Abstract
Contrat de travail - Sanctions disciplinaires - Conditions - Office du juge - Commission de classement - Recours - Tribunal du travail - Juridiction d'appel - Conséquences
Résumé
Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié. Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire. Il lui incombe d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis. Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail. La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification. En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit.
Les retards et les absences non autorisées ou non justifiées par des motifs légitimes constituent des manquements que l'employeur est fondé à sanctionner en vertu de son pouvoir disciplinaire. L'incidence du comportement du salarié sur la marche du service ou le déroulement du travail constitue un élément déterminant dans l'appréciation des conséquences.
La Cour de révision (24 mai 1993, L c/ F) a implicitement confirmé que le Tribunal du travail statuait bien, à l'égard des décisions rendues par la Commission de Classement, comme juridiction d'appel. Le demandeur est dans ces circonstances irrecevable en ses demandes présentées au titre de sa qualification. Le Tribunal ordonne en outre le sursis à statuer sur la demande de rappel de salaire dans l'attente de la décision de la Commission de Classement.
Motifs
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 19 SEPTEMBRE 2019
* En la cause de Monsieur c. I., demeurant X1à NICE (06100) ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maitre Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;
d'une part ;
Contre :
* La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant primitivement élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en celle de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête introductive d'instance en date du 25 octobre 2016, reçue le 27 octobre 2016 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 35-2016/2017 ;
Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 6 décembre 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Monsieur c. I. en date des 6 avril 2017, 11 janvier 2018 et 4 octobre 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date du 5 octobre 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur au nom de la S. A. M. A, en date des 5 avril 2018 et 6 décembre 2018 ;
Ouï Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice pour Monsieur c. I. en sa plaidoirie ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Monsieur c. I. est entré au service de la société anonyme monégasque A le 30 mars 2009 en contrat à durée déterminée, puis à compter du 1er octobre 2010 en contrat à durée indéterminée, en qualité de Technicien.
Il a été licencié pour faute grave par courrier du 16 décembre 2015.
Par requête en date du 25 octobre 2016 reçue au greffe le 27 octobre 2016, Monsieur c. I. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :
* rappel de salaire (qualification niveau II-2 coefficient 185) : 10.000 euros,
* congés payés sur rappel de salaire : 1.000 euros,
* certificat de travail conforme (qualification - fin), sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
* annulation avertissements des 6 février 2013, 11 septembre 2013, 19 octobre 2012 et 23 juin 2015,
* annulation mise à pied conservatoire du 11 décembre 2015,
* indemnité de préavis : 5.000 euros,
* congés payés sur préavis : 500 euros,
* indemnité de congédiement : 3.500 euros,
* indemnité de licenciement (avant déduction indemnité de congédiement) : 8.000 euros,
* dommages et intérêts pour sanctions et licenciement abusif - mauvaises conditions de travail : 30.000 euros,
* intérêts au taux légal,
* exécution provisoire.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Monsieur c. I. a déposé des conclusions les 6 avril 2017, 11 janvier 2018 et 4 octobre 2018 dans lesquelles il demande au Tribunal de :
«- constater la nullité des pièces adverses nos 30, 31, 32 et 36,
* * par conséquent, rejeter les pièces adverses nos 30, 31, 32 et 36 des débats,
- dire que Monsieur c. I. devait se voir reconnaître la qualification niveau II échelon 2 coefficient 185,
- condamner la S. A. M. A au paiement de la somme de 4.505,70 euros au titre du rappel de salaire, outre 450,57 euros au titre des congés payés afférents,
- annuler les avertissements des 19 octobre 2012, 6 février 2013, 11 septembre 2013 et 23 juin 2015,
