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19/09/2019 | MONACO | N°18405

Monaco | Tribunal du travail, 19 septembre 2019, m. M. c/ La société B et autres


Abstract

Tribunal du travail - Contrat de travail (non) - Compétence matérielle (non)

Résumé

L'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 donne compétence exclusive au Tribunal du travail pour connaître des différends individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail. La clause contenant l'obligation à paiement de la somme de 50 000 euros concerne Monsieur M. mais également Monsieur C. qui ne bénéficiait d'aucun contrat de travail au sein de la société C ; de sorte que ladite somme ne peut être assimilée à une contrepartie liée à l'exécution d'un

contrat de travail. En effet, les deux créanciers exerçaient chacun un mandat social au...

Abstract

Tribunal du travail - Contrat de travail (non) - Compétence matérielle (non)

Résumé

L'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 donne compétence exclusive au Tribunal du travail pour connaître des différends individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail. La clause contenant l'obligation à paiement de la somme de 50 000 euros concerne Monsieur M. mais également Monsieur C. qui ne bénéficiait d'aucun contrat de travail au sein de la société C ; de sorte que ladite somme ne peut être assimilée à une contrepartie liée à l'exécution d'un contrat de travail. En effet, les deux créanciers exerçaient chacun un mandat social au sein de la société C et il s'en évince que le versement de la somme de 50 000 euros à chacun d'eux doit être rattaché audit mandat social, à l'exclusion de toute relation salariale. Ce faisant, le Tribunal du travail est incompétent pour connaître de la demande présentée à ce titre par Monsieur M.

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 19 SEPTEMBRE 2019

* En la cause de m. M., demeurant X1à LA TURBIE (06320);

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* 1°) La société anonyme monégasque B sous la dénomination commerciale « C », dont le siège social se situe X5 à MONACO ;

* 2°) Monsieur a. A., demeurant X2à MONACO ;

* 3°) Monsieur p-a D N., demeurant X3à MARSEILLE (13007) ;

* 4°) Monsieur p P., demeurant X4à MONACO ;

Défendeurs, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank m., avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 19-2016/2017 ;

Vu le jugement mixte du Tribunal du travail en date du 26 septembre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur au nom de Monsieur m. M. en date du 6 décembre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Frank m. avocat-défenseur aux noms de la S. A. M. B sous la dénomination commerciale « C », Messieurs p-a D N. p P. et a. A. en date du 14 mars 2019 ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Par jugement mixte en date du 26 septembre 2018, auquel il convient de référer pour un examen plus ample des faits et de la procédure, le Tribunal a :

* dit que la demande de 4.545,44 euros à titre de dommages et intérêts présentée par Monsieur m. M. est irrecevable,

* dit que la demande de 4.545,44 euros à titre de salaire du mois de juillet 2015 est devenue sans objet, la somme ayant été réglée en cours de procédure.

* condamné la société anonyme monégasque B à payer à Monsieur m. M. les sommes suivantes :

* * 12.051,45 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2016 date de la réception au greffe de la citation en conciliation et exécution provisoire,

* * 1.371,73 euros à titre de prime de vacances, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

* * 51,57 euros à titre de solde d'indemnité de départ à la retraite, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

* * 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du retard dans le paiement du salaire du mois de juillet 2015 et des primes et indemnités dus, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

* ordonné la délivrance par la S. A. M. B à Monsieur m. M. dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, la délivrance des bulletins de salaire conformes à la présente décision,

* débouté Monsieur m. M. de sa demande au titre de la prime de 13ème mois,

* dit que la demande reconventionnelle présentée par la S. A. M. B (C), Messieurs p-a D N. p P. et a. A. est irrecevable,

* avant-dire-droit sur la demande de 50.000 euros à titre d'indemnité présentée par Monsieur m. M. dans sa requête,

* ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen de droit soulevé par le Tribunal et tenant à la recevabilité de ladite demande telle que figurant dans les motifs de la présente décision,

* réservé les dépens.

