement et peut invoquer d'autres motifs à condition qu'ils soient également à l'origine de la rupture,

* elle reproche à Madame o. B. outre les griefs déjà sanctionnés, sa négligence fautive dans la conduite de ses missions, laquelle se manifeste à travers un incident survenu avec un client au Nigéria,

* plusieurs manquements contractuels de la salariée ont été mis à jour, alors que sa mission première était de veiller au traitement et au suivi des commandes,

* Madame o. B. ne gérait pas une dizaine de dossiers mais seulement deux dossiers clients, de sorte que les manquements reprochés ne sont pas isolés, ni dénués d'importance,

sur le harcèlement :

* Madame o. B. n'a jamais porté à la connaissance de l'employeur les faits dont elle se prétend victime,

* il ne peut dès lors lui être reproché aucune faute sur ce point,

sur le rappel de salaire :

* le contrat de travail du 10 novembre 2016 prévoit une modification du système de rémunération de la salariée et de son périmètre de compétence,

* le document est paraphé et signé par Madame o. B. qui a ainsi manifesté son accord,

* le salaire brut de Madame o. B. ne s'est pas accompagné d'une baisse effective du net perçu, les retenues étant moindres à Monaco,

* à partir du 10 novembre 2016, la demanderesse a perçu en plus de son salaire fixe, des commissions qui ont abouti à une augmentation effective de son salaire,

* seul l'encaissement du prix payé par les clients ouvre droit au paiement au profit de Madame o. B. d'une commission de 0,70 %,

* Madame o. B. ne justifie pas le montant réclamé au titre des commissions.

SUR CE,

* Sur le cumul des sanctions disciplinaires et la validité du motif de rupture :

En vertu du principe dit du non-cumul des sanctions disciplinaires, un même fait ne peut faire l'objet de deux sanctions successives.

Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.

Madame o. B. a été licenciée par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 11 septembre 2017, ainsi libellé :

« Madame,

Nous faisons suite à l'entretien que nous avons eu le 5 septembre, au cours duquel nous vous avons remis un avertissement.

Cet entretien ne nous permettant pas d'envisager une collaboration future en toute sérénité et efficacité, nous sommes au regret de procéder par la présente à votre licenciement.

Compte-tenu de la situation, nous vous dispensons d'effectuer le préavis d'un mois auquel vous avez droit selon la législation à Monaco. Ce préavis vous sera indemnisé.

Nous vous confirmons donc que vous serez libre de tout engagement vis-à-vis de notre société à compter de ce jour.

(...). ».

Il apparaît à la lecture de cette lettre de licenciement que l'employeur ne formule aucun reproche à la salariée, se référant simplement à l'avertissement infligé le 5 septembre 2017.

L'employeur soutient que n'étant pas lié par le motif énoncé dans la lettre de licenciement, il est en droit d'invoquer des griefs non mentionnés dans celle-ci à la condition que ceux-ci soient également à l'origine de la rupture.

Pour autant, encore faut-il qu'un grief ait été reproché au salarié dans la lettre de rupture, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La possibilité d'invoquer des griefs non visés dans la lettre de licenciement ne saurait pallier la carence de l'employeur dans l'évocation d'un motif, au moins, dans ladite lettre.

Par ailleurs, l'employeur qui, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à une salariée, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits connus avant la date de notification de la première sanction.

De nouveaux faits fautifs survenus après l'envoi de la lettre notifiant une sanction disciplinaire peuvent justifier une nouvelle sanction, à condition que des griefs nouveaux soient établis.

Dans le cas d'espèce, force est de constater que l'employeur n'invoque aucun grief commis par Madame o. B. entre le 5 et le 11 septembre 2017.

Il avance des faits antérieurs à la lettre d'avertissement en date du 5 septembre 2017.

Bien plus, les courriels produits par l'employeur et destinés à démontrer l'incident avec Messieurs S. et T. ont été adressés, par ces derniers, en copie à Madame c. D. Directrice Générale de la société défenderesse.