- annuler la mise à pied conservatoire du 11 décembre 2015,
* * au titre du licenciement,
- dire que le licenciement ne repose pas sur un motif constituant une faute grave, ni même un motif valable de licenciement,
* * à titre principal en considération de la qualification qui aurait dû être celle de Monsieur c. I.:
* 4.909,94 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,
* 490,99 euros bruts pour congés payés y afférents,
* 3.358,37 euros à titre d'indemnité de congédiement,
* 8.044,10 euros au titre de l'indemnité de licenciement, soit la somme de 4.685,75 euros après déduction de l'indemnité de congédiement,
* * à titre subsidiaire si par extraordinaire la qualification requise n'était pas retenue par la juridiction :
* - 4.683,82 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,
* - 468,38 euros bruts pour congés payés y afférents,
* - 3.200,59 euros à titre d'indemnité de congédiement,
* - 7.681,46 euros au titre de l'indemnité de licenciement, soit la somme de 4.480,87 euros après déduction de l'indemnité de congédiement,
- condamner la S. A. M. A au paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et mauvaises conditions de travail,
- ordonner à la S. A. M. A de délivrer à Monsieur c. I. un certificat de travail conforme portant comme date de sortie le 18 février 2016 et comme qualification niveau II échelon 2 coefficient 185 et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du jugement prononçant ladite condamnation,
- dire que les sommes dues devront être réglées avec intérêts au taux légal à compter de la requête en justice pour celles dues à titre de rappel de salaire et à compter du jugement à intervenir pour les autres,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner enfin la S. A. M. A en tous les dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.».
Monsieur c. I. fait essentiellement valoir que :
sur la qualification :
* il a été engagé pour exercer les fonctions de technicien au coefficient 160,
* il a conservé depuis 2009 la même classification,
* eu égard à la Convention Collective Nationale de l'Assainissement et de la Maintenance Industrielle, il doit se voir reconnaître l'échelon II niveau 2 coefficient 185,
* sa demande est parfaitement recevable dans la mesure où l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 n'instaure pas une compétence exclusive de la Commission de Classement qui interdirait au Tribunal du travail, saisi pour d'autres demandes relatives au même contrat de travail, de statuer sur le point relatif à la classification,
* le Tribunal du travail étant compétent pour statuer sur la demande de rappel de salaire formulée au titre de la qualification revendiquée, est parfaitement compétent pour examiner le bien-fondé de cette demande si elle dépend du classement du salarié concerné,
* de plus, tous les litiges relatifs au même contrat de travail doivent faire l'objet d'une seule et même instance, sauf si l'un deux n'était pas né au jour de la saisine,
sur les avertissements :
l'avertissement du 19 octobre 2012 :
* il ne conteste pas son absence mais l'explique par la perte d'un proche quinze jours auparavant,
* la veille, il avait été prévenu à 5 heures du matin pour l'informer qu'il était attendu au plus vite au dépôt sous prétexte que le chef de planning avait oublié de l'en informer la veille. Il n'a fait aucune difficulté et s'est présenté à son poste sans s'émouvoir,
l'avertissement du 6 février 2013 :
* il a été sanctionné pour avoir repris ses fonctions sans s'être présenté au planning, ce qui constitue un motif disproportionné,
l'avertissement du 11 septembre 2013 :
* aucun élément n'est produit par l'employeur pour justifier cet avertissement,
l'avertissement du 23 juin 2015 :
* l'employeur ne démontre pas plus le grief reproché,
sur le licenciement :
* il lui est reproché de violentes menaces physiques et verbales à l'égard de Monsieur f. S. Agent de Planning,
* il avait signalé à l'employeur par un courrier du 6 novembre 2015 les difficultés qu'il rencontrait avec Monsieur f. S. Il n'a reçu aucune réponse,
* un différend est de nouveau apparu avec Monsieur f. S. le 11 décembre 2015 mais il conteste toute menace physique ou tout coup de poing dans la banque de planning,
* le courrier établi par Monsieur f. S. est inopérant,
* non seulement les attestations produites par l'employeur sont nulles, mais sur le fond, elles ne corroborent aucunement les déclarations de Monsieur f. S.
