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28/06/2018 | MONACO | N°19287

Monaco | Tribunal du travail, 28 juin 2018, Monsieur j. W. c/ The International School of Monaco (I.S.M.)


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 28 JUIN 2018

En la cause de Monsieur j. W., demeurant « X1», X1à NICE (06000) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO (I. S. M.), dont le siège social se situe 12 quai Antoine 1er à MONACO ;

Défenderesse, plaidant par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'app

el de Monaco, et ayant élu domicile en son étude ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibé...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

JUGEMENT DU 28 JUIN 2018

En la cause de Monsieur j. W., demeurant « X1», X1à NICE (06000) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

d'une part ;

Contre :

THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO (I. S. M.), dont le siège social se situe 12 quai Antoine 1er à MONACO ;

Défenderesse, plaidant par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son étude ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 27 juillet 2015, reçue le 28 juillet 2015 ; Vu la procédure enregistrée sous le numéro 16-2015/2016 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 20 octobre 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. W. en date des 7 janvier 2016, 14 juillet 2016, 1er  décembre 2016 et 5 octobre 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO, en date des 3 mars 2016, 6 octobre 2016, 6 avril 2017 et 1er  juin 2017 ;

Après avoir entendu Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice, pour Monsieur j. W. et Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur j. W. est entré au service de THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO (ci-après I.S.M.) en qualité de Professeur de Mathématiques par contrat à durée déterminée du 24 août 2011 jusqu'au 30 juin 2012, lequel s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée le 1er  juillet 2012.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 juin 2015, Monsieur j. W. a été licencié sur le fondement de l'article 6 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963.

Par requête en date du 27 juillet 2015, reçue au greffe le 28 juillet 2015, Monsieur j. W. a saisi le Tribunal du travail en conciliation.

Avant ladite audience, Monsieur j. W. a reformulé des demandes de la manière suivante :

* certificat de travail conforme (entrée : 23 août 2011, sortie : 26 octobre 2015) sous astreinte de vingt euros par jour de retard,

* solde de congés payés (notamment pour la période allant du 27 juin au 25 août 2015 et sur préavis) : 1.840 euros,

* indemnité de préavis (non cumul des congés payés avec le préavis) du 26 août au 26 octobre 2015 : 8.400 euros,

* complément indemnité de licenciement : 9.000 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif : 65.000 euros,

* intérêts au taux légal,

* exécution provisoire.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant de bureau de jugement.

Monsieur j. W. a déposé des conclusions les 7 janvier, 14 juillet et 1er  décembre 2016, 5 octobre 2017 dans lesquelles il réduit ses demandes au titre de l'indemnité du solde de congés payés à la somme de 1.500 euros et de l'indemnité de licenciement à celle de 4.228,59 euros.

Il sollicite en outre de voir rejeter des débats la jurisprudence citée par l'employeur sans référence de publication et non communiquée, ainsi que les documents en langue anglaise non traduits (pièces n° 27-6 à 8, 28-6 à 9).

Il fait essentiellement valoir que :

Sur le certificat de travail :

* le contrat de travail signé par les parties le 25 août 2011 a commencé le 23 août 2011,

* un salarié doit être en possession d'un certificat de travail exact sans qu'il ait à justifier d'un préjudice financier,

* la lettre de licenciement a été présentée le 25 juin 2015, de sorte que le préavis a débuté le 26 juin 2015,

* il doit bénéficier d'un préavis de deux mois et cette période ne peut coïncider avec celle des congés payés,

* il avait droit aux congés payés du 27 juin au 25 août 2015, date de la rentrée suivante. Étant en congé, il ne pouvait être en préavis,

* aucun travail n'était prévu pour les professeurs pendant les vacances d'été,

* il a toujours bénéficié des vacances scolaires,

* le règlement intérieur de l'I.S.M. prévoit en son article 12 que les dates des congés payés correspondront automatiquement aux dates des congés scolaires,

