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27/06/2013 | MONACO | N°11281

Monaco | Tribunal du travail, 27 juin 2013, w. F. HU. c/ la SAM PREMUDA MONACO


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 27 JUIN 2013

En la cause de Monsieur William F. HU., demeurant : X Boulevard X à MONACO (98000),

demandeur, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat,

d'une part ;

Contre :

La SOCIETE ANONYME MONEGASQUE dénommée : PREMUDA MONACO, dont le siège se situe : 31, Avenue Princesse Grace - « L'Estoril » bloc B à MONACO (98000),

défenderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Thomas GIACCARDI, a

vocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TR...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 27 JUIN 2013

En la cause de Monsieur William F. HU., demeurant : X Boulevard X à MONACO (98000),

demandeur, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat,

d'une part ;

Contre :

La SOCIETE ANONYME MONEGASQUE dénommée : PREMUDA MONACO, dont le siège se situe : 31, Avenue Princesse Grace - « L'Estoril » bloc B à MONACO (98000),

défenderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 10 décembre 2010 et 2 octobre 2012, reçues les 13 décembre 2010 et 3 octobre 2012 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 15 février 2011 et 22 janvier 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur w. F. HU., en date des 14 juillet 2011, 2 février 2012, 30 juillet 2012 et 7 février 2013 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée PREMUDA MONACO, en date des 3 novembre 2011, 29 mars 2012 et 7 mars 2013 ;

Après avoir entendu Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour Monsieur w. F. HU., et Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE dénommée PREMUDA MONACO, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

w. F. HU. a été employé par la société anonyme monégasque PREMUDA MONACO, suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2008, en qualité de responsable des opérations FPSO.

Par lettre du 28 février 2010 remise en mains propres, celui-ci s'est vu notifier son licenciement pour raisons économiques.

Soutenant que la rupture de son contrat de travail n'est pas fondée sur un motif valable et revêt un caractère abusif, w. F. HU. a, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 14 février 2011, attrait la SAM PREMUDA MONACO devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

* 129.694,80 euros au titre de 652 heures supplémentaires,

* 200.000 euros au titre des bonus non versés et prévus dans l'offre d'emploi acceptée,

* 32.969,48 euros au titre des congés payés sur les heures supplémentaires et bonus,

* 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif (préjudice moral et matériel),

avec intérêts au taux légal à compter de la citation.

Il a également sollicité la délivrance de bulletins de salaire, du certificat de travail, de l'attestation ASSEDIC et du reçu pour solde de tout compte conformes ainsi que le prononcé de l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 16 renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 25 avril 2013 et le jugement mis en délibéré a été prononcé le 27 juin 2013.

Ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 21 janvier 2013, w. F. HU. a attrait la SAM PREMUDA MONACO devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement la somme de 18.400 euros à titre d'indemnité de licenciement sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À l'appui de ses prétentions, w. F. HU., qui sollicite la jonction des instances, fait valoir que :

* suite à une proposition d'embauche matérialisée par une lettre du 16 mai 2008, il a sollicité des précisions sur les primes,

* l'employeur lui a alors indiqué que les bonus étaient calculés en fonction des performances du groupe (dont les bénéfices sont toujours supérieurs à 10 millions d'euros), étaient versés lorsque les résultats étaient approuvés en avril/mai de chaque année et que « normalement » leur montant variait entre 50.000 et 100.000 euros, si bien qu'il a accepté l'offre d'emploi,

* il convient de souligner qu'il avait déjà travaillé avec la SAM PREMUDA en qualité de consultant lorsqu'il était commerçant sous l'enseigne HU. MARITIME SERVICES,

* la défenderesse a insisté pour qu'il devienne son salarié, lui promettant une fin de carrière à l'abri de toutes difficultés économiques avec une rémunération très confortable, en sorte qu'il a mis un terme à son activité personnelle,