L'employeur ne pouvait dès lors ignorer l'existence du différend existant entre Madame o. B. et Messieurs S. et T. lorsqu'il a averti celle-ci le 5 septembre 2017.

Il a donc épuisé son pouvoir disciplinaire pour ces faits.

Il apparaît ainsi que Madame o. B. a été licenciée pour les mêmes faits que ceux pour lesquels elle a fait l'objet d'un avertissement.

Il en résulte que par cette sanction, l'employeur a épuisé son pouvoir de sanction et la salariée ne pouvait être sanctionnée deux fois pour les mêmes faits.

Le licenciement de Madame o. B. est dans ces circonstances dépourvu de cause valable.

La demanderesse est dès lors en droit de prétendre à l'indemnité de licenciement prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, d'un montant de 2.264,97 euros, ce dernier étant retenu en l'absence de contestation du calcul opéré, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

* Sur le caractère abusif de la rupture :

Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister, dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Au cas particulier, Madame o. B. sollicite d'être indemnisée à hauteur de la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice.

Le Tribunal relève que la demanderesse ne développe aucune argumentation quant à un quelconque motif fallacieux.

Madame o. B. soutient que s'agissant d'un faux motif, le licenciement doit être déclaré abusif.

Le faux motif ne peut caractériser de facto l'abus de l'employeur, à défaut, cela reviendrait à utiliser la notion française de « cause réelle et sérieuse ».

En effet, en droit français, un licenciement sans cause réelle et sérieuse (fondé sur un faux motif) est abusif et entraîne automatiquement l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

En droit monégasque, un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif.

Enfin, la demanderesse n'invoque aucun abus de l'employeur dans la mise en œuvre de la rupture (précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné).

Eu égard à ces observations, Madame o. B. sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

* Sur le harcèlement au travail :

La notion de harcèlement moral invoquée par la demanderesse et reconnue par la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relatif au harcèlement et à la violence au travail n'était pas consacrée par le législateur au moment de la rupture, en sorte qu'au cas d'espèce, la responsabilité éventuelle de l'employeur ne pouvait être recherchée qu'à raison de manquements graves de son fait ou du fait de ses salariés en s'étant abstenu de prendre les mesures appropriées pour faire cesser la situation de harcèlement moral dénoncée qui sont susceptibles d'affecter la santé du salarié .

Dès lors, la responsabilité de l'employeur peut être recherchée à cet égard par application des règles de droit commun :

* - sur le fondement de l'obligation de bonne foi prévue par l'article 989 du Code civil,

* * lorsqu'il est l'auteur, dans des circonstances liées au travail, d'agissements (abus, menaces, humiliations, mises à l'écart) entraînant ou étant susceptibles d'entraîner notamment une dégradation de la santé physique ou mentale de ses salariés,

* * lorsqu'il a été informé d'une situation de harcèlement moral ou de difficultés relationnelles entre ses salariés et s'est abstenu de prendre les mesures appropriées,

* - sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil, lorsque les agissements sus évoqués ont été commis par un de ses employés dans le cadre du lien de préposition.

Cependant, l'employeur n'est nullement tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral, au regard des dispositions légales monégasques applicables lors de la rupture.

En tout état de cause, il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits de harcèlement moral qu'il invoque, étant relevé que le Tribunal du travail peut apprécier les présomptions, qui ne sont pas établies par la loi, dans les conditions fixées par l'article 1200 du Code civil.

Madame o. B. soutient dans ses écritures que Monsieur f. R. n'avait de cesse de lui faire des remarques déplacées à connotation sexuelle ou sur son physique.

Le harcèlement sexuel résulte tout d'abord de propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Le salarié ne saurait subir des agissements de harcèlement sexuel.

Pour étayer ses affirmations, Madame o. B. produit aux débats les éléments suivants :

Un courriel adressé à Monsieur f. R. le 23 mai 2016, ainsi libellé :

« Subject : STOP DE M'HARCELER

Fred,

Vraiment, je te prie de m'harceler.