Sur le solde de congés payés :

* son bulletin de salaire du mois de juin 2015 ne mentionne le paiement d'aucun jour de congé,

* à la date de son licenciement, il n'avait pas épuisé ses droits à congés payés,

* sa période de préavis ayant débordé sur l'année scolaire 2015/2016, il devait recevoir les congés payés afférents,

Sur l'indemnité de licenciement :

* le mois ayant précédé son licenciement est celui du mois de mai 2015,

* il convient dès lors de diviser son salaire de 4.200 euros par le nombre de jours travaillés (seize) et de multiplier le résultat par le nombre de mois d'ancienneté,

Sur la rupture :

* ses droits n'ont pas été respectés,

* le bonus de 12.600 euros n'est en aucune manière un cadeau mais un dû,

* il a été licencié à la veille des vacances scolaires lui interdisant toute possibilité de trouver un poste pour la rentrée scolaire suivante,

* l'intention de nuire de l'employeur est manifeste,

* il a été licencié parce qu'il se trouvait proche de l'âge de la retraite (65 ans le 8 avril 2016),

* le licenciement est intervenu brutalement, sans aucun signe annonciateur,

* il subit un préjudice moral et financier important.

L'I.S.M. a déposé des conclusions les 3 mars et 6 octobre 2016, 6 avril et 1er  juin 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et sollicite reconventionnellement la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle soutient essentiellement que :

* le contrat de travail de Monsieur j. W. indique effectivement la date du 24 août 2011 mais son autorisation d'embauchage n'a débuté que le 7 octobre et c'est la raison pour laquelle l'Ecole a mentionné cette date du 7 octobre 2011,

* le salarié n'a subi aucun préjudice à ce titre. Il ne présente aucune réclamation financière,

* la date de sortie de Monsieur j.W.de l'établissement scolaire doit correspondre à la date de la fin de son préavis,

* les parties ont convenu que le régime des congés payés annuels applicable, serait celui fixé par la loi du 26 juillet 1956, soit trente jours ouvrables,

* il faut distinguer les congés payés du personnel enseignant et les vacances scolaires propres aux élèves,

* les vacances d'été durant lesquels les activités d'enseignement sont suspendues, ne sauraient être considérées comme des congés payés mais comme un temps où l'employeur choisit, en raison des rythmes scolaires, de fermer son établissement,

* en conséquence l'employeur verse à ses salariés une indemnité journalière qui se différencie du paiement de congés payés tant par son fondement que par son régime,

* les enseignants mettent à profit les vacances scolaires pour préparer les périodes de classe à venir,

* le contrat de travail de Monsieur j. W. n'a donc pas été suspendu pendant les vacances d'été et le préavis a donc commencé à courir dès la notification de son licenciement,

* au jour de son licenciement, Monsieur j. W. avait épuisé ses droits au titre des congés payés annuels qu'il avait d'ores et déjà pris depuis le mois d'octobre 2014,

* l'entreprise peut donc choisir de positionner d'office les congés payés de ses employés sur les périodes de vacances scolaires, et telle est souvent la pratique dans les établissements scolaires,

* le calcul de l'indemnité de licenciement par Monsieur j. W. est erroné. Il a même bénéficié d'un trop perçu à hauteur de 832 euros,

* elle a parfaitement respecté les droits de son salarié,

* Monsieur j. W. a perçu une somme de 12.600 euros à titre de bonus, comme il le réclamait alors qu'il n'en avait pas droit,

* le fait que Monsieur j. W. ait été licencié alors qu'il se trouvait à dix mois de la retraite ne constitue pas une faute,

* il en est de même pour la rupture intervenant la veille des vacances d'été,

* Monsieur j. W. a eu plusieurs entretiens avec son employeur, dont l'entretien préalable du 12 juin 2015, de sorte que la rupture de leurs relations contractuelles avait déjà été abordée à ces occasions,

* Monsieur j. W. reconnaît avoir eu huit entretiens depuis mars 2015, ce qui lui permettait de rechercher un nouvel emploi pour la prochaine rentrée scolaire,

* ces entretiens démontrent l'absence de toute précipitation, brutalité et légèreté blâmable dans la mise en œuvre du licenciement.

