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03/04/2008 | MONACO | N°6792

Monaco | Tribunal du travail, 3 avril 2008, c. CR. c/ la SNC BE. et Compagnie


Abstract

Licenciement pour faute grave alléguée - Paiement du préavis et de l'indemnité de congédiement sur conseils de l'inspection du travail - Transaction (non) - Faute grave (non) - Licenciement non fondé sur un motif valable et abusif

Résumé

La transaction n'a pas besoin d'être écrite pour être valable mais suppose notamment rapportée la preuve de la volonté de mettre fin au litige et de concessions réciproques

Un attaché de direction d'une boutique, embauché le 1er août 1984 est licencié pour faute grave alléguée (un refus de se voir confie

r des clefs), vingt ans plus tard. Sur intervention de l'inspection du travail, il perçoit ...

Abstract

Licenciement pour faute grave alléguée - Paiement du préavis et de l'indemnité de congédiement sur conseils de l'inspection du travail - Transaction (non) - Faute grave (non) - Licenciement non fondé sur un motif valable et abusif

Résumé

La transaction n'a pas besoin d'être écrite pour être valable mais suppose notamment rapportée la preuve de la volonté de mettre fin au litige et de concessions réciproques

Un attaché de direction d'une boutique, embauché le 1er août 1984 est licencié pour faute grave alléguée (un refus de se voir confier des clefs), vingt ans plus tard. Sur intervention de l'inspection du travail, il perçoit les indemnités de préavis et de congédiement mais, estimant la rupture non fondée et abusive, fait citer son employeur devant le Tribunal du Travail en paiement d'indemnité de congés payés (l'employeur s'étant fondé pour leur calcul sur une période de référence illégale),de licenciement et de dommages et intérêts.

L'employeur se retranche, quant à lui, derrière l'autorité de la chose jugée d'une transaction qu'il prétend verbalement conclue, la gravité de la faute commise et l'épuisement des congés du salarié lors de son licenciement.

Le Tribunal du Travail tient la transaction comme une fin de non-recevoir à l'exercice ultérieur de toute action en justice concernant son objet mais estime finalement non rapportée la preuve de celle-ci, même si l'écrit n'est pas requis pour sa validité. Il manque en effet la démonstration de l'intention des parties de mettre fin au litige et l'existence de concessions réciproques. S'attachant ensuite à l'analyse des demandes formulées par le salarié et tout d'abord aux congés payés, le Tribunal admet l'usage constant, dans l'entreprise, d'une période de référence différente mais estime qu'il aurait fallu calculer leur montant d'après la règle du 10e, plus favorable que celle du maintien du salaire. Un solde est ainsi dû. S'agissant des demandes afférentes à la rupture, le Tribunal analyse comme fautive l'attitude du salarié mais exclut la faute grave dès lors que sur les simples conseils de l'inspection du travail, les indemnités de préavis et de congédiement ont été versées. Le licenciement n'est pas valablement fondé dès lors qu'il apparaît que son véritable motif réside dans la volonté de l'employeur de remettre en cause la situation de son salarié qu'il estimait trop favorable. L'indemnité de licenciement est donc due déduction faite de l'indemnité de congédiement réglée. La rupture abusive compte tenu de sa brutalité justifie l'allocation de dommages et intérêts de 15.000 € en réparation du préjudice essentiellement d'ordre moral.

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu le jugement du Tribunal du Travail en date du 23 novembre 2006 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Sophie LAVAGNA-BOUHNIK, avocat-défenseur, au nom de Monsieur c. CR., en date des 8 mars 2007, 5 juillet 2007 et 8 novembre 2007 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Étienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de la SNC BE. et Compagnie, exploitant la boutique à l'enseigne JE. JA., en date des 8 février 2007, 31 mai 2007, 4 octobre 2007 et 6 décembre 2007 ;

Après avoir entendu Maître Sophie LAVAGNA-BOUHNIK, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur c. CR., et Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SNC BE. et Compagnie, exploitant la boutique à l'enseigne JE. JA., en leurs plaidoiries

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauché le 1er août 1984 par la SNC BE. et Compagnie, exploitant le commerce à l'enseigne « Boutique JE. JA. », en qualité d'attaché de direction, c. CR. a été licencié de cet emploi pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 août 2004.

Ensuite de la réclamation formulée par c. CR. auprès de l'inspection du travail et de la réception le 12 août 2004 par un fonctionnaire de ce service de ce dernier et de son ancien employeur, la SNC BE. et Cie a fait parvenir à c. CR. le 18 août 2004 par l'intermédiaire des services de l'inspection du travail, d'une part une nouvelle lettre de licenciement, toujours datée du 9 août 2004, faisant état aux lieu et place de la faute grave précédemment invoquée d'une « faute professionnelle » et d'autre part un chèque de 27.263,00 € en règlement des indemnités de préavis et de congédiement ainsi que l'ensemble des documents administratifs et sociaux afférents à la rupture (certificat de travail – reçu pour solde de tout compte – attestation ASSEDIC).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 septembre 2004, c. CR. a dénoncé le reçu pour solde de tout compte qu'il avait délivré à son employeur.