Monsieur m. M. a déposé des conclusions le 6 décembre 2018 dans lesquelles il demande au Tribunal :

« Vu le jugement avant-dire-droit du Tribunal du travail en date du 26 septembre 2018 :

* dire et juger que la demande de Monsieur m. M. de 50.000 euros au titre d'une indemnité est recevable,

* dire et juger que la S. A. M. C et Messieurs p-a D N. a. A. et p P. sont solidairement redevables envers Monsieur m. M. de la somme de 50.000 euros,

en conséquence :

* condamner solidairement la S. A. M. C et Messieurs p-a D N. a. A. et p P. au paiement à Monsieur m. M. de la somme de 50.000 euros représentant l'indemnité qui lui est due,

* assortir la condamnation des intérêts de droit, à compter de la date de la présentation de la requête,

* condamner solidairement la S. A. M. C et Messieurs p-a D N. a. A. et p P. aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat- défenseur, sous sa due affirmation. ».

Il fait essentiellement valoir que :

* il a vendu la totalité de ses actions le 4 novembre 2014,

* à la suite de cette cession, les cessionnaires, Messieurs p-a D N. a. A. et p P. entendaient poursuivre son contrat de travail en sa seule qualité de salarié,

* l'indemnité de 50.000 euros s'inscrivait dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail puisqu'elle était versée en parts égales à la fin de décembre 2014 et à la fin mai 2015 et présente à l'évidence une nature salariale,

* cette indemnité désigne un salaire accessoire.

Les défendeurs ont déposé des conclusions le 14 mars 2019 dans lesquels ils demandent au Tribunal de :

« Vu le jugement prononcé par le Tribunal du travail le 27 septembre 2018.

Donner acte à la société C de ce que le fait d'avoir exécuté la décision dont s'agit assortie de l'exécution provisoire, ne peut valoir acquiescement et/ou renoncement à en interjeter appel.

Bien au contraire, donner aux défendeurs de ce qu'ils se réservent expressément d'en relever appel, s'il échet, concomitamment à la décision à intervenir, et ce compte-tenu des griefs qu'elle leur occasionne.

Se déclarer incompétent pour trancher le litige qui porte sur la demande de condamnation au paiement de la somme de 50.000 euros.

Déclarer irrecevable la demande formulée par Monsieur M. en paiement de cette somme à titre selon le cas d'indemnité ou de rémunération, ou d'indemnité désignant un salaire accessoire, versé en rémunération du labeur engagé par Monsieur M. durant des années, ces demandes reposant sur des fondements différents pour partie non soumis au préliminaire légal de conciliation.

Débouter en toute hypothèse Monsieur m. M. de toutes ses demandes, fins et prétentions, et particulièrement en ce qu'elles sont dirigées contre certaines personnes physiques.

Condamner Monsieur m. M. aux entiers dépens de l'instance. ».

Ils exposent essentiellement que :

* l'acte de cession de titres et son annexe ont été signés concomitamment et Monsieur m. M. avait donc bien encore la qualité d'Associé au moment de la signature de cette annexe sur laquelle le demandeur se fonde,

* la clause litigieuse, obscure et sujette à interprétation, est taisante en ce qui concerne l'identité du débiteur de l'obligation de paiement de la somme de 50.000 euros. Elle ne donne pas plus d'indication sur sa cause ou son objet,

* la clause prévoyait le paiement de la moitié de 50.000 euros dès le mois de décembre 2014, soit un mois à peine après la cession, ce qui semble exclure qu'elle puisse constituer la contrepartie d'un travail,

* la clause ne précise pas plus quelle serait la qualification qui devrait être donnée à ce paiement : indemnité, rémunération ou autre,

* les litiges entre anciens associés ne relèvent pas de la compétence du Tribunal du travail,

* la somme de 50.000 euros est formulée dans une clause qui renvoie incidemment à la notion de « rémunération » sans que l'on sache précisément quelle en serait la contrepartie,

* la demande présentée par Monsieur m. M. devant le bureau de conciliation vise une indemnité et non une rémunération,

* une indemnité dont l'objet est indéfini ne se confond pas avec la notion de rémunération, laquelle renvoie à la notion de salaire et accessoires, et présente une nature complètement différente,

* à supposer que sa demande soit recevable, elle doit reposer sur un objet et une cause identifiable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

SUR CE,

L'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 donne compétence exclusive au Tribunal du travail pour connaître des différends individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail.

Monsieur m. M. fonde sa demande en paiement de la somme de 50.000 euros sur l' « annexe à la cession d'action du vendredi 7 novembre 2014 - protocole sous seing privé », ainsi libellée :

« Entre les soussignés :

* m. M.

