Abstract
Contrat de travail - Licenciement - Insuffisance de résultats (non) - Insuffisance professionnelle (non) - Motif valable (non) - Caractère abusif (oui) - Perte de revenus - Préjudice moral - Dommages et intérêts = 230 000 euros
Résumé
Le Tribunal relève que la lettre de licenciement fait état non seulement d'une insuffisance professionnelle, mais également d'une insuffisance de résultat (n'a pas atteint les objectifs qui lui ont été confiés). Il n'est pas contesté que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal et le Juge ne peut prétendre y substituer son appréciation ; néanmoins, il convient pour celui-ci de vérifier que ses exigences étaient justifiées. Pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il revient au Juge de vérifier l'incompétence alléguée par l'employeur, laquelle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci mais doit reposer sur des éléments concrets pour constituer un motif valable de licenciement. Il incombe en conséquence à l'employeur d'apporter au Juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut. Par ailleurs, l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause de licenciement, le Juge doit vérifier que les objectifs étaient fixés et réalistes, et que les mauvais résultats procèdent d'une faute ou d'une insuffisance professionnelle imputable au salarié. Elle ne résulte pas nécessairement d'un comportement volontaire mais révèle l'inaptitude du salarié à assumer ses fonctions, son incompétence. En outre, l'insuffisance de résultats doit être constatée sur une certaine durée. L'insuffisance professionnelle se trouve caractérisée par l'inaptitude du salarié à exercer sa prestation de travail dans des conditions que l'employeur pouvait légitimement attendre en application du contrat et devait reposer sur des éléments matériels précis et objectifs imputables au salarié ; elle se manifeste dans les répercussions en tant qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise.
Les évaluations ne démontrent aucune insuffisance professionnelle ou de résultat pouvant être reprochée à Monsieur M. alors que l'insuffisance professionnelle s'induit de l'exercice par le salarié de ses fonctions dans des conditions déficientes constantes. Il ne doit pas non plus s'agir d'une défaillance passagère qui serait démentie par le passé professionnel du salarié. La défenderesse n'établit pas en quoi Monsieur M. a concrètement manqué au professionnalisme attendu de lui qui aurait perturbé la bonne marche de l'entreprise ou été préjudiciable aux intérêts de celle-ci. Il en est de même concernant l'insuffisance de résultats qui doit être constatée sur une certaine durée. Cette insuffisance professionnelle ne peut, faute d'éléments concrets, être considérée comme établie. Il résulte que le licenciement de Monsieur M. n'apparaît pas fondé sur des motifs valables.
L'insuffisance professionnelle alléguée par l'employeur n'a été qu'un prétexte pour se séparer du demandeur, alors que la société traversait une période difficile, les aménagements par la suite réalisés n'ayant pas permis un redressement. Le licenciement a donc été réalisé pour un motif fallacieux et la réparation de son préjudice matériel sera dans ces circonstances ordonnée. Monsieur M. soutient en outre que son licenciement s'est réalisé dans des conditions brutales et vexatoires. Bien que la loi du for n'impose pas un entretien préalable, les circonstances du licenciement de Monsieur M. apparaissent éminemment critiquables et psychologiquement préjudiciables eu égard à son ancienneté et à l'absence de toute remarque ou sanction sur la qualité de son travail pendant ses vingt-deux années de présence dans l'entreprise. La rupture est intervenue de manière brutale, dans la mesure où Monsieur M. n'avait aucun moyen d'anticiper la décision de la défenderesse. Le salarié doit dès lors être également indemnisé du préjudice moral subi du fait de la perte de son emploi sous un prétexte fallacieux et du manque de considération en dépit d'une ancienneté très importante sans aucune observation. Au surplus, si la dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas en soi une mesure vexatoire, le contexte précité dans laquelle elle est intervenue est de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur le salarié et à lui conférer en définitive un caractère abusif. Monsieur M. justifie d'une perte de revenus et d'un préjudice moral considérable, lesquels seront correctement indemnisés par l'allocation d'une somme de 230 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Motifs
TRIBUNAL DU TRAVAIL
JUGEMENT DU 11 JUILLET 2019
* En la cause de Monsieur d. M., demeurant X1 à MONACO ;
Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour ;
d'une part ;
Contre :
* La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;
Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Jean-Michel RENUCCI, avocat au barreau de Nice ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu le jugement avant-dire-droit du Tribunal du Travail en date du 31 janvier 2019 ;
Vu la procédure enregistrée sous le numéro 74-2015/2016 ;
Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur au nom de Monsieur d. M. en date du 25 avril 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date du 14 mars 2019 ;
Après avoir entendu Maître Sophie MARQUET, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour Monsieur d. M. et Maître Jean-Michel RENUCCI, avocat au barreau de Nice pour la SAM A, en leurs plaidoiries ;
Vu les pièces du dossier ;
* * * *
Par jugement avant-dire-droit en date du 31 janvier 2019, auquel il convient de se référer pour un examen plus ample des faits de la cause et de la procédure, le Tribunal a :
Ordonné la réouverture des débats et :
* - enjoint la société anonyme monégasque A de produire une traduction de l'ensemble des documents et pièces qu'elle entend déposer devant la présente juridiction et ce, dans leur intégralité,
* - invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen de droit soulevé d'office par le Tribunal et tenant à la nullité éventuelle des attestations produites par la SAM A en pièces n^os 43 et 44 eu égard aux dispositions de l'article 324-2° du Code de procédure civile.
