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07/02/2019 | MONACO | N°17750

Monaco | Tribunal du travail, 7 février 2019, Madame f F. épouse FR. c/ La SAM G


Abstract

Contrat de travail - Rupture par le salarié - Démission (oui) - Embauche par un nouvel employeur avant le licenciement - Justification de la date d'embauche par le nouvel employeur (non)

Résumé

La démission de la salariée est effective, ni équivoque ni ambiguë par le fait même d'avoir contracté une nouvelle relation de travail avant son licenciement. Bien plus, elle ne donne aucune explication sur les difficultés soulevées par le Tribunal du travail dans les documents par elle produits pour tenter de justifier une embauche postérieurement à son lic

enciement, lesquels sont communiqués soit en copie soit sous forme d'un montage, ...

Abstract

Contrat de travail - Rupture par le salarié - Démission (oui) - Embauche par un nouvel employeur avant le licenciement - Justification de la date d'embauche par le nouvel employeur (non)

Résumé

La démission de la salariée est effective, ni équivoque ni ambiguë par le fait même d'avoir contracté une nouvelle relation de travail avant son licenciement. Bien plus, elle ne donne aucune explication sur les difficultés soulevées par le Tribunal du travail dans les documents par elle produits pour tenter de justifier une embauche postérieurement à son licenciement, lesquels sont communiqués soit en copie soit sous forme d'un montage, telle l'attestation employeur destinée à Pôle Emploi. Elle prétend en outre avoir égaré son nouveau contrat de travail et en avoir sollicité un double, ce dont elle ne justifie pas. La démission doit ainsi recevoir son plein et entier effet.

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 7 FÉVRIER 2019

* En la cause de Madame f F. épouse FR., demeurant « X1», X1 à CONTES (06390) ;

Demanderesse, à l'instance n° 166-2013/2014et défenderesse à l'instance n° 100-2014/2015, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Valérie SERRA, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

* La société anonyme monégasque dénommée G, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, à l'instance n° 166-2013/2014 et demanderesse à l'instance n° 100-2014/2015, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu le jugement avant-dire-droit en date du 9 novembre 2017 ;

Vu les procédures enregistrées sous les numéros 166-2013/2014 et 100-2014/2015 ;

Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur au nom de Madame f F. épouse FR. en date du 17 mai 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur au nom de la SAM G en date des 8 mars 2018 et 7 juin 2018 ;

Vu les pièces du dossier ;

* * * *

Madame f F. épouse FR. a été embauchée par la société anonyme monégasque G suivant lettre valant contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 mars 2007, en qualité de Responsable du développement, moyennant une rémunération de 3.000 euros net mensuel, assortie d'une commission de 3,5 % du chiffre d'affaires hors taxes des intégrations initiées, outre certains avantages en nature (hébergement, repas, carburant, péage, automobile, téléphone).

Courant avril 2008, un avenant au contrat de travail était signé, fixant la rémunération de la salariée à la somme de 6.000 euros par mois plus une partie variable de 0,75 % de l'ensemble du chiffre d'affaires France généré chaque mois par l'addition mensuelle des chiffres d'affaires hors taxe de l'ensemble des directions régionales de la SAM G en poste en France métropolitaine.

Le 9 juillet 2013, une réunion a été organisée entre le repreneur de la SAM G Monsieur s. AL. Président Délégué Général du groupe H, au terme de laquelle il était proposé à la salariée une rupture amiable de son contrat de travail.

Par courrier en date du 28 août 2013, l'employeur a convoqué Madame f FR. à un entretien préalable fixé au 5 septembre 2013, lui notifiant dans le même temps une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 16 septembre 2013, Madame f FR. était licenciée pour faute grave.

