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14/02/2019 | MONACO | N°17785

Monaco | Tribunal du travail, 14 février 2019, Monsieur n. K. c/ La SAM A


Abstract

Contrat de travail - Licenciement pour faute grave - Validité de la cause du licenciement(oui) - Caractère abusif du licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)

Résumé

Le salarié, engagé en qualité de livreur et de commis de cuisine, a été licencié pour faute grave à la suite d'une altercation physique avec un collègue sur le lieu de travail et d'un mauvais comportement antérieur ayant fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire. Il résulte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des explications des parties que le licenciement litigi

eux est fondé sur une cause valable, la réitération d'un comportement inadapté, per...

Abstract

Contrat de travail - Licenciement pour faute grave - Validité de la cause du licenciement(oui) - Caractère abusif du licenciement (non) - Dommages et intérêts (non)

Résumé

Le salarié, engagé en qualité de livreur et de commis de cuisine, a été licencié pour faute grave à la suite d'une altercation physique avec un collègue sur le lieu de travail et d'un mauvais comportement antérieur ayant fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire. Il résulte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des explications des parties que le licenciement litigieux est fondé sur une cause valable, la réitération d'un comportement inadapté, perturbant la bonne marche de l'entreprise, caractérisant la gravité de la faute reprochée au salarié.

Par ailleurs, l'employeur s'est déplacé sur les lieux de l'altercation afin d'obtenir des explications sur l'origine de la rixe entre ses deux salariés et a estimé, après s'être entretenu avec ces derniers, que la présence de l'intéressé dans les locaux de l'entreprise perturbait sa bonne marche en raison de son comportement inadmissible le jour des faits, mais également et surtout en raison de la réitération de ce type de comportement totalement inadapté.

Dans ces circonstances, aucune faute de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement ne peut être retenue. Le Tribunal rejette en conséquence l'intégralité des demandes présentées par le salarié au titre de la rupture de son contrat de travail.

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 14 FÉVRIER 2019

* En la cause de Monsieur n. K., demeurant X1 à CAP-D'AIL (06320) ;

Demandeur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décision n°XX du 22 octobre 2015, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme monégasque A, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la requête introductive d'instance en date du 9 mai 2016, reçue le 10 mai 2016 ;

Vu la procédure enregistrée sous le numéro 95-2015/2016 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 juin 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur au nom de Monsieur n. K. en date des 6 octobre 2016, 7 décembre 2017 et 7 juin 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de la SAM A, en date des 5 octobre 2017 et 5 avril 2018 ;

Après avoir entendu Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco pour Monsieur n. K. et Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la même Cour pour la SAM A, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Monsieur n. K. a été embauché le 9 octobre 2007 par Monsieur g. GI.en qualité de Livreur Commis de cuisine en contrat à durée indéterminée.

Le 25 février 2013, la société anonyme monégasque A a racheté le fonds de commerce de la « Y » et le contrat de travail de Monsieur n. K. s'est poursuivi aux mêmes conditions avec le nouvel employeur.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 octobre 2015, Monsieur n. K. a été licencié pour faute grave.

Par requête en date du 9 mai 2016, reçue au greffe le 10 mai 2016, Monsieur n. K. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* dire et juger que son licenciement n'est fondé ni sur une faute grave, ni sur un motif valable et qu'il revêt un caractère abusif,

* condamner de ce fait la SAM A à lui payer les sommes suivantes :

* * 3.764,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* * 376,41 euros à titre d'indemnité sur préavis,

* * 6.022,59 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* * 25.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, le dossier a fait l'objet d'un renvoi devant le Bureau de Jugement.