Monsieur d. M. a déposé des conclusions le 25 avril 2019 dans lesquelles il demande au Tribunal de :
«- dire et juger irrecevables les développements des conclusions en réplique et récapitulatives déposées le 14 mars 2019 par la SAM A, qui ne concernent pas la nullité des attestations produites en pièces adverses n^os 43 et 44,
- écarter des débats lesdits développements,
- dire et juger irrecevables les pièces produites par la SAM A le 14 mars 2019 et ne constituant pas en une traduction des pièces anglaises,
- écarter des débats lesdites pièces,
- dire et juger irrecevables les pièces adverses n° 5 bis, n° 7.1 bis, n° 7.2 bis, n° 11.2 bis, n° 23 bis, n° 36 bis, n° 38, n° 39, n° 47 bis et n° 53 dans leur intégralité, compte-tenu de leur traduction infidèle (notamment compte-tenu de l'absence de traduction intégrale, ou encore de la traduction en français d'éléments non produits dans le cadre des pièces en anglais versées avant la clôture des débats),
- écarter des débats lesdites pièces,
- dire et juger nulles les attestations produites en pièces adverses n^os 43 et 44,
- dire et juger irrecevables les pièces adverses n^os 43 bis et 44 bis,
- écarter des débats lesdites pièces,
- en tout état de cause, dire et juger nulles les attestations produites en pièces adverses n^os 43 bis et 44 bis. ».
La SAM A a déposé des conclusions en réplique et récapitulatives le 14 mars 2019 dans lesquelles elle reprend l'intégralité de ses demandes.
SUR CE,
* Sur les développements des conclusions en réplique et récapitulatives déposées le 14 mars 2019 par la SAM A, qui ne concernent pas la nullité des attestations produites en pièces adverses n^os 43 et 44 :
Dans le cadre du jugement avant-dire-droit repris ci-dessus, les conclusions des parties devaient se limiter à des observations sur le moyen de droit soulevé d'office par le Tribunal et tenant à la nullité éventuelle des attestations produites par la SAM A en pièces n^os 43 et 44 eu égard aux dispositions de l'article 324-2° du Code de procédure civile.
Il apparaît que la SAM A a déposé des écritures également sur le fond alors qu'elle n'y était pas autorisée, ladite argumentation étant dès lors écartée des débats.
Les développements concernant le point de droit soulevée par le Tribunal sont présents en pages 13 et 14, les seules étant ainsi prises en compte.
* Sur le rejet des débats des pièces n° 5 bis, n° 7.1 bis, n° 7.2 bis, n° 11.2 bis, n° 23 bis, n° 36 bis, n° 38, n° 39, n° 47 bis et n° 53 produites par la défenderesse :
Monsieur d. M. soutient que :
* la pièce n° 5 bis n'est pas traduite dans son intégralité,
* la pièce n° 11.2 bis souffre d'une traduction incomplète en ses pages 4, 5 et 6,
* les pages 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 de la pièce n° 23 bis ne sont traduites que de manière incomplète et pour certaines la traduction est inexistante,
* les pièces n^os 38, 39 et 53 sont de nouveau produites sans être accompagnée d'aucune traduction,
* les pièces n^os 7.1 bis, 7.2 bis et 47 bis comportent des développements non produits dans la pièce anglaise correspondante.
La pièce n° 5 produite en langue anglaise comporte 28 pages et la version traduite en pièce n° 5 bis n'en comporte que 18, alors que le Tribunal avait enjoint à la défenderesse une traduction intégrale de tous les documents produits dans une autre langue que le français.
Il n'appartient pas aux parties de choisir les passages d'un document en langue étrangère qu'ils entendent faire traduire lorsque le Tribunal a exigé une traduction intégrale de tous les documents produits afin d'avoir une appréciation totalement objective desdites pièces.
À défaut, les pièces n^os 5 et 5 bis seront rejetées des débats.
Il en sera de même concernant la pièce n° 36 et sa traduction partielle en pièce n° 36 bis.
La pièce n° 11.2 produite en langue anglaise comporte 5 pages et la version traduite en pièce n° 11.2 bis n'en comporte que deux.
Le Tribunal reprend la même argumentation que ci-dessus et rejettera des débats les pièces n^os 11.2 et 11.2 bis.
La pièce n° 23 produite en langue anglaise est constituée de 23 courriels alors que la pièce n° 23 bis n'en traduit que 9.
Lesdits documents seront dans ces circonstances rejetés des débats.
Les pièces n^os 38, 39 et 53 ne sont accompagnées d'aucune traduction en langue française et seront dès lors rejetées des débats.
La pièce n° 47 est accompagnée de sa traduction en pièce n° 47 bis dans laquelle des développements en français qui semblent correspondre à un mèl adressé à Samir (inexistants dans la pièce originale en anglais). Ces ajouts entraînent une suspicion sur l'ensemble du document dans la mesure où il s'agit d'une traduction libre.
Les pièces n^os 47 et 47 bis seront dans ces circonstances rejetées des débats.
Il en est de même concernant la pièce n° 7.1 et de sa traduction en pièce n° 7.1 bis, les deux dernières pages contenant des annotations qui ne figurent pas sur le document original en langue anglaise.
S'agissant d'une traduction assermentée, seules ces deux dernières pages seront rejetées des débats.