* le poste qu'il occupait exigeait beaucoup d'investissement et de déplacements à l'étranger, notamment en Australie et à Singapour,

* à l'occasion de ses voyages, il a été contraint de travailler de nombreuses heures et des week-ends entiers,

* les heures supplémentaires qu'il réclame ne correspondent pas à celles effectuées quotidiennement du lundi au vendredi mais à celles réalisées au cours des week-ends (majoration de 25% pour 8 heures de travail les samedis, majoration de 100% pour 8 heures de travail les dimanches) ou lors de son séjour à bord du bateau « Seacor Canyon » qui n'est jamais rentré à port (12 heures de travail par jour, du mercredi 24 septembre au dimanche 12 octobre 2008, même s'il travaillait plus de 16 heures par jour),

* s'il n'a jamais refusé d'exercer ses attributions plus de 40 heures par semaine (en venant plus tôt ou en partant plus tard), eu égard à son statut de cadre, il n'a nullement été convenu qu'il devait travailler les week-ends sans réclamer une rémunération supplémentaire (ce que l'offre d'embauche ne mentionne d'ailleurs pas),

* son activité de consultant lui rapportait 25.000 à 35.000 euros par mois, de telle sorte que le salaire mensuel de 20.000 euros négocié, outre les bonus (qui ont déterminé son consentement), était parfaitement adapté à son emploi,

* les primes annuelles (mentionnées immédiatement après les déplacements à l'étranger) devaient compenser le temps de travail passé loin du domicile,

* il justifie des courriels envoyés par ses soins les samedis et dimanches concernés, ses billets d'avion, des copies d'extraits de son passeport portant les tampons de visas ainsi que les rapports journaliers d'opérations pour la période du 24 septembre au 12 octobre 2008 (inscrit chaque jour comme faisant partie du personnel à bord du navire ; tâches multiples impliquant une disponibilité pendant toute la durée des opérations qu'il contrôlait ; pas seulement des fonctions de représentation) ou le compte rendu détaillé adressé à son supérieur qui n'a pas fait l'objet du moindre commentaire,

* il convient de préciser que les activités offshore n'entraient pas dans ses fonctions (lettre d'embauche),

* en outre, il n'a perçu aucune somme au titre des bonus en 2009 et 2010,

* le simple fait que le groupe ait connu des pertes, ce qui n'est pas établi, ne peut justifier l'absence du règlement de ces gratifications,

* il convient de tenir compte tant des résultats du groupe que de ceux de la SAM PREMUDA, qui avait promis de payer un bonus de 50.000 à 100.000 euros en 2008, soit au moment où son résultat d'exploitation était le plus bas,

* le motif économique de licenciement n'est pas avéré, puisque le chiffre d'affaires n'a cessé d'augmenter, le résultat net de l'activité principale s'est amélioré entre 2008 et 2010 et les pertes ont diminué (même si les documents produits ne sont pas certifiés par le commissaire aux comptes),

* la situation était ainsi plus favorable au moment de la rupture que de l'embauche,

* la défenderesse fait partie d'un groupe maritime côté en bourse dont le bilan 2010 fait ressortir un résultat positif de 20 millions d'euros,

* il n'est pas démontré le caractère indispensable de la suppression de son poste ou son effet en termes d'apurement de la dette,

* la lettre de licenciement ne comporte aucune explication sur les motifs économiques allégués, alors qu'il n'avait jamais été averti du moindre déficit avant la rupture notifiée seulement 19 mois après son embauche,

* la mesure de licenciement est intervenue brusquement, sans qu'il en ait été avisé préalablement (sauf une vague information de la possibilité d'un congédiement 9 jours avant la remise en mains propres de la lettre de rupture, lors d'une discussion sur les chantiers en cours), au moins à l'occasion d'un entretien avec la Direction, au cours duquel il aurait pu défendre ses intérêts au besoin en renégociant ses conditions d'embauche,

