La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2010 | MONACO | N°12075

Monaco | Tribunal du travail, 7 octobre 2010, d. AD. c/ la SAM BANQUE J. SAFRA


Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 26 juillet 2007 et 10 avril 2008 reçues les 27 juillet 2007 et 14 avril 2008 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 16 octobre 2007 et 6 mai 2008 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur d. AD., en date des 8 novembre 2007, 5 juin 2008, 5 mars 2009 et 8 oc

tobre 2009 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom d...

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les requêtes introductives d'instance en date des 26 juillet 2007 et 10 avril 2008 reçues les 27 juillet 2007 et 14 avril 2008 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date des 16 octobre 2007 et 6 mai 2008 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur d. AD., en date des 8 novembre 2007, 5 juin 2008, 5 mars 2009 et 8 octobre 2009 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE BANQUE J. SAFRA, en date des 7 février 2008, 6 novembre 2008, 2 juillet 2009 et 24 février 2010 ;

Après avoir entendu Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour Monsieur d. AD., et Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE BANQUE J. SAFRA, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Il est constant que d. AD. a été embauché par la SAM BANQUE DU GOTHARD, devenue la SAM BANQUE J SAFRA (ci-après la banque) par contrat à durée indéterminée à compter du 30 juin 2003, en qualité de « Directeur IT/Organisation », et ce jusqu'au 28 février 2006, puis a exercé au sein de cette société des fonctions de « Directeur des opérations / Dirigeant Responsable ».

Par lettre recommandée en date du 2 novembre 2006, la SAM BANQUE J SAFRA indiquait à d. AD. La : « rupture de votre contrat de travail prenant effet après le respect d'un préavis de trois mois débutant le 3 novembre 2006 et se terminant le 2 février 2007, pour lequel vous êtes dispensé de présence ».

Une discussion s'est alors instaurée entre les parties, lesquelles signaient en date du 22 décembre 2006, un document intitulé « transaction », dont le contenu sera ci-après évoqué.

Procédure n° 7.2007/2008 :

Soutenant que la banque n'exécutait pas ses obligations issues du protocole transactionnel, d. AD., suite à un procès-verbal de non-conciliation en date du 15 octobre 2007, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail en sollicitant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de la banque au paiement des sommes suivantes :

* 100.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2007,

* 90.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2007,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive concernant la transaction formant la loi des parties.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparues, puis, après dix-huit renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 27 mai 2010, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré, pour être prononcé ce jour, 7 octobre 2010.

À l'appui de ses demandes, d. AD. fait valoir qu'aux termes du protocole transactionnel conclu, son contrat de travail demeurait rompu après un respect du préavis de 3 mois, soit le 2 février 2007, le salarié étant partiellement dispensé d'être présent dans les locaux de l'employeur. En outre il avait été conclu que la banque lui verserait, en complément d'une indemnité légale lui revenant, une indemnité transactionnelle de 300.125 euros en réparation de tous dommages et préjudices, sous forme de quatre versements :

* le premier intervenant à la fin de la période de préavis, pour un montant de 36.000 euros,

* le deuxième intervenant le 30 juin 2007 pour un montant de 100.000 euros,

* le troisième intervenant le 30 septembre 2007 pour un montant de 90.000 euros,

* le quatrième et dernier intervenant le 31 décembre 2007, pour un montant de 74.125 euros.

d. AD. indiquait que si la banque avait bien procédé au premier versement, tel n'avait pas été le cas s'agissant des deux suivants, si bien qu'il se serait vu contraint de saisir la présente juridiction.

Il estimait que le protocole d'accord conclu entre les parties devait s'analyser en une transaction au sens des articles 1883 et suivants du Code civil.

La banque a conclu une première fois le 7 février 2008, en sollicitant le débouté des demandes de d. AD. et à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réservait le droit de solliciter, à titre reconventionnel le remboursement de la somme de 36.000 euros qu'elle avait versé à d. AD. en exécution du protocole transactionnel.

Elle faisait valoir en premier lieu que suite à l'embauche de d. AD. le 30 juin 2003, un avenant au contrat de travail avait été formalisé le 8 octobre 2005, contenant notamment une clause de non-concurrence.