Par requête en date du 14 octobre 2013, reçue au greffe le 22 octobre 2013, Madame f FR. a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* indemnité de préavis : 24.059,91 euros,

* indemnité de congés payés sur préavis : 2.405,99 euros,

* indemnité de licenciement : 20.584,41 euros,

* indemnisation de la période de mise à pied du 28 août au 16 septembre 2013 : 3.953,62 euros,

* - ancienneté sur cette période : 197,68 euros,

* - indemnité de congés payés : 415,13 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif, légèreté blâmable, préjudice moral et matériel : 192.479,28 euros,

* reçu pour solde de tout compte, attestation Pôle Emploi, certificat de travail et dernier bulletin de salaire rectifiés sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

* le tout avec intérêts de droit au taux légal à compter de la citation.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par requête en date du 10 avril 2015 reçue au greffe le 13 avril 2015, la SAM G a saisi le Tribunal du travail en conciliation des demandes suivantes :

* dire et juger que Madame f FR. employée à temps plein par la SAM G a manifesté la volonté claire et non équivoque de démissionner de ses fonctions, le 2 septembre 2013, en intégrant les effectifs de la société concurrente I,

* dire et juger qu'en agissant ainsi, elle a manqué à ses obligations de loyauté, de fidélité et de bonne foi prescrites par l'article 989 du Code civil,

* en conséquence, sur le fondement de l'article 1002 du Code civil condamner Madame f FR. à verser à la SAM G la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* ordonner la jonction avec la procédure introduite le 22 octobre 2013 par Madame f FR. à l'encontre de la SAM G

* ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

La SAM G a déposé des conclusions les 16 octobre 2014, 13 avril 2015, 3 décembre 2015, 2 juin 2016 et 5 janvier 2017 dans lesquelles elle demande au Tribunal de :

à titre principal :

* dire et juger que Madame f FR. a manifesté sa volonté non équivoque de démissionner en intégrant l'effectif de la SAS I le 2 septembre 2013,

* par conséquent, la débouter purement et simplement de toutes ses demandes,

* la condamner à lui verser à la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

à titre subsidiaire :

* dire et juger que les attestations produites par Madame f FR. sous les n° 18, 18 bis, 19, 19 bis, 20, 20 bis, 21, 21 bis, 23, 23 bis, 26 et 45 sont non conformes aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile,

* les déclarer nulles et non avenues et, en conséquence, les écarter des débats,

* dire et juger que le licenciement de Madame f FR. repose sur un motif valable,

* dire et juger que ce licenciement ne présente aucun caractère abusif,

* la condamner à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

à titre très subsidiaire :

* si par impossible, le Tribunal jugeait que la faute grave n'est pas caractérisée, il y aurait lieu de juger que les faits retenus constituaient a minima un motif valable au licenciement de Madame f FR.

* en conséquence, la débouter de sa demande formée au titre de l'indemnité de licenciement,

à titre infiniment subsidiaire :

* si le Tribunal venait à considérer que le présent licenciement ne repose pas sur un motif valable et qu'en outre il serait abusif, il y aurait lieu de débouter Madame f FR. de sa demande de dommages et intérêts, à hauteur de deux ans de salaire,

* condamner Madame f FR. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sur sa due affirmation.

La SAM G considère encore que Madame f FR. a manqué à ses obligations de loyauté, de fidélité et de bonne foi prescrites par l'article 989 du Code civil et qu'elle doit ainsi être condamnée à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.

La défenderesse fait essentiellement valoir que :

sur la démission :

Madame f FR. a intégré l'effectif de la société concurrente J, dès le 2 septembre 2013, soit avant même l'entretien préalable à son licenciement, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directrice des opérations,

* la démission n'est soumise à aucun formalisme. Elle peut ainsi être implicite. C'est notamment le cas lorsque le salarié s'engage au service d'un autre employeur, sans en aviser son actuel employeur,

* en intégrant le 2 septembre 2013 l'effectif de la SARL J, Madame f FR. a manifesté sa volonté non équivoque de démissionner de ses fonctions au sein de la SAM G

* la lettre en date du 26 mars 2014 avait pour objet de mettre fin à la période d'essai de Madame f FR. Elle est à l'entête de la SARL J, laquelle a changé de dénomination sociale le 19 novembre 2013 pour prendre le nom de « K »,

