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21/12/2017 | MONACO | N°16567

Monaco | Tribunal du travail, 21 décembre 2017, Monsieur c. DU. c/ Société anonyme monégasque dénommée FI. MONTE-CARLO


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 21 DÉCEMBRE 2017

En la cause de Monsieur c. DU., demeurant X1 à BEAULIEU-SUR-MER (06310) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la même Cour ;

D'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée FI. MONTE-CARLO, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, plaidant par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défens

eur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son étude ;

D'autre part ;

Le Tribunal,

Après en avoi...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 21 DÉCEMBRE 2017

En la cause de Monsieur c. DU., demeurant X1 à BEAULIEU-SUR-MER (06310) ;

Demandeur, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, substitué et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la même Cour ;

D'une part ;

Contre :

La société anonyme monégasque dénommée FI. MONTE-CARLO, dont le siège social se situe X2 à MONACO ;

Défenderesse, plaidant par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant élu domicile en son étude ;

D'autre part ;

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 1er décembre 2015, reçue le 2 décembre 2015 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 décembre 2015 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur c. D. en date des 4 février 2016, 6 octobre 2016 et 5 janvier 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée FIDINAM MONTE-CARLO, en date des 2 juin 2016, 1er décembre 2016 et 2 mars 2017 ;

Après avoir entendu Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur c. D. et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la même Cour, pour la S.A.M. FIDINAM MONTE-CARLO, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Monsieur c. D. a dans un premier temps été recruté sous contrat à durée déterminée pour une durée de six mois, allant du 22 avril 2013 au 8 novembre 2013.

À compter du 1er avril 2014, Monsieur c. D. a été recruté selon contrat à durée indéterminée pour gérer le portefeuille « High Yield », qu'il venait de constituer.

Sa rémunération a été fixée à la somme annuelle de 120.000 euros.

Une annexe au contrat organise un objectif de résultats, ainsi qu'une prime d'objectifs Monsieur c. D. était placé sous l'autorité hiérarchique de Madame Sophie G.

Le 27 juillet 2015, il est notifié à Monsieur c. D. son licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963.

Le 7 septembre 2015, Monsieur c. D. se voit dispensé d'exécuter la fin de son préavis à compter du lendemain.

Selon requête présentée le 1er décembre 2015, reçue le 2 décembre 2015, Monsieur c. D. a fait citer la S.A.M. FIDINAM par-devant le bureau de conciliation, sur les demandes suivantes :

1/ Reliquat dû au titre des congés payés acquis (article 4 bis de la loi n° 619) :

* nombre de jours acquis entre le 22 avril 2013 et le 31 octobre 2015 : 25 jours,

* nombre de jours pris sur la période : 49.5,

* solde à prendre au 31 octobre 2015 = 25.5,

* salaire journalier (taux journalier 21,667) = 461,53 euros,

* indemnité payée = 10.5 jours / 5.653.85 euros,

* soit un reliquat dû de (26 X 461,53) - 5.653,85 = 6.345.96 euros bruts.

2/ Reliquat dû sur la rémunération variable (point 11 de l'annexe au contrat de travail du 6 mai 2014). Contre-valeur en euros au cours du jour de la requête de la somme de 3.076 $ bruts.

Intérêts sur les sommes dues à compter de la citation et jusqu'à parfait paiement. 3/ Dommages et intérêts pour rupture abusive : 140.000 euros.

4/ Délivrance des bulletins de salaires conformes au jugement à intervenir.

5/ Délivrance de l'attestation destinée à Pôle Emploi conforme au jugement à intervenir. 6/ Exécution provisoire de la décision à intervenir.