Elle ajoutait que sa volonté de licencier d. AD. était consécutive à son absence de volonté de collaboration, voire aux freins qu'il aurait présentés aux différents projets de développement et d'intégration informatique au Groupe SAFRA.

Elle déclarait également que, sans reconnaissance du bien-fondé de la contestation que d. AD. avait formulé auprès d'elle à l'égard de son licenciement, elle avait effectivement régularisé un protocole d'accord dans un souci d'apaisement, prévoyant notamment une indemnité de 300.125 euros, dont elle devait s'acquitter en quatre versements.

Elle soutenait que postérieurement à la signature du protocole d'accord, elle avait découvert l'existence d'un site internet, crée en 2003, par son salarié, dans le cadre duquel, sous le nom de AD. CONSULTING, il proposerait des prestations de service, essentiellement informatiques et techniques dans le domaine bancaire.

De surcroît, la banque notait que parmi les intervenants dans le cadre de ce site internet, apparaissait un dénommé p.-a. ME., ancien salarié de la banque.

Or, selon la défenderesse, le protocole contiendrait des obligations à charge de d. AD., notamment s'engager: « compte tenu de la nature des fonctions qu'il a exercées au sein de la Banque, des informations confidentielles dont il a disposé et du versement de l'indemnité susvisée » à « ne pas démarcher, faire embaucher, s'associer ou solliciter, toute personne qui faisant partie de l'effectif de la Banque au jour de son départ en qualité de salarié ou non, au sein d'une entreprise dans laquelle il serait salarié ou non, gérant, administrateur, actionnaire direct ou indirect, par personne interposée ».

Le salarié s'est engagé également « à informer expressément tout nouvel employeur ou personne qui serait concernée (notamment employeur, associé, contrepartie quelle qu'elle soit) de l'existence et du contenu de la présente clause et autorise également d'ores et déjà la Banque à procéder à une telle information dans les formes qu'elle jugera utile uniquement en cas de violation de ses obligations par Monsieur d. AD. ». Il était également mentionné : « Cette obligation cessera au 31 décembre 2007 ».

Selon la défenderesse, le comportement de d. AD. caractériserait un manquement à ses obligations sus-décrites, si bien que cette inexécution fautive du protocole d'accord permettrait à la défenderesse de se prévaloir valablement d'une exception d'inexécution.

d. AD. a conclu par la suite les 5 juin 2008, 5 mars 2009 et 8 octobre 2010. Il fait valoir :

* que la quatrième échéance de versement de l'indemnité de 300.125 euros n'avait pas été honorée,

* que s'agissant de la clause de non-concurrence contenue dans l'avenant au contrat de travail du 8 octobre 2005, celle-ci ne devait s'appliquer qu'à partir du 1er janvier 2009 et qu'en tout état de cause ledit avenant n'avait plus aucune valeur, comme indiqué au sein du protocole d'accord du 22 décembre 2006,

* que la société AD. CONSULTING, SARL de droit français, avait effectivement été crée en 2003, antérieurement à son embauche par la Banque du Gothard, devenue la SAM BANQUE J SAFRA, et qu'elle était et se trouvait encore à ce jour gérée par son épouse, ancienne inspectrice de banque ayant assuré des fonctions d'organisation et d'audit. Il ajoutait que son employeur était parfaitement au courant de ces éléments, notamment sa participation à hauteur de 51% dans le capital social, de même que la Banque de France puisqu'il avait renseigné un formulaire de responsable-dirigeant,

* que la société, gérée par son épouse, n'aurait réalisé que des résultats nets annuels décroissants, de 69.000 euros en 2003 à 7.000 euros en 2006 et que ce n'est qu'au moment de son licenciement qu'il avait « décidé de relancer l'activité de la société, alors en sommeil » (sic) devant se mobiliser pour retrouver une source de revenus pour faire vivre sa famille.

Il ajoutait, toujours à cet égard, que le site internet de la société aurait été crée, non en 2003, mais le 17 novembre 2006, alors qu'il était en l'état de son licenciement du 2 novembre 2006 et que le protocole d'accord, du 22 décembre 2006 n'avait pas encore été signé. En outre, la facture relative au nom de domaine « adamconsulting.fr » était libellée au nom de Nathalie AD.,

* que s'agissant de p.-a. ME., celui-ci était un ami et que dès qu'il avait appris que d. AD. disposait d'un site internet, il lui avait demandé s'il était possible d'y mettre de simples liens pour faire connaître ses produits. d. AD. affirmait qu'il avait accepté, au titre de leur amitié et ce sans rétribution d'aucun ordre et qu'en aucun cas p.-a. ME. n'avait été démarché, sollicité, débauché, embauché, associé ou rétribué.