Soutenant d'une part ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits à congés payés, d'autre part que son employeur ne justifiait d'aucun motif valable de nature à justifier son licenciement, et enfin que la rupture de son contrat de travail revêtait, au regard des conditions de brutalité dans lesquelles elle était intervenue, un caractère manifestement abusif ouvrant droit à l'allocation de dommages et intérêts à son profit, c. CR., ensuite d'un procès-verbal de défaut en date du 23 janvier 2006, a attrait la SNC BE. et Cie devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec intérêts de droit au taux légal à compter de la mise en demeure, au paiement des sommes suivantes :

* 8.787,10 €, à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 34.193,03 €, au titre de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845,

* 70.000,00 €, à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 23 novembre 2006, le Tribunal du Travail a :

* rejeté les fins de non recevoir tirées des dispositions des articles 379 et 381 du Code de Procédure civile et 59 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 soulevées par la SNC BE. et Cie,

* déclaré c. CR. recevable en ses demandes à l'encontre de la SNC BE. et Cie,

* sursis à statuer sur le bien fondé desdites demandes,

* renvoyé à cet effet la cause et les parties à l'audience du 21 décembre 2006, successivement renvoyée à la demande de celles-ci jusqu'au 28 février 2008, date à laquelle l'affaire a été contradictoirement débattue et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 3 avril 2008.

c. CR. soutient en premier lieu à l'appui de ses prétentions qu'il n'a pas été intégralement rempli de ses droits à congés payés au cours de l'exécution de son contrat de travail.

Il fait valoir à cet effet qu'alors que le point de départ de la période de référence est fixé par l'article 6 de la loi n° 619 au 1er mai de chaque année, la SNC BE. et Cie a en l'espèce unilatéralement fixé dans son entreprise cette période de référence du 1er janvier au 31 décembre, une telle pratique constituant non seulement une violation d'une règle d'ordre public mais également une infraction pénale passible de la peine prévue au chiffre 3 de l'article 29 du Code pénal.

Qu'en l'espèce il a acquis :

* 30 jours de congés payés au cours de la période de référence du 1er mai 2003 au 30 avril 2004,

* 12,5 jours de congés payés au cours de la période du 1er mai 2004 au 8 octobre 2004, terme du préavis, qu'il convient en application des dispositions de la loi susvisée d'arrondir à 13 jours,

* 1 jour supplémentaire au titre du fractionnement,

soit un total de 44 jours de congés.

Que dans la mesure où il n'a bénéficié, par anticipation, au cours de la période du 9 au 29 février 2004, que de six jours de congés, au titre desquels il a perçu la somme de 1.146,63 €, son employeur lui est redevable pour les trente huit jours restants, sur la base de la règle dite du dixième, de la somme de 10.157,45 €, dont il y a lieu de déduire la somme de 1.146,63 € versée en février 2004 et celle de 1.142,79 € figurant sur le bulletin de paie d'août 2004, soit en définitive un solde en sa faveur de 7.868,03 €.

c. CR. prétend en second lieu que son employeur ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de la faute grave, qu'il lui reproche d'avoir commise, ni même d'un simple motif valable susceptible de justifier, après vingt ans d'ancienneté, la rupture immédiate de son contrat de travail.

Que le refus de se voir confier les clés de la boutique qu'il aurait opposé à ce dernier ne peut être qualifié de fautif, à partir du moment où il ne constitue pas le résultat d'un déficit de coopération de sa part, mais se trouve au contraire exclusivement imputable à la SNC BE. et Cie.

Qu'en effet, alors que pendant quinze années il a constamment détenu les clés de la boutique dont il assurait quotidiennement l'ouverture et la fermeture, il a été victime le 23 mars 2001 d'un accident ayant nécessité son transfert à l'hôpital, qui l'a empêché de facto d'ouvrir la boutique.

Que devant son refus de modifier son mode de locomotion, son employeur a décidé pour l'avenir de confier la clé du magasin à un autre salarié, en la personne de Monsieur NU.

Que si par suite la clé lui a effectivement été remise au cours de l'été 2001 pendant les congés de Monsieur NU., nonobstant l'absence de modification intervenue dans son mode de locomotion, il n'a jamais été convenu entre les parties qu'il assumerait désormais la charge de l'ouverture et de la fermeture de la boutique pendant chacune des absences de Monsieur NU.

Qu'en conséquence le refus opposé à son employeur le 8 août 2004, qui s'explique par la disparition du climat de confiance mutuelle, par les brimades dont il avait fait l'objet dans le passé et enfin par sa crainte de se voir reprocher un incident lié à la détention des clés, ne revêt pas de caractère fautif.

Qu'en tout état de cause, en acceptant de s'acquitter le 18 août 2004 des indemnités de préavis et de congédiement, la SNC BE. et Cie a implicitement mais nécessairement admis que la qualification de faute grave, initialement invoquée lors de la notification de la rupture du 9 août 2004, n'était pas justifiée.

c. CR. fait valoir, par ailleurs, que la véritable cause de son licenciement, qui se trouve exprimée en toutes lignes dans le second paragraphe de la lettre de rupture, réside dans le montant trop élevé aux yeux de son employeur du salaire qui lui était alloué en contrepartie de son travail.

