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20/01/2011 | MONACO | N°10412

Monaco | Tribunal du travail, 20 janvier 2011, m.-v. BA. c/ la SCS LO. ET CIE


Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 20 JANVIER 2011

En la cause de Madame M-V B, domiciliée : X - X à NICE (06100),

demanderesse, bénéficiant de l'assistance judiciaire par décision n° 103/BAJ/07, du bureau d'assistance judiciaire en date du 31 octobre 2008, plaidant par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'une part ;

Contre :

La SCS L. ET CIE, exploitant à l'enseigne B. D., dont le siège social est situé : X à MONACO,

défenderesse, ayant élu domic

ile en l'Etude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maî...

Motifs

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 20 JANVIER 2011

En la cause de Madame M-V B, domiciliée : X - X à NICE (06100),

demanderesse, bénéficiant de l'assistance judiciaire par décision n° 103/BAJ/07, du bureau d'assistance judiciaire en date du 31 octobre 2008, plaidant par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'une part ;

Contre :

La SCS L. ET CIE, exploitant à l'enseigne B. D., dont le siège social est situé : X à MONACO,

défenderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Christophe BALLERIO, avocat-stagiaire à la Cour d'Appel de Monaco,

d'autre part ;

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 18 mai 2009 reçue le 19 mai 2009 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 23 juin 2009 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de Madame m.-v. BA., en date des 8 octobre 2009 et 15 avril 2010 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SCS LO. ET CIE, exploitant l'enseigne BLACK DIAMOND, en date du 10 mars 2010 ;

Après avoir entendu Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour Madame m.-v. BA., et Maître Christophe BALLERIO, avocat-stagiaire à la Cour d'Appel de Monaco, pour la SCS LO. ET CIE, exploitant l'enseigne BLACK DIAMOND, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

m.-v. BA. a été embauchée à compter du 17 octobre 2006, en qualité d'hôtesse d'accueil au service de la SCS LO. et Cie, exploitant à l'enseigne commerciale « Black Diamond ». Aucune convention écrite n'était formalisée, mais son permis de travail en date du 27 novembre 2006 faisait état d'un contrat à durée indéterminée, pour une durée de travail mensuelle de 169 heures. Ses derniers bulletins de salaires font état d'une rémunération nette de 2.008 euros mensuels.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 avril 2007, la SCS LO. et Cie lui notifiait son licenciement de la manière suivante :

« Madame,

» Par la présente, je vous notifie votre licenciement conformément à l'article 6 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963 qui est effectif dès réception de la présente.

« Je vous dispense du préavis de 15 jours qui vous sera réglé.

» L'indemnité de licenciement, soit 1 jour de salaire par mois d'ancienneté (5,5 mois) vous sera réglée également.

« Je tiens à votre disposition le solde de tout compte, le certificat de travail ainsi que l'attestation d'ASSEDIC. »

m.-v. BA. recevait par la suite un reçu pour solde de tout compte d'un montant de 5.261,54 euros.

Le 18 mai 2009, m.-v. BA. faisait convoquer la SCS LO. et Cie devant le bureau de conciliation du Tribunal du Travail et suite à un procès-verbal de défaut en date du 22 juin 2009, faisait attraire son ancien employeur devant le Bureau de jugement de ce Tribunal le 23 juin 2009 en sollicitant le paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

* 8.582,75 euros à titre de solde de salaire dû pour des heures de travail effectuées de nuit,

* 4.760,22 euros, à titre de solde de salaire dû pour des heures supplémentaires effectuées de nuit et non rémunérées,

* 591,70 euros, à titre de salaire dû pour des jours fériés travaillés et non rémunérés,

* 355,02 euros, à titre de solde d'indemnité de congés payés,

* 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, incluant notamment le préjudice subi à raison d'un harcèlement sexuel,

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après sept renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue à l'audience du 11 novembre 2010, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 20 janvier 2011.