* aucune ne contient la moindre critique ou propos négatif à son encontre,
* la S. A. M. A a délibérément laissé s'enliser une situation conflictuelle dont elle avait pourtant parfaitement connaissance, mais n'a pas cru devoir tenter d'y remédier,
* pour tenter de justifier la faute grave, l'employeur se réfère à de prétendus faits qu'il n'avait pas cru devoir sanctionner et remontant au 6 novembre 2015,
* l'employeur ne procède que par extrapolation, sans rien démontrer,
* les circonstances de son licenciement revêtent un caractère abusif,
* il n'y a pas eu de véritable entretien, l'objectif de la convocation du 11 décembre 2015 étant de lui notifier sa mise à pied, la décision de le licencier étant déjà prise.
La S. A. M. A a déposé des conclusions les 5 octobre 2017, 5 avril 2018 et 6 décembre 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :
sur le rappel de salaire :
* il appartient à Monsieur c. I. de contester sa qualification dans un premier temps auprès de l'employeur, puis de saisir au besoin et dans un second temps l'Inspection du Travail, et à défaut d'obtenir satisfaction, de porter le litige devant la Commission de Classement,
* subsidiairement, Monsieur c. I. n'a jamais eu aucune prétention jusqu'en 2014, reconnaissant qu'il ne disposait pas d'une aptitude lui permettant de prétendre à une autre qualification professionnelle,
* le demandeur ne justifie aucunement qu'il disposait des compétences et des connaissances requises pour accéder à la qualification qu'il revendique,
sur les avertissements :
l'avertissement du 5 octobre 2012 :
* le 3 octobre 2012, le salarié n'a prévenu de son absence que tardivement, ce qui a désorganisé la répartition du travail et généré le mécontentement de la clientèle,
* l'excuse avancée par Monsieur c. I. n'est pas sérieuse,
l'avertissement du 6 février 2013 :
* suite à son absence du 4 février 2013, Monsieur c. I. a repris son poste le 5 février 2013 sans fournir le moindre justificatif, mais également sans même s'être présenté au service du planning à sa prise de poste ; ce qui n'est pas contesté par le salarié,
l'avertissement du 11 septembre 2013 :
* là encore, Monsieur c. I. s'est abstenu de prévenir le planning suite à un accrochage avec le véhicule de l'entreprise,
l'avertissement du 23 juin 2015 :
* Monsieur c. I. a refusé d'exécuter une mission prévue au planning, ce qui a contraint sa responsable hiérarchique à lui intimer l'ordre de réaliser l'intervention demandée,
sur le licenciement :
* le 4 novembre 2015, Monsieur c. I. a physiquement menacé l'Agent de Planning, Monsieur f. S. nécessitant l'intervention d'une tierce personne,
* le 6 novembre 2015, Monsieur c. I. a tenté d'instrumentaliser cet incident à son avantage en adressant un courrier à l'employeur dans lequel il se dit victime d'un harcèlement de la part de Monsieur f. S.
* chaque salarié est tenu de se conformer au planning établi quotidiennement par le Chef de Planning, quels que soient les sentiments que lui inspire ce dernier,
* le 11 décembre 2015, Monsieur f. S. la saisissait d'un nouvel incident avec Monsieur c. I. ce dernier l'ayant menacé physiquement, le sommant d'en découdre avec lui à l'extérieur de la société et assénant des coups à des biens mobiliers,
* Monsieur f. S. précisait à sa direction qu'il envisageait d'exercer son droit de retrait,
* dans le courrier adressé par Monsieur c. I. à l'employeur le lendemain, celui-là reconnaît avoir eu une réaction violente,
* le salarié a fait l'objet d'une mise à pied le jour même. S'agissant d'une mesure conservatoire, elle pouvait prendre cette mesure sans préalablement recueillir les explications de Monsieur c. I.