Aucune conciliation n'étant intervenue, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Monsieur c. D. a déposé des conclusions les 4 février et 6 octobre 2016 et 5 janvier 2017 dans lesquelles il fait essentiellement valoir que :

* lorsqu'un salarié n'a pas formulé de demande pécuniaire au titre de l'indemnité de licenciement, il n'en demeure pas moins que la juridiction peut parfaitement apprécier la validité de la rupture avant de se prononcer sur le caractère abusif du licenciement,

* la prochaine fermeture du département qui employait Madame Sophie G.et Monsieur c. D. justifiait leur licenciement,

* Madame Sophie G. n'a pas été licenciée en même temps que Monsieur c. D. dans la mesure où placée en congé de maternité, elle a bénéficié d'une protection légale,

* dès lors que le salarié considère qu'il a été licencié pour un faux motif, c'est-à-dire que le caractère abusif du licenciement ne se situe pas exclusivement dans les circonstances de la rupture, mais dans le fondement même du licenciement, le Tribunal doit procéder à un contrôle du motif réel du licenciement,

* il est précisément reproché à la société FIDINAM d'avoir mis en œuvre un licenciement sur le fondement de l'article 6 dans le but de contourner des dispositions d'ordre public applicables en matière de licenciement collectif,

* le licenciement de Monsieur c. D. participe d'un motif économique, en l'état de la suppression de son poste, lequel n'est justifié par aucune dégradation de la situation économique ou financière de la société,

* la S.A.M. FIDINAM n'est pas en difficulté financière,

* le motif économique individuel du licenciement a été occulté par le recours à l'article 6 de la loi n° 729,

* il a également été choisi d'user d'un licenciement sans énonciation de motif pour écarter les dispositions de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 organisant le respect d'un ordre des licenciements,

* il n'a jamais été formulé la moindre critique à l'égard des investissements menés par Monsieur c. D.

* l'existence d'un grief personnel « valable » qu'elle aurait choisi de ne pas énoncer ne tient pas,

* ledit département gérait d'importants actifs financiers, dont la liquidation n'a résulté d'aucune contrainte extérieure, mais bien d'un choix discrétionnaire,

* le service « compliance » de la S.A.M. FIDINAM indiquait expressément que le recours à un licenciement sans motif permettrait d'écarter la priorité de réembauchage,

* eu égard au statut protecteur dont elle bénéficiait, Madame Sophie G. ne pouvait pas être licenciée,

* en ne procédant pas à son licenciement, la société FIDINAM se fournissait un moyen de contester la fermeture du département et par là même le caractère économique du licenciement,

* Madame Sophie G. ne travaille plus qu'à temps partiel, 15 heures 50 par semaine au lieu de 39 heures,

* en définitive, la S.A.M. FIDINAM voulait fermer un département, mais aurait dû procéder à un licenciement économique collectif, qu'elle ne pouvait mener car celui-ci n'était pas justifié par sa situation financière et parce qu'un des salariés bénéficiait d'un statut protecteur,

* le 14 décembre 2014, trois salariés de la société FIDINAM ont été transférés dans la S.A.M. S.S.V.L. : il existait donc bien des sociétés du groupe dans lesquelles Monsieur c. D. aurait pu exercer ses compétences,

* l'obligation de reclassement qui aurait permis à Monsieur c. D. de rebondir dans l'une des entités quelconques du groupe a donc délibérément été ignorée,

Un licenciement abusif :

* la S.A.M. FIDINAM a abusé de son droit de résiliation unilatéral,

* dès lors, ayant commis une faute, elle doit réparer le dommage qui en est résulté,

* le licenciement de Monsieur c. D. procède d'un motif fallacieux, lequel caractérise à lui seul l'abus par la société FIDINAM de son droit,

* les circonstances mêmes de la rupture ne sont pas acceptables,

* Monsieur c. D. a été licencié parce que Monsieur Tito T. n'a pas accepté le nouveau départ en congé maternité de Madame Sophie G.

* Monsieur Tito T. a agi sur un coup de tête et en outre avec brutalité,

* Madame Sophie G. a fait connaître sa nouvelle grossesse le 25 juin 2015,

* si Madame Sophie G. se voyait annoncer, le 30 juin 2015 et dans un premier temps, son licenciement, son statut protecteur ayant conduit dans un second temps l'employeur à se raviser, pour sa part, Monsieur c. D. n'a été informé de son licenciement que le 23 juillet 2015, alors que rien ne pouvait laisser présager une telle issue à sa collaboration avec la société FIDINAM,

* jusqu'à cette date et malgré ses demandes, il a été laissé dans l'expectative,

* Monsieur c. D. a tout bonnement été victime de la colère de Monsieur Tito T.

