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14/02/2019 | MONACO | N°17786

Monaco | Tribunal du travail, 14 février 2019, Madame y y. LO épouse T. c/ La SAM A


Abstract

Contrat de travail - Arrivée du terme d'un CDD - Requalification de la rupture en licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)

Résumé

La salariée, engagée en qualité de vendeuse en bijouterie, soutient avoir fait l'objet d'un licenciement tandis que l'employeur argue de la fin d'un contrat à durée déterminée. En l'espèce, l'intéressée avait bien été recrutée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée mais les parties ont procédé par la suite, d'un commun accord, à la révocation du contrat à durée indéterminée et ont contracté

, en lieu et place, sous la forme d'un contrat à durée déterminée dont la validité n'est pas rem...

Abstract

Contrat de travail - Arrivée du terme d'un CDD - Requalification de la rupture en licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)

Résumé

La salariée, engagée en qualité de vendeuse en bijouterie, soutient avoir fait l'objet d'un licenciement tandis que l'employeur argue de la fin d'un contrat à durée déterminée. En l'espèce, l'intéressée avait bien été recrutée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée mais les parties ont procédé par la suite, d'un commun accord, à la révocation du contrat à durée indéterminée et ont contracté, en lieu et place, sous la forme d'un contrat à durée déterminée dont la validité n'est pas remise en cause. Le Tribunal rejette en conséquence les demandes de la salariée tendant à la requalification de la rupture du contrat de travail en un licenciement, ainsi que ses demandes financières subséquentes.

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 14 FÉVRIER 2019

* En la cause de Madame y y. LO épouse T., demeurant X2 à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN (06190) ;

Demanderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance reçue le 6 mai 2016 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 93-2015/2016 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 7 juin 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de Madame y y. LO épouse T. en date des 6 octobre 2016, 1er juin 2017 et 11 janvier 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur au nom de la SAM A en date des 2 février 2017, 5 octobre 2017 et 17 mai 2018 ;

Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice pour Madame y y. LO épouse T. et Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour la SAM A en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame y y. LO épouse T. est entrée au service de la société anonyme monégasque A à compter du 4 décembre 2006 en qualité de vendeuse pour une durée d'un an.

Dès le mois de janvier 2007, Madame y y. T. a reçu deux bulletins de salaire, l'un au nom de la SAM A pour 152 heures avec une entrée au 4 décembre 2006 et l'autre au nom de SAM B pour 17 heures de travail avec une entrée le 1er janvier 2007 et un début d'ancienneté au 4 décembre 2006.

Le 4 décembre 2007, une demande de renouvellement de contrat de travail au nom de la SAM B pour une durée indéterminée était formalisée, avec un salaire brut de 2.916 euros pour 36 heures de travail par semaine, en qualité de vendeuse, coefficient 225.

Le même jour, une autre demande de renouvellement de contrat de travail était formulée au nom de la SAM A pour une durée indéterminée à un poste de vendeuse, coefficient 225, avec un salaire brut de 323 euros pour 4 heures de travail par semaine.

Le 14 janvier 2008, il a été délivré à Madame y y. T. deux permis de travail à durée indéterminée :

* l'un pour les 4 heures hebdomadaires au service de la SAM A.

* l'autre pour les 36 heures hebdomadaires au service de la SAM A - et de la SAM B.

À compter du mois de février 2011, la salariée ne reçut plus qu'un bulletin de salaire de la part de la SAM A pour 169 heures par mois, un nouveau contrat de travail ayant été régularisé le 1er février 2011.

Le 14 mars 2011, un nouveau permis de travail était établi ayant commencé le 4 décembre 2006 pour un emploi de vendeuse coefficient 225, pour 40 heures hebdomadaires au service de la SAM A.

Madame y y. T. a reçu par la suite deux autres permis de travail, l'un portant comme fin de contrat la date du 31 mai 2015, l'autre celle du 30 septembre 2015.

Il lui a ainsi été remis le 30 septembre 2015 un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire.