* pourtant, un entretien est bien intervenu, le demandeur ayant été assisté de deux délégués du personnel,
* la lettre de rupture fait état de nombreux incidents avec des personnes différentes, alors que Monsieur f. S. n'était pas encore salarié de l'entreprise,
* le licenciement litigieux ne procède dès lors pas d'un conflit de personnes, mais d'un comportement réitéré et généralisé à l'égard du personnel de l'entreprise,
* le fonctionnement particulier de Monsieur c. I. est la cause de son licenciement, du fait d'un manque de professionnalisme pour s'inscrire dans une attitude de contestation permanente virant à l'insubordination, pour finalement déboucher sur deux épisodes de violences,
* la mise en œuvre du licenciement n'est affectée d'aucune faute,
* l'entretien préalable à un licenciement n'est pas obligatoire en droit monégasque,
* elle a tout de même pris le soin d'en organiser un, auquel le demandeur était assisté de deux délégués du personnel.
SUR CE,
* Sur l'avertissement du 19 octobre 2012 :
Conformément aux dispositions des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, le Tribunal du travail dispose du droit de contrôler les sanctions disciplinaires prononcées par l'employeur à l'encontre d'un salarié ; que la sanction doit être justifiée et proportionnée à la faute commise, sous peine d'être annulée.
Si l'employeur tient de son pouvoir de direction dans l'entreprise le droit de sanctionner un salarié pour un comportement fautif, il appartient au Tribunal du travail, saisi d'une contestation d'une sanction disciplinaire, d'en contrôler le bien fondé et de l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée, disproportionnée par rapport à la faute commise voire même discriminatoire.
Il lui incombe, en cas de contestation, d'établir tant la régularité formelle de la mesure prise que son caractère justifié et proportionné au regard du manquement commis.
Le comportement fautif du salarié doit se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, fait avéré qui lui est imputable et constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
La lettre de notification doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. Elle doit indiquer la consistance des faits et ne pas se contenter de viser leur qualification.
En l'absence de motivation suffisante, les sanctions sont injustifiées et annulables de plein droit.
Monsieur c. I. a fait l'objet d'un avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 octobre 2012 ainsi libellé :
« Monsieur,
Le 3 octobre, vous n'avez pris la peine d'appeler le planning, qu'en fin de matinée, pour prévenir de votre absence du jour et nous sommes restés sans nouvelles de votre part jusqu'à votre appel.
Étant donné votre ancienneté, vous n'êtes pas sans savoir que toutes les absences doivent être signalées le plus tôt possible car elles perturbent gravement l'exploitation.
C'est pourquoi, je me vois dans l'obligation de vous infliger, par la présente, un avertissement.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées. ».
Par courrier en date du 29 novembre 2012, Monsieur c. I. ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés et les explique ainsi :
« (...)
Il est vrai que le 03 octobre j'ai prévenu le planning à 09 h 00, au moment où je me suis réveillé. En effet si mon réveil avait fonctionné normalement je n'aurais pas eu besoin de vous informer de mon absence et aurais pris mon poste à l'heure normale. Le décès récent d'un membre de ma famille m'avait très fortement affecté physiquement et psychologiquement.
Il est aussi vrai que j'ai des devoirs envers vous et la société mais il n'est pas non plus correct que le 18 octobre 2012 on me prévienne à 05 h 00 du matin pour m'informer que je suis attendu au plus vite au dépôt sous prétexte que le chef de planning avait oublié de nous en informer la veille. Je ne vous en ai pas tenu rigueur pour autant, mon professionnalisme et mon implication dans mon travail ont fait que j'ai pris mon poste immédiatement.
(...) ».
Les retards et les absences non autorisées ou non justifiées par des motifs légitimes constituent des manquements que l'employeur est fondé à sanctionner en vertu de son pouvoir disciplinaire.
L'incidence du comportement du salarié sur la marche du service ou le déroulement du travail constitue un élément déterminant dans l'appréciation des conséquences.
En l'espèce, le retard reproché n'est pas contesté par Monsieur c. I. qui soutient avoir prévenu l'employeur à 9 heures alors que ce dernier indique dans son courrier d'avertissement avoir été prévenu en fin de matinée.
Force est de constater que la S. A. M. A ne démontre pas cette allégation, ni une quelconque désorganisation du service.