La traduction de la pièce n° 7.2 en pièce n° 7.2 bis ne semble pas comporter d'ajouts de sorte qu'elle sera retenue dans son intégralité.
* Sur les attestations produites par la défenderesse en pièces n os 43 et 44 :
Aux termes de l'article 324 du Code de procédure civile, « l'attestation doit, à peine de nullité :
1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin,
2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur,
3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties,
4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès,
5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du code pénal,
6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou en photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. ».
Les pièces n^os 43 et 44 sont constituées par des attestations entièrement manuscrites et devront dans ces circonstances être déclarées nulles.
Les attestations en pièces n^os 43 bis et 44 bis ne respectent pas les dispositions visées supra en leurs paragraphes 3, 4 et 5 et devront également être déclarées nulles.
* Sur le motif de la rupture :
Il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement.
En l'espèce, Monsieur d. M. a été licencié par lettre du 5 octobre 2015 ainsi libellée :
« Monsieur,
(...).
Je suis arrivé à la conclusion que les observations sur certaines carences consignées dans votre entretien d'évaluation 2014 étaient toujours d'actualité et que vous n'y avez apporté depuis aucune amélioration significative sur les points les plus structurants dans votre fonction.
Sur certains aspects, ces carences se sont mêmes aggravées.
Ainsi, le chiffre d'affaires direct de votre organisation B n'est pas atteint depuis plusieurs années et n'est pads en adéquation avec les objectifs prévus au plan stratégique à 3 ans.
Depuis 2012, à iso périmètre, le chiffre d'affaires direct est stagnant. Il oscille entre 14 et 15 millions d'euros et la partie directe est en décroissance.
Pour l'année 2015, les prévisions montrent que le chiffre d'affaires direct prévu au budget ne sera une nouvelle fois pas atteint, alors même que ce budget est bien en deçà de vos propositions de budget faites en 2014.
Tout porte à croire que les prévisions financières que vous avez données en termes de chiffres d'affaires ne sont nullement réalistes (notamment celles fournies dans le cadre du plan stratégique à 3 ans de l'entreprise) et j'ai été contraint de les corriger. Vos projections ne sont également pas partagées par les Directeurs des ventes en charge de vendre les solutions conçues par votre équipe.
(...).
Autre souci majeur : la profitabilité de l'organisation B n'est, elle non plus, pas conforme aux objectifs. Elle était proche de 0 en 2013 et négative à - 1 million d'euro en 2014. Pour 2015, le résultat sera très certainement à nouveau négatif, entre -1 et -2 millions d'euros.
Je ne peux tolérer un tel écart systématique entre les projections de résultats commerciaux de l'activité dont vous avez la responsabilité et la réalité.
Les propositions d'amélioration que vous produisez ne se matérialisent pas dans les faits.
(...).
En outre, vous commettez des erreurs d'appréciation importantes dans l'exercice de vos fonctions.
À titre d'exemple, j'ai été amené à constater que dans le cadre du projet « C » avec le client, la société D (juillet 2015), vous m'aviez communiqué que le projet était sous contrôle alors que le client était insatisfait et que cela mettait à risque nos relations avec ce client qui nous a d'ailleurs remplacé sur cette offre.
Par ailleurs, je note que l'application des politiques du Groupe en matière de déplacement, de limite de dépenses ou de note de frais n'est pas toujours optimale.
(...).
Enfin, je déplore le manque de clarté de nombre de vos courriels, ce qui rend la communication difficile avec vos pairs ou avec d'autres collaborateurs.
Dans ces conditions, je suis au regret de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.
(...). ».
Le Tribunal relève à ce titre que la lettre de licenciement fait état non seulement d'une insuffisance professionnelle, mais également d'une insuffisance de résultat (n'a pas atteint les objectifs qui lui ont été confiés).
Il n'est pas contesté que l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal et le Juge ne peut prétendre y substituer son appréciation ; néanmoins, il convient pour celui-ci de vérifier que ses exigences étaient justifiées.
Pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Il revient au Juge de vérifier l'incompétence alléguée par l'employeur, laquelle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de celui-ci mais doit reposer sur des éléments concrets pour constituer un motif valable de licenciement.
Il incombe en conséquence à l'employeur d'apporter au Juge des éléments objectifs à l'appui des faits qu'il invoque comme propres, selon lui, à caractériser l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut.
Par ailleurs, l'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause de licenciement, le Juge doit vérifier que les objectifs étaient fixés et réalistes, et que les mauvais résultats procèdent d'une faute ou d'une insuffisance professionnelle imputable au salarié.
Elle ne résulte pas nécessairement d'un comportement volontaire mais révèle l'inaptitude du salarié à assumer ses fonctions, son incompétence.
En outre, l'insuffisance de résultats doit être constatée sur une certaine durée.
L'insuffisance professionnelle se trouve caractérisée par l'inaptitude du salarié à exercer sa prestation de travail dans des conditions que l'employeur pouvait légitimement attendre en application du contrat et devait reposer sur des éléments matériels précis et objectifs imputables au salarié ; elle se manifeste dans les répercussions en tant qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise.
Monsieur d. M. a été embauché le 1er novembre 2011 en qualité de « Vice-Président Core network and OEM Solutions », hiérarchiquement rattaché directement au Conseil d'Administration, et pour son rattachement opérationnel au « Sénior Vice-Président Solutions and Services » de l'entité Télécommunications du Groupe E, de sorte que l'employeur pouvait légitimement attendre un développement commercial significatif au regard de la qualification professionnelle du salarié, de son niveau de rémunération et de son ancienne qualité salariés de Directeur Général et de Président Administrateur Délégué au sein du conseil d'administration de la SAM A.