Par requête reçue au greffe le 6 mai 2016, Madame y y. T. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* rupture du contrat de travail s'analysant en licenciement,

* indemnité de préavis : 8.500 euros,

* congés payés sur préavis : 850 euros,

* indemnité de congédiement : 7.500 euros,

* indemnité de licenciement (avant déduction indemnité de congédiement) : 18.200 euros,

* délivrance d'un nouveau certificat de travail conforme sous astreinte de 20 euros par jour de retard (date de fin de contrat : 30 novembre 2015),

* dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail : 50.000 euros,

* exécution provisoire,

* intérêts au taux légal.

Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Madame y y. T. a déposé des conclusions les 6 octobre 2016, 1er juin 2017 et 11 janvier 2018 dans lesquelles elle maintient ses demandes, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité de licenciement qu'elle fixe dans le dernier état de ses écritures à la somme de 10.906,91 euros.

Elle fait essentiellement valoir que :

* elle s'est présentée à son retour de congé, courant octobre 2015, sur son lieu de travail, conformément à ce qui avait été prévu,

* il lui a été indiqué qu'elle n'était plus attendue qu'en qualité de joker,

* elle ne s'est jamais sentie exclue de l'entreprise si bien qu'elle a mis en contact avec la bijouterie un client potentiel rencontré à HONG KONG courant octobre 2015, lequel a effectivement contacté l'employeur

* elle conteste fermement avoir souhaité, après neuf ans d'ancienneté en contrat à durée indéterminée, être engagée à durée déterminée,

* il appartient à l'employeur de démontrer que le départ à la retraite qu'il invoque revêtirait de la part du salarié un caractère volontaire,

* l'employeur a présenté son départ à l'ensemble du personnel comme un départ à la retraite,

* elle le conteste fermement et le fait qu'elle ait retrouvé un emploi rapidement dans le même secteur démontre qu'elle n'entendait pas prendre sa retraite,

* aucun des éléments produits par l'employeur ne permet d'affirmer qu'elle aurait eu une quelconque intention de prendre sa retraite,

* la fin de contrat qui lui a été signifiée constitue dès lors un licenciement.

La SAM A a déposé des conclusions les 2 février 2017, 5 octobre 2017 et 17 mai 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues.

Elle soutient essentiellement que :

* en pratique, Madame y y. T. effectuait 36 heures hebdomadaires pour le compte de la SAM A et non de la SAM B pour laquelle elle n'en effectuait que quatre,

* Madame y y. T. se plaignait de plus en plus souvent de son travail de vendeuse en boutique ne supportant plus de rester debout,

* la salariée a donc proposé son départ à la retraite de manière souple tout en bénéficiant d'une augmentation de salaire régulière pour terminer avec le maximum d'avantages,

* d'un commun accord, il a été convenu d'établir des contrats à durée déterminée renouvelables tous les ans, que la salariée a signés,

* elle s'est aperçue qu'au lieu de prendre sa retraite, Madame y y. T. est partie pour la concurrence,

* la salariée a trompé son employeur en lui laissant croire à un départ à la retraite, violant son obligation de loyauté pour partir chez la concurrence directe, la société G voisine,

* Madame y y. T. a fait part à de nombreuses reprises de son souhait de prendre sa retraite et a même exprimé son souhait de manière claire et sans équivoque. Elle l'a même fêtée avec ses collègues qui lui ont remis cadeaux et album souvenir,

* le cabinet comptable de l'entreprise n'a pas établi d'attestation PE dans la mesure où il s'agissait d'un départ en retraite,

* la chronologie des faits montre que la décision de Madame y y. T. de travailler à la société G ne peut être qu'antérieure à son retour de Chine. Il en est de même pour l'obtention de son relevé de carrière,

* cela démontre encore que ses démarches pour un départ à la retraite étaient entamées bien en amont ; un dossier de retraite se préparant plusieurs mois en avance.

L'employeur sollicite également d'enjoindre à la demanderesse de produire le livre de départ en retraite.