Elle ne produit pas plus d'élément sur les horaires de travail de Monsieur c. I. ce qui aurait permis au Tribunal d'apprécier le retard litigieux.
L'article 7.4 de la Convention Collective Nationale de l'Assainissement et de la Maintenance Industrielle prévoit à ce titre :
« Tout salarié absent à son travail doit, dans toute la mesure du possible, avertir, par tout moyen à sa convenance, son employeur - ou le faire avertir - avant le début du travail et, en tout état de cause, dès le début de la journée manquée. ».
Il résulte des éléments développés supra que Monsieur c. I. a respecté ces dispositions.
L'avertissement sera dans ces circonstances annulé.
* Sur l'avertissement du 6 février 2013 :
Monsieur c. I. a fait l'objet d'un avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 février 2013 ainsi libellé :
« Monsieur,
Lundi 4 février 2013, vous avez été absent. Vous avez appelé le planning le soir même en lui indiquant que vous seriez de retour le mardi 5 février au matin.
Or, lors de votre prise de fonction ce mardi, vous n'avez même pas daigné vous présenter au planning pour confirmer votre présence et vous êtes rendus directement dans votre véhicule. La moindre des choses aurait été de vous manifester auprès du planning qui ne savait même pas que vous étiez arrivé !
Étant coutumier de cette attitude désinvolte à l'égard de l'entreprise, je vous inflige, par la présente, un avertissement.
Si ce comportement venait à se reproduite, je me verrais contraint de revoir ma position quant à votre collaboration au sein de notre entreprise.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées. ».
Il convient de relever que le motif de l'avertissement ne repose pas sur l'absence de Monsieur c. I. mais sur le fait, pour ce dernier, de ne pas s'être présenté au planning pour confirmer sa présence.
L'employeur ne démontre en aucune manière que ce préalable est obligatoire pour tout salarié absent reprenant son travail.
Il n'est produit aucun règlement intérieur le prévoyant, la Convention Collective applicable restant muette sur ce point.
Bien plus, Monsieur c. I. avait indiqué à l'employeur le 4 février au soir qu'il serait de retour le 5 février au matin, de sorte que la S. A. M. A en était parfaitement informée, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.
L'avertissement infligé au salarié est dans ces circonstances injustifié et sera annulé.
* Sur l'avertissement du 11 septembre 2013 :
Monsieur c. I. a fait l'objet d'un avertissement par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 11 septembre 2013 ainsi libellé :
« Monsieur,
Nous revenons vers vous pour l'incident qu'il s'est produit avec le véhicule A516 lors d'une de vos interventions dans la nuit du 5 au 6 septembre 2013.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est impératif de prévenir le planning ou l'agent de permanence de tout incident qui pourrait intervenir lors de vos interventions. En effet, un accident peut arriver à tout le monde.
En revanche, ne pas prévenir d'un accrochage et laisser votre véhicule en l'état devant l'atelier, nous considérons cela comme un faute professionnelle. En effet, alors même que cet incident se soit passé pendant votre astreinte à une heure tardive, vous auriez pu, soit prévenir la permanence téléphonique, soit laisser un mot sur le camion, soit appeler dès l'ouverture du planning le lendemain matin pour le signaler.
De plus, vous sommes fort surpris que ce soit vous-même, l'aide opérateur qui, ce soit là, ait conduit le véhicule alors même que la manœuvre semblait délicate.
C'est pourquoi, nous vous infligeons, par la présente, un avertissement en espérant que cet événement vous fera prendre conscience de votre manque de professionnalisme dans cette affaire.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. ».
Le Tribunal constate que l'employeur ne produit aucun élément démontrant la réalité des griefs susvisés.
L'avertissement sera dans ces circonstances annulé.
* Sur l'avertissement du 23 juin 2015 :
Monsieur c. I. a fait l'objet d'un avertissement par courrier remis en main propre le 23 juin 2015 ainsi libellé :
« Monsieur,
Nous sommes au regret de constater que vous ne respectez pas les instructions qui vous sont données par votre hiérarchie.