* aucune proposition ne lui a été faite en ce sens, même s'il pouvait espérait terminer sa carrière professionnelle au service de l'employeur,

* en dépit de sa qualité de cadre occupant un poste important à forte rémunération, la SAM PREMUDA n'a pas fait preuve de plus de considération,

* le réel motif de licenciement est celui dont il est fait état dans son courriel du 17 mars 2010 (désaccord survenu lors d'un séjour à Singapour sur un bateau au cours duquel il avait alerté la défenderesse sur le niveau dangereux de mercure présent à bord),

* à la suite de la rupture, il s'est retrouvé confronté, avec sa famille, à des difficultés financières, en l'état de la seule perception des indemnités chômage,

* s'il a décidé de créer une nouvelle entreprise, ses déclarations de TVA depuis un an démontrent que sa situation n'a pas évolué,

* il a été contraint d'emprunter auprès de ses proches et sa famille ou de vendre des biens, ainsi que l'établissent les pièces versées aux débats.

En réponse, la SAM PREMUDA MONACO, qui ne s'oppose pas à la jonction des procédures, soutient pour l'essentiel que :

* le salaire mensuel octroyé au demandeur à hauteur de 20.000 euros comprenait l'accomplissement des heures éventuellement réalisées au-delà de la durée légale du travail, ainsi qu'il résulte de manière non équivoque des termes de l'offre d'embauche,

* aucune disposition légale n'interdit aux parties de prévoir par convention une rémunération mensuelle forfaitaire, indépendante de l'horaire réellement effectué chaque mois, ce qui est généralement retenu pour le personnel d'encadrement disposant d'une large autonomie dans la gestion de son temps de travail,

* les déplacements ont été librement acceptés comme inhérents à la nature des fonctions,

* le contrat de travail n'exclut pas la possibilité d'accomplir des heures supplémentaires au cours des week-ends et ne distingue pas entre les différents jours de la semaine, tout en se référant à la « flexibilité » attachée au poste,

* les billets d'avion et les courriels (brèves informations ou transmissions) versés aux débats ne permettent en aucun cas d'établir que w. F. HU. travaillait au cours des week-ends, et ce d'autant qu'elle n'a jamais donné d'instructions quant aux heures à effectuer à ce moment de la semaine,

* elle est dans l'incapacité de justifier des horaires réalisés à l'étranger par le salarié qui gérait lui-même son emploi du temps,

* si la présence à bord du « Seacor Canyon » (unité offshore en pleine mer) est incontestable au cours de la période en cause, il est faux de prétendre que le demandeur aurait travaillé 16 heures par jour pendant 19 jours (ce qui est contraire aux règles de sécurité applicables en Australie),

* w. F. HU. est intervenu sur le navire en qualité de « Client Representative » (avec de larges plages d'inactivité) et n'a pas assuré le contrôle de toutes les opérations, en restant disponible de manière permanente,

* le salarié était seulement présent lors des opérations principales afin de rendre compte à la direction ou de permettre une prise rapide de décision,

* il est paradoxal de solliciter paiement des heures supplémentaires et de soutenir que les bonus étaient destinés à compenser le temps passé loin du domicile,

* le versement des primes n'est pas lié à l'accomplissement d'heures supplémentaires, ni aux voyages à l'étranger mais à la performance du département et du groupe PREMUDA, étant relevé qu'elle ne s'est jamais engagée à régler une prime minimale de 50.000 euros,

* en 2009, le groupe a essuyé des pertes à hauteur de 20 millions d'euros, alors que les cadres dirigeants n'ont eux-mêmes perçu aucune gratification,

* préalablement à l'envoi de la lettre de licenciement, le demandeur a été informé de la mesure de suppression de poste qu'elle se voyait contrainte d'envisager, ainsi que l'établit le courriel du 17 mars 2010 adressé par w. F. HU.,

* ses bilans laissent apparaître des pertes pour les années 2009 et 2010, peu important que le chiffre d'affaires ait connu une évolution positive,