SUR CE,

Sur le rejet des débats de la jurisprudence citée par l'employeur sans référence de publication et non communiquée

Il s'agit d'un arrêt rendu par le Conseil d'État Français le 24 octobre 1952 et d'un jugement rendu par la présente juridiction le 7 juillet 2005 visés dans les écritures de l'I.S.M..

En l'absence de toute mention permettant au demandeur de rechercher lesdites décisions dans le respect du principe du contradictoire, celles-ci seront rejetées des débats.

Sur le rejet des débats des documents en langue anglaise non traduits produits par l'employeur en pièces n° 27-6 à 8, 28-6 à 9

En vertu de l'article 8 de la Constitution, aux termes duquel la langue française est la langue officielle de l'État de Monaco, les débats devant les juridictions monégasques doivent être menés dans cette langue et les pièces produites en langue étrangère dument traduites.

Le Tribunal relève que les pièces n° 27-6 et 27-7, 28-6 et 28-7 sont accompagnées d'une traduction libre en pièces n° 27-6 bis et 27-7 bis, 28-6 bis et 28-7 bis.

Aucune contestation n'étant émise sur la fidélité de cette traduction, la demande présentée à ce titre sera rejetée.

Les pièces n° 27-8, 28-8 et 28-9 sont en langues française et anglaise et doivent dès lors être retenues.

Sur le certificat de travail

Monsieur j. W. estime que le document comporte deux erreurs, une sur la date d'entrée et l'autre sur la date de sortie.

L'employeur soutient que l'autorisation d'embauchage prévoit une date d'entrée au 7 octobre 2011, sans pour autant produire ledit document.

Le contrat de travail signé entre les parties le 25 août 2011 prévoit que Monsieur j. W. est nommé à partir du 24 août 2011 en qualité de Professeur de Mathématiques, date qu'il convient de retenir comme date d'entrée.

Concernant la date de sortie, Monsieur j. W. considère que la durée du préavis ne pouvait coïncider avec celle des congés payés.

Le contrat de travail en date du 25 août 2011, puis celui en date du 6 avril 2012 à durée indéterminée, prévoient la même clause concernant les congés, à savoir :

« L'employé aura le droit à des congés payés conformément à la loi. Ces congés doivent être pris pendant les périodes désignées comme vacances scolaires dans le calendrier scolaire ».

La Loi n° 619 du 26 juillet 1956 fixe le régime des congés payés annuels.

Le droit du for ne comporte aucune législation ou règlementation particulière concernant le personnel enseignant.

Dans ces circonstances, seule la loi susvisée est applicable au présent litige.

L'employeur produit un extrait du règlement intérieur applicable dans l'établissement, en son article 12 relatif aux congés payés, ainsi libellé :

« Le droit aux congés payés est acquis conformément aux dispositions de la Loi n° 619 du 26 juillet 1956 modifiée, ils sont normalement disponibles à partir du 1er  mai de l'année suivante.

Toutefois, les dates des congés payés correspondront automatiquement aux dates des congés scolaires. En dehors des congés scolaires, aucun autre congé ne sera accordé aux salariés, sauf congés légaux (mariage, communion, naissance, décès, etc...) ou congés accordés par la Direction.

Dès le commencement de l'année scolaire (1er  septembre), les salariés sont informés qu'à chaque vacance scolaire, les jours de congés payés seront en application des dispositions prévues dans leur contrat de travail, imputés sur les droits à venir.