* évacuant le caractère économique du licenciement, puis collectif en renonçant à licencier Madame Sophie G. la société FIDINAM s'est soustraite à diverses obligations,

* Monsieur c. D. avait quitté Londres pour s'engager pleinement dans ses nouvelles fonctions,

* Monsieur c. D. désormais âgé de 49 ans, est divorcé et père de deux enfants, en sorte que son brutal licenciement l'a placé dans une situation financière des plus délicates au regard des charges pesant sur lui,

* Monsieur c. D. est suivi depuis son licenciement pour des troubles anxio-dépressifs réactionnels à celui-ci,

* Monsieur c. D. n'a jamais été convoqué à un entretien préalable,

* il a subi un préjudice moral et financier considérable.

La S.A.M. FIDINAM a déposé des conclusions les 2 juin et 1er décembre 2016 et 2 mars 2017 dans lesquelles elle s'oppose aux prétentions émises à son encontre et soutient essentiellement que :

* le 23 juillet 2015, Monsieur c. D. a été informé lors d'un entretien préalable de la décision de procéder à son licenciement,

* le Tribunal n'a donc pas à se pencher sur le motif de la rupture quand aucun n'est invoqué par l'employeur,

* la S.A.M. FIDINAM a respecté les droits de Monsieur c. D. qui a bénéficié d'un préavis exécuté et rémunéré, et a perçu l'indemnité de licenciement prévue par la loi,

* Monsieur c. D. conteste la tenue de cet entretien préalable bien tardivement,

* le Tribunal n'apprécie pas la validité du motif de licenciement en l'état du paiement effectif de l'indemnité prévue à l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968,

* il prétend être à ce jour sans emploi, sans produire aucun document à l'appui de son allégation,

* il a travaillé en 2016 pour la société VALMONT RIVIERA, ce qu'il ne mentionne pas dans le cadre du présent débat,

* le demandeur ne démontre pas que les troubles anxio-dépressifs qu'il invoque seraient en lien avec la mesure de licenciement,

* le licenciement de Monsieur c. D. n'est pas fondé sur un motif économique, mais bel et bien sur un motif inhérent à sa personne que la S.A.M. FIDINAM s'est gardé d'invoquer,

* la S.A.M. FIDINAM n'a pas violé les dispositions de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 en licenciant Monsieur c. D. qui était domicilié hors de Monaco et des communes limitrophes et justifiait d'une ancienneté moins importante que sa collègue, Madame Sophie G. laquelle est salariée depuis 2007 et habite Beausoleil,

* en matière de licenciement économique individuel, aucune disposition légale n'impose à un employeur d'obligation de reclassement à l'égard de son salarié licencié,

* Monsieur c. D. ne démontre pas une quelconque brutalité dans la mise en œuvre de son licenciement,

* aucune forme n'est exigée en droit monégasque pour la convocation à un entretien préalable,

* Monsieur c. D. savait qu'il allait être licencié dès le 7 juillet 2015, soit près d'un mois avant son licenciement,

* avant d'être embauché par la S.A.M. FIDINAM, Monsieur c. D. était sans emploi depuis novembre 2012, ainsi qu'il est mentionné sur son curriculum vitae.

SUR CE,

Sur le caractère abusif du licenciement et mauvaises conditions de travail

En application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, et doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968.

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).

Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PE. c/ SAM TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).

À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.

Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.

Alors que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.

Il appartient à Monsieur c. D. de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.

En l'espèce, Monsieur c. D. soutient que le véritable motif de licenciement serait d'ordre économique, l'employeur ayant ainsi détourné les dispositions d'ordre public en matière de licenciement collectif.

Si la mise en œuvre d'un licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 conduit le Tribunal du travail à ne pas s'interroger sur la validité de la rupture, en cas de paiement effectif de l'indemnité de licenciement, il n'en demeure pas moins qu'elle ne peut avoir pour objet de contourner les dispositions d'ordre public applicables en droit social et notamment celles relatives aux licenciements économiques collectifs ou individuels.

Le demandeur produit un courriel que Monsieur P. lui a adressé le 15 juillet 2015 ainsi libellé :

« Cher c.