À l'appui de ses demandes et aux termes de conclusions en date des 8 octobre 2009 et 10 mars 2010, m.-v. BA. sollicitait en outre la délivrance d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2006, l'exécution provisoire de la décision à intervenir et désormais une somme de 4.441,42 euros, à titre de solde d'heures supplémentaires non rémunérées.

À l'appui de ses demandes, elle faisait valoir les éléments suivants :

1/ Elle estime avoir un droit à paiement d'un solde de salaire, au titre d'heures de travail effectuées de nuit, dans la limite de 50 heures par semaine, durée hebdomadaire de travail définie par l'article 10 de la convention collective des Hôtels, Restaurants et Débits de boissons, qui serait applicable en l'espèce (sans préjudice, en sus, d'heures supplémentaires effectuées, objet d'un autre chef de demande) ;

À cet égard, elle estime qu'elle démontrerait à suffisance avoir effectué une grande partie de ses horaires de travail, pendant l'exécution de son contrat, en horaires de nuit, (soit entre 23 heures et 6 heures, aux termes de l'article 12 de la Convention collective suscitée). Elle présente ainsi :

* un tableau récapitulatif,

* un document de son employeur faisant état d'horaires de travail de 19 heures à 1 heures, voire jusqu'à 2 heures, ou 3 heures selon les jours,

* des attestations, (CH., TO.), faisant état de sa présence au travail jusqu'à 5 heures du matin.

Elle en conclut qu'elle a effectuée :

* 360,96 heures de nuit, rémunérées pourtant en horaire de jour, soit 12,35 euros/heure, alors, selon elle, que ces heures auraient dues être rémunérées au taux de 24,70 euros, soit un manque à gagner de 360,96 x 12,35 = 4.457,85 euros ;

* 160 heures, de nuit, qui n'ont pas été rémunérées du tout, soit un manque à gagner de 160 x 24,70 = 3.952 euros ;

En réponse aux arguments de son ancien employeur, elle énonce qu'aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties stipulant qu'elle aurait été embauchée spécifiquement pour un travail de nuit. À ce titre, elle fait valoir que l'établissement n'était pas ouvert que la « nuit », mais également le « soir », l'établissement ayant une activité de restaurant auquel était annexé un bar à ambiance musicale, le cachet de l'établissement étant également en ce sens (Blackdiamand-Restaurant-Music & Bar). En outre une discothèque attenante, dénommée « Moda » n'était pas utilisée pour avoir subi un incendie au cours du printemps 2006.

2/ Elle estime avoir effectué 132 heures supplémentaires, soit au-delà de la durée hebdomadaire de travail de 50 heures, (dans la mesure où l'article 8 de l'ordonnance-loi n°677 du 2 décembre 1959 définit les heures supplémentaires comme celles effectuées au-delà de la durée de 39 heures hebdomadaires, ou de la durée considérée comme équivalente, et qu'une telle durée équivalente est donc justement fixée à 50 heures par la Convention collective applicable).

Elle fait valoir en outre que ces heures supplémentaires, effectuées entre 1 heure et 5 heures du matin, ou entre 2 heures et 5 heures du matin, étaient de heures de nuit, devant donc être payées en supplément, en tant que telles et en outre, devant être majorées de 100% aux termes de l'article 10 alinéa 2 b) de la Convention Collective.

À son sens, lui serait alors due la somme de : 132 x 49,40 = 6.520,80 euros.