L'avenant au contrat de travail détaille la mission et les fonctions du salarié, « sans que la liste des missions telles que déterminées ci-dessous présente un quelconque caractère limitatif :
management de la verticale « Core network and OEM Solutions », des employés et autres ressources, et responsabilité de la société G, dans le cadre de la politique du groupe en matière de limites d'autorités (GTO authority limites),
gestion de la relation avec le groupe E sur l'ensemble des aspects de coordination des ventes, de stratégie produit et du positionnement marketing des offres de la verticale,
élaboration du plan et suivi de la stratégie de croissance profitable de la verticale. ».
Pour justifier les griefs reprochés à Monsieur d. M. l'employeur produit :
l'entretien annuel d'évaluation pour l'année 2013 : les commentaires du supérieur hiérarchique de Monsieur d. M. sont les suivants :
« Les objectifs sont finalement dépassés, faisant apparaître un bon développement de l'activité. A l'avenir, la qualité des produits doit encore être améliorée. Pour l'intégration de la société H, la R&D et la livraison doivent être intégrées dans GTO en 2014 et une stratégie plus précise pour l'avenir doit être clarifiée : certains choix doivent être effectués afin d'obtenir d'avantage d'efficacité et de concentration. il faudra concentrer du temps et de l'énergie pour faire progresser l'équipe (et les cadres intermédiaires) sur les compétences de gestion afin de préparer une ligne d'activité supérieure à 15-20 M dans les 2 prochaines années.
d. effectue vraiment un bon travail d'équipe avec ses pairs et fait un excellent technologue dont l'expertise est très précieuse pour le développement à mi-parcours de la plate-forme et des services. ».
Il résulte ainsi de ladite évaluation que Monsieur d. M. a dépassé les objectifs qui lui avaient été assignés.
Le salarié a par ailleurs reconnu qu'il était nécessaire pour lui de s'améliorer sur la planification à long terme et sur la formation. Mais il se justifie en ajoutant : « Il est clair que je n'ai pas passé suffisamment de temps sur ces aspects cette année parce que je devais me concentrer sur des objectifs à plus court terme, mais j'envisage de leur consacrer plus de temps en 2014. ».
La performance générale dans la fonction actuelle est supérieure aux attentes.
l'entretien annuel d'évaluation pour l'année 2014 : les commentaires du supérieur hiérarchique de Monsieur d. M. sont les suivants :
« Certains aspects sont vraiment bons concernant le comportement de d.: sensible au respect du principe du faible coût, souplesse, créativité, envie de remporter des contrats, prêt à se déplacer et à rencontrer des clients, partenariat avec d'autres verticaux, collaboration étroite avec AME.
Mais ces aspects prennent tellement de poids qu'ils génèrent plusieurs inconvénients importants qui sont vraiment dangereux et mettent en péril l'activité CNR à moyen et à long terme. ».
L'employeur ne donne aucune précision sur lesdits aspects « dangereux » alors même que le salarié à perçu un bonus exceptionnel d'un montant de 85.652 euros pour l'année 2013.
L'employeur explique ce bonus important par l'intégration de deux produits provenant de du groupe E à l'entité gérée par Monsieur d. M. mais ne produit aucun élément comptable permettant d'en justifier.
Bien plus, l'employeur soutient dans ses écritures avoir mis en place un plan d'action mais ne démontre aucunement cette allégation.
Par ailleurs, Monsieur d. M. a apporté les commentaires suivants sur lesquels l'employeur n'a apporté aucune réponse, tant sur l'instant que dans le cadre du présent litige :
« J'ai très bien entendu les commentaires et les recommandations de d. ainsi que les notes associées.
À partir de maintenant, je vais adapter mon comportement et les modes de fonctionnement de CNR afin de répondre pleinement aux nouvelles attentes en matière de gestion.
Je comprends parfaitement et j'approuve la motivation des changements demandés par la nouvelle direction. Je suis tout à fait d'accord sur le fait que se concentrer davantage sur l'industrialisation pour un ensemble restreint de produits clés et poursuivre un moins grand nombre de projets nous aidera à long terme à atteindre nos objectifs stratégiques, même si cela aura un impact négatif sur notre chiffre d'affaires de 2015.
Donc, vous pouviez compter sur moi pour mettre en œuvre les changements demandés, y compris ceux qui concernent la gestion de l'équipe (être moins intrusif sur la R&D, travailler davantage avec l'équipe pour qu'elle s'épanouisse dans notre environnement de travail, ...).
Ceci dit, j'ai été surpris par le classement en catégorie D qui est intervenu sans avertissement. J'ai fonctionné pendant les années précédentes selon le paradigme visant à maximiser le chiffre d'affaires et à atteindre notre budget. Cela nous a permis d'atteindre notre budget global sur la période de trois ans allant de 2012 à 2014 (même si l'année 2014 était en dessous des attentes en raison d'un très haut mois de décembre 2013 avec un effet de coupure/décalage de 2014 à 2013), mais cela a en effet un peu retardé l'industrialisation des produits.
