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14/05/2009 | MONACO | N°12077

Monaco | Tribunal du travail, 14 mai 2009, Consorts BO. c/ la SAM Société des Bains de Mer


Abstract

Ancienneté nécessaire pour bénéficier d'un avantage - Interprétation des protocoles d'accords du 11 mai 1971 et 9 mai 1972 relatifs au paiement d'un treizième mois dans l'hôtellerie et restauration - Demande de paiement par un salarié saisonnier

Résumé

L'ancienneté nécessaire à un salarié saisonnier de l'hôtellerie pour bénéficier d'un treizième mois se calcule en fonction des dispositions d'un protocole d'accord du 9 mai 1972 complétant un protocole d'accord du 11 mai 1971, à raison de deux saisons consécutives représentant une année.
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Abstract

Ancienneté nécessaire pour bénéficier d'un avantage - Interprétation des protocoles d'accords du 11 mai 1971 et 9 mai 1972 relatifs au paiement d'un treizième mois dans l'hôtellerie et restauration - Demande de paiement par un salarié saisonnier

Résumé

L'ancienneté nécessaire à un salarié saisonnier de l'hôtellerie pour bénéficier d'un treizième mois se calcule en fonction des dispositions d'un protocole d'accord du 9 mai 1972 complétant un protocole d'accord du 11 mai 1971, à raison de deux saisons consécutives représentant une année.

Employé par une société exploitant différents établissements, en qualité de chef saucier ou chef de partie suivant différents contrats à durée déterminée conclus pour différentes durées, entre les 1er juin 1999 et 30 septembre 2005, un salarié, puis ses héritiers, avaient attrait l'employeur devant le Tribunal du Travail, afin d'obtenir paiement de deux treizièmes mois non réglés ainsi que de dommages et intérêts. Les demandeurs se fondaient sur des sources contractuelles et conventionnelles : les contrats conclus prévoyaient tous la perception d'un treizième mois après un an de présence au mois de décembre et un accord du 11 mai 1971 prévoyant le versement de cette prime au prorata des mois de présence, deux saisons consécutives correspondant à une année d'ancienneté. Ils invoquaient également un accord du 9 mai 1972 prévoyant que l'ancienneté des employés ne travaillant qu'une saison par an serait décomptée sur la base des dix dernières saisons.

L'employeur, de son coté, soutenait que les demandeurs confondaient les notions de présence et d'ancienneté, l'accord du 9 mai 1972 concernant le seul personnel admis à la répartition à la masse, et celui du 13 mai 1971 au personnel rémunéré au fixe dont faisait partie le salarié demandeur.

Le Tribunal du Travail estime qu'il n'apparait pas que les notions de présence et d'ancienneté doivent être distinguées et décide que la comparaison des accords litigieux ne permet pas de considérer que celui de 1971 concernerait le seul personnel rémunéré au fixe et celui de 1972 le seul personnel admis à la répartition à la masse. Il s'ensuit que les dispositions des deux accords doivent être examinées pour savoir si le demandeur bénéficiait d'une ancienneté suffisante pour prétendre au 13e mois, ce qui était le cas en l'espèce. La prime de treizième mois était donc acquise à la fin des saisons 2004 et 2005 et le préjudice subi de son vivant par le salarié en raison de leur non-paiement devait être indemnisé à hauteur de 2000 €.

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 12 mars 2007 reçue le 13 mars 2007 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 17 avril 2007 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur d. BO., en date des 5 juillet 2007 et 7 février 2008 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, aux noms de Madame c. PU.-FE. veuve BO., Mademoiselle l. BO. et Monsieur m. BO., en date du 4 décembre 2008 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER, en date des 4 octobre 2007 et 6 mars 2008 ;

Après avoir entendu Maître Olivier MARQUET, Avocat à la Cour d'Appel de Monaco, pour Madame c. PU.-FE. veuve BO., Mademoiselle l. BO. et Monsieur m. BO., et Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, pour la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE SOCIÉTÉ DES BAINS DE MER, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

d. BO. a été employé par la société anonyme monégasque dénommée Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers suivant contrats à durée déterminée, en qualité de chef saucier ou chef de partie, au cours des périodes suivantes :

