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16/05/2019 | MONACO | N°18184

Monaco | Tribunal du travail, 16 mai 2019, Madame a-s. G. c/ La SARL A et la SARL B


Abstract

Contrat de travail – Licenciement – Article 6 de la loi n° 729 – Conditions – Requalification en lienciement collectif (non) – Caractère abusif (non)

Résumé

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité

prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 ma...

Abstract

Contrat de travail – Licenciement – Article 6 de la loi n° 729 – Conditions – Requalification en lienciement collectif (non) – Caractère abusif (non)

Résumé

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968. L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P. c/ SAM G). Il appartient à Madame a-s.G.de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté. Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté. La demanderesse soutient que le licenciement présenterait un caractère abusif dans la mesure où elle aurait été licenciée pour un motif économique. À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit. Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque. Si la mise en œuvre d'un licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 conduit le Tribunal du travail à ne pas s'interroger sur la validité de la rupture, en cas de paiement effectif de l'indemnité de licenciement, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut avoir pour objet de contourner les dispositions d'ordre public applicables en droit social et notamment celles relatives au licenciement économiques collectifs ou individuels.

Constitue un licenciement collectif le licenciement d'au moins deux salariés ayant une cause commune ; pour qu'un licenciement soit collectif, il faut que la cause soit commune à l'ensemble du personnel concerné et qu'elle n'ait pas un caractère personnel. Le licenciement de plusieurs salariés pour une cause qui ne leur est pas commune ou qui est fondée sur des motifs disciplinaires, n'est pas un licenciement collectif. Il n'est pas contesté que le texte applicable à la procédure de licenciement collectif est l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail du 5 novembre 1945. Cet avenant ne vise que le licenciement collectif pour motif économique, seul motif pour lequel des licenciements répétitifs peuvent intervenir. En l'espèce, les éléments produits sont insuffisants à démontrer la procédure de licenciement économique collectif invoquée par la salariée ; cette dernière reconnaissant dans ses écritures qu'aucun licenciement n'est intervenu, les contrats de travail ayant été repris par la SARL B. Ce faisant, l'employeur n'était aucunement tenu de respecter la procédure prévue pour un licenciement collectif, à charge pour le salarié de démontrer le détournement de la loi par celui-là. Force est de constater que Madame a-s.G. n'apporte aucun argument quant à un quelconque motif fallacieux ayant présidé le licenciement. La salariée invoque également la légèreté et la brutalité blâmable dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement faisant apparaitre un comportement fautif de l'employeur. Elle fonde sa demande sur le comportement de l'employeur qui aurait cherché par tout moyen à procéder à son licenciement pour motif économique pour tenter de régulariser une procédure de licenciement parfaitement illicite. Il a été décidé supra que le motif économique ne pouvait être retenu pour fonder le motif fallacieux invoqué par Madame a-s.G. de sorte qu'il ne saurait pas plus justifier la demande de la salariée quant à un comportement brutal ou vexatoire de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement. Madame a-s.G. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 16 MAI 2019

* En la cause de Madame a-s. G., demeurant X1 à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* 1°) La société à responsabilité limitée dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Caroline MACHAUX, avocat au barreau de Nice ;

* 2°) La société à responsabilité limitée dénommée B, dont le siège social se situe dans l'immeuble « Y », X3 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sophie MARQUET, avocat près la même Cour ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 6 décembre 2016, reçue le même jour ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 46-2016/2017 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 janvier 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur au nom de Madame a-s. G. en date du 5 octobre 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur au nom de la SARL B, en date du 8 mars 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur au nom de la SARL A, en date du 11 janvier 2018 ;

Après avoir entendu Maître Caroline MACHAUX, avocat au barreau de Nice pour la SARL A, et Maître Sophie MARQUET, avocat près la Cour d'appel de Monaco pour la SARL B, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame a-s. G. a été embauchée par la société à responsabilité limitée A, selon demande d'autorisation d'embauchage en date du 4 janvier 2016, en qualité de S. P. A. Manager Assistante, en vue de l'ouverture du nouveau S. P. A. de luxe au sein de l'immeuble « Y » à Monaco.