* aucun recrutement n'est intervenu depuis la rupture du contrat de travail du salarié,

* les problèmes rencontrés au niveau du groupe (rapport annuel pour l'année 2009) et de l'entreprise monégasque à la fin de l'année 2009 ont nécessité une restructuration ayant conduit à la suppression du poste du demandeur en début d'année 2010,

* aucune obligation légale n'impose à l'employeur d'associer le salarié à la discussion relative à l'opportunité et au choix de la décision à prendre en cas de difficultés économiques,

* il semblerait que w. F. HU. ait retrouvé une activité professionnelle régulière auprès de GITECH-Engineering & Consulting.

SUR QUOI,

Il convient d'ordonner, en application des dispositions de l'article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, modifiée, la jonction des instances portant les numéros 62 de l'année judiciaire 2010-2011 et 40 de l'année judiciaire 2012-2013, dès lors que les demandes dérivent d'un même contrat de travail.

I) Sur les heures supplémentaires

La proposition d'embauche du 16 mai 2008 qui a été acceptée par w. F. HU. Prévoit :

« Le poste offert comprendra un élément important de déplacements à l'étranger, notamment en Australie initialement (…).

» Vous travaillerez 40 heures par semaine/8 heures par jour, dans les bureaux de la société, moyennant flexibilité autorisée. Toutefois, vous serez également amené à travailler en dehors de ces horaires selon les exigences de vos fonctions.

« Le poste ne donne pas éligibilité aux paiements d'heures supplémentaires (…) ».

Si les parties au contrat de travail peuvent convenir d'une rémunération forfaitaire, la convention de forfait doit résulter d'un accord particulier des intéressés, ne doit pas être défavorable au salarié et doit correspondre à un nombre précis d'heures supplémentaires, étant précisé que les heures supplémentaires effectuées au-delà de ce nombre d'heures doivent être rémunérées en sus du forfait.

En l'espèce, la formulation selon laquelle le poste ne donne pas éligibilité au paiement des heures supplémentaires apparaît contraire aux dispositions d'ordre public édictées par l'ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959, alors que le forfait ne peut tout au plus porter que sur une heure supplémentaire hebdomadaire (salaire visé pour 40 heures de travail par semaine).

Il s'ensuit que la référence à une « flexibilité autorisée » ou à « un élément important de déplacements à l'étranger » ne peut conduire à considérer que les heures supplémentaires réalisées au delà des 40 heures hebdomadaires de travail, au cours des week-ends ou plus généralement lors des déplacements à l'étranger, ne devaient pas être rémunérées conformément aux dispositions légales.

Il appartient toutefois au demandeur de rapporter la preuve de l'existence des heures supplémentaires dont il revendique le paiement.

À cet égard, si w. F. HU. démontre qu'au cours de ses multiples voyages à l'étranger, il a rédigé des courriels professionnels au cours des week-ends (correspondant à eux seuls à un travail très limité et n'impliquant pas la réalisation de tâches plus poussées au cours des jours en cause), ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il aurait travaillé plus de 40 heures par semaine notamment à raison de 8 heures par jour les samedis et dimanches concernés, et ce d'autant qu'il bénéficiait, en sa qualité de cadre, d'une autonomie pour organiser son travail. La demande formée de ce chef ne peut dès lors être accueillie.

S'agissant du séjour sur le bateau « Seacor Canyon », il est constant que le salarié est resté sur le navire du mercredi 24 septembre 2008 au dimanche 12 octobre 2008.

Cependant, les éléments versés aux débats par le demandeur ne peuvent caractériser la réalité d'un travail journalier de 12 heures (base de la réclamation), dans la mesure où :

* les mails produits, qui n'ont au demeurant pas été traduits, visent différentes heures, dont l'amplitude excède souvent 12 heures par jour et ne peut s'apparenter à une plage complète de travail effectif (l'activité concrète et la disponibilité permanente sans possibilité de vaquer à d'autres occupations n'étant pas démontrées),

* la référence à ces heures correspond manifestement au moment de réalisation d'une opération donnée et permettait seulement à w. F. HU. d'effectuer un rapport sur les activités en cours.