Merci de ton mail,

Je t'ai conformé dans notre meeting, et je te confirme, que l'activité dont tu t'occupes prendra fin. Le client ST GROUP a décidé de ne plus l'effectuer, et tu as reçu des instructions claires de liquider les positions qui peuvent être liquidées suivant les instructions que tu recevras directement de Me T. Je sais que tu es en train de t'en occuper.

Je te confirme aussi, comme je t`ai dit, que la position de la » trésorerie « a été aussi mise en » liquidation «, et que donc les opérations que Sophie suivait doivent être, pour autant que possible, clôturées. Sophie ne sera pas remplacée pendant son absence. Comme tu le sais, l'état particulier de Sophie fait en sorte qu'un licenciement n'est pas possible à ce stade. La position de Sophie sera donc revue après son congé maternité, chose que je lui ai conformé hier.

Cette décision a été prise à la suite d'une réflexion globale qui a en effet eu lieu après la communication concernant la situation de Sophie. C'est pour cette raison que tu en as conclus que tu es un »effet collatéral«. C'est une question de point de vue.

En ce qui te concerne, je suis en train d'éclaircir avec le client comment il entend procéder, après quoi je serai en mesure de te soumettre une proposition concrète de comment terminer la relation en cours.

J'espère avoir éclairci la situation ».

Ce document démontre que le licenciement de Monsieur c. D. est dû à la perte du client ST GROUP et à la suppression corrélative des fonctions du salarié.

Il résulte encore d'un mèl en date du 13 juillet 2015 du service « compliance » à Monsieur P. dont l'objet est « licenciement MC » qu'un comparatif entre un licenciement sans motif et un licenciement pour suppression d'emploi ou compression de personnel est envisagé tant pour Monsieur c. D. que pour Madame Sophie G. ; ledit service « compliance » mettant en avant la priorité de réembauchage existant dans la seconde hypothèse.

Il apparaît ainsi que l'employeur, suite à la suppression de l'activité de Monsieur c. D. et Madame Sophie G. a souhaité dans un premier temps se séparer des deux salariés concernés.

Le droit monégasque qualifie de licenciement économique collectif le licenciement d'au moins deux salariés fondé sur une cause économique commune et contraint l'employeur au respect de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la convention collective nationale du travail du 5 novembre 1945.

Cependant, l'employeur n'a pas cru devoir procéder au licenciement collectif ainsi envisagé, de sorte que toute argumentation à ce titre est dépourvue d'intérêt pour la solution du litige, et ce, en l'état de la conservation de Madame Sophie G. dans les effectifs de l'entreprise à son retour de congé de maternité.

Il apparaît néanmoins que les pièces dont le détail a été repris ci-dessus démontrent que l'employeur a utilisé les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 pour éluder les dispositions relatives, dans un premier temps aux licenciements économiques collectifs, puis aux licenciements économiques individuels, seul Monsieur c. D. ayant vu son poste supprimé.

Si l'employeur s'est certes placé, lors de la notification du licenciement, dans le cadre juridique défini par l'article 6 de la loi n° 629, la procédure préalablement mise en œuvre démontre qu'il s'agit en réalité d'un licenciement économique individuel pour suppression de poste.

Ce faisant, l'employeur a placé le salarié dans l'impossibilité de démontrer le cas échéant devant la présente juridiction le caractère fallacieux des motifs qui ont présidé à son licenciement et également de soulever le caractère abusif de la rupture pour non-respect du dernier alinéa de l'article 6 et de la priorité de réembauchage prévue par l'article 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957.

Les conditions de mise en œuvre de la rupture révèlent ainsi l'intention de la S.A.M. FIDINAM de nuire aux intérêts de Monsieur c. D. ou à tout le moins une grande méconnaissance de la teneur du droit du travail monégasque constitutive en l'espèce d'une légèreté blâmable, le licenciement de l'intéressé revêtant incontestablement un caractère abusif.

La suppression du poste du demandeur ne peut être remise en cause.

Cependant, l'employeur soutient qu'il n'a été confronté à aucune difficulté économique justifiant cette suppression.