En date du 19 juin 2015 à 13 h 30, vous avez appelé le planning pensant avoir terminé votre journée pour remonter au dépôt de la Turbie.
Vous avez eu comme directive de la part du planning d'assurer une autre intervention, que vous avez refusée dans un premier temps.
Votre responsable Madame h. C. a dû imposer à votre manœuvre de rester sur site afin de vous contraindre à effectuer cette intervention.
Nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui maintenant dur depuis quelques mois, et nous sommes donc dans l'obligation de vous sanctionner par un avertissement.
Si de tels agissements venaient à se reproduire, dans sanctions plus lourdes seront prises pouvant aller jusqu'au licenciement.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. ».
Monsieur c. I. a répondu par courrier en date du 7 juillet 2015, contestant les faits qui lui sont reprochés, apportant les précisions suivantes :
« (...)
Le lendemain, 19 juin 2015, après mes 7 heures de travail journalier, le souci c'est à nouveau présenter. Ne pouvant pas pour la seconde fois échapper à mon obligation personnelle j'ai dans un premier temps informé le planning que j'étais dans l'incapacité de faire cette intervention supplémentaire imprévue. Contrairement à ce que vous précisez dans votre courrier, il n'a été nullement imposé au manœuvre de rester sur le site, car nous étions sur les lieux de la précédente intervention au moment de l'appel de madame h. C. Étant nommé comme chauffeur le manœuvre ne pouvait pas faire cette intervention seul, par conscience professionnelle j'ai de nouveau annulé mes obligations personnelles, prise en dehors de mes heures de travail conventionnelles, afin de faire l'intervention demandée.
Malheureusement, une vois arrivé sur le lieu de l'intervention cette dernière n'a pu être effectuée, le camion fut immobilisé par une pièce mécanique usée qui n'a pu être réparé sur place par le mécanicien.
Je pense que maintenant que vous avez tous les faits en votre possession, vous pouvez prendre pleinement conscience que si cette intervention n' pas pu être effectué cela n'est pas de mon fait et que je n'ai pas à en être pénalisé (...). ».
L'employeur n'a apporté aucune réponse à ce courrier.
Il ne produit par ailleurs aucun élément quant aux horaires de travail du salarié pour la journée du 19 juin 2015, ce qui aurait permis de contester les affirmations de ce dernier sur la fin de sa journée de travail à 13 h 30.
L'employeur étant défaillant dans l'administration de la preuve, l'avertissement litigieux sera annulé.
* Sur la qualification applicable à Monsieur c. I. et le rappel de salaire correspondant :
Il résulte des mentions portées sur la lettre d'engagement en date du 29 septembre 2010 et les bulletins de paie que Monsieur c. I. a été embauché en qualité de Technicien dans le service assainissement à un coefficient de 160 et est soumis aux dispositions de la Convention Collective Nationale de l'Assainissement et de la Maintenance Industrielle.
Monsieur c. I. a saisi le Tribunal du travail d'un litige relatif à son classement au poste de technicien avec une qualification « niveau II échelon 2 coefficient 185 ».
Cependant, l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 a institué une procédure dérogatoire ayant pour effet de soustraire à la compétence du Tribunal du travail, en premier ressort, les différends nés à l'occasion du classement des salariés en diverses catégories professionnelles pour les attribuer à la Commission de Classement, au regard du caractère décisionnel dévolu à celle-ci tenue de trancher le différend entre les parties par une décision motivée.
Monsieur c. I. invoque les dispositions de l'article 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, lequel pose pour principe que « Toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent avoir fait l'objet d'une seule instance, à peine d'être déclarées non recevables, à moins que le demandeur ne justifie que les causes des demandes nouvelles ne sont nées à son profit ou n'ont été connues de lui que postérieurement à l'introduction de la demande primitive. ».