SUR CE,

* Sur la fin des relations contractuelles entre les parties :

En application des dispositions de l'article 2 de la loi n° 729, le contrat de travail, qui peut être stipulé dans la forme qu'il convient aux parties d'adopter, est soumis aux règles du droit commun.

Il est donc valablement formé, conformément aux règles du droit civil, dès que les parties se sont mises d'accord sur ses éléments essentiels.

Cette rencontre de volonté peut notamment résulter de l'acceptation pure et simple par le salarié des conditions de travail qui lui ont été proposées par l'employeur.

Il n'est pas contestable qu'à compter du 1er février 2011, Madame y y. T. a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée avec la SAM A, en qualité de vendeuse, coefficient 225, avec une durée de travail hebdomadaire de 40 heures et un salaire brut de 3.200 euros par mois.

Il est en outre produit une demande de renouvellement ou de modification de contrat de travail en date du 21 juin 2014, signée par Madame y y. T. et l'employeur, reçue au Service de l'Emploi le 27 mai 2014, aux termes de laquelle celle-ci est engagée à compter du 21 mai 2014 jusqu'au 31 mai 2015, toujours en qualité de vendeuse, coefficient 180, avec un horaire de travail hebdomadaire de 40 heures et un salaire brut mensuel de 3.600 euros, et une date d'entrée dans l'entreprise au 4 décembre 2006.

Par la suite, les parties vont déposer au Service de l'Emploi une demande de renouvellement de contrat de travail en date du 11 mai 2015 avec effet au 1er juin 2015, la date de fin de contrat étant fixée au 30 septembre 2015.

Là encore, Madame y y. T. a signé ce document.

Le Tribunal relève à ce titre que la demanderesse ne conteste pas sa signature et la réalité des contrats à durée déterminée qui sont intervenus à compter du 21 mai 2014.

Elle ne fait d'ailleurs état d'aucun vice du consentement sur ce point, de sorte que la validité desdits contrats ne peut être remise en cause.

L'article 989 du Code civil dispose :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

En application de ces dispositions, et tenant la signature par la salariée des demandes de modification et de renouvellement de contrat de travail reprises supra, les parties ont procédé, d'un commun accord, à la révocation du contrat à durée indéterminée et ont contracté, en lieu et place, sous la forme d'un contrat à durée déterminée.

En effet, expressément consacrée par l'article 11 alinéa 2 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, lequel dispose que la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée peut intervenir sans préavis si elle résulte de l'accord des parties, d'une faute grave, ou d'un cas de force majeure, la rupture négociée dite encore rupture amiable ou rupture conventionnelle constitue un mode spécifique de rupture du contrat de travail.

Dans ces circonstances, et sans qu'il y ait lieu d'argumenter sur un départ éventuel à la retraite de la salariée, les demandes de cette dernière quant à une requalification de la rupture du contrat de travail en un licenciement seront rejetées, ainsi que les demandes financières subséquentes.

* Sur la demande reconventionnelle de la défenderesse :

La SAM A sollicite la somme de 15.000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral.

La défenderesse sera déboutée de ce chef de demande dans la mesure où elle ne donne aucune précision, ni ne fournit aucun élément de preuve sur l'étendue et la nature des préjudices qu'elle a pu subir.

* Sur les dépens :

Succombant dans ses prétentions, Madame y y. T. sera condamnée aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Déboute Madame y y. LO épouse T. de toutes ses demandes ;

Déboute la SAM A de sa demande reconventionnelle ;

Condamne Madame y y. LO épouse T. aux dépens du présent jugement ;

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Nicolas MATILE-NARMINO, Madame Carol MILLO, membres employeurs, Messieurs Michel ALAUX, Silvano VITTORIOSO, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le quatorze février deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Nicolas MATILE-NARMINO, Michel ALAUX et Silvano VITTORIOSO, Madame Carol MILLO étant empêchée, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17786
Date de la décision : 14/02/2019

Analyses

Contrats de travail ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Madame y y. LO épouse T.
Défendeurs : La SAM A

Références :

article 11 alinéa 2 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 989 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2019-02-14;17786 ?

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