L'abus apparaît dès lors d'autant plus caractérisé et justifie la réparation de l'ensemble des préjudices subis par Monsieur c. D. d'ordre tant financier que moral, en ce qu'ils sont en lien avec l'abus relevé.

Il appartient en conséquence à Monsieur c. D. de rapporter la preuve d'un préjudice en lien avec la faute de l'employeur.

Concernant l'ordre des licenciements, le raisonnement de Monsieur c. D. ne peut être suivi dans la mesure où, en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957, les licenciements par suppression d'emploi ou compression de personnel ne peuvent être effectués, pour une catégorie professionnelle déterminée, que dans l'ordre suivant :

« étrangers domiciliés hors de Monaco et des Communes Limitrophes, étrangers domiciliés dans les Communes Limitrophes,

étrangers domiciliés à MONACO,

étrangers mariés à une monégasque ayant conservé sa nationalité et étrangers nés d'un auteur direct monégasque,

monégasques,

l'ancienneté dans l'entreprise étant par ailleurs prise en compte dans chacune des catégories ci-dessus déterminées ».

Monsieur c. D. étant domicilié à EZE à la date du licenciement, il aurait subi les conséquences de ces dispositions, Madame Sophie G. étant domiciliée dans une commune limitrophe, à savoir BEAUSOLEIL ; de telle sorte qu'il ne peut invoquer une violation des dispositions légales sur l'ordre des licenciements.

La manœuvre de l'employeur a cependant empêché le salarié de demander à être versé dans une catégorie inférieure aux lieu et place éventuellement d'un autre salarié, dont le rang de priorité serait inférieur au sien.

Ce faisant, Monsieur c. D. ne démontre pas que cette carence lui a fait perdre une chance de conserver son emploi.

Concernant la priorité de réembauchage reconnue au salarié licencié économique par les dispositions de l'article 7 de la loi n° 629 (soit jusqu'au 27 janvier 2016 pour Monsieur c. D., l'employeur produit le registre d'entrée et de sortie du personnel pour ceux entrés à son service avant le 1er mai 2016.

Il n'est pas démontré que la priorité de réembauchage n'a pas été respectée, en l'état de la liste des mouvements de personnel précitée.

Enfin, aucune obligation de reclassement n'est imposée à ce jour en droit positif monégasque à l'employeur qui entend procéder à un licenciement économique individuel, sous réserve de l'application le cas échéant des règles définies par les articles 6 et suivants de la loi n° 629.

Il résulte de ces explications que les manœuvres de l'employeur destinées à éluder l'application des dispositions relatives aux licenciements économiques n'ont pu avoir aucune conséquence sur l'emploi du demandeur.

Il ne peut pas être retenu une quelconque légèreté blâmable de l'employeur qui a eu un entretien préalable avec le salarié, certes par téléphone, le 23 juillet 2015, au terme duquel l'annonce du licenciement lui a été faite, peu important qu'aucune convocation officielle n'ait été adressée à Monsieur c. D.; aucune forme n'existant à ce titre en droit du for.

Enfin, Monsieur c. D. estime ne pas avoir été rempli de ses droits, sollicitant une somme de 6.345,96 euros bruts à titre de reliquat dû sur les congés payés acquis.

Le demandeur propose un mode de calcul qui ne peut en aucune manière être contrôlé par le Tribunal faute par le salarié de produire l'intégralité de ses bulletins de salaire.

Il sera dans ces circonstances débouté de ce chef de demande.

L'abus de l'employeur est néanmoins caractérisé, le licenciement ayant eu des répercussions sur la santé du demandeur.

En effet, le préjudice moral de ce dernier des suites du licenciement est avéré en l'état du certificat médical du Docteur CEPPI en date du 15 décembre 2016 ; Monsieur c. D. « est sous antidépresseurs depuis janvier 2016 pour des troubles anxio dépressifs réactionnels à un licenciement ».

Monsieur c. D. se verra ainsi attribuer en réparation de son préjudice moral la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il n'est pas justifié des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire. Les dépens seront laissés à la charge de la S.A.M. FIDINAM.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Dit que le licenciement de Monsieur c. D. par la société anonyme monégasque dénommée FIDINAM MONTE-CARLO est abusif ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée FIDINAM MONTE-CARLO à payer à Monsieur c. D. la somme de 3.000 euros (trois mille euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute Monsieur c. D. du surplus de ses demandes ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée FIDINAM MONTE-CARLO aux dépens.