Qu'aucune diminution de sa rémunération ne pouvant, en application d'une jurisprudence constante être imposée à un salarié, cette circonstance ne constitue pas un motif valable de licenciement.

Que l'employeur ne saurait en outre, sur la base d'attestations établies par ses subordonnés dont la force probante apparaît pour le moins contestable, se prévaloir de son attitude prétendument « je m'en foutiste », alors que son professionnalisme et sa compétence sont démontrés par les témoignages produits par ses soins aux débats.

Estimant en définitive que son licenciement n'est justifié, ni par une faute grave, ni par un motif valable de rupture, c. CR. sollicite l'allocation, au titre de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845, de la somme de 34.193,03 €.

c. CR. soutient enfin que l'exagération manifeste des faits à laquelle l'employeur s'est livré pour donner aux griefs invoqués à son encontre la qualification de faute grave, conjuguée avec la brutalité dont ce dernier a fait preuve à l'égard d'un salarié disposant de 20 ans d'ancienneté et n'ayant jamais reçu notification de la moindre sanction, confèrent à la rupture un caractère abusif et justifient l'allocation en réparation de son préjudice de la somme de 70.000,00 €, à titre de dommages et intérêts.

Il souligne à cet effet, d'une part que son âge (59 ans lors du licenciement) obère sensiblement ses chances de trouver un nouvel emploi, l'ASSEDIC l'ayant précisément – en considération de cet élément – dispensé de toutes recherches, et d'autre part que la baisse significative de ses revenus l'a contraint à revoir ses conditions d'existence et notamment à rechercher un nouveau logement.

*

La SNC BE. et Cie conclut pour sa part, à titre principal, à l'irrecevabilité des demandes formulées à son encontre par c. CR., en l'état de la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée en dernier ressort qui s'attache, conformément aux dispositions de l'article 1891 du Code civil, à l'accord transactionnel mettant un terme définitif à leur différend, intervenu entre les parties le 12 août 2004 sous la médiation de l'inspection du travail.

Estimant par ailleurs, d'une part que les faits reprochés à c. CR., dont la matérialité est établie par les pièces produites aux débats, sont constitutifs d'une faute grave, d'autre part que le licenciement de l'intéressé ne revêt aucun caractère abusif et enfin que c. CR. a été intégralement rempli de ses droits à congés payés, la SNC BE. et Cie sollicite à titre subsidiaire que c. CR. soit débouté de l'intégralité de ses prétentions.

Soutenant enfin :

* qu'en développant dans ses écritures judiciaires du 8 mars 2007 des assertions contraires à la réalité, telle qu'elle résulte des attestations produites aux débats par ses soins, lesquelles établissent formellement qu'il était d'usage qu'en cas d'absence de Monsieur NU. c. CR. reçoive les clés du magasin,

* qu'en transgressant la bonne foi qui doit présider à tout accord transactionnel et en ayant porté atteinte à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'écrit qu'il a ratifié,

c. CR. a commis des fautes lui ayant causé un préjudice moral, la SNC BE. et Cie sollicite reconventionnellement la condamnation de ce dernier au paiement de la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts.

La SNC BE. et Cie fait valoir en premier lieu à l'appui de ses prétentions qu'une transaction est intervenue en l'espèce entre les parties, sous la médiation de l'inspection du travail, dont les modalités concrètes sont établies par une note manuscrite établie par un fonctionnaire de ce service, laquelle a mis un terme au différend l'opposant à c. CR.

Qu'aux termes de cet accord transactionnel il a été convenu :

* que la faute grave initialement invoquée par l'employeur serait commuée en une simple faute professionnelle,

* que la lettre de licenciement établie le 9 août 2004 serait rectifiée en ce sens,

* que la SNC BE. et Cie verserait à c. CR. les indemnités de préavis et de congédiement auxquelles son ancienneté lui donnait droit, selon les calculs effectués par l'inspection du travail.

Que cet accord a été concrètement exécuté, ainsi que le démontre le document signé le 19 août 2004 par c. CR., aux termes duquel celui-ci a reconnu avoir reçu de son employeur, par l'intermédiaire des services de l'inspection du travail :

* une lettre de licenciement modifiée,

* un bulletin de salaire,

* un chèque de 27.263,00 €,

* un certificat de travail et un formulaire ASSEDIC,

* un reçu pour solde de tout compte.

Que cet accord comporte enfin des transactions réciproques puisque :

* l'employeur a accepté de régler à c. CR. les indemnités de préavis et de licenciement, alors que le caractère de gravité de la faute invoquée dans la lettre du 9 août 2004 le dispensait en principe du versement de toute indemnité,

* le salarié, qui a accepté de recevoir les documents établis par l'inspection du travail et en a donné décharge expresse, a obtenu, outre la modification du motif allégué à l'origine à l'appui de son licenciement, le paiement des indemnités de préavis et de congédiement ainsi que la délivrance d'un nouveau bulletin de salaire comportant mention du préavis non effectué, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à l'ASSEDIC.