Monsieur n. K. a déposé des conclusions les 6 octobre 2016, 7 décembre 2017 et 7 juin 2018 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

* le 9 juillet 2015, une altercation verbale et physique a eu lieu avec Monsieur f. J. collègue de travail, ce qui l'a conduit à déposer une main courante auprès de la Sûreté Publique,

* le 6 octobre 2015, il a été agressé par Monsieur é. V. également un collègue de travail,

* suite à la plainte par lui déposée, par jugement du 19 avril 2016, le Tribunal Correctionnel de Monaco a déclaré Monsieur é. V. coupable de violences volontaires et sur l'action civile, a retenu que les faits dénoncés constituaient un accident du travail,

* devant le Tribunal Correctionnel, l'employeur a soutenu la demande de condamnation de Monsieur é. V. et a formé des demandes à son encontre sur l'action civile,

* il a été victime de harcèlement sur son lieu de travail,

* il n'a jamais été à l'origine des altercations verbales et physiques,

* au contraire, il a reçu à plusieurs reprises des coups par ses collègues de travail,

* au mois de juillet 2015, il a subi les violences d'un autre salarié et a été pourtant sanctionné d'une mise à pied conservatoire de deux jours, sans rémunération,

* le 6 octobre 2015, il a subi une agression de la part de Monsieur é. V. qui sera sanctionné beaucoup plus légèrement et conservera son poste,

* il appartenait à l'employeur de procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités avant de prendre une décision,

* la décision de le licencier sur le champ a été prise de manière inconsidérée, prématurée et injuste,

* l'auteur des coups reconnaîtra d'ailleurs pendant l'enquête de police en avoir pris l'initiative,

* les attestations des salariés produites par l'employeur décrivent essentiellement un ressenti, ce qui a un caractère subjectif,

* le témoignage de Monsieur f. J. qui l'a agressé verbalement et physiquement au mois de juillet 2015 ne peut être pris en compte au regard de sa partialité manifeste,

* il disposait d'une ancienneté de sept ans et la qualité de son travail et son comportement n'ont jamais fait l'objet de la moindre critique.

La SAM A a déposé des conclusions les 5 octobre 2017 et 5 avril 2018 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

* Monsieur n. K. était d'humeur inégale et pouvait parfois être provocateur,

* les relations avec ses collègues de travail s'en trouvaient complexifiées,

* à la suite d'une première altercation avec un collègue de travail, Monsieur n. K. a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de deux jours, le 10 juillet 2015. Cette sanction n'a jamais été contestée et le salarié ne profite pas de la présente instance pour le faire,

* Monsieur j. D. Président Administrateur Délégué, a reçu le jour même de l'altercation entre Messieurs é. V. et n. K. les deux salariés séparément, puis ensemble,

* les deux hommes ont reconnu respectivement avoir proféré des insultes et chacun rejetait la responsabilité sur l'autre,

* Monsieur j. D. les a de nouveau reçus dans l'après-midi et a notifié à Monsieur é. V. une mise à pied disciplinaire de deux jours et a tenté de notifier en main propre à Monsieur n. K. son licenciement pour faute grave, le salarié refusant la remise du courrier,

* Monsieur j. D. a constaté sur chacun des salariés la présence de contusions, ce qui établissait la réciprocité des violences physiques,

* ces faits se sont produits pendant le temps de travail, dans les locaux de l'entreprise, à proximité de la clientèle,

* ils constituent un trouble anormal au fonctionnement de l'entreprise et une atteinte à sa réputation,

* ces agissements sont contraires aux dispositions de l'article 14 du règlement intérieur de l'entreprise,

* elle a tenu compte notamment de la sanction infligée le 10 juillet 2015 pour apprécier la gravité du comportement de Monsieur n. K.

* elle a exercé son pouvoir disciplinaire à l'égard des différents protagonistes en toute objectivité,

* la main courante produite par Monsieur n. K. est dépourvue de toute valeur probante puisqu'elle ne fait que relater les déclarations de l'intéressé,

* rien n'interdit à un employeur d'apprécier des faits commis par un salarié avant l'intervention éventuelle de la sanction pénale,

* elle n'était donc pas tenue d'attendre l'issue de la procédure pénale pour exercer son pouvoir disciplinaire,

* Monsieur n. K. ne démontre aucun acte de harcèlement à son encontre,

* il ne rapporte pas plus la preuve d'un quelconque abus dans la rupture et ne justifie pas de son préjudice.

SUR CE,

* Sur le motif de la rupture :

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de rupture et notamment de la faute grave alléguée.

La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis.