* la lettre du 26 mars 2014 aurait dû être établie à l'entête de la Société K et non à l'entête de l'ancienne dénomination,

* le profil créé par Madame f FR. sur le site internet w. com est un aveu de sa prise de fonction au sein de la société concurrente en septembre 2013 et non en octobre 2013,

sur le licenciement :

* elle verse aux débats diverses attestations justifiant les faits reprochés,

* tant les faits de dénigrement que l'intention malveillante de Madame f FR. sont établis,

* les personnes témoignant dans l'intérêt de la demanderesse ont toutes quitté la SAM G au début de l'automne 2013 pour rejoindre Madame f FR. chez la SAS I ou peut être chez la SARL J,

* il est produit également aux débats la copie du mail adressé par Madame f FR. le 10 juillet 2013 à l'ensemble de son réseau professionnel, avec pour objet : « Information importante », afin d'annoncer son départ des effectifs de la SAM G le 15 juillet 2013, pour des raisons personnelles ; parmi les destinataires de ce mail, apparaît Madame c. C.

Madame f FR. était donc bel et bien en lien permanent avec le réseau Madame c. C. qui a une activité concurrente de celle de la SAM G

la salariée a manqué :

* * à l'obligation de loyauté en sollicitant les forces de ventes pour les convier à une visio-conférence organisée par une société concurrente,

* * à son obligation de fidélité en intégrant la société concurrente I alors qu'elle était toujours liée à la SAM G par un contrat à durée indéterminée à temps plein,

* * à son obligation de discrétion ou de réserve en utilisant les fichiers des forces de ventes pour les débaucher,

Madame f FR. a également fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de son contrat de travail et ce, au mépris de l'article 989 du Code civil,

* la tentative de débauchage est justifiée par les mails produits émanant de la demanderesse,

* le manque d'implication de la salariée est démontré par une nette baisse de ses performances commerciales à compter de l'exercice 2013,

* la salariée ne rapporte la preuve d'aucune légèreté blâmable ou abus dans la décision de licencier.

Madame f FR. a déposé des conclusions les 8 mai 2014, 4 décembre 2014, 11 juin 2015, 4 février 2016 et 6 octobre 2016 dans lesquelles elle reprend ses demandes et soutient essentiellement que :

sur le licenciement :

* elle a toujours nié les faits qui sont inventés pour les besoins de la cause par l'employeur,

* elle produit de nombreuses attestations de tiers témoignant de la qualité des relations entretenues avec Monsieur e-j. R. Elle ne lui a jamais manqué de respect et ne l'a jamais dénigré,

* les trois attestations émanant de Mesdames CA. GU. et LE. ne précisent pas le lien de subordination ou d'intérêt avec l'employeur,

* elles sont par ailleurs imprécises et non circonstanciées,

* l'attestation de Monsieur BL. ancien Président Directeur Général de la SAM G est une attestation de complaisance qui est versée aux débats en fin de procédure,

* aucun acte de concurrence déloyale ni de déstabilisation des forces de vente ne peut lui être reproché,

* la partie adverse avance un certain nombre de chiffres s'agissant de la perte des équipes d'animatrices de vente résultant d'une perte de clientèle et de chiffre d'affaires, sans verser la moindre pièce justificative,

* elle a fait preuve d'un grand professionnalisme et d'une totale loyauté jusqu'au bout des relations contractuelles avec son employeur,

* elle n'a jamais été en relation avec la Société S avec laquelle elle n'a jamais collaboré,

* contrairement à ce que soutient l'employeur, les Sociétés S et G ne sont aucunement en concurrence, puisqu'elles ne travaillent pas sur les mêmes réseaux,

* aucune pièce n'est produite par l'employeur pour justifier du départ d'un certain nombre d'animatrices,