Ayant perçu une somme de 2.079,38 euros à titre de « solde d'heures supplémentaires », dans son bulletin de salaire du mois d'avril 2007, elle ne sollicite donc que la somme de 6.520,80 – 2.079,38 = 4.441,42 euros ;

3/ Elle estime avoir travaillé pendant 5 jours fériés, (1er et 19 novembre 2006, 8 décembre 2006, 1 er janvier 2007, 27 janvier 2007), alors qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 800 du 18 février 1966, ces jours fériés sont obligatoirement chômés et payés pour l'ensemble des salariés et qu'aux termes de l'article 7 de la même loi, les salariés exerçant leur activité pendant ces jours doivent recevoir une indemnité égale au montant du salaire. Lui serait dès lors due 591,70 euros ;

4/ Elle estime avoir acquis un nombre total de 15 jours de congés payés et non de 12 comme l'affirme la société défenderesse, contestant avoir bénéficié de trois jours de congés payés du 22 au 24 janvier 2007, période pendant laquelle son employeur l'aurait mise au repos de manière forcée. Lui serait due une somme de 355,02 euros.

5/ m.-v. BA. estime enfin avoir fait l'objet d'un harcèlement sexuel de la part de j.-f. LO., gérant commandité de la SCS LO. et Cie. Elle verse aux débats à cet égard une attestation de m. CH. et une de x. CA. Elle précise que la demande aux fins de paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts est présentée à la fois de ce chef mais également de celui de l'abus dans l'exercice du licenciement, dans la mesure où malgré le droit unilatéral de rupture du contrat de travail que l'article 6 de la loi n° 729 offre à l'employeur, celui-ci a en l'espèce commis un abus dans son usage, en ne remplissant pas sa salariée de la totalité de ses droits pécuniaires.

En défense, la SCS LO. et Cie a conclu le 10 mars 2010 au débouté des demandes de m.-v. BA.

Au soutien de ses demandes, elle faisait valoir :

* que la demande relative à la délivrance d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2006 n'a pas fait l'objet d'un préliminaire de conciliation et serait donc irrecevable. En tout état de cause, la défenderesse affirme l'avoir remis à sa salariée, ainsi qu'à l'inspection du travail le 27 octobre 2007.

* s'agissant des 360 heures au sujet desquelles la salariée sollicite un paiement au taux horaire de 24,70 euros au lieu de 12,35 euros, la SCS LO. et Cie indique que l'article 12 de la Convention Collective énonce que le travail de nuit est celui compris entre 23 heures et 6 heures, sauf pour les ouvriers et employés dont le contrat d'engagement stipule qu'ils ont été spécialement engagés pour le travail de nuit. Tel serait le cas en l'espèce de m.-v. BA., bien que son contrat soit verbal dès lors qu'embauchée comme hôtesse d'accueil (aux termes même de son permis de travail) ses horaires s'effectuaient nécessairement quand l'établissement était ouvert au public, ce qui n'était le cas que le soir en l'espèce.

* s'agissant des 160 heures, de nuit, non rémunérées et des 132 heures supplémentaires prétendument effectuées, la SCS LO. et Cie conteste l'exécution de telles heures par la salariée, énonçant que celle-ci ne rapportait ni la preuve de leur exécution, ni l'autorisation de son employeur d'éventuellement effectuer de telles plages de travail. Le planning versé aux débats par la demanderesse n'émanerait que d'elle-même et l'employeur verse aux débats trois attestations (MO., HO. et FR.) faisant au contraire état du suivi par la salariée du planning établi par l'employeur.

* sur la demande en paiement de jours fériés prétendument travaillés, la SCS LO. et Cie affirme que rien n'indique qu'elle ait travaillé lors de ces journées, alors que la charge de la preuve lui incombe à cet égard.

* sur la demande en paiement des congés payés, l'employeur maintient que les trois journées des 22,23 et 24 janvier 2007 ont été chômées par la salariée, mais rémunérées, si bien qu'aucune somme ne saurait être due de ce chef.

* sur la demande en paiement de dommages et intérêts, l'employeur estime n'avoir commis aucune faute, en respectant les droits pécuniaires de m.-v. BA., notamment une indemnité de licenciement, une indemnité de congés payés de 12 jours et une rémunération au titre des heures supplémentaires. L'employeur conteste tout harcèlement de la part de son gérant commandité, estimant notamment que l'attestation CH. ne pourrait être valablement retenue, ce salarié, censé exercer en cuisine, relatant des faits s'étant prétendument déroulés dans le hall d'entrée de l'établissement.