Bien que le Tribunal ne puisse ainsi déterminer la répartition du temps de travail du salarié sur toute la période en cause, ni le nombre d'heures de travail effectif (et donc d'heures supplémentaires), et faire droit à la demande afférente au calcul d'un rappel de salaire pour 12 heures de travail journalier, il apparaît que le demandeur a travaillé chaque jour de la semaine dans les mêmes conditions mais n'a pas bénéficié de son jour de repos hebdomadaire légal les dimanches 28 septembre, 5 octobre et 12 octobre 2008, alors qu'il n'est pas démontré par l'employeur que w. F. HU. a pris un repos compensateur d'une durée égale conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi n° 822 du 23 juin 1967.

En application de l'article 6 alinéa 2 de la loi n° 822 du 23 juin 1967, le salarié est bien fondé à obtenir paiement d'une majoration de 100% pour les heures effectuées au cours des trois dimanches, soit la somme brute de 115,39 (taux horaire : 20.000/173,33, sans distinction pour l'heure supplémentaire) x 40 /7 (répartition de 40 heures de travail sur une semaine complète, sans distinction pour l'heure supplémentaire) x 3 = 1.978,11 euros, ainsi que la somme brute de 197,81 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2010 (date de la réception de la première requête par le secrétariat du Tribunal du Travail) et sous le bénéfice de l'exécution provisoire (s'agissant de salaires et accessoires). Il convient également d'ordonner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, la délivrance de documents sociaux modifiés à l'effet de tenir compte de ce complément de rémunération.

II) Sur les bonus

Il résulte des courriels échangés entre les parties que le demandeur devait bénéficier d'une « prime annuelle basée sur le plan de rendement du groupe Premuda lequel dépend de la performance ainsi que du résultat social » (proposition d'emploi du 16 mai 2008) et que la défenderesse a précisé que « la prime annuelle sera basée sur la performance/résultats du groupe. Les cadres supérieurs normalement reçoivent une communication concernant la prime lors de l'approbation des résultats du groupe, notamment en avril/mai de l'année suivante. La fourchette discutée pendant les entretiens se situait entre zéro (0) et 100.000 euros, les attentes » normales « étant de 50.000 à 100.000 euros. NON PAS en tant que 50% ou 100% de pourcentage du salaire annuel » (mail de Monsieur GI. du 26 mai 2008 suite à une demande d'explications de w. F. HU.).

Il s'ensuit que les résultats du groupe PREMUDA conditionnaient le versement d'un bonus annuel sans qu'un montant minimum soit garanti.

Si le salarié a manifestement accepté de conclure le contrat de travail en raison des montants probables de cette gratification, il n'en demeure pas moins que la SAM PREMUDA MONACO a bien souligné que cette prime pourrait ne pas être octroyée en fonction des performances notamment déficitaires du groupe.

Bien qu'il soit regrettable que les résultats concrets du groupe PREMUDA, tels qu'ils ont été approuvés, n'aient pas été communiqués à la présente juridiction, l'employeur justifie par les pièces qu'il verse aux débats que les « résultats consolidés (…) n'ont apporté aucune rémunération » en 2008 et 2009 en ce qui concerne le point a) à savoir « la rémunération annuelle, en rapport avec le résultat de l'exercice » pour les membres de la direction (pièces n° 11 et 12 de la défenderesse).

En outre, il apparaît que les informations pertinentes, qui sont accessibles sur le site internet du groupe PREMUDA, n'ont pas été recherchées par le demandeur afin de rapporter la preuve contraire, étant précisé que la pièce n° 30 produite par w. F. HU. établit que le groupe PREMUDA a vu son résultat net de 35.231 milliers d'euros au 31 décembre 2007 passer à 3.736 milliers d'euros au 31 décembre 2008 et même à une perte de 19.808 milliers d'euros au 31 décembre 2009, si bien que la non-attribution du bonus n'apparaît pas contestable.