* le Tribunal de grande instance de Nice a débouté la SAM G de son action en concurrence déloyale à son encontre et la Cour d'appel d'Aix-en- Provence a confirmé cette décision,

* le chiffre d'affaires est en baisse depuis 2008,

* le manque d'implication et la perte de confiance ne sont pas plus prouvés par l'employeur,

* elle subit un préjudice professionnel et financier indiscutable,

* le licenciement a été prononcé avec une légèreté blâmable et dans des conditions vexatoires,

* elle subit un préjudice moral par nature distinct de la perte illégitime de son emploi et des conséquences professionnelles et économiques,

* elle est sans emploi depuis le 25 avril 2014, après un travail de quelques mois au sein de la SAS I,

* elle ne peut percevoir d'indemnités de Pôle Emploi puisqu'elle est inapte à travailler et ne peut donc pas être assimilée à une personne en recherche d'emploi,

* cette situation a été préjudiciable à son état de santé,

sur la démission :

* elle n'a jamais rejoint les effectifs de la SAS I le 2 septembre 2013, mais bien le 9 octobre 2013, donc postérieurement à son licenciement, ainsi que cela résulte du contrat de travail en date du 9 octobre 2013.

Par lettre du 26 mars 2014, elle se voyait notifier la rupture de la période d'essai et la fin des relations contractuelles le 25 avril 2014 au soir,

cette lettre comporte une erreur de plume, puisqu'il est marqué une date d'embauche au 2 septembre 2013, alors même que le contrat de travail mentionne expressément qu'il est conclu et accepté pour une durée indéterminée à compter du 9 octobre 2013,

elle produit son profil sur le site professionnel LINKEDIN où il est mentionné qu'elle a travaillé comme directrice des opérations chez la SAS I d'octobre 2013 à avril 2014,

la SAM G ne peut aucunement se prévaloir d'une quelconque démission de sa part.

Madame f FR. demande ainsi au Tribunal de :

* constater qu'elle n'a pas démissionné de ses fonctions et que la SAM G est mal fondée en son argumentation à titre principal,

* constater que son licenciement est intervenu pour un motif non valable et abusif,

* constater que son licenciement a été prononcé avec une légèreté blâmable et dans des conditions vexatoires,

* condamner en conséquence, la SAM G à lui payer les sommes suivantes :

* * indemnité de préavis : 8.019,97 euros x 3 mois = 24.059,91 euros,

* * indemnité de congés payés sur préavis : 2.405.99 euros,

* * indemnité de licenciement (267,33 x 77 j) : 20.584,41 euros,

* * indemnisation de la période de mise à pied du 28 août 2013 au 16 septembre 2013 : 3.953,62 euros,

* * prime d'ancienneté sur cette période : 197,68 euros,

* * indemnité de congés payés : 415,13 euros,

* * dommages et intérêts pour licenciement abusif et légèreté blâmable, préjudice moral et matériel (8.019,97 euros x 24 mois) : 192.479,28 euros,

* * le tout avec intérêts de droit au taux légal à compter de la citation en conciliation en date du 14 octobre 2013,

* ordonner à la SAM G de lui délivrer un reçu pour solde de tous comptes modifié ainsi que l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et le dernier bulletin de salaire également rectifié dans le sens susvisé, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

* débouter la SAM G de son argumentation et de ses demandes,

* ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

* condamner la SAM G aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Par jugement avant-dire-droit en date du 9 novembre 2017, la présente juridiction a :

Ordonné la jonction des instances portant les numéros 166 de l'année judiciaire 2013/2014 et 100 de l'année judiciaire 2014/2015.

Enjoint à Madame f FR. de produire les pièces suivantes, en ORIGINAL :

* - le contrat de travail conclu avec la SARL J,

* - tous les bulletins de salaire liés à cette relation de travail,

* - le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation destinée à Pôle Emploi suite à la rupture de la période d'essai.

Renvoyé la cause et les parties à l'audience du 11 janvier 2018 (mise en état) à 14 heures 15.

Réservé les demandes des parties.