Lorsque le salarié aura épuisé les droits qui n'auraient été disponibles que le 1er  mai de l'année, pour les congés attribués durant le reste des vacances scolaires excédant les cinq semaines, il sera fait référence à l'article 17 de la loi 619 qui dispose que :

»Lorsque la fermeture pour congés payés d'un établissement se prolonge, sans l'accord du personnel au-delà de 30 jours ouvrables, l'employeur est tenu pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée, de verser à son personnel une indemnité qui ne peut être inférieure à l'indemnité journalière de congés payés.

(...)«.

Toutefois, l'indemnité versée sera plafonnée au salaire qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé cette période.

En revanche, en cas de départ d'un salarié en cours d'année scolaire, si le nombre de jours de congés qu'il aura pris durant les vacances scolaires, atteint 30 jours, il n'aura droit à aucune indemnité de congés payés ».

L'article 16 de la Loi n° 619 prévoit :

« Lorsque le contrat de travail est résilié avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il doit recevoir, au moment de la résiliation du contrat, pour la fraction du congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité de congé payé déterminée d'après les dispositions des articles 10, 11, 12, 13 et 15... ».

En principe, le préavis est suspendu durant les congés du salarié (sauf accord contraire entre l'employeur et le salarié). Il est ensuite prolongé d'une durée équivalente au nombre de jours de congés pris (sauf dispense de préavis par l'employeur).

En l'espèce, Monsieur j. W. a été licencié suivant courrier en date du 18 juin 2015, reçu le 25 juin, le préavis débutant ainsi le 26 juin 2015 :

« Monsieur,

Suite à l'entretien préalable du 12 juin 2015, avec Monsieur Francis G. Directeur, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement sur fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 sur le contrat de travail.

Conformément aux dispositions légales et conventionnelles, vous bénéficiez d'un préavis qui prend effet à la date de première présentation de la présente lettre. Vous êtes dispensé d'effectuer votre préavis à compter du 1er  juillet 2015 et nous quitterez donc libre de tout engagement le 30 juin 2015... ».

Il est un cas où le salarié se trouve contraint de prendre son congé. Il en est ainsi lorsque la prise des congés est imposée par la fermeture de l'entreprise.

Dans les établissements scolaires, la fermeture est programmée pendant les vacances scolaires et notamment les vacances d'été.

Le contrat de travail et le règlement intérieur de l'I.S.M. impose d'ailleurs la prise des congés pendant lesdites vacances.

Le salarié en préavis peut être dans l'obligation de prendre son congé du fait de la fermeture de l'entreprise. Dans ce cas, le préavis n'est pas suspendu et le salarié perçoit les indemnités suivantes :

* l'indemnité compensatrice pour la période de préavis qu'il n'a pas pu effectuer,

* l'indemnité de congés payés correspondant à la durée de fermeture de l'entreprise pour cause de congés annuels.

En l'espèce, Monsieur j. W. a débuté son préavis le 26 juin 2015 et la fermeture de l'I.S.M. est intervenue le 1er juillet 2015.

Le principe générale repris supra doit être apprécié au regard des particularités et impératifs de l'activité d'un établissement scolaire connaissant des périodes de fermetures longues et fréquentes.

Ce faisant, Monsieur j. W. doit bénéficier d'une indemnité compensatrice de préavis pour la période du 1er juillet au 26 août 2015 et d'une indemnité de congés payés à hauteur des droits acquis par le salarié pendant la période de référence.

En effet, le demandeur ne saurait obtenir une indemnité à ce titre pour la durée totale de fermeture de l'établissement dans la mesure où celle-ci a toujours fait l'objet d'un paiement à hauteur du salaire dû, quels que soient les jours de congés restant à prendre.

Il apparait ainsi, à la lecture des pièces produites par le salarié, qu'il reste à ce dernier un solde de douze jours de congés non pris à la date du licenciement et qu'il convient d'indemniser.

Cependant, l'indemnisation des congés payés, s'agissant d'une indemnité compensatrice, n'a pas d'effet sur le terme du contrat.