Cette faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est découlé.

La persistance des manquements déjà sanctionnés, autorise l'employeur à retenir lesdites fautes professionnelles antérieures, pour estimer la gravité des faits reprochés au salarié et à justifier un licenciement reposant sur une appréciation globale de son comportement.

En l'espèce, Monsieur n. K. a été licencié par lettre du 6 octobre 2015 pour le motif suivant :

« Monsieur K.

Vous avez été embauché au sein de la SAM A en date du 25 février 2013, au poste de Livreur / Commis de cuisine.

Ce jour, dans nos locaux situés X3 à Monaco, un différend s'est produit entre vous et Monsieur V é.

Aux environs de 9h00, une dispute puérile s'est déroulée entre vous deux ce qui a occasionné une altercation physique violente dans la cuisine de nos locaux.

Votre violente dispute s'est produite dans la cuisine située derrière le comptoir, alors que l'établissement était ouvert à la clientèle. Est-il nécessaire de vous préciser les conséquences de votre attitude sur celle-ci ?

Monsieur J f. a dû fermer les portes de la cuisine à cause des nuisances sonores que vous avez infligées à notre clientèle.

Malgré les nombreuses remarques orales que nous avons pu avoir à votre encontre, votre comportement, nuisible au bon fonctionnement de notre société, a désormais des conséquences encore plus graves.

Nous vous remémorons également qu'en date du 10 juillet 2015, une mise à pied disciplinaire de deux jours pour les mêmes faits vous avez été remise en main propre.

Cette sanction n'a donc pas été suffisante pour que vous ressaisissiez ?

Votre comportement agressif met en danger nos équipes, vous travaillez dans un environnement où des objets coupants et dangereux sont à votre disposition, et vous ne savez pas contrôler vos excès de colère.

Votre conduite et vos agissements nuisent également à l'image de marque de notre société au sein de la Principauté de Monaco.

Aussi au regard des éléments mentionnés ci-dessus, nous sommes au regret de vous informer par la présente, que nous avons décidé de procéder à votre licenciement. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise (...) ».

Monsieur n. K. est ainsi licencié suite à une altercation physique avec un collègue de travail sur le lieu de travail et un mauvais comportement antérieur ayant fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire.

Les altercations violentes, rixes, voies de fait, qui se produisent pendant le temps de travail ou à l'occasion du travail, entre salariés ou entre un salarié et le chef d'entreprise sont, le plus souvent, constitutives d'une faute privative des indemnités de rupture.

Cependant, compte-tenu des faits de l'espèce, la faute grave peut être rejetée. Il en est ainsi lorsque l'attitude de la victime des violences n'est pas exempte de tout reproche.

De même, les injures ou insultes du salarié à l'égard d'un autre membre de l'entreprise constituent, en général, des fautes graves, notamment lorsqu'elles sont violentes, graves, répétées, exprimées en présence de tiers, ou susceptibles d'avoir des répercussions importantes pour l'entreprise.

Pour justifier le grief reproché à Monsieur n. K. l'employeur produit les éléments suivants :

Une attestation établie par Monsieur p. R. employé de la boucherie, et qui écrit :

« Étant responsable, je me suis trouvé quelques fois à la société G, X4 où est employé Monsieur K n. et je me suis aperçu de son comportement qui était très versatile, quand il était de bonne humeur, il travaillait bien sans rechigner à la tâche, comprenait ce qu'on lui demandait et par contre lorsqu'il était mal luné on ne pouvait rien lui demander et devenait irascible. C'était un personnage qui avait deux faces, qui pouvait être très serviable et à l'écoute dans le travail et qui pouvait avoir à des moments des différents avec les autres bouchers pour des futilités et pouvait être agressifs. ».

Les déclarations de Monsieur p. R. sont particulièrement imprécises dans la mesure où elles ne font état d'aucun fait précis et matériellement vérifiables quant aux différends invoqués (nature, date, personnes concernées, conséquences, ampleur).

Par ailleurs, avoir un caractère « lunatique » n'est pas constitutif d'une faute, grave ou légère.