La défenderesse ajoute qu'elle a elle-même déposé une main courante au sujet d'un message téléphonique de sa salariée, le menaçant, dans la soirée du 4 avril 2007, de le poursuivre pour harcèlement sexuel. Elle relève en outre que m.-v. BA. a attendu plus de deux ans pour introduire la présente procédure.

SUR QUOI,

I/ Sur la demande relative à la délivrance d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2006

Attendu que si le demandeur peut, en vertu des dispositions de l'article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, devant le bureau de conciliation, modifier sa demande initiale, une telle possibilité, en l'absence d'une disposition identique contenue dans cette loi, ne lui est pas ouverte devant le bureau de jugement, lequel ne peut connaître que des demandes soumises préalablement à la tentative obligatoire de conciliation, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur quantum, ainsi qu'en dispose l'article 1er de la loi susvisée (voir notamment en ce sens, CR 7 octobre 1993,A.S.M c/C., TT, 4 juillet 2002 B. c/ SAM IAS) ;

Attendu cependant qu'en l'espèce, contrairement aux affirmations de la société défenderesse, une demande de délivrance d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2006 a bien été formulée devant le bureau de conciliation, tel qu'il résulte de la lecture de la lettre de convocation du secrétaire du Tribunal du 19 mai 2009, ou du procès-verbal de défaut du 22 juin 2009 ;

Que par ailleurs, il n'est pas établi que m.-v. BA. se soit vue finalement délivrer ce bulletin ;

Qu'il y a lieu de condamner la SCS LO. et Cie à la délivrance de ce bulletin de salaire ;

II/ Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

1/Attendu, sur les demandes en paiement de solde de salaire au titre d'heures, notamment supplémentaires, non rémunérés et/ou insuffisamment rémunérées, qu'il convient de s'attacher à la réalisation d'éventuelles heures de travail de nuit dans le cadre de la présente espèce et sur leur conséquence ;

Attendu qu'aux termes de l'article 12, alinéa 1 de la Convention collective des hôtels, restaurants et débits de boissons du 1er juillet 1968, étendue par arrêté ministériel n°68-367 du 22 novembre 1968, applicable en l'espèce, le travail de nuit est celui compris entre 23 heures et 6 heures, sauf pour les ouvriers et employés dont le contrat d'engagement stipule qu'ils ont été spécialement engagés pour le travail de nuit ;

Que cette formulation protège tout salarié susceptible d'effectuer de manière non habituelle un travail entre 23 heures et 6 heures, en permettant la qualification de telles heures en heures de nuit, avec les conséquences qui seront examinées infra, mais qu'au contraire, un salarié spécialement engagé pour « le travail de nuit », ne pourra en aucun cas solliciter la qualification en heures de nuit, d'heures de travail effectuées entre 23 heures et 6 heures ;

Qu'en l'espèce, le contrat de travail a été conclu sans support écrit, ce qui ne saurait entacher sa validité, aux termes de l'article 2 de la loi n°729 du 16 mars 1963, mais qui en revanche ne permet pas la détermination d'un accord des parties d'un « engagement spécial » pour le travail de nuit ;

Qu'il convient dès lors de rechercher la commune intention des parties au sens des articles 1011 et suivants du Code civil ;

Qu'en l'occurrence, la notion de « salarié spécialement engagé pour le travail de nuit » au sens de la Convention collective, ne peut être entendue restrictivement comme recouvrant la seule situation d'un salarié engagé pour effectuer son activité uniquement entre 23 heures et 6 heures, mais doit également englober les postes dont les critères de rattachement ramènent à une activité nocturne ;