La banque a conclu à nouveau les 6 novembre 2008, 2 juillet 2009 et 24 février 2010. Elle fait valoir :

* que de toute évidence, il pèse sur tout salarié une obligation générale de confidentialité et de non concurrence qui découle du contrat de travail. Elle précise que les activités concurrentielles qui lui sont reprochées sont celles liées à la société AD. CONSULTING, et qu'il aurait développées avant et après la signature du protocole d'accord litigieux.

* qu'elle ne conteste pas qu'elle avait connaissance de l'existence de la société AD. CONSULTING, mais que ce n'est que postérieurement à la signature du protocole d'accord qu'elle avait découvert que cette société développait des activités propres à rendre caduque ledit protocole.

* que la lecture du curriculum vitae de d. AD. démontrerait que les domaines d'expertise de la société AD. CONSULTING correspondraient justement aux sphères de compétence de celui-ci, son épouse ne pouvant raisonnablement être la personne susceptible d'analyser, développer, mettre en œuvre les systèmes informatiques de gestion bancaire et posséder le savoir pour assurer l'analyse et la mise en œuvre de cette société, ce qui suppose une intervention opérationnelle dans le développement de projets informatiques et opérationnels au bénéfice des clients.

* que s'agissant de p.-a. ME., le contrat de travail de celui-ci, quand il était lié à la banque défenderesse lui imposait de se consacrer exclusivement à son activité salariée, toute autre activité professionnelle, soit pour son compte, soit pour le compte d'un tiers, lui étant interdite, et que la banque aurait dû être à tout le moins informée de l'apparition de ce nom sur le site internet AD. CONSULTING.

* que le règlement intérieur de la banque indiquait que les salariés ne peuvent recevoir de rétribution de la clientèle ou de toute personne autre que l'employeur, pour quelque service que ce soit lié directement ou indirectement aux fonctions occupées.

* que le comportement qu'elle estimait inadaptée de son salarié, ayant conduit à la volonté de licenciement, trouverait son explication dans le développement en parallèle de son activité salarié, de son investissement dans la société AD. CONSULTING.

Procédure n°51.2007/2008

Soutenant que la banque n'avait pas honoré la dernière échéance de versement de somme issue du protocole transactionnel, et qu'elle avait par ailleurs commis une faute à son égard, d. AD., suite à un procès-verbal de défaut en date du 5 mai 2008, a attrait la SAM BANQUE J SAFRA devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail en sollicitant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de la banque au paiement des sommes suivantes :

* 74.125 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2007,

* 155.000 euros à titre de dommages et intérêts.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparues, puis, après quinze renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 27 mai 2010, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré, pour être prononcé ce jour, 7 octobre 2010.

d. AD. a conclu les 5 juin 2008, 5 mars 2009 et 8 octobre 2009. À l'appui de sa demande tendant au paiement de la somme de 74.125 euros, il reprenait les arguments développés dans ses conclusions dans la procédure n° 7.2007/2008.

Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 155.000 euros, il indiquait que la banque aurait adopté une attitude critiquable en ne respectant pas l'accord intervenu entre eux et en communiquant à des tiers des informations erronées le mettant en cause, en l'espèce, en ayant adressé le 16 novembre 2007 un courrier à la Banque de France au sein duquel elle aurait développé des griefs à son égard.

Il ajoutait que contrairement à ce qu'affirmerait son ancien employeur il aurait toujours fait preuve de professionnalisme dans l'exercice de ses fonctions, une recommandation élogieuse d'y. BR., directeur général de la société en attestant, selon le demandeur, tout comme le fait qu'il avait pu bénéficier tout au long de la relation de travail de nombreuses primes et bonus.

La SAM BANQUE J SAFRA a conclu les 6 novembre 2008, 2 juillet 2009 et 24 février 2010 en sollicitant le débouté des demandes de d. AD. et à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réservait de solliciter, à titre reconventionnel, le remboursement de la somme de 36.000 euros qu'elle avait versé à son ancien salarié.