Ainsi, les parties admettent que la lettre de licenciement datée du 18 juin 2015 a été reçue par le salarié le 25 juin 2015. Le délai a donc commencé à courir le 26 juin 2015. La fin légale du contrat de travail est donc le 26 août 2015 à minuit.

En effet, en combinant les dispositions des articles 2052 et 2053 du Code civil avec celles de l'article 970 du Code de procédure civile, le délai de préavis se compte de quantième à quantième de sorte que, débutant le 26 juin 2015, il s'achève le 26 août 2015 pour un préavis de deux mois, s'agissant du même quantième que le mois au cours duquel le délai a commencé à courir.

L'employeur sera dans ces circonstances condamné à procéder à la rectification du certificat de travail sur ce point, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, la nécessité d'une mesure d'astreinte n'étant par ailleurs nullement établie.

Sur le solde de congés payés

Ainsi qu'il a été indiqué supra, les bulletins de salaire de Monsieur j. W. pour la période du mois de janvier à mai 2015 montrent qu'il reste un solde de douze jours de congé non pris par le salarié.

L'article 16 de la Loi n° 619 prévoit :

« Lorsque le contrat de travail est résilié avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il doit recevoir, au moment de la résiliation du contrat, pour la fraction du congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité de congé payé déterminée d'après les dispositions des articles 10, 11, 12, 13 et 15... ».

Le salaire pris en considération s'élève à la somme de 4.200 euros brut, de sorte que la somme devant revenir à Monsieur j. W. se calcule comme suit :

* 4.200/30 x 12 = 1.680 euros brut.

L'exécution provisoire doit être ordonnée s'agissant de salaires et accessoires.

Monsieur j. W. sera débouté du surplus de ses demandes au titre des congés payés, eu égard à l'argumentation développée supra.

Sur l'indemnité de préavis

Il ressort du bulletin de salaire du mois de juin 2015 que Monsieur j. W. a perçu l'intégralité du salaire du mois de juin 2015 (dont une période de préavis du 25 au 30 juin) ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis pour la période du 1er juillet au 24 août 2015.

Or, le préavis s'étant achevé le 26 août 2015, il reste dû à Monsieur j. W. un solde de deux jours, soit la somme de 280 euros brut.

L'exécution provisoire doit être ordonnée s'agissant de salaires et accessoires.

Sur l'indemnité de licenciement

En vertu de l'article 2 de la Loi n° 845 du 27 juin 1968, « dans le cas où le licenciement n'est pas justifié par un motif juge valable, l'employeur est tenu au paiement d'une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service chez ledit employeur ou dans son entreprise.

Le salaire journalier servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est égal au quotient du salaire correspondant au nombre de jours où l'intéressé a effectivement travaillé, le mois ayant précédé son licenciement, par ce même nombre de jours. Les avantages en nature prévus par le contrat de travail entrent dans le calcul de ladite indemnité ».

Le texte évoque le nombre de jours travaillés au cours du mois précédant celui du licenciement, ce qui peut entraîner un résultat radicalement différent selon le mois considéré.

En l'espèce, le mois précédant le licenciement est le mois de mai au cours duquel Monsieur j. W. a travaillé seize jours, du fait des nombreux jours fériés.

Par ailleurs, et contrairement aux revendications du salarié, le nombre de mois de présence dans l'entreprise s'élève à quarante-huit, de sorte que la somme devant revenir à Monsieur j. W. est ainsi calculée :

* 4.200/16 x 48 = 12.600 euros

Monsieur j. W. ayant perçu une somme de 8.896,41 euros, il lui reste dû un reliquat d'un montant de 3.703,59 euros.

Sur la rupture

En application de l'article 6 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la Loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la Loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PE. c/ SAM TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).

Il appartient à Monsieur j. W. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

Alors en effet que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

En l'espèce, Monsieur j. W. soutient ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits et soulève l'intention de nuire de l'employeur qui l'a licencié à la veille des vacances d'été.

