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07/12/2006 | MONACO | N°6297

Monaco | Tribunal du travail, 7 décembre 2006, a.-l. GR. c/ j. VA. OO.


Abstract

Paiement de jours fériés - Articles 1 et 2 de la Loi n°798 et 2 et 7 de la Loi n° 800 Heures supplémentaires - Charge de la preuve incombant au salarié - Preuve non rapportée - Légalité du droit autonome et unilatéral de résiliation au regard de la Charte sociale européenne - Ratification non encore intervenue à la date de la décision - Faute de l'employeur à ne pas fournir les motifs de licenciement (non) -Droit non discrétionnaire -Abus -Charge de la preuve d'une faute circonstancielle incombant au salarié - Notification sans précaution ni ménagement, la ve

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Abstract

Paiement de jours fériés - Articles 1 et 2 de la Loi n°798 et 2 et 7 de la Loi n° 800 Heures supplémentaires - Charge de la preuve incombant au salarié - Preuve non rapportée - Légalité du droit autonome et unilatéral de résiliation au regard de la Charte sociale européenne - Ratification non encore intervenue à la date de la décision - Faute de l'employeur à ne pas fournir les motifs de licenciement (non) -Droit non discrétionnaire -Abus -Charge de la preuve d'une faute circonstancielle incombant au salarié - Notification sans précaution ni ménagement, la veille de Noël du licenciement d'une salariée en état de choc - Dommages et intérêts

Résumé

Dès lors que la Charte Sociale Européenne du 18 octobre 1961 n'a pas été ratifiée par la Principauté de Monaco, les dispositions de l'article 24 sont inapplicables et le droit autonome et unilatéral de résiliation dont dispose l'employeur lui permettant de congédier un salarié, sans se référer à un motif inhérent à la personne de celui-ci, ne saurait être considéré comme fautif.

Une femme de ménage embauchée le 1er janvier 2002 est licencié par son employeur le 12 janvier 2005 sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 qui permet la rupture sans avoir à exprimer explicitement ou implicitement le motif inhérent à la personne du salarié. Soutenant, devant le Tribunal du travail où elle avait attrait son employeur, qu'elle n'avait pas été remplie des droits au paiement des jours fériés et heures supplémentaires, et alléguant en outre l'absence de motif valable de licenciement, la salariée réclamait un solde de salaires, une indemnité de licenciement de six mois de salaires et des dommages et intérêts .Elle soutenait notamment l'illégalité de la rupture sans motif exprimé au regard de l'article 24 de la Charte sociale européenne. L'employeur, de son côté, faisait valoir que la salariée, qui n'apportait pas la preuve des heures supplémentaires effectuées ni de l'abus commis, avait été remplie de ses droits.

Le Tribunal du Travail tenant compte des journées récupérées alloue une partie des salaires réclamés et, constatant l'absence de preuve rapportée des heures supplémentaires, déboute la salariée à ce titre. Retenant ensuite, sur les demandes afférentes à la rupture, que la Principauté de Monaco n'a pas ratifié, à la date du jugement, la charte sociale européenne instituée le 18 octobre 1961 et entrée en vigueur le 25 février 1965, le Tribunal exclut la faute de l'employeur dans le seul fait de ne pas fournir à la salariée les motifs de son licenciement. L'indemnité plafonnée à 6 mois de salaires (et non pas au minimum de six mois) due à ce titre est calculée en fonction du salaire et de l'ancienneté. En revanche, la brutalité de la rupture intervenue, justifie l'allocation d'une somme de 12 000 €.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 31 mai 2005 reçue le même jour ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 13 juillet 2005 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Madame a.-l. GR., en date des 13 octobre 2005 et 9 mars 2006 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. VA. OO., en date des 15 décembre 2005 et 8 juin 2006 ;

Après avoir constaté le dépôt du dossier de Maître Jean-Luc RICHARD, avocat au barreau de Nice pour le compte de Madame a.-l. GR., et entendu Maître René SCHILEO, avocat au barreau de Nice, au nom de Monsieur j. VA. OO., en sa plaidoirie ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée depuis le 1er janvier 2002 en qualité de femme de ménage, a.-l. GR. a été licenciée de son emploi le 12 janvier 2005 par j. VA. OO., aux termes d'une correspondance, dont un exemplaire lui a été remis en main propre le même jour, et dont le contenu s'avère le suivant :

« Madame,

» Je vous confirme et vous notifie par la présente votre licenciement à compter de la première présentation de la présente, lequel est prononcé conformément à l'article 6 de la loi monégasque n° 729 du 16 mars 1963 qui énonce :

« le contrat de travail à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties ; Il prend fin au terme du préavis.