Elle reprenait, comme moyens de défense à la demande présentée en paiement de la somme de 74.125 euros, les arguments qu'elle avait développés dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro n° 7.2007/2008.

Au regard de la demande en paiement d'une somme de 155.000 euros, la banque indiquait que c'était au regard des obligations issues des dispositions du Code monétaire et financier français, applicable en Principauté de Monaco, que des informations relatives à la nomination de d. AD. avaient été communiquées à la Banque de France le 25 janvier 2006 et que c'était naturellement, en application de l'obligation d'informer la Banque de France de tout changement qui modifierait de façon significative les renseignements fournis qu'elle avait fait part de la révocation de son salarié. En outre, le motif de la révocation n'ayant pas été indiqué, c'est la Banque de France elle-même qui en aurait sollicité les raisons par courrier du 23 mai 2007, la SAM BANQUE J SAFRA indiquant alors « insuffisances professionnelles dans l'exécution de son contrat de travail dues à un profond désaccord avec la Direction quant à l'évolution de la structure opérationnelle de la Banque ».

Elle indiquait qu'elle avait également ajouté l'existence d'un accord transactionnel.

S'agissant du courrier de recommandation invoqué par le demandeur, elle affirmait qu'il aurait été établi dans le cadre global de la transaction.

Elle ajoutait qu'en toute hypothèse, le quantum de la demande de d. AD. à ce titre était manifestement disproportionné.

SUR QUOI :

Sur la jonction des procédures

Attendu que les deux dossiers soumis à l'appréciation du Tribunal présentent d'évidents éléments communs, il y a lieu d'ordonner la jonction par mesure d'administration judiciaire ;

Sur les demandes relatives aux paiements de somme en exécution de l'accord du 22 décembre 2006 :

Attendu, sur la nature de l'accord en date du 22 décembre 2006, que celui-ci caractérise manifestement une transaction au sens des articles 1883 et suivants du Code civil ;

Qu'en effet, les parties l'ont entendu ainsi indiquant notamment en page 3 « la présente transaction, ayant entre les parties l'autorité de la chose jugée, ne pourra être révoquée pour cause d'erreur de droit ni pour cause de lésion, conformément à l'article 1891 du Code civil de la Principauté de Monaco, dont les parties déclarent avoir bien compris les termes » ;

Qu'en outre l'accord prévoit des concessions réciproques notamment « la renonciation à toute action née ou à naître ayant pour origine sa relation contractuelle avec la Banque et/ou la rupture de celle-ci » à charge de d. AD., et le versement d'une indemnité de 300.125 euros à charge de la banque ;

Que l'autorité de chose jugée attachée à la transaction ne fait pas obstacle, le cas échéant, au jeu de l'exception d'inexécution si l'une des parties venait à ne pas exécuter valablement une ou des obligations issues de la transaction ;

Attendu dès lors, en premier lieu, s'agissant d'agissements, réels ou supposés, de d. AD., pendant la relation de travail et en tout état de cause avant la signature du protocole transactionnel, que ceux-ci ne peuvent caractériser un manquement de d. AD. aux engagements qu'il a souscrit dans le cadre de la transaction du 22 décembre 2006 ;

Que dès lors, les allégations de la banque quant à une activité effective de d. AD. au sein de la société AD. CONSULTING jusqu'à son licenciement le 2 novembre 2006, (et à supposer même que celle-ci serait fautive, ce qui ne ressort nullement de l'évidence en l'absence de toute obligation d'exclusivité au cours de la relation de travail, dans le contrat initial du 4 juin 2003 et de l'avenant du 8 octobre 2005, d'une interdiction de concurrence applicable seulement le 1er janvier 2009, et d'un règlement intérieur ne proscrivant en son article 10 que les rétributions liées directement ou indirectement aux fonctions occupées, ce qui n'est pas le cas de la compétence intrinsèque de d. AD.) sont inopérantes ;

Attendu en second lieu, s'agissant à proprement parler des obligations de d. AD. issues de la transaction, qu'il y a lieu d'analyser celles décrites au deuxième paragraphe de la page 3 :