La SNC BE. et Cie soutient que si le contrat de transaction doit certes, en principe, en application des dispositions de l'article 1883, 2e alinéa du Code civil, être établi par écrit, cet écrit ne conditionne pas la validité de l'accord intervenu mais est seulement exigé pour en établir la preuve.

Que son existence peut donc être établie selon les modes prévus en matière de contrat par les dispositions des articles 1188 et suivants du Code civil.

Qu'en conséquence, lorsque l'objet de la transaction excède la valeur de 7.500 F, soit 1.143,37 €, cette preuve peut être rapportée par témoins ou présomptions, s'il existe un commencement de preuve par écrit, c'est à dire un écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu'il représente rendant vraisemblable le fait allégué.

Qu'en l'espèce l'attestation établie par l'inspection du travail que c. CR. a revêtu de sa signature le 19 août 2004, selon laquelle celui-ci a reconnu avoir reçu les documents qui y sont visés ainsi que le règlement de la somme de 27.263,00 € et l'attestation ASSEDIC auxquels il pouvait désormais prétendre dès lors que la faute grave ne constituait plus le motif de son licenciement, constitue un commencement de preuve par écrit, s'agissant d'un écrit émanant de c. CR. et qui lui est opposable.

Que la preuve de la transaction se trouve ainsi rapportée, en sus de l'attestation susvisée, par les éléments suivants :

* la lettre adressée par l'inspection du travail à Monsieur BE. le 7 février 2005, laquelle démontre que c. CR., qui a activement participé à la transaction, a obtenu satisfaction en sa revendication,

* la nouvelle lettre de licenciement par laquelle d'un commun accord la faute grave reprochée à l'origine au salarié a été commuée en une faute professionnelle,

* la copie du chèque n° 642687 de 27.263,00 € établi le 18 août 2004 sur le compte ouvert au nom de la SNC BE. et Cie à la BNP Paribas, l'attestation destinée à l'ASSEDIC faisant état du règlement des indemnités de préavis et de congédiement ainsi que le reçu pour solde de tout compte délivré par le salarié à son employeur le 19 août 2004.

La SNC BE. et Cie estime dans ces conditions que c. CR. ne peut remettre en cause cet accord, auquel il a activement participé et qui a été intégralement exécuté, dont la preuve a au surplus été suffisamment rapportée par les pièces susvisées et qui constitue en droit une transaction, au sens des dispositions de l'article 1883 du Code civil.

Qu'en conséquence cette transaction ayant entre les parties, en application des dispositions de l'article 1891 du Code susvisé, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, les demandes formulées par c. CR. dans sa requête introductive d'instance du 20 janvier 2006 s'avèrent irrecevables.

La SNC BE. et Cie prétend subsidiairement :

* que le refus de c. CR. de recevoir le 7 août 2004 les clés du magasin, « en contravention formelle avec ses obligations », constitue incontestablement, compte tenu du niveau des responsabilités qui lui étaient dévolues en sa qualité d'attaché de direction, une faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel,

* qu'en tout état de cause le désintéressement dont ce salarié faisait montre dans l'accomplissement de sa tâche est matériellement démontré par les attestations concordantes émanant de Messieurs VA., CO. et NU. produites aux débats par ses soins,

* qu'au sein de l'entreprise, la période de référence prise en compte pour le calcul des droits à congés payés de chaque salarié a toujours été l'année civile, soit la période du 1er janvier au 31 décembre,

* qu'en l'espèce c. CR., qui au vu des mentions portées sur ses bulletins de paie a pris douze jours de congés du 3 au 16 mars 2003 et dix huit jours du 1er au 21 septembre 2003, soit au total trente jours, a épuisé les droits qu'il avait acquis au titre de l'année 2003,

* que par ailleurs l'intéressé, qui est parti en congés du 9 février 2004 au 29 février 2004, soit pendant dix huit jours, avait également épuisé les droits à congés payés acquis à la date de mise en œuvre de son licenciement, comme le démontre la mention portée sur son bulletin de paie de juillet 2004.

Qu'en conséquence la somme de 1.142,79 € figurant sur le bulletin de paie d'août 2004, qui correspond à l'indemnité compensatrice de congés payés afférente au préavis, a rempli l'intéressé de ses droits, en l'absence de tout document de nature à établir le caractère erroné du calcul effectué par l'expert comptable.

c. CR. réplique pour sa part, en substance, à ces divers arguments :

S'agissant de la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée qui s'attacherait à la transaction intervenue entre les parties :

* qu'en application des dispositions de l'article 1883 du Code civil le contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître doit être rédigé par écrit,

* qu'à défaut pour la SNC BE. et Cie de produire aux débats le document consacrant l'accord qui serait intervenu entre les parties, la transaction invoquée par cette dernière est entachée de nullité,