» Nous vous dispensons expressément d'effectuer votre préavis, lequel vous sera néanmoins réglé.

« Toutes les sommes et tous les documents vous revenant vous seront » remis conformément à la loi «.

Soutenant d'une part ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits au cours de l'exécution de son contrat de travail et d'autre part que son licenciement revêt en l'espèce un caractère abusif, a.-l. GR., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 11 juillet 2005, a attrait j. VA. OO. devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec intérêts au taux légal, au paiement des sommes suivantes :

* 7.666,85 €, à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* 20.532,00 €, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 3.064,32 €, au titre des heures supplémentaires effectuées par ses soins,

* 684,54 €, au titre des indemnités se rapportant aux jours fériés légaux dont elle n'a pu bénéficier au cours des années 2001 à 2004,

* 15.000,00 €, au titre du préjudice moral et du remboursement des frais exposés pour faire valoir son bon droit et assurer la défense de ses intérêts.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu par leurs conseils.

Puis, après sept renvois intervenus à leur demande afin de leur permettre d'échanger leurs pièces et leurs moyens, l'affaire a reçu le 5 octobre 2006 fixation pour être plaidée à l'audience du 2 novembre 2006.

À l'issue de ladite audience, au cours de laquelle seul Maître SCHILEO a été entendu en sa plaidoirie, Maître Didier ESCAUT ayant quant à lui, en l'état de la décision prise par cette juridiction refusant la demande de renvoi présentée par l'avocat plaidant qu'il était chargé d'assister, déposé purement et simplement son dossier, l'affaire a été mise en délibéré pour être le jugement rendu ce jour 7 décembre 2006.

Aux termes des conclusions déposées pour son compte les 13 octobre 2005 et 9 mars 2006, a.-l. GR. expose en premier lieu, à l'appui de ses prétentions, qu'elle n'a pas été intégralement remplie de ses droits au cours de l'exécution de son contrat de travail.

Qu'en effet, alors qu'elle aurait dû se voir accorder par son employeur, en application des dispositions de l'article 10 de la l'ordonnance loi n° 677 du 2 décembre 1959, une pause quotidienne d'une heure le midi, elle n'a en réalité bénéficié que de 45 minutes chaque jour, comme le démontrent l'attestation qu'elle verse à cet effet aux débats et les demandes simultanément formées, sur le même fondement, par d'autres salariés.

Qu'elle a donc ainsi accompli quinze minutes de travail supplémentaire par jour, cinq jours par semaine et pendant trois ans, à raison de quarante sept semaines par an, soit un total de 176 h 15 ouvrant droit, sans préjudice des sanctions pénales encourues de ce chef par l'employeur, à l'allocation à son profit de la somme de 2.228,60 €.

Qu'il résulte par ailleurs de l'examen de ses plannings de travail et de ses bulletins de salaires qu'elle a effectué pendant qu'elle était au service de j. VA. OO. soixante six heures supplémentaires de travail se décomposant ainsi :

* année 2002 : 7 heures supplémentaires à 125 % en janvier 2002,

15 heures supplémentaires à 125 % en octobre 2002,

* année 2003 : 15 heures supplémentaires à 125 % en juillet 2003,

7 heures supplémentaires à 125 % en septembre 2003,

* année 2004 : 15 heures supplémentaires à 125 % en mars 2004,

7 heures supplémentaires à 125 % en septembre 2004.