« Compte tenu de la nature des fonctions qu'il a exercées au sein de la Banque, des informations confidentielles dont il a disposé et du versement de l'indemnité sus visée, Monsieur d. AD. s'engage à ne pas démarcher, faire embaucher, s'associer ou solliciter, toute personne qui faisant partie de l'effectif de la Banque au jour de son départ en qualité de salarié ou non, au sein d'une entreprise dans laquelle il serait salarié ou non, gérant, administrateur, actionnaire direct ou indirect, par personne interposée. Monsieur d. AD. s'engage également à informer expressément tout nouvel employeur ou personne qui serait concernée (notamment employeur, associé, contrepartie quelle qu'elle soit) de l'existence et du contenu de la présente clause et autorise également d'ores et déjà la Banque à procéder à une telle information dans les formes qu'elle jugera utile uniquement en cas de violation de ses obligations par Monsieur d. AD.. Cette obligation cessera au 31 décembre 2007 ».

Que ces éléments ne s'analysent pas en une obligation de non concurrence ou de non rétablissement qui viendrait interdire à d. AD. d'exercer suite à la transaction une activité similaire à celle qui était la sienne au sein de la banque ;

Que si l'avenant au contrat de travail signé le 8 octobre 2005 contenait quant à lui des obligations plus larges à la charge de d. AD. en un article 3 expressément intitulé clause de non concurrence, la transaction contient en page 2 l'énonciation : « Par ailleurs, l'avenant au contrat de travail signé par les parties en date du 8 octobre 2005 devient nul et sans effet du fait de la signature du présent protocole d'accord transactionnel » ;

Que la banque ne peut valablement prétendre comme elle le fait que pèserait sur le salarié une obligation générale de non concurrence, puisqu'au contraire, le principe, en application de l'article 25 de la Constitution est la liberté de travail, l'exception étant sa restriction pouvant intervenir, mais de la commune intention des parties via une clause la limitant, devant en outre respecter des conditions cumulatives pour être valable ;

Que dès lors en l'espèce demeurerait à la charge de d. AD. une obligation, large, de non démarchage de personne faisant partie du personnel de la banque à son départ ;

Que le fait que le nom de p.-a. ME. soit présent en lien sur le site AD.CONSULTING n'est pas contesté, bien qu'il n'apparaisse pas clairement sur les seules pièces versées aux débats à cet égard (pièces n° 9 et 10 de la banque) ;

Que pour autant, aucune violation des dispositions sises au deuxième paragraphe de la page 3 de la transaction n'est caractérisée, dès lors qu'il n'est pas démontré un démarchage, une embauche, une association ou une sollicitation de p.-a. ME., et surtout pas l'intégration de celui-ci au sein d'une entreprise dans laquelle d. AD. et p.-a. ME. seraient impliqués ensemble, mais qu'est seulement reconnue par d. AD. une publicité pour le site de p.-a. ME., et que la banque défenderesse ne produit aucune pièce contraire ;

Que l'éventuelle violation d'une obligation de p.-a. ME. envers la banque est inopérante et ne peut préjudicier à d. AD. ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'exécution de la transaction présentée par d. AD. et de condamner la banque au paiement des sommes suivantes :

* 100.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2007,

* 90.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2007,

* 74.125 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2007 ;

Sur la demande en paiement d'une somme de 155.000 euros à titre de dommages et intérêts :

Attendu comme il a été dit, que l'accord en date du 22 décembre 2006 s'analyse en une transaction postérieure au licenciement, si bien que, contrairement à un cas de rupture négociée pré-licenciement, l'existence du licenciement demeure en son principe ;

Attendu qu'aucune faute ne peut être reprochée à la SAM BANQUE J SAFRA dans ses correspondances avec la Banque de France à cet égard, dès lors que :

* l'information donnée le 15 mai 2007 de la révocation d'un dirigeant responsable ne peut être blâmable en tant que telle,

* que c'est sur interpellation de la banque de France du 23 mai 2007 que la banque défenderesse a indiqué, le 17 juillet 2007 les motifs du licenciement et a fait part de l'existence de la transaction,

* que le courrier de la banque adressé à la Banque de France le 16 novembre 2007 relate l'existence du présent contentieux, que la Banque de France a alors pris contact avec d. AD. le 21 décembre 2007 et que celui-ci lui a indiqué que l'issue du présent contentieux serait porté à sa connaissance ;

Attendu en conséquence que les demandes de d. AD. de ce chef seront donc rejetées ;