Il fait état de la brutalité de la rupture et de son caractère vexatoire.

Il invoque encore le caractère abusif pour avoir été licencié à dix mois de l'âge de la retraite.

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Il a été démontré supra que les droits de Monsieur j. W. n'avaient pas été respectés par l'employeur dans leur intégralité, ce qui confère à la rupture un caractère abusif, et ce, dans la mesure où toutes les sommes dues au salarié ont été minorées par l'employeur.

De plus, et malgré la contestation du salarié du solde de tout compte et les arguments avancés par Monsieur j. W. et partiellement retenus par le Tribunal, l'employeur a maintenu sa position.

Le fait d'avoir licencié Monsieur j.W.la veille des vacances d'été ou à quelques mois de la retraite, le salarié n'ayant aucun droit acquis à rester dans l'entreprise jusqu'à sa retraite, n'apparait pas illicite ou illégal.

En effet, l'invocation par le salarié de la difficulté à retrouver un emploi en raison de son âge ne permet pas plus de caractériser l'existence d'une faute à la charge de l'employeur dès lors que, pris en lui-même, l'âge du salarié licencié ne saurait suffire à établir un abus dans l'exercice du droit de rompre le contrat de travail ; tout aussi indifférent est le fait que le salarié se trouvait très proche de la date de sa retraite, cette circonstance ne permettant pas de caractériser l'abus du droit de rompre le contrat de travail, le salarié n'ayant aucun droit acquis à être maintenu dans ses fonctions jusqu'à sa retraite en vue de bénéficier d'une pension à taux plein (Cour de révision, 26 mars 2014, Pourvoi n° 2013-17).

Il en est de même concernant l'intention de nuire de l'employeur qui ne peut être déduite d'une rupture la veille des vacances d'été.

Cette circonstance témoigne néanmoins d'une légèreté blâmable de l'employeur alors que ce dernier impose à son personnel enseignant qui souhaite démissionner d'en informer l'école de préférence au plus tard le 31 janvier.

Enfin, l'employeur ne produit aucune convocation à un quelconque entretien préalable.

Cependant, dans sa lettre en date du 29 juin 2015, le salarié reconnaît l'existence d'un entretien le 12 juin 2015 dont le contenu était le suivant :

« Durant cet entretien, vous avez annoncé des mesures de restructuration pour motiver mon licenciement... ».

Dès lors, et même en l'absence de toute convocation, Monsieur j. W. ne peut invoquer une quelconque brutalité ou soudaineté dans la mise en œuvre du licenciement.

Quant au préjudice invoqué, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.

Les difficultés financières dont il est fait état sont en effet le résultat de la diminution de revenu, provoquée par la perte d'emploi et non la conséquence de la brutalité et de l'abus qui, à les supposer établis, auraient caractérisé le licenciement. De plus, le demandeur n'établit nullement en quoi ces difficultés matérielles auraient été provoquées par les circonstances fautives ayant entouré le licenciement, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été retenues par le Tribunal. Elles ne peuvent être de nature à établir l'existence d'une faute dans la mise en œuvre de la rupture (Cour de révision, 26 mars 2014, Pourvoi n° 2013-17).

Monsieur j. W. a dès lors supporté un préjudice moral du fait de la situation générée par cette rupture exercée avec légèreté.

En l'état de l'analyse qui précède et des éléments d'appréciation produits, le préjudice apparaît devoir être justement évalué à la somme de 15.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Ce faisant, la demande reconventionnelle de la défenderesse ne pourra qu'être rejetée.

Sur l'exécution provisoire

Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire autre que l'exécution provisoire de droit prévue par les dispositions de l'article 60 de la Loi n° 446 du 16 mai 1946.