J'ai pas envie de ton trouble, et vraiment, ton comportement manque de respecte pour moi.

Je peux continuer de rire quand tu fais cela, je suis pas ici pour faire des bêtises.

Merci de se respecter,

n.».

Un certificat médical en date du 17 avril 2018, établi par le Docteur Lauriane BROUSSE, Généraliste, en ces termes :

« Je soussignée, Dr BR. LA., Docteur en médecine, certifie suivre l'état de santé de mademoiselle o. B. depuis décembre 2016.

Elle présente des troubles du sommeil avec anxiété et troubles de l'humeur depuis juin 2017 pour lesquelles je la suis régulièrement. ».

Ces constatations médicales ne démontrent pas qu'elles sont la conséquence d'un quelconque harcèlement sexuel.

Il convient encore de préciser qu'il doit s'agir d'actes répétés de harcèlement sexuel.

Le seul mèl visé supra adressé à Monsieur f. R. ne saurait dès lors à lui seul justifier ces actes de harcèlement répétés.

Madame o. B. indique encore avoir averti la direction par mail du comportement inapproprié de Monsieur f. R. sans que celle-ci ne réagisse. Elle vise à ce titre la pièce n° 11-1 produite par la défenderesse qu'il convient de reprendre :

Courriel de Madame o. B. à Madame c. D. dont copie à n. B. f. R. p-f. C.:

« Objet : VOTRE AUTORISATION DE TRAVAIL À RENOUVELER AVANT LA FIN DE LA SEMAINE.

Bonjour c.

Je vous présente mes excuses pour ce qui s'est passé ce matin en particulier si certaines personnes au bureau pensent que j'ai crié et les ai insultés alors que j'ai été sommée de quitter le bureau par le directeur financier f. R..

La seule raison pour laquelle j'ai quitté tient à la manière odieuse dont j'ai été sommée de quitter et je confirme qu'il ne m'a pas conseillée de me rendre à la main d'œuvre.

Cordialement. ».

À la lecture de ce document, il n'apparaît aucunement que la salariée a alerté l'employeur d'actes de harcèlement sexuel de la part de Monsieur f. R.

Il est seulement fait état d'un différend entre collègues de travail (lequel a d'ailleurs donné lieu à l'avertissement en date du 5 septembre 2017).

Bien plus, Madame o. B. semblait entretenir des relations professionnelles difficiles avec ses collègues de travail, ce qui a conduit ces derniers à interpeller Madame c. D. par mèl du 4 août 2017 en ces termes :

« Bonjour c.

Toute l'équipe en copie se joint à moi pour vous demander une réunion en présence de p-f.& f. le lundi 28 août concernant n. suite à son retour de tournée.

Nous vous remercions par avance (...). ».

Dans ces circonstances, en l'état des explications et des pièces fournies, Madame o. B. n'établit pas l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui étudiés dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel à son encontre.

La demanderesse sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

* Sur le rappel de salaire :

Madame o. B. sollicite la somme brute de 2.200 euros pour la période du 10 novembre 2016 au terme de son contrat de travail.

La demanderesse produit une promesse d'embauche en date du 3 novembre 2015, laquelle n'a pu recevoir application dans la mesure où la Direction du travail informait l'employeur le même jour que l'autorisation d'embauchage concernant Madame o. B. ne pouvait être accordée ; ce qui a amené la société défenderesse à détacher la salariée au sein de l'établissement de Nice et dans les conditions salariales prévues dans la promesse d'embauche.

Par la suite, une autorisation d'embauchage a été accordée le 22 novembre 2016 et un contrat de travail a été signé à cette fin le 10 novembre 2016 prévoyant :

« Mme B o. bénéficiera d'un salaire mensuel brut d'un montant de EUR 2.000,00 (deux mille EUROS) pour 169 heures de travail mensuel.