* que la pièce sur laquelle il a opposé sa signature le 19 août 2004, aux termes duquel il reconnaît avoir reçu de son employeur, par l'intermédiaire de Madame LE., contrôleur du travail, la lettre de licenciement modifiée, un chèque de 27.263,00 €, ainsi que les documents administratifs et sociaux afférents à la rupture de son contrat de travail, ne constitue nullement la preuve de l'accord transactionnel qui serait intervenu entre les parties, ni même un simple commencement de preuve par écrit, s'agissant d'un simple reçu constatant la remise de divers documents,

* qu'en tout état de cause, à partir du moment où :

* il n'a pas participé activement à l'élaboration de la « transaction » dont se prévaut la SNC BE. et Cie, mais s'est contenté de soumettre sa situation aux services de l'inspection du travail, lesquels ont convaincu son employeur que la qualification de faute grave initialement retenue à son encontre n'était pas justifiée en l'état de son importante ancienneté de services et de l'absence de tout précédent de nature disciplinaire,

* contrairement à la SNC BE. et Cie, qui a accepté de lui verser des indemnités (préavis et congédiement) auxquelles la qualification de faute grave initialement retenue à son encontre ne lui donnait pas droit, il n'a pour sa part consenti strictement aucune concession, puisqu'il n'a pas renoncé à son droit d'ester en justice pour obtenir paiement par son employeur de l'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts,

* il n'a pas obtenu satisfaction en la revendication qu'il avait formulée auprès des services de l'inspection du travail, laquelle consistait à pouvoir conserver un emploi dont il estimait avoir été injustement privé, le remplacement de la faute grave initialement invoquée dans la lettre du 9 août 2004 par la notion de faute professionnelle et le versement par l'employeur à son salarié des indemnités de préavis et de licenciement ne constituent pas, en l'absence de toute concession consentie par le salarié, une transaction au sens de l'article 1883 du Code civil, mais une décision unilatérale de l'employeur prise sous l'impulsion des services de l'inspection du travail.

S'agissant des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts formulées à son encontre par la SNC BE. et Cie :

* qu'il n'a fait que rapporter une situation telle qu'il l'a vécue sans avoir à aucun moment exprimé de contrevérité, étant relevé que pour soutenir le contraire la SNC BE. et Cie s'appuie sur des attestations émanant de salariés, dont la force probante est pour le moins contestable et qui ne remettent en tout état de cause nullement en question le fait que les clés lui aient été retirées suite à son accident,

* qu'il ne saurait lui être fait grief, à partir du moment où le motif de son licenciement n'est pas valable, d'avoir saisi le Tribunal pour faire valoir ce droit.

SUR CE,

I) Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée opposée par la SNC BE. et Cie aux demandes formulées par c. CR.

En application des dispositions de l'article 1891 du Code civil, les transactions ont entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.

L'existence d'une transaction entre deux parties constitue donc une fin de non-recevoir à l'exercice ultérieur de toute action en justice concernant son objet.

Pour pouvoir opposer aux demandes formulées à son encontre par c. CR. la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée, la SNC BE. et Cie doit toutefois avoir préalablement démontré l'existence de l'accord transactionnel dont elle se prévaut.

Si le contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître doit certes, conformément au 2e alinéa de l'article 1883 du Code civil, « être rédigé par écrit », l'exigence d'un écrit ne conditionne cependant pas la validité de la transaction, dont l'existence peut ainsi être établie selon les modes prévus en matière de contrats par les articles 1188 et suivants du Code civil.

La transaction alléguée par la SNC BE. et Cie portant sur une somme (27.263,00 €), dont le montant excède largement le seuil de 1.140 € défini par l'article 1188 du Code civil, la preuve ne peut, conformément aux dispositions de l'article 1194 du même code, en être rapportée par témoins ou présomptions que si cette dernière s'avère en mesure de justifier d'un commencement de preuve par écrit, c'est à dire d'un écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée ou de celui qu'il représente, rendant vraisemblable le fait allégué.

En l'espèce, si le document que c. CR. a revêtu de sa signature le 19 août 2004, aux termes duquel celui-ci « certifie avoir reçu de la part de son ex-employeur Monsieur BE. exploitant la boutique JE.-JA., par l'intermédiaire de Madame r. LE. à l'inspection du travail », une lettre de licenciement modifiée, un bulletin de salaire, un chèque de 27.263,00 €, tiré sur la BNP PARIBAS, un certificat de travail, un formulaire ASSEDIC et enfin un reçu pour solde de tout compte, constitue certes un commencement de preuve par écrit, en ce qu'il rend vraisemblable la transaction alléguée, il est toutefois nécessaire pour que celle-ci soit complètement prouvée que la SNC BE. et Cie établisse en outre, par des témoignages ou des présomptions judiciaires, la réunion des trois conditions suivantes :

* une situation litigieuse entre les parties,

* l'intention des parties d'y mettre fin,

* des concessions réciproques consenties par chacune d'entre elles.