Mais attendu que tel n'apparaît pas être clairement le cas de m.-v. BA., engagée en qualité d'hôtesse d'accueil, dès lors, en premier lieu, que l'employeur ne fournit pas les horaires d'ouverture de son établissement, et en second lieu, qu'à suivre même le planning qu'il verse aux débats s'agissant des horaires de travail de celle-ci à compter du 31 janvier 2007 (pièce n°14) la salariée ne réaliserait une minorité d'heures de travail (15 heures sur 39, soit 38%) entre 23 heures et 6 heures ;

Attendu en conséquence qu'il ne peut être retenu que m.-v. BA. a été embauchée spécialement pour effectuer un travail de nuit et que les heures de travail réalisées par elle entre 23 heures et 6 heures seront considérées comme heures de nuit ;

Attendu, s'agissant des conséquences, qu'aucune disposition légale ou réglementaire (ordonnance-loi n°677 du 2 décembre 1959) ne vient prévoir la majoration particulière de la rémunération du travail de nuit, et que la Convention collective des hôtels, restaurants et débits de boissons, en son article 12 alinéa 2 énonce que chaque heure de travail effectuée entre 23 heures et 6 heures sera comptée double pour le calcul de la durée de la semaine de travail définie à l'article 10 de la présente convention et ne sera pas majorée ;

Qu'ainsi, il ne saurait y avoir lieu, comme le calcule la demanderesse, au doublement du taux horaire de toutes les heures effectuées passées 23 heures, mais qu'il convient de se borner à les compter double dans le calcul de la durée de travail hebdomadaire ;

Que cette durée hebdomadaire de travail, base de calcul du temps de travail en droit monégasque, est fixée à 39 heures, ou à une durée considérée comme équivalente selon les professions et qu'en l'espèce, en application de l'article 10 de la Convention collective, cette durée est de 50 heures ;

Qu'en prenant pour référence le seul planning versé aux débats, les horaires de travail de la salariée étaient les suivants :

Mardi : 19 heures à 1 heure,

Mercredi : 19 heures à 1 heure,

Jeudi : 19 heures à 1 heure,

Vendredi : 19 heures à 2 heures,

Samedi : 19 heures à 3 heures,

Dimanche : 19 heures à 1 heure,

Qu'un calcul fait apparaître, en comptant double les heures réalisées après 23 heures, une durée de travail hebdomadaire de 54 heures au sens de la Convention collective ;

Que 4 heures supplémentaires ont donc été effectuées chaque semaine de travail, celles-ci devant, dès lors être majorées de 100%, conformément aux dispositions de l'article 10 de la Convention collective ;

Qu'est donc due la somme de, sur une base de 24 semaines de travail et d'un taux horaire majoré de 100% de 24,70 euros : 24 x 4 x 24,70 = 2.371,20 euros ;

Attendu, s'agissant du surplus des demandes de ce chef de m.-v. BA., qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'existence de la réalisation des heures supplémentaires qu'il allègue et qu'en l'espèce, les attestations qu'elles verse aux débats, notamment celles des clients DU. et RA., permettent de caractériser la réalisation d'heures de travail au-delà du planning susvisé, lequel n'apparaît en outre n'être la formalisation des horaires de travail de m.-v. BA. qu'à compter du 30 janvier 2007, l'employeur ne versant aux débats aucun élément pour la période antérieure ;

Attendu cependant, quant au quantum d'heures ainsi effectuées, qu'il ne peut être, comme le soutient la demanderesse, reconnu que celle-ci en accomplissait tous les jours jusqu'à 5 heures du matin, une telle preuve n'étant pas rapportée, l'attestation de c. DU. faisant même état au contraire de ce qu'à « partir de février Viviane partait plus tôt, entre 1 heures et 3 heures du matin » ;

Qu'il y a lieu de déterminer forfaitairement la réalisation par m.-v. BA. de 5 heures supplémentaires par semaine, de la date de son embauche, jusqu'au 31 janvier 2007, au taux majoré de 100%, et non de 200% comme elle le sollicite à tort, soit un droit à une somme de 2.000 euros ;