Que par suite, elle est en droit d'obtenir paiement à ce titre, sans préjudice des sanctions pénales encourues par j. VA. OO. du chef, tant du défaut de paiement des heures supplémentaires accomplies que du dépassement des durées quotidienne et hebdomadaire de travail, de la somme totale de 835,72 €.

Qu'enfin elle justifie par la production des plannings correspondants avoir normalement accompli son travail pendant dix des jours fériés légaux fixés par la loi n° 798, sans avoir bénéficié, ni de l'indemnité égale au montant de son salaire journalier, ni du repos compensateur rémunéré prévus par l'article 7 de la loi n° 800.

Que si elle a certes reçu paiement par j. VA. OO. à ce titre, après l'audience de conciliation, d'une somme de 186,64 €, ce règlement n'était accompagné d'aucun décompte ni d'aucune explication.

Qu'elle maintient en conséquence intégralement les termes de sa demande initiale, selon laquelle elle sollicitait paiement à ce titre de la somme de :

(1.711,35 x 10) / 25 = 684,54 €.

a.-l. GR. soutient en second lieu, d'une part ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845, et d'autre part que la rupture de son contrat de travail revêt, au regard des conditions » totalement intolérables « dans lesquelles elle est intervenue, un caractère manifestement abusif et ouvre droit dans ces conditions à l'allocation d'importants dommages et intérêts à son profit.

S'agissant de l'indemnité de licenciement elle estime que le montant de ladite indemnité, en suivant le mode de calcul prescrit par la loi, s'élève à :

(1.853,96 x 38) / 19 = 3.707,93 €,

étant précisé que :

* 1.853,96 €, représente le montant du salaire brut à prendre en considération, en ce compris le treizième mois qui lui était contractuellement alloué,

* 38 représente le nombre de mois d'ancienneté dont elle disposait à la date d'effet de son licenciement,

* 19 représente le nombre de jours où elle a effectivement travaillé au cours du dernier mois ayant précédé son licenciement, à savoir novembre 2004.

Qu'eu égard à l'indemnité qui lui a d'ores et déjà été versée par j. VA. OO. elle est en droit d'obtenir paiement à tout le moins d'un reliquat de 3.707,93 € - 2.625,00 € = 1.082,93 €.

Que toutefois, s'agissant en l'espèce d'un licenciement non justifié par un motif valable, il y a lieu de lui allouer le montant maximum prévu par l'article 2 de la loi n° 845, à savoir six mois de salaire, soit un complément en sa faveur de 7.666,85 €.

S'agissant du caractère abusif de son licenciement, a.-l. GR. soutient tout d'abord que les dispositions de l'article 6 de la loi n° 629 s'avèrent en contradiction avec celles contenues dans l'article 24 de la charte sociale européenne, que la Principauté de Monaco a signé lorsqu'elle a adhéré le 5 octobre 2004 au Conseil de l'Europe.

Elle fait valoir par ailleurs et en tout état de cause que j. VA. OO. a fait un usage abusif du droit de licencier sans motif qui lui était reconnu par l'article 6 de la loi n° 729 en le détournant de sa véritable portée et de sa signification.

Qu'en l'espèce la faute de l'employeur se trouve caractérisée par la conjonction des éléments suivants :

* le nombre des licenciements concomitamment prononcés (8), étant observé que le terme de » charter « qui a été employé dans cette affaire démontre la volonté malveillante de l'employeur de faire un exemple,

* la période concernée, l'annonce de la rupture de son contrat de travail lui ayant été faite deux jours avant le réveillon de noël,

* la brutalité dont l'employeur a fait preuve à cette occasion à l'origine d'un grave malaise ayant justifié son transport à l'hôpital en ambulance et la prescription d'un arrêt de travail de vingt et un jours à l'issue duquel sa lettre de licenciement lui a été remise en main propre,

* la connaissance par j. VA. OO. des problèmes familiaux particuliers qu'elle rencontrait alors (un enfant gravement malade depuis plusieurs années),

* l'augmentation de salaire de 250 € qui lui avait été consentie, avec effet au 1er janvier 2005, au mois d'octobre 2004.