À la suite de la communication à la défenderesse des pièces sollicitées, cette dernière a déposé des conclusions les 8 mars 2018 et 7 juin 2018 dans lesquelles elle reprend son argumentation, y ajoutant sur les pièces nouvellement produites :

* le contrat de travail du 9 octobre 2013 :

* le 14 octobre 2013, Madame f FR. ne travaillait pas pour la SARL J mais pour la SAS I ainsi qu'il résulte d'un courriel qu'elle a adressé le 14 octobre 2013 portant ses fonctions en signature pour le compte de la SAS I,

* les sociétés J et I sont deux sociétés différentes, Madame f FR. ne démontrant aucunement qu'elles appartiennent à un même groupe,

* la demanderesse ne produit pas le contrat de travail en original mais une copie tronquée sur laquelle ne figurent pas les signatures des cocontractants,

* sur la lettre de la SARL J du 26 mars 2014 :

* ce courrier mentionne que Madame f FR. a intégré la société le 2 septembre 2013,

* or, la SARL J a changé de dénomination sociale le 19 novembre 2013 pour prendre le nom K de sorte que cette lettre aurait dû être établie à ce nouvel entête,

* Madame f FR. ne produit pas de document justifiant de son inscription à Pôle Emploi,

* le statut de demandeur d'emploi n'est pas incompatible avec la prescription d'arrêts de travail pour maladie lesquels ne font que suspendre le versement des allocations chômage.

* Madame f FR. a répliqué de la manière suivante par conclusions en date du 17 mai 2018 :

* au regard du règlement UNEDIC, les bénéficiaires de l'assurance chômage doivent être aptes physiquement à l'exercice d'un emploi de sorte que pour pouvoir s'inscrire à Pôle Emploi, il ne faut pas être en arrêt maladie,

* elle a été en arrêt maladie et l'est toujours à ce jour et c'est la raison pour laquelle elle n'a jamais pu s'inscrire à Pôle Emploi,

* il résulte des pièces qu'elle produit qu'aucune démission ne peut lui être opposée.

SUR CE,

La demande de communication de pièces sollicitée par le Tribunal était fondée sur les éléments suivants :

- « Un mèl de Madame FR. en date du 14 octobre 2013 montre qu'elle travaillait pour le compte de la SAS I et non pour la SARL J,

- les arrêts de travail de la salariée font apparaître en qualité d'employeur, soit la SAS I, soit la SARL J,

- les sociétés J et I sont deux sociétés distinctes, avec des formes juridiques différentes (SARL pour la première, SAS pour la seconde),

- la SARL J a changé de dénomination sociale le 19 novembre 2013 pour prendre le nom de « K », de sorte que la lettre de rupture de la période d'essai en date du 26 mars 2014 aurait dû être établie avec la nouvelle dénomination.

L'ensemble de ces éléments ne permet pas au Tribunal d'accréditer une thèse plutôt qu'une autre, alors que Madame FR. dispose de tous les documents permettant de lever toute ambiguïté sur le début de sa relation de travail avec la société N. L. C. » .

Par courrier en date du 20 décembre 2017 reçu au greffe le 22 décembre 2017, le conseil de la demanderesse a transmis les documents suivants en original :

* les bulletins de paie établis par la SARL J pour les mois d'octobre, novembre, décembre 2013 et janvier, février, mars et avril 2014,

* l'attestation d'employeur destinée à Pôle Emploi datée du 25 avril 2014,

* le certificat de travail établi par la Q en date du 25 avril 2014,

* le reçu pour solde de tout compte du 25 avril 2014,

* s'agissant du contrat de travail, Madame f FR. ayant égaré l'original, elle en a sollicité un double de son ancien employeur.

Le contrat de travail étant la pièce capitale permettant de vérifier l'exactitude des déclarations de Madame f FR. n'a pas été communiqué en original, la demanderesse soutenant qu'elle a égaré son exemplaire et qu'elle en a sollicité une copie auprès de son ancien employeur.