Attendu au final, que la SCS LO. et Cie a, aux termes du bulletin de salaire du mois d'avril 2007, rémunéré, avec une majoration impropre (25% pour la première heure, 35 % pour les suivantes, taux applicables aux seules heures de jour en application de l'article 10 de la Convention collective), des heures supplémentaires, dont elle reconnaît donc la réalisation par sa salariée, pour un montant de 1.821,13 + 258,25 = 2.079,38 euros, l'employeur sera au final condamné à payer à m.-v. BA. la somme de 2.371,20 euros + 2.000 euros - 2.079,38 euros = 2.291,82 euros ;

2/ Attendu, s'agissant des demandes relatives à une indemnisation suite à un travail réalisé lors de 5 jours chômés et payés, que l'employeur ne peut se borner à affirmer que sa salariée ne démontre pas qu'elle avait travaillé lors de ces 5 journées, alors même qu'il ne prouve ni même n'allègue que l'établissement aurait été fermé, pas même pour une seule de ces journées, (au contraire par exemple des journées du 24 et 25 décembre non concernées en l'espèce) et qu'il ne verse pas plus aux débats de planning de son personnel pour ces journées, si bien qu'il sera fait droit à la demande de m.-v. BA. de ce chef et que la SCS LO. et Cie sera condamnée au paiement d'une somme de 591,70 euros ;

3/Attendu, s'agissant d'une demande de reliquat d'indemnité de congés payés, pour un montant correspondant à 3 jours, qu'il n'est pas contesté que la demanderesse n'a effectivement pas travaillé les journées des 22 au 24 janvier 2007 mais a pourtant été rémunérée ; Que si son droit à prendre des congés payés, ayant débuté sa relation de travail le 17 octobre 2006, n'aurait pu être effectivement ouvert que le 1er mai suivant, en vertu des dispositions de l'article 6 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, il ne saurait être fait grief à l'employeur d'avoir crée une situation plus favorable pour sa salariée, quels qu'en soit les motifs en l'espèce dès lors que la demanderesse n'allègue aucun préjudice quant à la période qu'elle n'aurait pas pu choisir ou négocier, ni qu'aucune dénaturation manifeste n'apparaît ;

III/ Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail et aux fautes de l'employeur dans l'exercice de la relation de travail

1/ Attendu qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et doit de ce fait, en application de l'article 989 alinéa 3 du Code civil, être exécuté de bonne foi, exclusive de la part de la société employeuse de tout agissement fautif d'un de ses dirigeants ;

Que la salariée allègue l'existence des gestes déplacés et de propos à connotation sexuelle de la part de Jean-François LO., gérant commandité et que pour réfuter ces arguments, l'employeur se borne à exposer qu'ils ne reposent que sur la seule attestation de d. CH., imprécise et insusceptible d'être retenue comme émanant d'un cuisinier dont le poste de travail se trouvait éloigné du hall d'entrée dans lequel il situait les faits (« J'ai directement été témoin de propositions sexuelles et de paroles sexuelles déplacées de la part de j.-f. LO. à v., de manière insistante, dans le hall d'entrée… ») ;

Mais attendu cependant, qu'outre le fait qu'il n'est pas impossible qu'un cuisinier ait pu, même sans raison professionnelle valable, se trouver dans le hall d'entrée de l'établissement, les allégations de m.-v. BA. sont également corroborées par l'attestation, précise et détaillée de x. CA., décrivant des attitudes physiques [« j'avais surpris visuellement plusieurs fois lui caresser les cuisses, les fesses ainsi que la poitrine quand j'allais lui commander… » (sic)] et des propositions sexuelles répétées (« Allez, rejoins-moi au bureau, j'ai trop envie de toi, ou alors tu me fais une pipe, personne ne le saura », v. refusait et trouvait toutes les excuses possibles, mais il disait qu'il était le boss… ") ;

Qu'une faute dans l'exécution du contrat est ainsi caractérisée à l'encontre de l'employeur ;