Elle demande en conséquence à la présente juridiction de réparer l'important préjudice, tant matériel que moral, que lui ont causé, non seulement son licenciement en lui-même, mais également les nombreuses irrégularités administratives et les infractions pénales commises par son employeur à cette occasion, en lui allouant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes suivantes :

* 20.532,00 €, à titre de dommages et intérêts représentant un an de salaire en réparation de son préjudice à caractère matériel,

* 15.000,00 €, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice à caractère moral et des frais qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits.

*

Estimant quant à lui d'une part qu'a.-l. GR. a été intégralement remplie de ses droits au cours de l'exécution de son contrat de travail et d'autre part que cette dernière ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de la faute circonstancielle commise par ses soins dans la mise en œuvre du licenciement, j. VA. OO. conclut au rejet de l'intégralité des prétentions formulées à son encontre par son ancienne salariée.

Soutenant par ailleurs que l'action initiée par cette dernière revêt un caractère manifestement et incontestablement téméraire et abusif, dans la mesure où elle le présente comme un mauvais employeur, peu scrupuleux du respect des lois monégasques et de la personne humaine, attentant ainsi à son image et à son honneur, j. VA. OO. sollicite reconventionnellement la condamnation d'a.-l. GR. au paiement de la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

Il fait valoir, à ces diverses fins, les moyens suivants :

1) S'agissant des demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

* s'agissant de la demande d'heures supplémentaires :

* quart d'heure impayé

* aucune des pièces versées aux débats par a.-l. GR. ne démontre que cette dernière n'aurait pas bénéficié de l'heure de repos quotidienne imposée par l'article 10 de l'ordonnance loi n° 677,

* les attestations produites par l'employeur établissent au contraire que cette règle était respectée au sein de l'entreprise.

* heures supplémentaires proprement dites :

* la preuve de l'existence des soixante six heures de dépassement de l'horaire contractuel n'est pas rapportée, alors qu'a.-l. GR. a signé chacun des bulletins de paie qui lui ont été remis, une telle signature valant approbation de sa part des mentions concernant le nombre mensuel d'heures effectivement accomplies et de la rémunération allouée en contrepartie qui y étaient contenues,

* alors que la référence hebdomadaire est expressément édictée par le législateur, la demande en paiement effectuée par a.-l. GR. se réfère à un décompte mensuel.

* S'agissant de la demande en paiement de jours fériés travaillés :

* après vérification par l'employeur celui-ci a partiellement reconnu le bien fondé de la prétention émise, en adressant à a.-l. GR. un chèque de 186,64 € que cette dernière a dûment encaissé, de sorte que la demande de ce chef doit être désormais considérée comme dénuée d'objet.

2) S'agissant des demandes afférentes à la rupture du contrat de travail

* indemnité de licenciement :

* le montant de l'indemnité de licenciement versée à a.-l. GR. a été calculé selon la méthode dite du 25e préconisée par l'inspection du travail et entérinée par la jurisprudence du Tribunal du Travail,

* en disposant que » le montant de l'indemnité de licenciement ne peut excéder six mois de salaires « le législateur a seulement fixé une condition constituant le plafond du montant de cette indemnité et non une condition déterminant l'étendue du droit à indemnité de l'employé.

* S'agissant du caractère abusif de la rupture :

* les institutions de la Principauté de Monaco n'ont pas encore ratifié la charte sociale européenne, en sorte que celle-ci n'est à ce jour pas applicable sur le territoire de la Principauté,

* le Tribunal du Travail, qui est par suite saisi d'un différend portant sur le licenciement d'un employé effectué en Principauté de Monaco, est donc seulement tenu pour en apprécier la légalité de vérifier que le moyen juridique utilisé est en conformité avec la loi monégasque, sans devoir se référer à quelque autre disposition que ce soit,

* le seul fait pour un employeur de procéder à la résiliation d'un contrat de travail à durée indéterminée en utilisant les moyens que la loi prévoit expressément et met à sa disposition, en l'occurrence les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729, ne peut en aucun cas être constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité, sauf pour le salarié à établir de manière non équivoque que l'employeur a été animé d'une intention de nuire à son employé, susceptible de caractériser l'abus dénaturant la légitimité de l'exercice d'un droit ou d'une faculté,