* du 1er juin 1999 au 15 septembre 1999,

* du 1er avril 2000 au 30 novembre 2000,

* du 1er avril 2001 au 30 novembre 2001,

* du 1er mars 2002 au 30 septembre 2002,

* du 1er avril 2007 au 30 septembre 2004,

* du 1er avril 2005 au 30 septembre 2005.

d. BO. a, ensuite d'un procès-verbal de défaut en date du 16 avril 2007, attrait la SAM SBM devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

* 1.183 euros à titre d'indemnité dite de 13e mois pour l'année 2004,

* 1.209,25 euros à titre d'indemnité dite de 13e mois pour l'année 2005,

* 6.000 euros à titre de dommages et intérêts,

avec intérêts de droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après 12 renvois, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 19 février 2009, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré.

Le prononcé de la décision initialement prévu au 7 mai 2009 a été prorogé au 14 mai 2009.

d. BO. est décédé le 3 avril 2008.

Ses héritiers, c. PU.-FE. veuve BO., l. BO. et m. BO. ont repris l'instance par des conclusions en date du 4 décembre 2008 et maintenu les demandes initialement formulées.

À l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que :

* de graves problèmes de santé, d'ailleurs parfaitement connus de la SBM, n'ont pas permis à d. BO. de travailler au cours de la saison 2003,

* si la clause de son contrat de travail relative à la perception d'une indemnité de 13e mois « au prorata de ses activités » et « après un an de présence (…) au mois de décembre », plus favorable que la convention collective de l'industrie hôtelière et ses avenants, a été régulièrement appliquée jusqu'en 2002, elle ne l'a pas été pour les saisons 2004 et 2005,

* or, la condition de l'année de présence doit être comprise par référence à l'année civile au cours de laquelle le salarié a travaillé et apparaît ainsi avoir été remplie pour les années 2004 et 2005,

* en tout état de cause, il résulte de l'annexe n° 3 d'un accord du 9 mai 1972, applicable à l'industrie hôtelière et étendu par arrêté ministériel du 13 juillet 1973, que l'ancienneté des employés ne travaillant que pendant une saison par an sera décomptée sur la base des dix dernières saisons, soit des cinq dernières années,

* un salarié ayant travaillé deux saisons dans un intervalle de cinq années aura dès lors une ancienneté d'une année,

* en l'espèce, d. BO. a effectué six saisons sans interruption de plus de cinq années, de telle sorte qu'il était fondé à réclamer la prime de 13e mois pour les années 2004 et 2005,

* enfin, il convient de relever que la défenderesse a payé l'indemnité de 13e mois dès la fin de l'année 2000 et que l'argumentation fallacieuse nouvelle développée par la SBM, même si d. BO. n'avait pas travaillé en 2003, démontre une résistance abusive particulièrement préjudiciable compte tenu de l'état de santé qui était celle de ce dernier à l'époque des faits.

En réponse, la SAM SBM soutient pour l'essentiel que :

* le médecin du travail étant tenu par le secret médical, elle n'était nullement informée de l'état de santé du salarié,

* elle a, en outre, formulé une proposition lors du préliminaire de conciliation qui a été refusée,

* d. BO. n'a totalisé que 6 mois d'activité en 2004 et 2005, de telle sorte qu'il ne peut être soutenu que la condition relative à l'année de présence aurait été remplie pendant les années civiles concernées,

* par ailleurs, les demandeurs font une confusion en se prévalant de l'accord du 9 mai 1972 qui concerne le personnel admis à la répartition à la masse et précise les modalités de calcul de la prime d'ancienneté, alors que seul l'accord du 13 mai 1971 concerne le personnel rémunéré au fixe (dont d. BO. faisait partie) et prévoit la création de la prime de fin d'année,

* en effet, la comparaison de ces deux accords démontre que l'annexe n° 3 (à l'accord du 9 mai 1972) ne peut pas s'appliquer aux salariés rémunérés au fixe, quand bien même l'Inspection du travail a commis une erreur sur ce point,