2/ Attendu, s'agissant de la rupture de la relation de travail, qu'en application de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties, ce qui permet à l'employeur de congédier un salarié, sans se référer de façon implicite ou explicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, mais doit supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant le montant de l'indemnité de licenciement prévu par l'article 2 de loi n° 845 du 27 juin 1968 ;

Qu'en conséquence le fait pour l'employeur de ne pas fournir à son salarié de motifs de licenciement ne peut en tant que tel être considéré comme fautif, mais cependant, l'article 6 suscité n'instaurant pas, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, le licenciement ne doit pas être mis en œuvre de manière brutale, vexatoire, ou avec légèreté blâmable ou intention de nuire, qui ferait ainsi apparaître un comportement fautif de l'employeur constitutif d'un abus du droit de licenciement ; (voir notamment Cour de révision 9 mai 2003, P. c/TMA, 6 septembre 2006, B c/ING)

Attendu qu'une faute dans l'exercice, et non dans le principe même, de la mesure de licenciement peut résider dans l'irrespect des droits pécuniaires du salarié, s'agissant des sommes qui lui seraient dus en conséquence du licenciement, mais également du fait de la relation de travail elle-même, s'agissant comme en l'espèce du paiement d'heures supplémentaires et de jours chômés travaillés, l'abus fautif de la SCS LO. et Cie sera retenu ;

Attendu qu'en réparation du préjudice moral subi par m.-v. BA., la SCS LO. et Cie sera condamnée à lui verser une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

IV/Sur l'exécution provisoire et les dépens

Attendu qu'il y a lieu de rappeler qu'en application de l'article 60 de la loi n°446, modifié par la loi n° 1.375 du 16 décembre 2010, le présent jugement sera exécutoire de droit s'agissant des paiements de somme au titre de reliquat de salaire, ce texte s'appliquant aux instances en cours, aux termes de l'article 16 de cette dernière loi ;

Attendu que l'urgence apparaît caractérisée en l'espèce par la situation financière précaire de la demanderesse, qui a vu s'achever son droit au revenu de solidarité active de droit français au mois de janvier 2010 notamment, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision, pour le surplus des condamnations ;

Attendu que la SCS LO. et Cie, qui succombe, sera condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré :

Condamne la SCS LO. et Cie à payer à m.-v. BA. les sommes suivantes :

* 2.291,82 euros, (deux mille deux cent quatre vingt onze euros et quatre vingt deux centimes), au titre de solde de paiement d'heures supplémentaires ;

* 591,70 euros, (cinq cent quatre vingt onze euros et soixante dix centimes), au titre de solde de rémunération de jours chômés travaillés ;

lesdites sommes produisant intérêts de retard à compter de la convocation en conciliation valant mise en demeure ;

Dit que la SCS LO. et Cie a commis une faute dans l'exercice de la relation de travail et un abus dans l'exercice du licenciement de m.-v. BA. et condamne en conséquence la SCS LO. et Cie à payer à m.-v. BA. la somme de 3.000 euros, (trois mille euros), à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Condamne, en tant que de besoin, la SCS LO. et Cie à délivrer à m.-v. BA. un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2006 ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire s'agissant des condamnations au titre de paiement de reliquat de salaire ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision pour le surplus ;

Condamne la SCS LO. et Cie aux dépens, avec distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt janvier deux mille onze, par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Juge au Tribunal de Première Instance, désigné pour assurer la suppléance de Mademoiselle Magali GHENASSIA, Juge de Paix, Président, Messieurs Jacques ORECCHIA, Jean-Pierre ESCANDE, membres employeurs, Messieurs Jean-Pierre PIZZOLATO, Bernard ASSO, membres salariés, assistés de Madame Catherine CATANESE, Secrétaire en Chef.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 10412
Date de la décision : 20/01/2011