* j. C.

* a. A.

Dénommés « les cédants » d'une part,

Et

* p-a. D N.

* p P.

* a. A.

Dénommés « les cessionnaires » d'autre part,

Lesquels préalablement à la cession de titre de ce jour, ont convenu les points suivants :

Pour le temps de présence des cédants :

* j. C. assistera les cessionnaires jusqu'au 24 décembre 2014.

* m. M. continuera sa mission jusqu'au 31 juillet 2015.

Pour la rémunération :

* j. C. percevra son indemnité actuelle d'administrateur ainsi que la prise en charge des frais de son véhicule jusqu'à la fin de la période d'assistance précisée ci-dessus.

* m. M. percevra sa rémunération actuelle jusqu'à la fin de la période précisée ci-dessus. m. M. bénéficiera des mêmes conditions que l'ensemble des salariés de C (augmentation annuelle, CP, frais de déplacements, etc...).

En sus de cette rémunération, il sera versé à chacun d'entre eux 50.000 euros dont 50 à fin décembre 2014 et 50 à fin mai 2015. ».

Force est de constater que cette somme de 50.000 euros n'a reçu aucune qualification par les contractants.

Aux termes des dispositions de l'article 1011 du Code civil, « on doit rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes. ».

L'article 1016 du même code ajoute :

« Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. ».

L'avenant susvisé a été conclu en complément de l'acte de cession d'actions en date du 4 novembre 2014 entre les mêmes parties.

Le Tribunal relève que ce document ne comporte aucune date mais précise en son sein qu'il est établi « préalablement à la cession de titre de ce jour ».

Ainsi qu'il a été relevé, la cession d'actions porte la date du 4 novembre 2014 et l'annexe est intitulée de la manière suivante : « annexe à la cession d'action du vendredi 7 novembre 2014 - protocole sous seing privé » .

Il existe dès lors une discordance entre les deux documents sur la date de cession d'action.

Il résulte néanmoins du document « annexe » que ce dernier est établi le même jour que la cession de titre, laquelle est intervenue le 4 novembre 2014.

Cette annexe était destinée à régler la situation de Monsieur j. C. Administrateur Délégué de la société C et de Monsieur m. M. Président Délégué de cette même société, pendant le temps de présence de ces derniers dans la société reprise par Messieurs p-a D N. a. A. et p P.

Monsieur m. M. avait également la qualité de salarié de la société C.

En s'engageant à continuer à verser au premier, son indemnité d'administrateur, et au second son salaire, les cessionnaires ne sont pas intervenus en leur nom personnel mais pour le compte de la société C qu'ils s'engageaient à reprendre le même jour que l'établissement de l'annexe litigieuse.

La clause contenant l'obligation à paiement de la somme de 50.000 euros concerne Monsieur m. M. mais également Monsieur j. C. qui ne bénéficiait d'aucun contrat de travail au sein de la société C ; de sorte que ladite somme ne peut être assimilée à une contrepartie liée à l'exécution d'un contrat de travail.

En effet, les deux créanciers exerçaient chacun un mandat social au sein de la société C et il s'en évince que le versement de la somme de 50.000 euros à chacun d'eux doit être rattaché audit mandat social, à l'exclusion de toute relation salariale.

Ce faisant, le Tribunal du travail est incompétent pour connaître de la demande présentée à ce titre par Monsieur m. M.

Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, chacune d'elle conservera à sa charge ses propres dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Se déclare incompétent pour connaître de la demande de 50.000 euros à titre d'indemnité présentée par Monsieur m. M. dans sa requête ;

Dit que chacune des parties conserve à sa charge ses propres dépens ;

Composition

Ainsi jugé par Monsieur m. SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-François MUFRAGGI, Francis GRIFFIN, membres employeurs, Monsieur Thomas BONAFEDE, Madame Alexandra OUKDIM, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le dix-neuf septembre deux mille dix-neuf, par Monsieur m. SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Francis GRIFFIN et Thomas BONAFEDE, Madame Alexandra OUKDIM et Monsieur Jean-François MUFRAGGI étant empêchés, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18405
Date de la décision : 19/09/2019

Analyses

Contrats de travail


Parties
Demandeurs : m. M.
Défendeurs : La société B et autres

Références :

article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 1011 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2019-09-19;18405 ?

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