Dès lors qu'il résulte de la lettre adressée le 7 février 2005 par Madame PA., Inspecteur du travail, à Monsieur BE. que la remise par l'employeur à c. CR. de la lettre de licenciement modifiée et du chèque de 27.263,00 € faisait suite, non seulement à la notification à l'intéressé le 9 août 2004 de son licenciement pour faute grave, mais aussi et surtout à la « réclamation » formulée par ce dernier le même jour auprès des services de l'inspection du travail, l'existence d'un différend opposant l'employeur à son salarié est en l'espèce matériellement démontrée.

Force est de constater en revanche que les autres pièces produites aux débats par la SNC BE. et Cie à l'effet de compléter le commencement de preuve par écrit susvisé ne permettent pas de caractériser l'élément essentiel qui conditionne l'existence même de toute transaction, à savoir la présence de concessions réciproques.

Si la SNC BE. et Cie, qui avait initialement retenu à l'encontre de c. CR. une qualification des faits la dispensant du versement de toute indemnité, hormis celle afférente aux congés payés, a consenti à son ancien salarié un sacrifice réel et chiffrable en substituant à la faute grave initialement invoquée la notion de « faute professionnelle » et en s'acquittant des indemnités de préavis et de congédiement à due concurrence de la somme non négligeable de 27.263,00 €, en l'absence de tout document permettant à la présente juridiction d'appréhender la nature et le niveau des prétentions formulées par c. CR. à l'encontre de son ancien employeur lorsqu'il a été reçu le 12 août 2004 à 15 h 30 en compagnie de ce dernier, dans les locaux de l'inspection du travail, l'existence d'une quelconque concession consentie par le salarié n'est par contre aucunement démontrée.

Aucun des éléments produits aux débats par l'employeur ne s'avère en tout état de cause de nature à établir que c. CR., qui affirme – sans avoir été utilement contredit sur ce point – avoir contesté lors de sa saisine des services de l'inspection du travail le principe même de son licenciement qu'il considérait comme illégitime et abusif, aurait renoncé en contrepartie du versement de la somme de 27.263,00 € susvisée à réclamer à son employeur le paiement de l'indemnité de licenciement et l'allocation de dommages et intérêts.

La mention contenue dans la correspondance adressée le 7 février 2005 à Monsieur BE. par l'inspecteur du travail selon laquelle sa collaboratrice, après avoir fait signer à c. CR. une attestation « certifiant qu'il avait obtenu tous les documents inhérents à son licenciement pour faute professionnelle », a expressément spécifié à ce dernier qu'il avait la possibilité de contester son reçu pour solde de tout compte, démontre au contraire et si besoin était que c. CR. n'avait pas, à l'issue de l'entretien du 12 août 2004, renoncé à tous droits actions et prétentions à l'encontre de son ancien employeur relativement à l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

Dès lors que ni l'intention des parties de mettre un terme à leur litige, ni surtout l'existence de concessions convenues et réciproques ne sont caractérisées, la décision unilatéralement prise par la SNC BE. et Cie, sur les conseils de l'inspection du travail, de substituer à la qualification de faute grave initialement invoquée la notion de « faute professionnelle » et de verser à son salarié les indemnités de préavis et de congédiement ne constitue pas une transaction au sens des articles 1883 et suivants du Code civil.

Cette dernière ne peut donc opposer à c. CR. l'autorité de chose jugée qui s'attacherait à une transaction dont elle n'a pas été en mesure de démontrer l'existence.

Par suite, la fin de non-recevoir soulevée de ce chef n'apparaissant en définitive pas fondée, il y a lieu de la rejeter purement et simplement et de déclarer c. CR. recevable en ses demandes.

II) Sur le bien fondé des demandes formulées par c. CR. à l'encontre de la SNC BE. et Cie

a) Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

Si le point de départ de la période prise en considération pour l'appréciation du droit au congé est en principe fixé par la loi n° 619 au 1er mai de chaque année, il est constant toutefois que l'usage en vigueur au sein de la SNC BE. et Cie depuis de très nombreuses années, tel qu'il est formellement établi par les bulletins de salaire produits aux débats, était de prendre pour période de référence d'acquisition des congés payés l'année civile, à savoir la période du 1er janvier au 31 décembre.

À l'examen des bulletins de paie qui lui ont été délivrés pour les mois de mars et septembre 2003 et février 2004 c. CR. a bénéficié :

* au cours de l'année civile 2003 des congés suivants = douze jours du 3 au 16 mars 2003 et dix huit jours du 1er au 21 septembre 2003 soit un total de trente jours,

* au cours de la période du 1er janvier au 31 juillet 2004 d'un congé de dix huit jours, du 9 au 29 février 2004, dont treize pris par anticipation.

Celui-ci avait donc, à la date du 31 juillet 2004, utilisé la totalité des droits qu'il avait acquis, tant pour l'année 2003 (2,5 jours x 12 = 30 jours) que pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2004 (2,5 jours x 7 = 17,5 jours arrondi à 18), en application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 619.