Par courrier en date du 22 juin 2016, Madame a-s. G. a été licenciée sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 15 mars 1963.

La société à responsabilité limitée B a ensuite repris la gestion du S. P. A. et l'intégralité des contrats de travail en cours.

Par requête en date du 6 décembre 2016, reçue au greffe le même jour, Madame a-s. G. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* indemnité de licenciement (reliquat) : 1.112,93 euros,

* dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat : 50.000 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif : 50.000 euros,

* condamner in solidum la SARL A et la SARL B,

* exécution provisoire du jugement à intervenir,

* frais et dépens,

* intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes à compter de la date de la requête.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le bureau de jugement.

Madame a-s. G. a déposé des conclusions le 5 octobre 2017 dans lesquelles elle demande au Tribunal de :

« - dire et juger que le licenciement de Madame G. est un licenciement abusif,

- dire et juger que la SARL B a repris l'exploitation de la société C à la suite de la résiliation d'un commun accord et anticipé du contrat de location gérance détenu par la SARL,

- dire et juger que la SARL B aurait dû faire application de l'article 5 de la loi 729,

- dire et juger que la SARL B et la SARL A ont exécuté de mauvaise foi le contrat de travail de Madame a-s. G.

- dire et juger la SARL B comme l'employeur de Madame Anne-Marie G.

* en conséquence :

* - condamner la SARL B et la société SARL A solidairement au paiement de la somme de 50.000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

* - condamner la SARL B et la SARL A solidairement au paiement de la somme de 50.000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* - assortir l'ensemble des condamnations au taux d'intérêt légal,

* - ordonner l'exécution provisoire sur toutes les condamnations pouvant être prononcées à l'encontre de la SARL B et de la SARL A,

* - condamner aux entiers dépens et ce distrait au profit de Maître Hervé CAMPANA avocat-défenseur, sous sa due affirmation. ».

Bien que non repris dans ses écritures, Madame a-s. G. a indiqué à l'audience qu'elle maintenait sa demande de reliquat d'indemnité de licenciement.

Madame a-s. G. fait essentiellement valoir que :

* le 16 juin 2016, Monsieur s. D. a informé l'ensemble des salariés que la SARL A arrêtait l'exploitation du S. P. A. au 30 juin 2016 suite à d'importantes difficultés économiques. Il précisait qu'une procédure de licenciement pour motif économique supérieur à dix salariés avait été initiée,

* par courrier du 10 juin 2016, l'employeur prenait contact avec l'Inspection du Travail pour l'informer de sa décision de procéder au licenciement collectif pour motif économique de treize salariés,

* L'Inspection du Travail a répondu qu'elle mettait le dossier en suspens dans l'attente du plan de licenciement,

* le 21 juin 2016, elle a refusé de signer un document présenté par Madame D. épouse du gérant, avec la mention « bon pour accord pour licenciement économique », ledit document étant daté du 16 juin 2016 et annonçant une cessation d'activité et un dépôt de bilan au 30 juin 2016,

* il a été mis fin au contrat de gérance libre conclu entre l'employeur et la SARL B à effet au 31 juillet 2016,

* la SARL A l'a volontairement privée, dans le seul but de lui porter préjudice, des dispositions de l'avenant n° 12 de la Convention Collective du Travail Monégasque, ainsi que des dispositions relatives à l'ordre des départs prévues par la loi n° 629,

* l'employeur a volontairement contourné les dispositions d'ordre public en camouflant un motif économique en invoquant l'article 6 de la loi n° 729,

* elle a fait l'objet d'un licenciement brutal et vexatoire,

sur l'article 15 de la loi n° 729 :

* il a été prévu entre les sociétés A et B, la cessation de l'exploitation par la première au 31 juillet 2016 et la reprise de l'exploitation par la seconde dès le 1er août suivant,

* le S. P. A. a donc continué à être exploité sans aucune interruption, dans les mêmes locaux, avec la même clientèle, les mêmes produits et services, dans les mêmes conditions commerciales et avec les mêmes moyens,

* la SARL B aurait dû faire application de l'article 15 de la loi n° 729 et reprendre son contrat de travail, au même titre que les contrats de ses collègues,

* cette société connaissait parfaitement l'existence de son contrat de travail,

* le 13 février 2017, la SARL A a fait l'objet d'une dissolution anticipée de sorte qu'il existe une véritable modification juridique ne permettant pas le maintien des contrats de travail en cours,

* elle a subi un préjudice professionnel et financier,

* elle a retrouvé un emploi le 28 août 2016 mais avec un salaire inférieur,

* elle a également subi un préjudice moral.