* ainsi, conformément au contrat de travail et à l'accord du 13 mai 1971, lequel ne se réfère pas à la prise en compte des 5 dernières années pour la détermination de l'ancienneté, l'indemnité dite de 13e mois, qui obéit aux mêmes règles que la prime d'ancienneté (année révolue nécessaire à la constitution du droit), n'est acquise qu'à l'issue de deux saisons successives pour le personnel saisonnier ou lorsque l'employé entame une 3e saison,

* en l'espèce, l'indemnité de 13e mois ne pouvait être revendiquée en 2004 et 2005, d. BO. n'ayant pas figuré dans le registre du personnel en 2003,

* elle a commis en 2000 une erreur, laquelle ne peut démontrer qu'elle aurait refusé abusivement le paiement de la prime litigieuse pour des motifs fallacieux.

SUR QUOI,

Tous les contrats conclus entre d. BO. et la SBM mentionnent que « L'intéressé percevra, au prorata de ses périodes d'activité, l'indemnité dite de 13e mois après un an de présence et au mois de décembre ».

De plus, il résulte d'un protocole d'accord du 11 mai 1971 concernant les conditions de travail et de rémunération du personnel des hôtels de la catégorie « quatre étoiles luxe » (palaces), dont l'applicabilité au présent litige n'a pas été contestée, que :

« Article Premier - Prime dite du » 13e mois «

Afin de commencer l'harmonisation des avantages déjà en vigueur dans certains palaces, il sera versé au personnel au fixe, ayant au moins un an d'ancienneté dans l'établissement, une prime de fin d'année ou de fin d'exercice, qui tendra à terme à atteindre un mois de salaire de base supplémentaire.

(…)

Pour les saisonniers, deux saisons consécutives correspondent à une année d'ancienneté. Leur prime leur sera payée au prorata des mois de présence dans l'établissement et dans l'année considérée. (…) ».

Ainsi, il n'apparaît pas que les notions de présence et d'ancienneté devraient être distinguées, bien qu'il convienne de relever que le protocole d'accord du 11 mai 1971 comporte des dispositions spécifiques relatives au personnel admis à la répartition du pourcentage-service (article premier - prime de 13e mois et article III - augmentation des salaires).

Par ailleurs, deux accords du 9 mai 1972 ont été rendus obligatoires par arrêté ministériel n° 73-307 du 13 juillet 1973, alors qu'il n'est pas allégué que la SBM ne serait pas comprise dans leur champ d'application.

Le premier de ces deux accords prévoit notamment les conditions d'une augmentation des salaires pour le personnel au fixe et le personnel admis à la répartition à la masse, mentionne que « les parties confirment l'application de l'ensemble des dispositions prévues par l'article premier du protocole d'accord du 11 mai 1971 » relatives à la prime dite de treizième mois, et comporte un article relatif à la prime d'ancienneté pour le personnel admis à la répartition à la masse.

Les trois annexes à cet accord du 9 mai 1972 traitent de l'indemnisation en cas de maladie (pour les employés justifiant au moment de l'arrêt de travail d'une ancienneté minimum d'un an), des conditions actuelles d'attribution de la prime d'ancienneté et des conditions d'ancienneté pour les travailleurs saisonniers.

En conséquence, la comparaison du protocole d'accord du 11 mai 1971 et de l'accord du 9 mai 1972 ne permet nullement, contrairement aux affirmations de la défenderesse à cet égard, de considérer que le premier concernerait le seul personnel rémunéré au fixe et le second le seul personnel admis à la répartition à la masse.

En outre, l'annexe 3, par sa généralité (titre et contenu), vise manifestement l'ensemble des travailleurs saisonniers, sans qu'il puisse être soutenu qu'elle ne s'appliquerait qu'au personnel admis à la répartition à la masse, et ce d'autant que la prime d'ancienneté fait l'objet d'une annexe particulière, soit la deuxième.