Au cours de la dernière année (2013), j'ai été noté « B » dans un environnement similaire :
* à peu près le même nombre et la même gravité de crises chez les sociétés I/J/K..., tous gérés avec succès sans effet préjudiciable à long terme pour le groupe E,
* les mêmes problèmes avec un nombre important de demandes de support en attente, encore plus important qu'aujourd'hui
* notations déjà très faibles dans PeopleQuest. Je prends pleinement ma part de responsabilité concernant le manque d'amélioration et je travaillerai dur cette année pour améliorer la situation. Mais nous ne devrions pas oublier que l'année dernière, nous avons formulé de très fortes recommandations de mise en œuvre de prestations d'assurance maladie supplémentaires très demandées par l'équipe, ce qui a été refusé par les RH et finalement accepté cette année après un résultat encore plus faible dans PeopleQuest,
* en ce qui concerne les recommandations de GPR de 2013, le transfert de livraison et de la R&D a été mis en œuvre avec succès. Ce qui n'a pas été fait, ce sont des choix plus précis pour atteindre les objectifs de notre stratégie à long terme ; la nouvelle politique consistant à accepter une baisse temporaire du chiffre d'affaires nous aidera beaucoup à cet égard.
Donc, le changement de paradigme consistant à accepter une baisse temporaire du chiffre d'affaires pour se concentrer sur l'industrialisation des produits clés est nouveau, je l'approuve pleinement, mais je suis surpris d'être blâmé pour la période passée au cours de laquelle je fonctionnais selon un autre paradigme. ».
Ces évaluations ne démontrent aucune insuffisance professionnelle ou de résultat pouvant être reprochée à Monsieur d. M. alors que l'insuffisance professionnelle s'induit de l'exercice par le salarié de ses fonctions dans des conditions déficientes constantes.
Il ne doit pas non plus s'agir d'une défaillance passagère qui serait démentie par le passé professionnel du salarié.
Pour justifier l'insuffisance professionnelle alléguée, l'employeur invoque en outre certains faits qu'il convient d'examiner :
L'incapacité de Monsieur d. M. dans l'exécution de sa mission de Vice-Président Core Network & OEM Solutions and Roaming :
L'employeur soutient que, compte-tenu du comportement de Monsieur d. M. la commercialisation des produits, qui passait par la force de vente du groupe E, a généré des répercussions négatives sur le Groupe D, certains clients remettant en cause leur partenariat commercial avec le groupe E.
Pour en justifier, la défenderesse produit les pièces suivantes :
* - Pièce n° 22 : courriel adressé par Monsieur x. J. à Monsieur d. M. le 5 février 2015 :
« Bonjour d.
Nous avons eu des retours de la société J hier peu rassurants sur nos solutions de messaging.
Ils trouvent nos plateformes instables et considèrent cette situation inquiétante.
Cela ne nous aide pas vraiment sur la vente de nouvelles solutions telles que QoE mais il y a également un risque concernant la perception du groupe E vis-à-vis du groupe V.
Peux-tu faire le nécessaire après de tes équipes.
Merci pour ton aide.
Cdt, ».
Il résulte de courriel l'existence d'un dysfonctionnement sur lequel Monsieur d. M. est interpellé.
Il n'est ensuite donné aucune précision ni aucun élément démontrant que celui-ci n'a pas été pris en charge par le demandeur, et ce d'autant plus que Monsieur d. M. apportait une réponse le jour même en ces termes :
« Bonjour x.,
Laisse-moi faire le point avec mes équipes sur le statut actuel de la société J et revenir vers toi je te propose qu'on en discute au SSS.
Bien cordialement. ».
Ensuite, le 26 février 2015, Monsieur K. adressait un courriel à Monsieur d. M. pour lui demander un détail des opérations effectuées pour rassurer le client, sans pour autant indiquer que les dysfonctionnements existaient toujours.
* - Pièce n° 24 : un courrier de la société W à la SAM A en date du 10 mai 2016 ainsi libellé :
« Cher Monsieur,
Dans le cadre du contrat signé le 1er janvier 2010 entre nos deux sociétés (la société L- la société M - et la SAM A- la société N), un certain nombre de services a été mis en place par vos équipes pour répondre au besoin de notre partenaire O (la société P) dont le service `DMC' (Device Management Service) permettant la configuration à distance (Over The Air - OTA) des équipements mobiles de leurs abonnés et la mise à disposition trimestrielle d'une analyse du parc d'appareils présent sur leur réseau.
La société L est au regret de constater que les services précités ne sont pas délivrés de façon satisfaisante malgré plusieurs mises en garde et invitations à y remédier adressées régulièrement à votre service client depuis Juillet 2015. A titre d'exemple, les études du parc mobile sont erronées depuis le début de l'année 2015 et les demandes de mise à jour OTA sont inefficaces pour la moitié des abonnés de la société P malgré les tentatives de corrections de vos plateformes en mars 2016.
De plus, le plan d'actions finalement obtenu de la société N lors du meeting du 4 Avril dernier avec mes équipes n'a pas été respecté et reste sans signe d'amélioration notable à ce jour.
Par conséquent, la société L vous met officiellement par la présente en demeure d'engager tous les moyens et actions nécessaires à la résolution rapide et définitive de tous les dysfonctionnements constatés et énoncés au fil de l'eau. Nous demandons également, en l'absence de service effectif sur l'année écoulée, la restitution des sommes versées par la société L au titre des services non rendus depuis le début de l'année 2015.