Sur les dépens

Partie succombante, l'I.S.M. sera condamnée aux dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et après en avoir délibéré,

Rejette des débats l'arrêt rendu par le Conseil d'État Français le 24 octobre 1952 et le jugement rendu par la présente juridiction le 7 juillet 2005 visés par THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO dans ses écritures ;

Condamne THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO à rectifier le certificat de travail de Monsieur j. W. conformément à la présente décision en faisant apparaître la date d'entrée au 24 août 2011 et la date de sortie au 26 août 2015, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision ;

Condamne THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO à payer à Monsieur j. W. les sommes suivantes :

* 1.680 euros brut (mille six cent quatre-vingts euros) à titre de solde de congés payés, avec exécution provisoire,

* 280 euros brut (deux cent quatre-vingts euros) à titre de solde d'indemnité de préavis, avec exécution provisoire,

* 3.703,59 euros (trois mille sept cent trois euros et cinquante-neuf centimes) à titre de solde d'indemnité de licenciement ;

le tout avec intérêt au taux légal à compter de la demande en justice reçue au greffe, soit le 28 juillet 2015 ; Dit que le licenciement de Monsieur j. W. par THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO est abusif ;

Condamne THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO à payer à Monsieur j. W. la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute Monsieur j. W. du surplus de ses demandes ;

Déboute THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO de sa demande reconventionnelle ; Condamne THE INTERNATIONAL SCHOOL OF MONACO aux dépens.

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Jean-François CULLIEYRIER, José GIANNOTTI, membres employeurs, Mesdames Anne-Marie PELAZZA, Nathalie VIALE, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt-huit juin deux mille dix-huit, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Monsieur José GIANNOTTI et Mesdames Anne-Marie PELAZZA et Nathalie VIALE, Monsieur Jean-François CULLIEYRIER étant empêché, assistés de Madame Christèle SETTINIERI, Secrétaire adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19287
Date de la décision : 28/06/2018

Analyses

S'agissant de l'indemnité de licenciement, l'article 2 de la Loi n° 845 du 27 juin 1968 évoque le nombre de jours travaillés au cours du mois précédant celui du licenciement, ce qui peut entraîner un résultat radicalement différent selon le mois considéré.L'article 6 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable). Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la Loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PE. c/ SAM TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).Alors que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.La jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs, la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.Pour autant, le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.Quant au préjudice invoqué, il est de principe que toute demande de dommages et intérêts formée du chef d'un abus dans les conditions de mise en œuvre de la rupture, et non d'un abus dans la prise de décision, ne peut être admise qu'en ce qui concerne le préjudice moral qui résulte du contexte ayant présidé à sa mise en œuvre, et ce, à l'exclusion du préjudice matériel qui serait résulté d'un licenciement abusif dans son principe.Les difficultés financières dont il est fait état sont en effet le résultat de la diminution de revenu, provoquée par la perte d'emploi et non la conséquence de la brutalité et de l'abus qui, à les supposer établis, auraient caractérisé le licenciement. De plus, le demandeur n'établit nullement en quoi ces difficultés matérielles auraient été provoquées par les circonstances fautives ayant entouré le licenciement, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été retenues par le Tribunal. Elles ne peuvent être de nature à établir l'existence d'une faute dans la mise en œuvre de la rupture (Cour de révision, 26 mars 2014, Pourvoi n° 2013-17).

Rupture du contrat de travail  - Responsabilité de l'employeur.

Contrat de travail - Licenciement abusif - Rupture abusive (oui) - Dommages-intérêts (oui).


Parties
Demandeurs : Monsieur j. W.
Défendeurs : The International School of Monaco (I.S.M.)

Références :

article 6 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963
article 970 du Code de procédure civile
Loi n° 619 du 26 juillet 1956
articles 2052 et 2053 du Code civil
article 2 de la Loi n° 845 du 27 juin 1968
article 60 de la Loi n° 446 du 16 mai 1946
article 8 de la Constitution


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2018-06-28;19287 ?

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