Il s'ensuit que les dispositions de l'annexe 3 à l'accord du 9 mai 1972, qui complètent d'ailleurs celles de l'article premier du protocole d'accord du 11 mai 1971 en apportant une précision sur l'ancienneté des employés travaillant une saison par an, doivent être examinées dans le cadre du présent litige, afin de déterminer si d. BO., qui était travailleur saisonnier, bénéficiait d'une ancienneté suffisante pour prétendre à l'indemnité dite de 13e mois (par référence aux contrats et au protocole d'accord du 11 mai 1971) à la fin de l'année 2004 et de l'année 2005.

Cet annexe prévoit que : « Il est précisé :

* que deux saisons consécutives sont considérées comme représentant une année ;

* que pour l'appréciation de la notion de saison consécutive sera retenue la période de travail habituelle du salarié. Les employés qui font habituellement une saison par an verront leur ancienneté décomptée sur la base des dix dernières saisons ; (…) ».

En l'espèce, d. BO. disposait de l'année d'ancienneté ou de présence requise, dans la mesure où il avait effectué :

* au cours des années 2000 à 2004, soit au cours des dix dernières saisons à la fin de l'année 2004, deux saisons consécutives (avril/novembre 2000 et 2001) en fonction de sa période de travail habituelle (saison d'été),

* au cours des années 2001 à 2005, soit au cours des dix dernières à la fin de l'année 2005, deux saisons consécutives (avril/novembre 2001 et mars/septembre 2002) en fonction de sa période de travail habituelle (saison d'été),

et avait ainsi acquis le droit à la prime dite de treizième mois à la fin de ses saisons 2004 et 2005.

Dès lors que les demandeurs n'ont pas fourni d'explications sur le salaire de référence permettant de calculer l'indemnité réclamée et notamment sur les éléments de rémunération retenus par la défenderesse à cet égard (les bulletins de paie de septembre 2002, novembre 2001, novembre 2000 et septembre 1999 ne faisant pas clairement apparaître la méthode utilisée), il convient de condamner la SBM à payer à c. PU.-FE. veuve BO., l. BO. et m. BO., ès-qualités d'héritiers de feu d. BO., la somme brute de (2.036 x 6) /12 = 1.018 euros au titre de la prime de 13e mois pour l'année 2004 ainsi que la somme brute de (2.073 x 6) /12 = 1.036,50 euros au titre de la prime de 13e mois pour l'année 2005, le protocole d'accord du 11 mai 1971 se référant au salaire de base, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2007, date de la convocation en conciliation.

Le préjudice subi de son vivant par d. BO. du fait du non paiement des sommes ainsi dues ainsi que de la nécessité d'introduire la présente action doit être indemnisé à hauteur de la somme de 2.000 euros.

En l'absence d'arguments propres à la justifier, l'exécution provisoire, qui n'apparaît au demeurant pas nécessaire en l'espèce, n'a pas lieu d'être ordonnée.

La SAM SBM, qui succombe, doit supporter les dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Condamne la société anonyme monégasque dénommée Société des Bains de Mer et du Cercle des Etrangers à payer à c. PU.-FE. veuve BO., l. BO. et m. BO., ès-qualités d'héritiers de feu d. BO., la somme brute de 1.018 euros, (mille dix huit euros), au titre de l'indemnité de 13e mois pour l'année 2004 ainsi que la somme brute de 1.036,50 euros, (mille trente six euros et cinquante centimes), au titre de l'indemnité de 13e mois pour l'année 2005, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2007 ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée Société des Bains de Mer et du Cercle des Etrangers à payer à c. PU.-FE. veuve BO., l. BO. et m. BO., ès-qualités d'héritiers de feu d. BO., la somme de 2.000 euros, (deux mille euros), à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Condamne la société anonyme monégasque dénommée Société des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers aux dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12077
Date de la décision : 14/05/2009

Analyses

Relations collectives du travail ; Hôtel, café, restaurant ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : Consorts BO.
Défendeurs : la SAM Société des Bains de Mer

Références :

arrêté ministériel n° 73-307 du 13 juillet 1973
arrêté ministériel du 13 juillet 1973


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2009-05-14;12077 ?

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