Je vous invite instamment à confirmer par retour votre intention de satisfaire à ces demandes légitimes. A défaut de résolution des manquement à vos obligations de fourniture des services souscrits ci-dessus mentionné sous un délai de 15 jours à compter des présentes, la société L se réserve le droit de déclencher toute procédure judicaire lui permettant de faire valoir ses droits.
Mes équipes et moi-même restons, bien entendu, à votre disposition dans les prochains jours pour nous entretenir plus avant de cette situation. ».
Il s'agit d'un courrier adressé sept mois après le licenciement de Monsieur d. M. sans que l'employeur démontre que celui-ci a été informé des dysfonctionnements existants depuis le début de l'année 2015.
Bien plus, il résulte de ce courrier que des tentatives de corrections ont eu lieu au mois de juillet 2016 par la SAM A, en vain.
* - Pièce n° 25 : courriel adressé par Madame L. à Messieurs d. M. C. S. et LO. le 31 août 2015, est :
« Bonjour,
La vidéo Q a été enlevée de youtube suite au commentaire négatif du client « R » (voir ci-dessous).
J'aimerais en savoir plus sur le problème rencontré sur le produit avec ce client avant de continuer à promouvoir l'offre.
Je vous mets un meeting dans vos agendas.
Je vous en remercie par avance.
Cdlt. ».
Ce mèl faisait suite à une alerte de Monsieur I. du groupe E en date du 20 août 2015 concernant des dysfonctionnements de certains produits (après un commentaire négatif sur une vidéo YouTube vantant les produits du groupe E).
Il n'est donné aucune précision par l'employeur sur la suite qui a été donnée à l'intervention de Monsieur d. M.; seule l'absence d'intervention ou de résolution des dysfonctionnements pouvant constituer l'insuffisance professionnelle reprochée.
Pièces n^os 27 et 29 concernant un incident avec le client S : Monsieur d. M. ne conteste pas les difficultés rencontrées par le client mais les explique par un sous dimensionnement des capacités nécessaires pour celui-ci.
Le 3 février 2015, Monsieur d. M. donnait des consignes à ses collaborateurs pour satisfaire le client et le 18 février 2015, il informait Monsieur d. B. d'une réduction significative des redémarrages.
Il s'avère ainsi que le demandeur a agi avec célérité afin de satisfaire le client.
En outre, l'employeur ne justifie d'aucune répercussion sur la bonne marche de l'entreprise.
Il n'est en effet aucunement démontré par la défenderesse que les dysfonctionnements visés supra ont gravement nuit à la réputation du groupe E jusqu'à provoquer l'arrêt des produits concernés.
La pièce n° 42 visée par la SAM A ne permet pas plus de conclure en ce sens. Il s'agit d'un courriel de Monsieur D. en date du 11 février 2016 (postérieur au licenciement litigieux) qui justifie le changement opéré ainsi :
« Aux responsables des ventes de solutions,
Bonjour,
Suite à l'acquisition de la société T, au passage de l'itinérance sur MSS, à l'enregistrement des clients sur CNA, et à la nécessité de rationaliser les produits, vous trouverez ci-après les offres de CNA et les équipes qui vous appuieront : ... ».
Il en est de même concernant les pièces n^os 32 à 34 de la SAM A, qui, certes, font état de dysfonctionnements sur certains produits, mais sans démontrer que ces derniers sont la cause de l'arrêt de leur commercialisation ; et ce, d'autant plus que l'éventualité d'un arrêt est seulement évoquée, sept mois après le licenciement de Monsieur d. M.
La pièce n° 28 est constituée d'un échange de courriels entre Monsieur B. d. (supérieur hiérarchique de Monsieur d. M. et Madame Z. sur des projets « toxiques » précédemment initiés et imputés au demandeur.
Ces courriels interviennent sept mois après le licenciement de Monsieur d. M. et ne sauraient dès lors, en l'absence de tout élément matériel, justifier une quelconque insuffisance professionnelle de celui-là.
La pièce n° 35 est constituée d'un échange de courriels au mois de février 2015 concernant une difficulté sur un produit anciennement la société N et commercialisé avant l'intervention du groupe E.
Le mèl de Monsieur d. M. en date du 3 février 2015 à 13 h 16 explique la situation, laquelle ne peut lui être reprochée, concernant un produit « ancien » nécessitant une mise à jour.
« Le chiffre d'affaires direct de votre organisation B n'est pas atteint depuis plusieurs années et n'est pas en adéquation avec les objectifs prévus au plan stratégique à 3 ans ».
Ce grief est en contradiction avec l'appréciation portée par le responsable de Monsieur d. M. dans l'évaluation 2013, puisqu'il y est mentionné que les objectifs sont finalement dépassés.
L'évaluation pour l'année 2014 a mis en avant un problème de management du demandeur et qui ne concerne pas le grief lié aux résultats.
Le Tribunal relève encore que l'employeur ne démontre aucunement l'existence d'objectifs chiffrés assignés à Monsieur d. M.
Il n'est produit aucun élément comptable permettant au Tribunal d'apprécier la réalité des chiffres avancés par l'employeur.
Bien plus, s'agissant d'une insuffisance de résultat, l'employeur ne fournit aucune comparaison avec les collègues de Monsieur d. M. ayant un poste à responsabilité similaire sur la période considérée.
Il en résulte qu'aucune insuffisance de résultat ne peut être reprochée au demandeur, même si lesdits résultats ne sont pas ceux souhaités par l'employeur.