Sur les autres chefs de demande

Attendu que la résistance abusive de la SAM BANQUE J SAFRA sera sanctionnée par sa condamnation au paiement d'une somme de 2.500,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que l'exécution provisoire de la présente décision n'apparaît pas justifiée ;

Attendu que la SAM BANQUE J SAFRA, qui succombe, sera condamnée aux dépens de la présente instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Ordonne la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros 7.2007/2008 et 51.2007/2008 ;

Ordonne l'exécution des obligations financières de la SAM BANQUE J SAFRA stipulées en faveur de d. AD. au sein de la transaction en date du 22 décembre 2006 et en conséquence la condamne à payer à d. AD. les sommes de :

* 100.000 euros, (cent mille euros), avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2007,

* 90.000 euros, (quatre vingt dix mille euros), avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2007,

* 74.125 euros, (soixante quatorze mille cent vingt cinq euros), avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2007 ;

Condamne la SAM BANQUE J SAFRA à payer à d. AD. la somme de 2.500,00 euros, (deux mille cinq cents euros), à titre de dommages et intérêts ;

Rejette le surplus des demandes de d. AD. ;

Condamne la SAM BANQUE J SAFRA aux dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12075
Date de la décision : 07/10/2010

Analyses

Aucune obligation générale de non concurrence ne pèse sur le salarié, l'article 25 de la Constitution posant le principe de la liberté du travail sauf clause la limitant dont la validité est soumise à des conditions cumulatives.Un cadre de banque embauché à compter du 30 juin 2003, licencié le 2 novembre 2006, signait un document intitulé « transaction » le 22 décembre 2006 prévoyant le versement d'une indemnité transactionnelle de 300.125 € en réparation de tous dommages, sous forme de quatre versements dont seul, le premier, fut honoré. Attraite devant le Tribunal du Travail, la banque excipait d'un avenant au contrat en date 8 octobre 2005 contenant une clause de non concurrence. Or, postérieurement à la signature du protocole d'accord, elle avait découvert l'existence d'un site internet crée en 2003 par son salarié et géré par son épouse, proposant des prestations de service essentiellement informatiques, dans le domaine bancaire et comportant des liens avec un ancien salarié de la banque. Le protocole signé interdisait au salarié signataire de collaborer avec une personne faisant partie de l'effectif de la banque. Estimant en outre que sur tout salarié pèse une obligation générale de confidentialité et de non concurrence et que la société crée violait cette obligation, la banque avait cessé de payer les échéances. Le salarié avait également fait citer son employeur qui, selon lui, avait communiqué à des tiers, des informations erronées le mettant en cause. La banque soutenait que c'était à la demande de la Banque de France que l'information « des insuffisances professionnelles » dues à un profond désaccord « » ayant motivé le licenciement avait été fournie.Le Tribunal du Travail, après avoir joint les instances, confirme que l'accord intervenu est effectivement une transaction dont l'autorité de chose jugée ne fait pas obstacle au jeu de l'exception d'inexécution si l'une des parties n'exécutait pas ses obligations. Ceci rappelé, d'une part les agissements du salarié avant la transaction sont indifférents puisqu'ils ne violent pas l'accord intervenu ultérieurement et d'autre part l'analyse des obligations issues de la transaction ne permet pas de déceler une obligation de non concurrence ou de non rétablissement dans l'accord conclu. L'avenant au contrat de travail du 8 octobre 1985 était plus contraignant mais il est devenu sans effet à compter de la signature de la transaction. Ne pèse sur le salarié aucune obligation générale de non concurrence hors les restrictions contractuelles. Quant au lien avec un tiers, ancien salarié de la banque, il ne caractérise aucune violation d'obligations du demandeur. Il y a lieu de faire droit à la demande d'exécution de la transaction. En revanche aucune faute ne peut être reprochée à la banque sur la communication effectuée auprès de la banque de France.

Contrats de travail  - Contentieux (Social).

Transaction inexécutée - Prétendue inexécution par le salarié d'une obligation de non concurrence - Principe de la liberté du travail.


Parties
Demandeurs : d. AD.
Défendeurs : la SAM BANQUE J. SAFRA

Références :

article 1891 du Code civil
article 25 de la Constitution
Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2010-10-07;12075 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award