À ce salaire de base s'ajoutera un 13ème mois de même montant (calculé prorata temporis) et une commission de 0,70 % calculée mensuellement sur le chiffre d'affaires réalisé et encaissé, estimé à ce jour à EUR 3.000.000 pour l'année 2017. ».

Pour soutenir sa thèse, Madame o. B. produit un courrier que lui a adressé l'employeur le 10 novembre 2016, dans lequel il lui précise :

« (...) Vous trouverez ci-joint un exemplaire de votre nouveau contrat de travail monégasque précisant vos nouvelles attributions. Comme nous vous l'avons indiqué tous vos avantages acquis en terme de salaires, prorata de 13ème mois et tous vos droits à congés sont intégralement repris sur votre nouveau contrat de travail, vous ne subirez dès lors aucune perte d'aucune sorte bien au contraire. ».

Ce faisant, le Tribunal relève que le contrat de travail monégasque prévoit une rémunération variable, laquelle n'était pas prévue lors de son détachement en France.

Madame o. B. a paraphé les pages de ce nouveau contrat et apposé sa signature, acceptant par là-même la rémunération y figurant et ce, en toute connaissance de cause.

Madame o. B. n'invoque aucune contrainte ou vice du consentement et rien ne l'obligeait à accepter des conditions de rémunération différentes de celles qui étaient prévues dans le cadre de son détachement en France.

Elle sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de ce chef et de celle relative aux congés payés afférents.

* Sur les commissions :

Le contrat prévoit une clause de commissionnement de 0,70 % calculée mensuellement sur le chiffre d'affaires réalisé et encaissé, estimé à ce jour à euros 3.000.000 pour l'année 2017.

L'employeur considère que les sommes versées à Madame o. B. pendant la relation de travail correspondent au chiffre d'affaires encaissés en application de ladite clause.

Cependant, il ne produit aucun élément pour le démontrer alors qu'il est seul en possession des pièces permettant d'accréditer sa thèse.

Dès lors que les parties doivent concourir de manière loyale à la manifestation de la vérité, dans le cadre du procès équitable, le Tribunal estime nécessaire, dans ces conditions, d'ordonner la réouverture des débats afin que la défenderesse (seule en possession de tels éléments de preuve) produise tous justificatifs sur le chiffre d'affaires réalisé et encaissé sur la période du 10 novembre 2016 au 11 octobre 2017, date d'expiration du préavis (non exécuté).

Les dépens sont réservés.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, par jugement mixte, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Dit que le licenciement de Madame o. B. par la société anonyme monégasque A n'est pas fondé sur un motif valable et n'est pas abusif ;

Condamne la S. A. M. A à payer à Madame o. B. la somme de 2.264,97 euros (deux mille deux cent soixante-quatre euros et quatre-vingt-dix-sept centimes) à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute Madame o. B. de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif et pour harcèlement au travail, ainsi que celle relative au rappel de salaire et les congés payés afférents ;

Avant-dire-droit sur les demandes présentées par Madame o. B. au titre des commissions ;

Ordonne la réouverture des débats et enjoint à la S. A. M. A de produire tous justificatifs sur le chiffre d'affaires réalisé et encaissé sur la période du 10 novembre 2016 au 11 octobre 2017, date d'expiration du préavis ;

Dit que le dossier sera rappelé à l'audience de mise en état du JEUDI 14 NOVEMBRE 2019 à 14 heures 15 ;

Réserve les dépens ;

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Jean-Pierre DESCHAMPS, Madame Diane GROULX, membres employeurs, Messieurs Pierre-Franck CRESPI, Lionel RAUT, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-six septembre deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Jean-Pierre DESCHAMPS, Pierre-Franck CRESPI, Lionel RAUT et Madame Diane GROULX, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18453
Date de la décision : 26/09/2019

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : Madame o. B.
Défendeurs : La société A

Références :

article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 1231 alinéa 4 du Code civil
article 989 du Code civil
article 1200 du Code civil
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
loi n° 1.457 du 12 décembre 2017


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2019-09-26;18453 ?

Source

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