Nonobstant le principe de l'unicité de l'instance énoncé ci-dessus, il est constant toutefois qu'une juridiction saisie de plusieurs demandes, ne peut statuer sur l'ensemble de ces prétentions lorsqu'elle se prononce comme juridiction statuant à des degrés différents.
Il n'est pas contestable qu'à l'égard des demandes en contestation des différentes sanctions disciplinaires infligées à Monsieur c. I. par son employeur, le Tribunal du travail se trouve saisi comme juridiction du premier degré.
Dans un jugement rendu le 25 octobre 2001 (B c/ S. A. M. E), le Tribunal de première instance a déclaré IRRECEVABLE l'appel formé à l'encontre d'une décision rendue par le Tribunal du travail, ayant réformé une décision de la Commission de Classement, en indiquant essentiellement au soutien de sa décision :
« que la lecture combinée des dispositions de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 portant création du Tribunal du Travail et des dispositions postérieures de la loi n° 739 du 16 mars 1963 faisait apparaître que le législateur avait entendu soustraire à la compétence du Tribunal du Travail en premier ressort les différends nés à l'occasion du classement des salariés dans les diverses catégories professionnelles, instituant par la même une procédure dérogatoire aux règles posées par la loi n° 446 précitée, au profit d'une Commission de Classement dont la composition et les règles de fonctionnement sont prévues par l'Ordonnance Souveraine n° 3094 du 3 décembre 1963 ».
Par ailleurs, si la Cour de révision n'a pas à ce jour expressément tranché cette question, en statuant au fond, dans les instances portées devant elle en cette matière, sans soulever l'irrecevabilité du pourvoi au motif que la voie de l'appel était seule ouverte (Cour de révision 24 mai 1993 : Jean Lefebvre c/ FUCILE Antonio) la haute juridiction a implicitement confirmé que le Tribunal du travail statuait bien, à l'égard des décisions rendues par la Commission de Classement, comme juridiction d'appel.
Monsieur c. I. sera dans ces circonstances déclaré irrecevable en ses demandes présentées au titre de sa qualification.
Le Tribunal ordonnera en outre le sursis à statuer sur la demande de rappel de salaire dans l'attente de la décision de la Commission de Classement.
* Sur le licenciement :
Monsieur c. I. forme, à titre principal, ses demandes financières sur la base d'un salaire « requalifié », et subsidiairement sur le salaire correspondant au coefficient 160.
Tenant l'irrecevabilité de la demande de classement présentée par le salarié, il apparaît indispensable, dans le cadre d'une bonne administration de la Justice, et afin de statuer sur les demandes financières présentées par Monsieur c. I. avec des éléments correspondants à la situation réelle du salarié, de surseoir à statuer sur les demandes présentées au titre de la rupture.
* Sur les dépens :
Les dépens de la présente décision mixte seront mis à la charge de la S. A. M. A.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, par jugement mixte, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Annule les avertissements infligés à Monsieur c. I. les 19 octobre 2012, 6 février 2013, 11 septembre 2013 et 23 juin 2015 ;
Déclare irrecevable la demande de Monsieur c. I. au titre du coefficient ;
Sursoit à statuer sur les demandes présentées par Monsieur c. I. au titre du rappel de salaire et du licenciement dans l'attente d'une décision rendue par la Commission de Classement prévue par l'article 11-1 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le coefficient devant être appliqué au salarié ;
Ordonne le retrait de la procédure du rang des affaires en cours et dit qu'elle sera rappelée à la première audience utile, à la demande de l'une quelconque des parties ou d'office par le Tribunal, dès qu'une décision définitive aura été rendue dans la procédure mentionnée ci-dessus ;
Condamne la société anonyme monégasque A aux dépens du présent jugement ;
Composition
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-François MUFRAGGI, Francis GRIFFIN, membres employeurs, Monsieur Thomas BONAFEDE, Madame Alexandra OUKDIM, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le dix-neuf septembre deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Francis GRIFFIN et Thomas BONAFEDE, Madame Alexandra OUKDIM et Monsieur Jean-François MUFRAGGI étant empêchés, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.
^