Composition

Ainsi jugé par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Messieurs Michel GRAMAGLIA, Jean-François RIEHL, membres employeurs, Messieurs Lucien REBAUDO, Silvano VITTORIOSO, membres salariés, et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt et un décembre deux mille dix-sept, par Monsieur Michel SORIANO, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, en présence de Messieurs Michel GRAMAGLIA, Lucien REBAUDO et Karim TABCHICHE, Monsieur Jean-François RIEHL, étant empêché, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Secrétaire en Chef.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16567
Date de la décision : 21/12/2017

Analyses

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du travail de vérifier le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation, qui doivent être exemptes de tout abus d'autre part (cause illicite ou illégale, détournement des dispositions d'ordre public, intention de nuire, précipitation, brutalité, légèreté blâmable).Toutefois, l'exercice par l'employeur de ce droit, sans que le salarié soit rempli de ses droits, est de nature à rendre la rupture fautive et à justifier l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, au même titre qu'une rupture revêtant une forme abusive (Cour de révision du 9 mai 2003 PE. c/ SAM TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES).À ce titre, la jurisprudence monégasque considère que le licenciement fondé sur un faux motif ou un motif fallacieux constitue un abus. Par ailleurs la jurisprudence civile relative à l'abus de droit en caractérise également l'existence en l'absence de motif légitime à exercer le droit.Pour autant le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque.Alors que la preuve de l'abus dans le droit de licencier incombe au salarié qui s'en prévaut, la détermination de l'excès commis par l'employeur dans l'exercice du droit unilatéral de résiliation que lui reconnaît la loi relève en effet du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions saisies et peut induire un contrôle indirect du motif de rupture à l'effet de déterminer si celui-ci est fallacieux, c'est-à-dire s'il procède d'une volonté insidieuse de tromperie ou s'il présente un caractère spécieux lui ôtant sa loyauté.Il appartient au salarié de rapporter la preuve, au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts, de l'existence de l'abus commis dans l'exercice du droit unilatéral de rupture et du préjudice qui en est résulté.Le droit monégasque qualifie de licenciement économique collectif le licenciement d'au moins deux salariés fondé sur une cause économique commune et contraint l'employeur au respect de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la convention collective nationale du travail du 5 novembre 1945.Si l'employeur s'est certes placé, lors de la notification du licenciement, dans le cadre juridique défini par l'article 6 de la loi n° 629, la procédure préalablement mise en œuvre démontre qu'il s'agit en réalité d'un licenciement économique individuel pour suppression de poste.Ce faisant, l'employeur a placé le salarié dans l'impossibilité de démontrer le cas échéant devant la présente juridiction le caractère fallacieux des motifs qui ont présidé à son licenciement et également de soulever le caractère abusif de la rupture pour non-respect du dernier alinéa de l'article 6 et de la priorité de réembauchage prévue par l'article 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957.Les conditions de mise en œuvre de la rupture révèlent ainsi l'intention de la S.A.M. FIDINAM de nuire aux intérêts de Monsieur c. D. ou à tout le moins une grande méconnaissance de la teneur du droit du travail monégasque constitutive en l'espèce d'une légèreté blâmable, le licenciement de l'intéressé revêtant incontestablement un caractère abusif.Aucune obligation de reclassement n'est imposée à ce jour en droit positif monégasque à l'employeur qui entend procéder à un licenciement économique individuel, sous réserve de l'application le cas échéant des règles définies par les articles 6 et suivants de la loi n° 629.

Rupture du contrat de travail  - Responsabilité de l'employeur.

Contrat de travail - Licenciement abusif - Rupture abusive (oui) - Dommages-intérêts (oui).


Parties
Demandeurs : Monsieur c. DU.
Défendeurs : Société anonyme monégasque dénommée FI. MONTE-CARLO

Références :

article 6 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
article 7 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957
loi n° 629 du 17 juillet 1957


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2017-12-21;16567 ?

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