Une attestation établie par Monsieur m. C. employé de la boucherie, ainsi libellée :

« Monsieur n. K. avait un comportement depuis plusieurs mois lunatique provocateur voir insultant à l'égard de ses collègues de travail et moi-même, avec toute ma volonté j'ai essayé de le raisonner.

Suite à l'altercation du 06 octobre 2015 ce n'est qu'à la fin de ma communication téléphonique que Monsieur J f. a pu m'avertir qu'il avait fermé la porte de la cuisine à cause du bruit que Monsieur K. et Monsieur V. se disputer car il y avait des clients dans le magasin quant je suis rentré ils étaient en train de s'insulter mutuellement. ».

Monsieur m. C. met en avant un comportement inadapté du demandeur à l'égard de ses collègues de travail depuis plusieurs mois, sans aucune autre précision.

Le Tribunal reprend l'argumentation développée supra concernant l'attestation de Monsieur p. R.

Il n'a pas assisté personnellement à l'altercation entre Messieurs n. K. et é. V. mais a entendu des insultes mutuelles entre les deux protagonistes.

Une attestation établie par Monsieur f. J. employé de la boucherie, ainsi libellée :

« J'atteste avoir travaillé durant plusieurs années avec Mr K n. et j'ai souvent constaté qu'il avait un comportement très changeant aves tout le staff. De nombreux accrocs avec le personnel, dont moi-même dus à sa nonchalance sur le lieu de travail m'ont souvent obligé de pallier sa carence à son poste. Lors d'une dispute avec un autre boucher au mois d'octobre, je me suis trouvé contraint à fermer la porte de la cuisine tant le ton montait et nuisait à la bienséance de la clientèle.

De retour au travail à 16 H, j'ai aperçu Mr K. qui recommençait l'après-midi lourdement chargé d'une caisse de poulets et qui ne semblait n'avoir aucune gêne dans son travail. Sur les paroles du responsable celui-ci a quitté son poste. Il est reparti avec son 125 cm3 scooter dont il sait très bien que la validité de son permis est périmé.

Lors de mes altercations avec lui, chaque fois il se réfugiait dans son manque de vocabulaire français prétextant qu'il ne comprenait pas mais chaque matin, il lisait le journal pendant la pose et parlait très bien le français. ».

Les déclarations de Monsieur f. J. doivent être appréciées avec la plus grande réserve dans la mesure où une altercation a eu lieu entre celui-là et le demandeur au mois de juillet 2015, ayant donné lieu à une mise à pied de deux jours prononcée à l'encontre de Monsieur n. K.

Le Tribunal relève cependant des déclarations mesurées puisque Monsieur f. J. affirme seulement avoir dû fermer la porte du local où se déroulait la dispute entre Messieurs n. K. et é. V. ce qui n'est contesté par aucune des parties.

Le témoin fait également état d'un comportement inadapté du demandeur envers ses collègues de travail mais sans aucune précision.

Le Tribunal reprend l'argumentation développée supra concernant l'attestation de Monsieur p. R.

Le procès-verbal de déclaration de Monsieur m. C. auprès de la Sûreté Publique en date du 8 octobre 2015 dans lequel celui-ci indique avoir seulement entendu l'altercation entre Messieurs é. V. et n. K. et avoir remarqué une légère griffure au niveau du cou de ce dernier.

Il a ajouté que Monsieur n. K. était très provocateur.

Monsieur n. K. conteste la procédure disciplinaire dont il a fait l'objet au motif qu'il n'a été qu'une victime dans la rixe l'ayant opposé à Monsieur é. V. ce dernier ayant par la suite fait l'objet d'une condamnation par le Tribunal Correctionnel de Monaco pour violences volontaires.

Il apparaît en effet que par jugement en date du 19 avril 2016, Monsieur é. V. a été déclaré coupable d'avoir à Monaco, le 6 octobre 2015, volontairement occasionné des blessures, commis des violences ou voies de fait, desquelles il est résulté une incapacité totale de travail de six jours, sur la personne de Monsieur n. K. en l'attrapant par le cou et en le frappant au niveau de la cage thoracique et condamné en répression à la peine de 1.000 euros d'amende.

La procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale. Il ne se limite pas à la faculté de prononcer une sanction ; en effet, toute sanction prise à l'encontre d'un salarié doit être justifiée ce qui suppose, en premier lieu, que les faits fautifs aient été établis au préalable et qu'ils soient portés à la connaissance du salarié.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'employeur a reçu les deux salariés concernés et a infligé à chacun d'eux une sanction.

Pour ce faire, l'employeur a pris en compte l'avertissement précédemment prononcé à l'encontre de Monsieur n. K. le 10 juillet 2015, en ces termes :

« Monsieur,

Le 9 juillet 2015, s'est produit dans mon établissement une altercation entre vous-même et Monsieur f. J.

En effet, vers 13 heures, une dispute s'est produite entre vous deux, allant jusqu'à la violence physique.

Cet événement est la résultante de vos chamailleries et disputes puériles de la matinée.

Ainsi, et malgré les nombreuses remarques orales que j'ai pu avoir oralement à votre encontre, votre comportement - nuisible au bon fonctionnement de ma société - a désormais des conséquences encore plus graves.

Votre violente dispute s'est produite derrière le comptoir, alors que l'établissement était encore ouvert à la clientèle. Est-il nécessaire de vous préciser les conséquences de votre attitude sur celle-ci ?

Ces faits, graves, m'obligent donc à prendre une mesure à votre encontre.

Pour ces motifs, je vous inflige une sanction de mise à pied disciplinaire de 2 jours conformément au règlement intérieur, avec retenue correspondante de salaire.

Cette mesure prend effet les 14 et 15 juillet 2015, vous reprendrez donc votre travail le 16 juillet 2015.

Je vous précise que si de tels incidents se renouvelaient, je serai amené à remettre en cause votre maintien dans la société.

En espérant ne pas être contraint à prendre une telle mesure, et souhaitant que vous preniez les résolutions nécessaires pour que ces faits ne se reproduisent pas (...) ».

Il convient de relever que Monsieur f. J. a fait l'objet de la même sanction par courrier du même jour.

Eu égard aux éléments soumis à l'employeur le jour des faits, et notamment la version contradictoire des deux salariés sur l'origine de l'altercation, celui-là s'est trouvé face à une rixe sur les lieux du travail, donnant lieu à des violences et des injures réciproques.

Il convient également de retenir les faits ayant fondé le licenciement tel que relatés dans la lettre de licenciement.

Il est en effet fait état d'une violente dispute ayant occasionné une altercation physique violente dans la cuisine de la boucherie, ce qui n'est pas contestable ni contesté.

Eu égard à la réitération d'un comportement inadapté de la part de Monsieur n. K. en l'espace de quelques mois, l'employeur a procédé à son licenciement pour faute grave et a sanctionné Monsieur é. V. d'une mise à pied disciplinaire de deux jours.

En cas de rixe, il convient notamment de voir si le salarié est à l'origine de la rixe et l'incidence de cette dernière sur la marche de l'entreprise.

En l'espèce, le Tribunal est dans l'impossibilité de déterminer qui de Monsieur n. K. ou de Monsieur é. V. est à l'origine de l'altercation litigieuse, le seul document sur ce point étant la déclaration de plainte du premier.

Par ailleurs, l'indépendance de la procédure disciplinaire suppose que même s'il y a relaxe au pénal ou reconnaissance en l'espèce à Monsieur n. K. de son statut de victime, le comportement du salarié peut justifier un licenciement s'il apporte un trouble à la bonne marche de l'entreprise ou s'il constitue un manquement professionnel caractérisé distinct de la faute pénale.

Ainsi, l'autonomie du Juge social s'explique alors par la différence de qualifications lors de l'énonciation écrite du motif de rupture.

Dans le présent litige, la lettre de licenciement reproche à Monsieur n. K. un comportement inadapté, suite à une nouvelle dispute avec un collègue de travail, cette dernière n'étant pas contestée par le demandeur.

Il appartenait à Monsieur n. K. de refuser le conflit et faire appel à son supérieur hiérarchique ou encore quitter le local où s'est déroulée l'altercation.