Analyses

Le harcèlement sexuel d'un cuisinier envers une hôtesse d'accueil, prouvé par attestations, constitue une faute dans l'exécution du contrat par l'employeur.Embauchée en qualité d'hôtesse d'accueil à compter du 17 octobre 2006, sans contrat écrit, par un établissement ayant une activité de restaurant auquel était annexé un bar à ambiance musicale, une salariée est licenciée sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 12 mars 1963 par courrier du 4 avril 2007. Estimant qu'il lui était dû des heures de travail effectuées de nuit, des heures supplémentaires, un solde de congés payés et des dommages et intérêts notamment pour harcèlement sexuel, elle fit citer son employeur devant le Tribunal du travail après un procès-verbal de défaut devant le bureau de conciliation. Elle soutenait avoir effectué une grande partie de ses horaires de travail en horaires de nuit, soit entre 23 h et 6 h aux termes de l'article 12 de la Convention Collective de Hôtels Restaurants et Débits de boissons qui serait applicable en l'espèce. Elle fournissait au Tribunal du Travail un tableau récapitulatif, un document de son employeur et des attestations faisant état de sa présence au travail jusqu'à 5h du matin. L'employeur, de son côté, réfutait la demande d'heures de nuit dans la mesure où, bien que verbal, le contrat de la demanderesse était prévu pour un travail de nuit et la Convention collective excluait dans ce cas le taux horaire revendiqué. Quant aux heures supplémentaires, et paiement de jours fériés, la salariée ne rapportait pas la preuve de leur exigibilité. Le harcèlement sexuel de la part de son gérant était dénié en raison de la localisation des postes de travail respectifs.Le Tribunal du Travail, sur les heures de nuit, s'attache au contrat de travail sans support écrit, ce qui n'entache pas sa validité, mais ne permet pas la détermination d'un accord des parties relatif à un engagement spécial pour un travail de nuit. Recherchant la commune intention des parties, le tribunal estime que la notion de « salarié spécialement engagé pour le travail de nuit » au sens de la Convention collective ne doit pas s'entendre restrictivement comme recouvrant les seuls salariés engagés pour travailler entre 23h et 6h, mais doit aussi englober les postes voués à une activité nocturne. En l'espèce, il ne peut cependant être retenu que la salariée a été spécialement engagée pour un travail de nuit et le décompte doit se faire, conformément à l'article 12, alinéa 2 de la Convention collective prévoyant que chaque heure de travail effectuée entre 23 h et 6h sera compté double pour le calcul de la durée de la semaine ordinairement fixée en droit monégasque à 39h ou à une durée équivalent selon les professions, en l'espèce 50 heures. Il apparait ainsi que la salariée a effectué 5 heures supplémentaires par semaine. L'employeur devra donc les rémunérer, de même que les jours fériés. Sur la rupture et les fautes dans l'exécution, les attestations versées aux débats permettent au Tribunal d'entrer en voie de condamnation et d'allouer à la salariée la somme de 3 000 €.

Contrats de travail  - Relations collectives du travail  - Rupture du contrat de travail  - Hôtel - café - restaurant.

Demande de paiement d'heures de nuit - Convention collective des Hôtels Restaurants et Débits de boissons - Interprétation - Licenciement abusif - Harcèlement sexuel - Preuve - Attestations.


Parties
Demandeurs : m.-v. BA.
Défendeurs : la SCS LO. ET CIE

Références :

article 2 de la loi n° 800 du 18 février 1966
loi n° 1.375 du 16 décembre 2010
arrêté ministériel n°68-367 du 22 novembre 1968
article 6 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956
Code civil
article 989 alinéa 3 du Code civil
article 6 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963
loi n° 845 du 27 juin 1968
article 2 de la loi n°729 du 16 mars 1963
ordonnance-loi n°677 du 2 décembre 1959
article 42 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
article 8 de l'ordonnance-loi n°677 du 2 décembre 1959
article 6 de la loi n° 729 du 12 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2011-01-20;10412 ?

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