La SARL A a déposé des conclusions le 11 janvier 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

* s'agissant d'un licenciement fondé sur les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 du 15 mars 1963, le Tribunal n'a pas à vérifier le motif du licenciement, mais à vérifier l'absence d'abus,

* aucun des faits allégués par Madame a-s. G. n'est corroboré par le moindre commencement de preuve,

* la salariée prétend avoir été privée des dispositions relatives à l'ordre des départs prévues par la loi n° 629 alors qu'aucun licenciement collectif n'a eu lieu,

* Madame a-s. G. conteste le motif de son licenciement et non les circonstances entourant celui-ci,

* la résiliation d'un commun accord par anticipation du contrat de gérance du fonds de commerce est intervenue plus d'un mois après la rupture du contrat de travail,

* sur l'article 15 de la loi n° 729 :

* la reprise des contrats de travail par la SARL B a pris effet au jour de la résiliation du contrat de gérance du fonds de commerce, soit le 31 juillet 2016, date à laquelle le contrat de travail de Madame a-s. G. était rompu,

* les dispositions de l'article 15 ont été respectées en l'espèce.

La SARL B a déposé des conclusions le 8 mars 2018 dans lesquelles elle sollicite sa mise hors de cause à titre principal et subsidiairement, le rejet des demandes présentées par Madame a-s. G.

Elle soutient à l'appui de ses prétentions que :

* en l'absence de tout lien de droit entre elle et Madame a-s. G. elle devra être mise hors de cause,

* le licenciement de la demanderesse ne peut en aucune manière lui être imputable,

* aucune exécution de mauvaise foi ne peut lui être reprochée,

sur l'article 15 de la loi n° 729 :

* la reprise de l'activité du S. P. A. a entraîné le transfert de l'intégralité des contrats de travail en cours au moment du transfert,

* elle n'avait aucune obligation de reprendre les contrats rompus par le précédent exploitant,

* elle a respecté les dispositions de l'article 15 et aucune faute ne peut être relevée à son encontre,

* subsidiairement, elle ne saurait être tenue d'indemniser une ancienne salariée du précédent exploitant pour un licenciement qu'elle n'a jamais mis en œuvre,

* Madame a-s. G. fait état d'un complot entre l'ancien et le nouvel exploitant mais ne démontre pas ses allégations,

* le licenciement d'un salarié avant un transfert n'est par ailleurs pas interdit.

SUR CE,

* Sur les demandes présentées à l'encontre de la SARL B :

Il est acquis qu'à la date de son licenciement, l'employeur de Madame a-s. G. était la SARL A et nullement la SARL B qu'il convient donc de mettre hors de cause conformément à sa demande, aucune demande faite à son encontre ne pouvant dès lors prospérer.

Madame a-s. G. fait état dans ses écritures d'une collusion entre les deux sociétés pour obtenir son licenciement et l'exclure de la reprise des contrats en cours par la SARL B, mais ne produit aucun élément permettant d'accréditer cette thèse.

En effet, lors de la prise d'effet de la résiliation du contrat de location gérance entre les deux sociétés, le licenciement de Madame a-s. G. était effectif et la SARL B n'avait donc aucune obligation de reprendre un contrat de travail déjà rompu plusieurs mois auparavant.

Dès lors, il ne peut pas plus être reproché à la SARL B une quelconque exécution de mauvaise foi du contrat de travail de Madame a-s. G.

* Sur le reliquat d'indemnité de licenciement :

Madame a-s. G. estime qu'il lui est dû une somme de 1.112,93 euros à ce titre mais ne donne aucune explication sur le mode de calcul par elle opéré pour aboutir à ce montant.

Les pièces du dossier montrent que Madame a-s. G. a perçu la somme de 665,38 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Il appartient dès lors à la demanderesse, en application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, de rapporter la preuve de l'obligation dont elle réclame le paiement.