« La profitabilité de l'organisation Core Network ans Roaming n'est, elle non plus, pas conforme aux objectifs. Elle était proche de 0 en 2013 et négative à - 1 million d'euro en 2014. Pour 2015, le résultat sera très certainement à nouveau négatif, entre - 1 et - 2 millions d'euros. ».
Là encore, l'employeur ne produit aucun élément permettant de vérifier les objectifs assignés au salarié à ce titre, et ce, alors que ce dernier a perçu des primes sur objectif sur la période considérée.
Par ailleurs, l'employeur procède par hypothèse pour justifier le licenciement de Monsieur d. M. lorsqu'il utilise les termes suivants « Pour 2015, le résultat sera très certainement à nouveau négatif » ; aucun document comptable ne venant confirmer les craintes émises à ce titre.
Encore faut-il que l'employeur ait donné au salarié les moyens nécessaires non seulement à l'accomplissement de ses missions mais également à la réalisation des objectifs qui lui auraient été donnés.
En l'espèce, la SAM A se contente de procéder par voie d'affirmation en soutenant péremptoirement que les objectifs n'ont pas été atteints, sans fournir au Tribunal d'éléments matériellement vérifiables sur lesdits objectifs, et ce en comparaison avec les moyens mis à disposition, la conjoncture économique dans le secteur concerné et les résultats des autres divisions du groupe.
Monsieur d. M. avait alerté ses équipes, par courriel en date du 11 septembre 2013 que les objectifs assignés pour l'année 2014 seraient difficiles à atteindre à moyens constants.
Le 26 mars 2014, Monsieur Q. sollicitait auprès de Madame c. V. Responsable du Pôle Recherche et Développement et Monsieur d. B. des ressources supplémentaires pour mener à bien ses missions.
Le 17 mars 2015, Monsieur d. M. alertait une nouvelle fois Madame c. V. et Monsieur d. B. sur l'insuffisance des ressources disponibles pour traiter les réclamations particulières des clients.
« En outre, vous commettez des erreurs d'appréciation importantes dans l'exercice de vos fonctions ».
Pour démontrer ce grief, l'employeur cite un exemple dans le cadre du projet « C » avec le client, la société D (juillet 2015).
La SAM A produit un échange de courriels entre le 26 et le 28 juillet 2015 (pièce n° 9) qui démontre une difficulté concernant la société D, sans que l'ampleur de celle-ci ne soit démontrée.
En effet, et même si la société D a indiqué à la SAM A, par e-mail du 27 juillet 2015 qu'elle ne renouvelait pas l'ANS à compter du 1er juillet 2015, il n'est aucunement mentionné que cette décision était liée à un dysfonctionnement imputable à la seconde et au surplus à Monsieur d. M.; il est seulement précisé qu'une nouvelle plateforme a été mise en service.
« Par ailleurs, je note que l'application des politiques du Groupe en matière de déplacement, de limite de dépenses ou de note de frais n'est pas toujours optimale. ».
Pour démontrer ce grief, l'employeur cite deux exemples, dont un seul est justifié par la production d'un échange de courriels le 27 mars 2015 (pièce n° 11).
Il convient de relever que ce grief ne peut en aucune manière constituer une insuffisance professionnelle mais une faute dans la mesure où le salarié ne respecterait pas la politique de l'entreprise en la matière.
« De la même manière, le renouvellement d'un des 2 contrats de bail concernant les bureaux loués à Monaco n'a pas été effectué selon les règles internes en vigueur. ».
Cette difficulté est abordée en pièce n° 8 produite par l'employeur (échange de mails du 19 septembre 2014). Il s'agit d'un renouvellement du bail déjà existant.
L'employeur ne produit aucun document détaillant une quelconque procédure en la matière et ne fait état d'aucun préjudice en lien avec une prétendue faute de Monsieur d. M. à ce titre.
Bien plus, ce grief ne saurait constituer une insuffisance professionnelle mais un refus délibéré du salarié de respecter une procédure interne.
« Enfin, je déplore le manque de clarté de nombre de vos courriels, ce qui rend la communication difficile avec vos pairs ou avec d'autres collaborateur. ».
Le Tribunal constate que l'employeur ne produit aucun élément sur ce grief ni ne développe aucune argumentation dans ses écritures.
L'employeur conteste aujourd'hui les produits de la société N alors que le choix de la commercialisation de ces produits a été fait après plusieurs audits et visites de responsables du groupe E sur le site de la SAM A (pièce n° 39 de Monsieur d. M..
La défenderesse évoque des manœuvres de Monsieur d. M. pour le choix du produit de la société N mais sans apporter le moindre élément permettant de donner crédit à son allégation.
Elle ne saurait pas plus rejeter la responsabilité d'un manque de développement du produit choisi sur le demandeur.
Le Tribunal relève encore que des objectifs qualitatifs ont été assignés à Monsieur d. M. pour l'année 2015 et que ce dernier a fait l'objet d'un licenciement le 5 octobre 2015 sans qu'aucun rappel à l'ordre ou mise en garde n'aient été faits par l'employeur.
La défenderesse n'établit pas en quoi Monsieur d. M. a concrètement manqué au professionnalisme attendu de lui qui aurait perturbé la bonne marche de l'entreprise ou été préjudiciable aux intérêts de celle-ci.