Cependant, elle ne produit aucun courrier adressé à la SARL J par lequel elle forme cette demande alors qu'elle l'a forcément sollicité pour répondre à l'argumentation développée par la défenderesse dans ses conclusions en date du 13 avril 2015.

En effet, elle fait état du contrat de travail litigieux pour la première fois dans ses écritures en date du 11 juin 2015.

Tenant l'impossibilité par elle invoquée de produire le contrat de travail en original et l'injonction faite à ce titre par le Tribunal, il lui appartenait de produire toute pièce démontrant s'être rapprochée de la SARL J à cette fin.

Concernant l'attestation d'employeur destinée à Pôle Emploi.

Le Tribunal relève les éléments suivants sur la sincérité de ce document :

* les trois premières pages sont en original, l'écriture appuyée formant relief au verso,

* la quatrième page est une copie. Non seulement il n'y a pas le relief de l'écriture sur le verso mais une surcharge apparaît sur la partie réservée au cachet de l'entreprise. En effet, une étiquette a été collée sur la signature apposée à l'origine (celle-ci dépasse sur la gauche de l'étiquette). Enfin, la signature attribuée à l'employeur est hésitante et ne correspond pas à celle figurant sur le certificat de travail.

Il résulte de ces constatations que cette attestation destinée à Pôle Emploi est un montage, les trois premières pages ayant pu être écrites en original sans conséquence particulière, la quatrième étant un montage dans la mesure où la signature et le cachet de l'employeur sont obligatoires.

Le Tribunal relève enfin que le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte ne sont pas des originaux ; la faible épaisseur des feuilles aurait dû laisser apparaître au verso le relief des signatures et du « bon pour solde de tout compte » apposés.

Il résulte de ces constatations que les documents censés démontrer la date d'embauche de Madame f FR. par la SARL J sont communiqués soit en copie soit sous forme d'un montage.

Dans ces circonstances, et tenant l'ensemble des éléments ayant justifié la décision avant-dire-droit en date du 9 novembre 2017 tels que repris supra, il convient de retenir que la démission de Madame f FR. est effective, non équivoque ni ambiguë, par le fait d'avoir contracté une nouvelle relation de travail avant son licenciement par la SAM G

Bien plus, Madame f FR. ne donne aucune explication sur les difficultés soulevées par le Tribunal dans les documents par elle produits.

La démission doit ainsi recevoir son plein et entier effet, de sorte que Madame f FR. sera déboutée de ses demandes financières subséquentes.

Il n'y a pas lieu en conséquence de statuer sur la nullité des attestations produites par Madame f FR. tel que sollicité par la défenderesse, cette prétention se rattachant au licenciement de la salariée.

* Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

L'action en justice constitue l'exercice d'un droit et l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration, non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol .

En outre, la défenderesse ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque.

La défenderesse sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Succombant dans ses prétentions, Madame f FR. sera condamnée aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Dit que Madame f F. épouse FR. a manifesté sa volonté non équivoque de démissionner en contractant une nouvelle relation de travail avant son licenciement par la société anonyme monégasque G ;

En conséquence,

Déboute Madame f F. épouse FR. de toutes ses demandes ;

Déboute la société anonyme monégasque G de sa demande reconventionnelle ;

Condamne Madame f F. épouse FR. aux dépens du présent jugement ;

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Madame Anne-Marie MONACO, Monsieur Anthony GUICHARD, membres employeurs, Madame Anne-Marie PELAZZA, Monsieur Lucien REBAUDO, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le sept février deux mille dix-neuf, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Anthony GUICHARD, Lucien REBAUDO et Madame Anne-Marie MONACO, Madame Anne-Marie PELAZZA étant empêchée, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17750
Date de la décision : 07/02/2019

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : Madame f F. épouse FR.
Défendeurs : La SAM G

Références :

article 989 du Code civil
article 324 du Code de procédure civile
article 1002 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2019-02-07;17750 ?

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