Dans ces conditions, la demande relative aux primes de 2009 et 2010 doit être rejetée.

III) Sur le licenciement

Il incombe à l'employeur, qui a la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de la rupture, de démontrer par des éléments objectifs susceptibles de vérification par le Tribunal que le licenciement était fondé sur un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise.

À cet égard, l'employeur, membre d'un groupe de sociétés, doit matériellement établir la nécessité économique de la restructuration - difficultés économiques ou sauvegarde de la compétitivité dans le secteur d'activité du groupe auquel il appartient.

Si le registre d'entrées et de sorties du personnel confirme qu'aucune embauche n'a suivi le départ de w. F. HU., force est de constater que la défenderesse, faute de produire les bilans consolidés du groupe PREMUDA ainsi que les rapports qui l'accompagnent habituellement, ne rapporte pas suffisamment la preuve de la nécessité économique de la suppression du poste du demandeur, quand bien même le document sus évoqué (pièce n° 30 du salarié) mentionne une perte de 19.808 milliers d'euros à la fin de l'année 2009, dont le Tribunal ignore les causes et les contours.

À titre superfétatoire, il apparaît que la situation interne de la SAM PREMUDA MONACO s'est améliorée entre 2008 et 2009, en l'état d'une augmentation du chiffre d'affaires (1.178.856,37 euros au 31 décembre 2008 ; 1.557.039,26 euros au 31 décembre 2009) et d'une diminution importante de la perte nette de l'activité principale (160.674,74 au 31 décembre 2008 ; 38.455,39 euros au 31 décembre 2009), alors que le bénéfice net de l'activité principale au 31 décembre 2010 de 63.660,35 euros est lié à une accroissement du chiffre d'affaires (charges d'administration constantes : baisse des frais du personnel mais augmentation des frais d'administration).

En conséquence, l'employeur ne justifie pas d'un motif valable de rupture, si bien que le salarié est en droit d'obtenir paiement de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, soit la somme de 20.000/ 25 x 23 = 18.400 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Il appartient à w. F. HU. de rapporter la preuve de l'abus commis par la défenderesse dans la mise en œuvre de son droit unilatéral de rupture.

Il n'est pas établi que le licenciement trouverait sa cause dans le désaccord survenu lors d'un séjour à Singapour sur un navire, à propos du niveau dangereux de mercure à bord, le mail du demandeur du 17 mars 2010 étant insuffisant à cet égard, et ce d'autant que le groupe PREMUDA connaissait effectivement une perte. Le préjudice financier subi ne peut dès lors être indemnisé.

Si le salarié - qui évoque, dans le courriel du 17 mars 2010, qu'il a été informé le 11 février 2010 à Perth que « des changements étaient prévus et qu'une réorganisation était en cours, sans vouloir donner plus de précisions », et que le 19 février 2010, il a été avisé de la rupture (lettre de licenciement remise le 28 février 2010 sans autres explications) - ne peut soutenir qu'il ne pouvait pas anticiper son congédiement, il n'en demeure pas moins que le niveau de responsabilités et l'investissement de w. F. HU. ainsi que l'antériorité des relations contractuelles, qui ont été à l'origine de son embauche, méritaient que la défenderesse fasse preuve d'une plus grande considération en prenant le temps d'expliquer les raisons économiques de sa décision et l'absence de solutions alternatives, quand bien même l'organisation d'un entretien préalable n'est pas obligatoire en Principauté de Monaco.

Le Tribunal estime à 4.000 euros le montant des dommages et intérêts qui doivent être alloués au demandeur en réparation du préjudice moral ainsi subi.

Il n'est pas justifié pour le surplus des conditions nécessaires au prononcé de l'exécution provisoire.