À partir du moment en revanche où le montant des indemnités versées à c. CR. à ce titre a été fixé par la SNC BE. et Cie sur la base de la règle dite du maintien du salaire édictée par l'article 11 de la loi n° 619, alors qu'un calcul sur la base de la règle dite du 10e se serait avéré plus favorable pour lui, ce dernier est en droit d'obtenir paiement par son employeur d'un complément s'élevant au total à 1.677,27 €, calculé comme suit :

Période du 1er janvier au 31 décembre 2003

(1 x 68.109,63) / 10 (rémunération brute totale perçue au cours de la période de référence) = 6.810,96 €,

dont à déduire la somme brute de 2.277,42 € + 3.416,13 = 5.693,55 € effectivement perçue en mars et septembre 2003, soit un solde de 1.117,41 €,

Période du 1er janvier au 31 juillet 2004

(1 x 39.997,79 €) / 10 (rémunération brute totale perçue au cours de cette période) = 3.999,77 €,

dont à déduire la somme brute de 3.439,91 € perçue en février 2004, soit un solde de 559,86 €.

L'indemnité compensatrice de congés payés allouée par la SNC BE. et Cie à c. CR., au titre tant de la période du 1er au 8 août 2004 que du préavis, ayant également été calculée sur la base de la règle du maintien du salaire, alors que la règle du 10e se serait avérée plus intéressante pour l'intéressé, la SNC BE. et Cie est redevable à son ancien salarié d'un solde de 131,86 € se décomposant comme suit :

(1 x 12.746,50 €) / 10 = 1.274,65 €, dont à déduire l'indemnité de 1.142,79 € payée en août 2004 = 131,86 €.

La SNC BE. et Cie doit être en conséquence condamnée à verser à c. CR., à titre de solde d'indemnité de congés payés, la somme de 1.677,27 € + 131,86 € = 1.809,13 €.

b) Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail

1) Sur la faute grave et la validité du motif de la rupture

Dès lors qu'il résulte des attestations régulières en la forme établies par Messieurs NU., CO., VA. et EL., auxquelles le lien de subordination unissant leurs auteurs à la SNC BE. et Cie ne saurait retirer toute force probante compte tenu de leur parfaite concordance, que pendant les périodes de congés annuels de Monsieur NU. la charge de l'ouverture et de la fermeture du magasin était systématiquement transférée à c. CR., en refusant le samedi 7 août 2004 de prendre les clés du magasin qu'e. NU. tentait de lui remettre au motif que cette responsabilité était « gênante » pour lui, c. CR. a incontestablement commis une faute, justifiant la mise en œuvre par son employeur de son pouvoir disciplinaire.

En décidant toutefois, sur les simples conseils de l'inspection du travail et en dehors de toute transaction, de verser à c. CR. les indemnités de préavis et de congédiement, la SNC BE. et Cie a implicitement mais nécessairement reconnu que pour regrettable qu'elle soit l'attitude de son salarié ne rendait pas impossible son maintien au sein de l'entreprise pendant la durée limitée du préavis et ne pouvait par suite recevoir la qualification de faute grave.

Par ailleurs, si l'employeur, qui n'est pas lié en droit monégasque par le motif invoqué dans la lettre de rupture, peut certes se prévaloir pour justifier le licenciement de c. CR. d'autres griefs, et plus particulièrement en l'espèce du désintéressement dont l'intéressé aurait fait preuve dans l'accomplissement de sa tâche, force est de constater toutefois que les trois témoignages produits à cet effet se trouvent contredits, d'une part par l'absence de tout avertissement antérieur et d'autre part et surtout par les attestations de Messieurs SI. et BO. versées aux débats par c. CR. soulignant « au contraire » son professionnalisme.

En tout état de cause, en rappelant expressément dans la lettre de licenciement, d'une part le poids que représentait pour l'entreprise le salaire versé à c. CR., exprimé à la fois mensuellement et annuellement en euros et en anciens francs, d'autre part les discussions ayant opposé « à plusieurs reprises » Monsieur BE. et c. CR. relativement à la cessation par ce dernier de ses fonctions « vers la fin de l'année », la SNC BE. et Cie admet elle-même que l'incident survenu le 7 août 2004 n'était qu'un prétexte qu'elle a saisi pour mettre un terme au contrat de travail d'un salarié qui ne se semblait pas décidé à faire valoir ses droits à la retraite et dont elle estimait le salaire excessif eu égard à la prestation de travail fournie en contrepartie.

Dès lors en définitive :

* que selon une jurisprudence constante, en l'absence de difficultés économiques avérées, le seul désir de l'employeur de remettre en cause une situation acquise qu'il estime trop favorable à son salarié ne constitue pas un motif valable de licenciement,

* qu'au regard de la très importante ancienneté de services dont disposait c. CR. au sein de la SNC BE. et Cie et de l'absence de notification à ce salarié de toute sanction disciplinaire antérieure, la faute commise le 7 août 2004 ne nécessitait pas la mise en œuvre d'une sanction aussi sévère et radicale que le licenciement, un avertissement ou une mise à pied s'avérant amplement suffisants,

la SNC BE. et Cie ne justifie d'aucun motif valable l'autorisant à rompre le contrat de travail de c. CR.