* tel n'est assurément pas le cas en l'espèce, à défaut pour a.-l. GR. d'avoir caractérisé la faute circonstancielle imputable à l'employeur de nature à engager sa responsabilité, étant observé plus précisément :

* que le fait pour un employeur de ne pas fournir à son salarié les motifs de la rupture n'est pas, à lui seul, constitutif d'une faute,

* que la concomitance du licenciement d'a.-l. GR. avec celui d'autres salariés démontre, si besoin était, que la mesure dont elle a fait l'objet n'était pas exclusivement dirigée contre elle,

* que l'employeur ignorait l'existence des graves problèmes de santé rencontrés par les enfants d'a.-l. GR.,

* que la circonstance que le licenciement ait été prononcé en fin d'année ne revêt en tant que tel aucun caractère fautif,

* la réalité du préjudice allégué n'est pas démontrée.

SUR CE,

I – Sur les demandes formulées par a.-l. GR. à l'encontre de j. VA. OO.

A) Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

1) sur la demande en paiement des jours fériés

En application des dispositions des articles 1 et 2 de la loi n° 798 portant fixation des jours fériés légaux et 2 et 7 de la loi n° 800 régissant la rémunération et les conditions de travail relatives aux jours fériés légaux, les salariés occupés les jours chômés et payés fixés par l'article 1er de la loi n° 798 ont droit, en plus du salaire correspondant à leur travail :

* soit à une indemnité égale au montant dudit salaire,

* soit à un repos compensateur rémunéré.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats par la demanderesse (plannings de travail des années 2002 à 2004) que cette dernière a effectivement travaillé les jours fériés suivants :

Année 2002 - Année 2003 - Année 2004

* le 27 janvier (Ste Dévote)

* le 9 mai (Ascension)

* le 20 mai (Pentecôte)

* le 30 mai (Fête Dieu erronément mentionnée dans les conclusions comme tombant le 19 juin)

* le 19 novembre 2002

* le jeudi 19 juin (Fête Dieu)

* le lundi de Pentecôte (à savoir le 31 mai et non le 17 mai)

* le 1er novembre (Toussaint)

* le 8 décembre

soit un total de neuf jours fériés travaillés.

Qu'en revanche, contrairement à ses allégations, elle n'a pas travaillé le 27 janvier 2003 jour de la Sainte Dévote.

Si les bulletins de paie remis à a.-l. GR. au cours de la période d'exécution de son contrat de travail ne portent certes trace du paiement d'aucune indemnité au titre de ces neuf jours fériés, les mentions apposées sur ses plannings de travail démontrent en revanche que quatre de ces journées ont été récupérées selon les modalités suivantes :

* le 27 janvier 2002 a été récupéré le 8 février 2002,

* le 9 mai 2002 a été récupéré le mercredi 15 mai 2002,

* le jeudi 30 mai 2002 a été récupéré le lundi 3 juin 2002,

* le 19 novembre 2002 a été récupéré le 16 décembre 2002,

(affecté par erreur au 8 décembre 2002, jour férié non travaillé par l'intéressée).

En revanche la journée du 8 décembre 2004, qui aurait dû être récupérée le 23 décembre 2004, n'a pu l'être matériellement du fait de l'annonce le 22 décembre 2004 du licenciement et de l'arrêt de travail prescrit le même jour.

a.-l. GR., qui n'a ni récupéré les journées des 20 mai 2002, 19 juin 2003, 31 mai, 1er novembre 2004 et 8 décembre 2004, ni reçu paiement de l'indemnité prévue par l'article 7 de la loi n° 800 est donc en droit d'obtenir paiement :

* au titre de la journée du 20 mai 2002 d'une indemnité s'élevant à :

(1.419,65 x 1) / 25 = 56,78 €,

* au titre des journées des 19 juin et 31 mai 2003, du 1er novembre 2004 et du 8 décembre 2004 à une indemnité s'élevant à :

(1.711,35 x 4) /25 = 273,81 €,

soit une indemnité totale de 330,59 €.