Monsieur n. K. soutient avoir fait l'objet de harcèlement de la part de ses collègues de travail mais ne produit aucun élément susceptible, conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017, permettant d'établir les faits qui permettent d'en présumer l'existence.

Le seul document produit est une copie de la main courante qu'il a déposée le 9 juillet 2015 et qui ne fait état d'aucun fait de harcèlement et qui ne fait que reprendre les déclarations du déposant.

De plus, il s'évince de la lecture de ce document que Monsieur n. K. s'est présenté seul à la Sûreté Publique, ce qui démontre qu'il comprend et parle le français suffisamment bien.

Il résulte dès lors de l'ensemble des explications développées supra que le licenciement de Monsieur n. K. est fondé sur une cause valable, la réitération d'un comportement inadapté, perturbant la bonne marche de l'entreprise, caractérisant la gravité de la faute reprochée au salarié.

* Sur le caractère abusif du licenciement :

Tout licenciement fondé sur un motif valable peut néanmoins présenter un caractère abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, démontre que l'employeur a méconnu certaines dispositions légales lors de la mise en œuvre de la rupture ou si les conditions matérielles ou morales de sa notification présentent un caractère fautif ou révèlent une intention de nuire ou la légèreté blâmable de l'employeur.

Un licenciement peut être considéré comme abusif (qu'il ait été reconnu valable ou non) si l'employeur a avancé pour le justifier un faux motif, c'est-à-dire un motif qui n'était pas le motif réel qui l'a conduit à prendre cette décision et qui voulait « tromper », ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il appartient à celui qui réclame des dommages et intérêts, de prouver outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Au cas particulier, Monsieur n. K. sollicite d'être indemnisé à hauteur de la somme de 25.000 euros en réparation de ses préjudices moral et financier.

L'analyse qui précède a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement s'est avéré fondé.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Force est de constater que Monsieur n. K. qui a la charge de la preuve à ce titre, ne démontre pas que le licenciement serait intervenu pour une autre cause que celle visée dans la lettre de licenciement.

Dans ces circonstances, la décision de rupture n'est pas fondée sur un motif fallacieux et ne présente donc pas en elle-même un caractère fautif ; ainsi, aucune faute de l'employeur ne peut ouvrir droit à l'indemnisation d'un préjudice matériel et financier résultant du licenciement.

Monsieur n. K. invoque également les circonstances brutales du licenciement et la légèreté blâmable de l'employeur.

Il apparaît que Monsieur n. K. a été licencié le jour même de l'altercation avec Monsieur é. V. l'employeur ayant reçu les deux protagonistes et les ayant sanctionnés dans la continuité, l'un d'une mise à pied disciplinaire, l'autre d'un licenciement pour faute grave.

L'employeur s'est ainsi déplacé sur les lieux de l'altercation afin d'obtenir des explications sur l'origine de la rixe entre ses deux salariés et a estimé, après s'être entretenu avec ces derniers, que la présence de Monsieur n. K. dans les locaux de l'entreprise perturbait la bonne marche de cette dernière, en raison non seulement de son comportement inadmissible le jour des faits, mais également et surtout de la réitération de ce type de comportement totalement inadapté.

Dans ces circonstances, aucune faute de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement ne peut être retenue.

Succombant dans ses prétentions, Monsieur n. K. sera condamné aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Dit que le licenciement de Monsieur n. K. par la SAM A repose sur un motif valable et n'est pas abusif ;

Déboute Monsieur n. K. de toutes ses demandes ;

Condamne Monsieur n. K. aux dépens du présent jugement ;

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Nicolas MATILE-NARMINO, Madame Carol MILLO, membres employeurs, Messieurs Michel ALAUX, Silvano VITTORIOSO, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le quatorze février deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Nicolas MATILE-NARMINO, Michel ALAUX et Silvano VITTORIOSO, Madame Carol MILLO étant empêchée, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17785
Date de la décision : 14/02/2019

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Monsieur n. K.
Défendeurs : La SAM A

Références :

article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 6 de la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2019-02-14;17785 ?

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