Force est de constater que Madame a-s. G. est défaillante dans l'administration de la preuve.

Elle devra dans ces circonstances être déboutée de ce chef de demande.

* Sur la rupture :

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 P. c/ SAM G).

Il appartient à Madame a-s. G. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

La demanderesse soutient que le licenciement présenterait un caractère abusif dans la mesure où elle aurait été licenciée pour un motif économique.

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Si la mise en œuvre d'un licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 conduit le Tribunal du travail à ne pas s'interroger sur la validité de la rupture, en cas de paiement effectif de l'indemnité de licenciement, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut avoir pour objet de contourner les dispositions d'ordre public applicables en droit social et notamment celles relatives au licenciement économiques collectifs ou individuels.

Constitue un licenciement collectif le licenciement d'au moins deux salariés ayant une cause commune ; pour qu'un licenciement soit collectif, il faut que la cause soit commune à l'ensemble du personnel concerné et qu'elle n'ait pas un caractère personnel.

Le licenciement de plusieurs salariés pour une cause qui ne leur est pas commune ou qui est fondée sur des motifs disciplinaires, n'est pas un licenciement collectif.

Il n'est pas contesté que le texte applicable à la procédure de licenciement collectif est l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail du 5 novembre 1945.

Cet avenant ne vise que le licenciement collectif pour motif économique, seul motif pour lequel des licenciements répétitifs peuvent intervenir.

En l'espèce, Madame a-s. G. invoque une procédure de licenciement économique collectif mise en place par l'employeur sans le démontrer, aucune pièce ne venant confirmer ses allégations.

Il apparaît seulement que la SARL A a fait l'objet d'une dissolution anticipée suivant décision prise en Assemblée Générale Extraordinaire le 13 février 2017, celle-ci pouvant avoir d'autres causes que des circonstances économiques.

Auparavant, le contrat de location gérance conclu entre la SARL A et la SARL B a fait l'objet d'une résiliation anticipée par acte sous seing privé en date du 29 juin 2016, à effet au 31 juillet 2016.

Ces éléments sont insuffisants à démontrer la procédure de licenciement économique collectif invoquée par la salariée ; cette dernière reconnaissant dans ses écritures qu'aucun licenciement n'est intervenu, les contrats de travail ayant été repris par la SARL B.

Ce faisant, l'employeur n'était aucunement tenu de respecter la procédure prévue pour un licenciement collectif, à charge pour le salarié de démontrer le détournement de la loi par celui-là telle que rappelé supra.

Force est de constater que Madame a-s. G. n'apporte aucun argument quant à un quelconque motif fallacieux ayant présidé le licenciement.

La salariée invoque également la légèreté et la brutalité blâmable dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement faisant apparaitre un comportement fautif de l'employeur.

Elle fonde sa demande sur le comportement de l'employeur qui aurait cherché par tout moyen à procéder à son licenciement pour motif économique pour tenter de régulariser une procédure de licenciement parfaitement illicite.

Il a été décidé supra que le motif économique ne pouvait être retenu pour fonder le motif fallacieux invoqué par Madame a-s. G. de sorte qu'il ne saurait pas plus justifier la demande de la salariée quant à un comportement brutal ou vexatoire de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement.

Madame a-s. G. sera dans ces circonstances déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

* Sur les dépens :

Succombant dans ses prétentions, Madame a-s. G. sera condamnée aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Met hors de cause la société à responsabilité limitée B ;

Déboute Madame a-s. G. de toutes ses demandes ;

La condamne aux dépens du présent jugement ;

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Didier MARTINI, Émile BOUCICOT, membres employeurs, Madame Agnès ORECCHIA, Monsieur Maximilien AGLIARDI, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le seize mai deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Didier MARTINI, Émile BOUCICOT, Maximilien AGLIARDI et Madame Agnès ORECCHIA, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18184
Date de la décision : 16/05/2019

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Madame a-s. G.
Défendeurs : La SARL A et la SARL B

Références :

article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 6 de la loi n° 729 du 15 mars 1963
article 1162 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2019-05-16;18184 ?

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