Les parties doivent supporter par moitié les dépens du présent jugement.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des instances portant les numéros 62 de l'année judiciaire 2010-2011 et 40 de l'année judiciaire 2012-2013 ;

Condamne la société anonyme monégasque PREMUDA MONACO à payer à w. F. HU. la somme brute de 1.978,11 euros (mille neuf cent soixante dix huit euros et onze centimes) à titre de rappel de salaire ainsi que la somme brute de 197,81 euros (cent quatre vingt dix sept euros et quatre vingt un centimes) au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2010 et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Ordonne la délivrance par la société anonyme monégasque PREMUDA MONACO à w. F. HU., dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, des documents sociaux modifiés à l'effet de tenir compte de ce complément de rémunération, et ce, sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Dit que le licenciement de w. F. HU. par la société anonyme monégasque PREMUDA MONACO n'est pas fondé sur un motif valable et revêt un caractère abusif ;

Condamne la société anonyme monégasque PREMUDA MONACO à payer à w. F. HU. la somme de 18.400 euros (dix huit mille quatre cents euros) à titre d'indemnité de licenciement ainsi que la somme de 4.000 euros (quatre mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Déboute w. F. HU. du surplus de ses demandes ;

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par w. F. HU. et par la société anonyme monégasque PREMUDA MONACO.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt sept juin deux mille treize, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président du Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, Monsieur Daniel BERTI, Madame Catherine LECLERCQ-HUTTER, membres employeurs, Messieurs Jean-Marie PASTOR, Pascal GARRIGUES, membres salariés, assistés de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, Secrétaire-Adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11281
Date de la décision : 27/06/2013

Analyses

Il appartient à l'employeur de démontrer, par dés éléments objectifs, l'existence de difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarde de la compétitivité dans le secteur du groupe auquel il appartient.Licencié pour raisons économiques, moins de deux ans après son embauche en qualité de responsable d'opérations, un salarié qui avait déjà travaillé pour la société, membre d'un groupe, qui l'employait, en qualité de consultant, alléguait, outre des heures supplémentaires et un bonus non payés, le caractère non économique de son licenciement. L'employeur, membre d'un groupe de sociétés aurait dû matériellement établir la nécessité économique de la restructuration, difficultés économiques ou sauvegarde de la compétitivité dans le secteur d'activité auquel il appartient. La charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de la rupture lui incombe. Il doit démontrer, par des éléments objectifs susceptibles de vérification par le tribunal, que le licenciement était fondé sur un motif non inhérent à la personne du salarié, résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise. Or, les bilans consolidés du groupe non produits ainsi que les rapports habituels ne rapportaient pas suffisamment cette preuve. Il apparaissait en outre que la situation interne de la SAM PREMUDA MONACO s'était améliorée entre 2008 et 2009. Le salarié a ainsi obtenu paiement de l'indemnité de licenciement d'un montant de 18 400 €, l'employeur ne justifiant pas d'un motif valable de rupture.

Social - Général  - Chômage et reclassement  - Responsabilité de l'employeur.

Entreprise appartenant à un groupe de sociétés - Licenciement économique - Nécessité - pour l'employeur - de démontrer par des éléments objectifs - susceptibles de vérification par le tribunal - que le licenciement repose sur un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation - Nécessité d'établir l'existence de difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarde de la compétitivité dans le secteur d'activité du groupe auquel il appartient - Justification - non rapportée en l'espèce - Droit au paiement de l'indemnité de licenciement - Preuve non rapportée d'un abus dans le droit de rompre.


Parties
Demandeurs : w. F. HU.
Défendeurs : la SAM PREMUDA MONACO

Références :

article 59 alinéa 2 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959
article 6 alinéa 2 de la loi n° 822 du 23 juin 1967
article 5 de la loi n° 822 du 23 juin 1967


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2013-06-27;11281 ?

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