Ce dernier est donc en droit de prétendre, en application de l'article 2 de la loi n° 845, compte tenu de son ancienneté de services (20 ans et 1 mois) et du montant de sa rémunération mensuelle brute (5.713,97 €), à une indemnité de licenciement calculée comme suit :

(5.713,97 x 241) / 25 = 55.082,67 €,

dont il convient toutefois, d'une part de plafonner le montant à six mois de salaire, soit 34.283,82 €, et d'autre part de retrancher le montant de l'indemnité de congédiement d'ores et déjà perçue, laquelle s'élève à 15.237,34 €, soit en définitive un solde en sa faveur de 19.046,48 €.

2) Sur le caractère abusif de la rupture

À partir du moment où il ressort de ce qui précède :

* que le refus d'accepter les clés du magasin que c. CR. a opposé le 7 août 2004 à son collègue de travail ne constitue pas la véritable raison de son licenciement,

* qu'en l'absence de tout avertissement antérieur et en l'état de la très importante ancienneté de services dont celui-ci disposait au sein de l'entreprise, en notifiant à c. CR. sur le champ son licenciement pour faute grave la SNC BE. et Cie a agi avec une évidente précipitation,

l'employeur a fait en l'espèce un usage abusif de son droit unilatéral de rupture.

c. CR. est donc en droit d'obtenir l'allocation des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729.

Si ce dernier a certes subi, compte tenu de la brutalité avec laquelle la rupture de son contrat de travail lui a été notifiée, un incontestable préjudice moral, il n'établit en revanche pas suffisamment l'existence du préjudice matériel dont il se prévaut, à défaut tout d'abord de justifier de l'effectivité et du caractère infructueux de ses démarches en vue de retrouver un nouvel emploi, étant observé en tant que de besoin que la dispense qu'il produit aux débats, laquelle ne concerne que ses relations avec l'organisme en charge du versement des allocations de chômage – ne lui a été accordée sur sa demande par le service de l'emploi que le 8 septembre 2005, soit plus d'une année après son licenciement.

Par ailleurs si c. CR. prétend certes que la baisse significative de ses revenus l'aurait contraint à revoir ses conditions d'existence et notamment à rechercher un nouveau logement il ne démontre par aucune pièce avoir effectivement déménagé.

Le préjudice essentiellement d'ordre moral subi par c. CR. ensuite de la rupture abusive de son contrat de travail sera dans ces conditions équitablement réparé par l'allocation à son profit de la somme de 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

3) Sur les demandes reconventionnelles formulées par la SNC BE. et Cie à l'encontre de c. CR.

L'existence d'une transaction, au sens des dispositions de l'article 1883 du Code civil, n'ayant pas été consacrée par la présente juridiction la SNC BE. et Cie n'est pas fondée à soutenir qu'en introduisant la présente procédure c. CR. « aurait porté atteinte à l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'écrit qu'il a ratifié ».

Par ailleurs, en indiquant dans ses écritures judiciaires du 8 mars 2007 qu'on ne saurait lui faire grief « d'avoir refusé la responsabilité des clés à propos desquelles la confiance lui avait été retirée trois ans auparavant et ne lui avait été rendue que temporairement le temps des congés de Monsieur NU. » c. CR. n'a pas développé une argumentation contraire à la réalité, telle qu'elle résulte des attestations produites aux débats par la SNC BE. et Cie, mais a au contraire corroboré par ses affirmations le contenu desdites attestations.

Aucune des deux demandes reconventionnelles formulées par la SNC BE. et Cie n'apparaissant en définitive fondée, cette dernière ne pourra qu'en être déboutée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Vu le jugement rendu le 23 novembre 2006.

Rejette la fin de non-recevoir, tirée de l'autorité de chose jugée s'attachant à la transaction, opposée par la SNC BE. et Cie aux prétentions émises à son encontre par c. CR.

Déclare par suite c. CR. recevable en ses demandes.

Dit que le licenciement de c. CR. par la SNC BE. et Cie n'est pas justifié par un motif valable et revêt en outre un caractère abusif.

Condamne par suite la SNC BE. et Cie à payer à c. CR. les sommes suivantes :

* 1.809,13 euros, (mille huit cent neuf euros et treize centimes), à titre de solde d'indemnité de congés payés,

* 19.046,48 euros, (dix neuf mille quarante six euros et quarante huit centimes), au titre de l'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement d'ores et déjà perçue,

* 15.000,00 euros, à titre de dommages et intérêts.

Déboute c. CR. du surplus de ses demandes.

Déclare la SNC BE. et Cie recevable mais non fondée en ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts.

La déboute dans ces conditions de l'intégralité de ses prétentions.

Condamne la SNC BE. et Cie aux entiers dépens du présent jugement.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6792
Date de la décision : 03/04/2008

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : c. CR.
Défendeurs : la SNC BE. et Compagnie

Références :

article 1891 du Code civil
articles 379 et 381 du Code de Procédure civile
article 1188 du Code civil
article 29 du Code pénal
Code civil
loi n° 446 du 16 mai 1946
article 1883 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2008-04-03;6792 ?

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