Il en est de même concernant l'insuffisance de résultats qui doit être constatée sur une certaine durée.
Cette insuffisance professionnelle ne peut, faute d'éléments concrets, être considérée comme établie.
Il résulte que le licenciement de Monsieur d. M. n'apparaît pas fondé sur des motifs valables.
* Sur le caractère abusif du licenciement :
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ; qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve.
Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.
En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.
Le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable n'ouvre droit à la réparation du préjudice matériel en résultant que lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de décision, soit par exemple en invoquant des motifs fallacieux ou encore en prononçant la rupture malgré l'absence de tout fondement légal.
L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré infondé.
Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.
Au cas particulier, Monsieur d. M. sollicite d'être indemnisé à hauteur de la somme de 607.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire.
S'agissant d'un motif non valable, il n'est pas, pour autant, automatiquement fallacieux.
Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper ».
Par ailleurs, le faux motif ne peut caractériser de facto l'abus de l'employeur ; à défaut, cela reviendrait à utiliser la notion française de « cause réelle et sérieuse ».
En effet, en droit français, un licenciement sans cause réelle et sérieuse (fondé sur un faux motif) est abusif et entraîne automatiquement l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
En droit monégasque, un licenciement fondé ou non sur des motifs valables peut ne pas être considéré comme abusif.
Monsieur d. M. considère que le véritable motif de son licenciement réside dans la suppression de son poste suite à la restructuration de la SAM A.
Il avance un motif économique lié à une situation économique délicate de la société, laquelle est contestée par la défenderesse.
La procédure de licenciement économique mise en œuvre par la SAM A est intervenue au mois de mai 2017, soit près de vingt mois après le licenciement de Monsieur d. M.
Cependant, l'employeur reconnaît dans ses écritures que la situation économique de la société était délicate du fait des carences du demandeur, lesquelles n'ont pas été retenues.
La défenderesse invoque également des causes conjoncturelles, les deux conjuguées ayant conduit à la cessation d'activité et au licenciement de l'ensemble du personnel.
Il en résulte que l'insuffisance professionnelle alléguée par l'employeur n'a été qu'un prétexte pour se séparer du demandeur, alors que la société traversait une période difficile, les aménagements par la suite réalisés n'ayant pas permis un redressement.
Le licenciement de Monsieur d. M. a donc été réalisé pour un motif fallacieux et la réparation de son préjudice matériel sera dans ces circonstances ordonnée.
Monsieur d. M. soutient en outre que son licenciement s'est réalisé dans des conditions brutales et vexatoires.
Tenant le motif fallacieux, le demandeur n'a pu bénéficier des dispositions de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail sur la sécurité de l'emploi et notamment de l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur.
En effet, il n'est pas contesté que la SAM A faisait partie d'un groupe, de sorte que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, le périmètre du reclassement interne est le groupe et non pas seulement l'entreprise.
Bien que la loi du for n'impose pas un entretien préalable, les circonstances du licenciement de Monsieur d. M. apparaissent éminemment critiquables et psychologiquement préjudiciables eu égard à son ancienneté et à l'absence de toute remarque ou sanction sur la qualité de son travail pendant ses vingt-deux années de présence dans l'entreprise.
La rupture est intervenue de manière brutale, dans la mesure où Monsieur d. M. n'avait aucun moyen d'anticiper la décision de la défenderesse.
Le salarié doit dès lors être également indemnisé du préjudice moral subi du fait de la perte de son emploi sous un prétexte fallacieux et du manque de considération en dépit d'une ancienneté très importante sans aucune observation.
Au surplus, si la dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas en soi une mesure vexatoire, le contexte précité dans laquelle elle est intervenue est de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur le salarié et à lui conférer en définitive un caractère abusif.
Monsieur d. M. justifie d'une perte de revenus et d'un préjudice moral considérable, lesquels seront correctement indemnisés par l'allocation d'une somme de 230.000 euros à titre de dommages et intérêts.
* Sur les dépens :
Partie succombante, la SAM A sera condamnée aux dépens ainsi qu'à ceux réservés par la décision du 31 janvier 2019.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,
Rejette des débats les développements des conclusions en réplique et récapitulatives déposées le 14 mars 2019 par la société anonyme monégasque A, qui ne concernent pas la nullité des attestations produites en pièces adverses n^os 43 et 44 ;
Rejette des débats les pièces n^os 5, 5 bis, 11.2, 11.2 bis, 23, 23 bis, 36, 36 bis, 38, 39, 47, 47 bis, 53, ainsi que les deux dernières pages des pièces n^os 7.1 et 7.1 bis ;
Prononce la nullité des attestations produites par la SAM A en pièces n^os 43, 43 bis, 44 et 44 bis ;
Dit que le licenciement de Monsieur d. M. par la SAM A n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;
Condamne la SAM A à payer à Monsieur d. M. la somme de 230.000 euros (deux cent trente mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral ;
Condamne la SAM A aux dépens du présent jugement ainsi qu'à ceux réservés par la décision du 31 janvier 2019 ;
Composition
Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Cédric CAVASSINO, Jean-François RIEHL, membres employeurs, Messieurs Hubert DUPONT-SONNEVILLE, Fabrizio RIDOLFI, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le onze juillet deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Cédric CAVASSINO et Hubert DUPONT-SONNEVILLE, Messieurs Jean-François RIEHL et Fabrizio RIDOLFI étant empêchés, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.
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