L'employeur ayant toutefois versé à sa salariée, en cours de procédure, la somme de 186,64 €, cette dernière est en droit d'obtenir, l'allocation à son profit de la somme de :

330,59 € - 186,64 € = 143,95 €.

2) Sur la demande en paiement des heures supplémentaires

a) Quart d'heure restant du sur l'heure de pause quotidienne

En application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance loi n° 677 du 2 décembre 1959 sur la durée du travail, » le travail journalier des femmes doit être interrompu par un ou plusieurs repos dont la durée totale ne peut être inférieure à une heure ".

Si a.-l. GR. soutient certes ne pas avoir intégralement bénéficié de ces dispositions, le temps de repos qui lui était accordé par son employeur se limitant à une pause méridienne de quarante cinq minutes, cette dernière n'en rapporte toutefois pas la preuve.

En effet, l'unique attestation qu'elle produit à cette fin se trouve dépourvue de toute force probante, dès lors qu'elle émane d'une salariée, (Muriel LEYRIT) qui a un intérêt personnel au litige opposant a.-l. GR. à j. VA. OO., dans la mesure où elle a parallèlement saisi le Tribunal du Travail d'une demande similaire.

Par ailleurs l'affirmation selon laquelle les horaires de travail au sein de l'entreprise étaient les suivants : 8 heures à 13 heures – 13 heures 45 à 16 heures 30, qui constitue le fondement de la thèse soutenue devant la présente juridiction, n'est étayée par aucune pièce probante quelle qu'elle soit.

L'employeur, qui conteste formellement avoir contrevenu aux dispositions de l'article 10 de la loi susvisée, démontrant enfin pour sa part, en versant à cet effet aux débats les témoignages émanant de cinq de ses salariés, que le complément de l'heure de repos, dont le fractionnement est expressément autorisé, était accordé aux membres du personnel concerné à la fin de la matinée, la demande formulée par a.-l. GR. n'apparaît en définitive pas fondée et ne pourra dès lors qu'être rejetée.

b) Heures supplémentaires proprement dites

En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance loi n° 677 sur la durée du travail du 2 décembre 1958, constituent des heures supplémentaires ouvrant droit, pour les huit premières à une majoration de salaire de 25 % et pour les heures suivantes à une majoration de salaire de 50 %, les heures effectuées au delà d'une durée de travail de 39 heures par semaine, ou de la durée considérée comme équivalente.

Il est constant par ailleurs, en droit positif monégasque, qu'il appartient au salarié qui revendique l'exécution d'heures supplémentaires de rapporter la preuve de leur existence.

La référence hebdomadaire étant expressément prévue par la loi, il incombe en l'espèce à a.-l. GR. d'établir qu'au cours d'une ou de plusieurs semaines précisément désignées, elle a accompli, à la demande de son employeur ou tout au moins avec l'assentiment de ce dernier, un temps de travail supérieur à 39 heures.

Tel n'est assurément pas le cas en l'espèce dès lors que la demande formulée par a.-l. GR. n'a pas été présentée dans le cadre de la semaine civile, mais dans un cadre mensuel.

Force est de constater en outre et surtout que les dépassements mensuels relevés par la salariée par rapport au nombre d'heures de travail servant de base à sa rémunération (soit 169 heures par mois) ne constituent pas des heures supplémentaires, au sens de l'article 8 de l'ordonnance loi n° 677, dans la mesure où ils ne sont en réalité que les conséquences de la répartition inégale des jours travaillés entre les douze mois de l'année, que le paiement mensuel du salaire à pour objet de neutraliser.

La preuve de l'existence des soixante six heures supplémentaires revendiquées par a.-l. GR. n'apparaissant en définitive nullement rapportée, cette dernière ne peut prétendre à l'allocation d'aucune somme à ce titre.

B) Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail

Dès lors que l'application effective sur le territoire monégasque de la charte sociale européenne instituée le 18 octobre 1961 et entrée en vigueur le 25 février 1965 est subordonnée à sa ratification préalable par les institutions de la Principauté de Monaco, laquelle n'est au jour du présent jugement pas encore intervenue, les dispositions de l'article 24 de ladite charte ne peuvent être utilement invoquées par la demanderesse pour contester la légalité du licenciement intervenu en l'espèce, ainsi qu'il résulte expressément des mentions contenues dans la lettre de notification de la rupture en date du 12 janvier 2005, sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi monégasque n° 729 du 16 mars 1963.

Il est constant en droit qu'en application de ce texte l'employeur dispose d'un droit autonome et unilatéral de résiliation lui permettant de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci.

Par voie de conséquence, le fait pour l'employeur de ne pas fournir au salarié les motifs du licenciement ne peut en soi être considéré comme une faute dans l'exercice par j. VA. OO. de son droit de mettre fin au contrat de travail (Tribunal du Travail – PE. c/ TRANSOCEAN MARITIME AGENCIES – 17 mai 2001 confirmé par le Tribunal de Première Instance le 4 juillet 2002).

L'article 6 de la loi n° 629 n'instaurant pas toutefois, au profit de l'employeur, un droit discrétionnaire et absolu, il appartient au Tribunal du Travail de vérifier, lorsqu'un tel licenciement est contesté, non pas la cause de la rupture, mais le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part, et les circonstances ayant entouré la résiliation qui doivent être exemptes de faute d'autre part.

S'agissant en premier lieu du contrôle par la présente juridiction du respect des droits et prérogatives du salarié, il est de principe que l'employeur qui use des dispositions de l'article 6 de la loi n° 629 doit régler à son salarié, en sus des indemnités de préavis, de congédiement et de congés payés auquel ce dernier est en droit eu égard à son ancienneté de services de prétendre, l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845.

Qu'en effet l'employeur est tenu dans cette hypothèse de supporter les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en versant à son salarié le montant de l'indemnité à laquelle ouvre droit un licenciement qui ne serait pas justifié par un motif jugé valable (Tribunal du Travail – VA. c/ JA. – 15 juin 2000).

En ne contestant devant la présente juridiction que le montant de l'indemnité de licenciement qui lui a été allouée par son employeur, a.-l. GR. reconnaît implicitement que les sommes qui lui ont été réglées au titre du maintien du salaire (260,77 €), de l'indemnité spéciale de préavis (256,70 €), de l'indemnité compensatrice de préavis (1.711,35 €), de l'indemnité compensatrice de congés payés (821,44 €) et enfin du prorata de l'indemnité de treizième mois (229,74 €) représentent l'intégralité des droits qu'elle avait acquis de ces chefs.

La vérification de l'étendue de ses droits ne peut dès lors concrètement porter que sur le montant de l'indemnité de licenciement lui revenant.

En application des dispositions de l'article 2 de la loi n° 845 le montant de l'indemnité de licenciement due par j. VA. OO. à a.-l. GR. s'élève à la somme de 2.818,01 €, se décomposant ainsi :

(1.853,96 x 38) / 25 = 2.818,01 €,

étant précisé que :

* 1.853,96 €, représente le montant de la rémunération mensuelle brute effectivement perçue par a.-l. GR., après division de la base annuelle par douze, et non par treize mensualités,

* 38 représente le nombre de mois d'ancienneté au service de j. VA. OO. que comptait a.-l. GR. à la date du 12 mars 2005, terme de son contrat de travail, lequel prend fin, conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 au terme du préavis, qu'il soit ou non exécuté,

* 25 représente le nombre de journées travaillées au cours du mois précédant la rupture, calculé selon la règle forfaitaire communément admise de longue date par la jurisprudence, ainsi que le confirme la correspondance de l'inspection du travail en date du 17 mars 2006, pour pallier les incidences de la répartition inégale des jours travaillés entre les douze mois de l'année.

a.-l. GR. ayant reçu à ce titre une somme de 2.601,25 €, cette dernière est fondée à obtenir paiement par j. VA. OO. d'un complément s'élevant à 2.818,01 – 2.601,25 = 216,76 €.

La référence à six mois de salaire contenue à l'alinéa 3 de l'article 2 de la loi n° 845 ne constituant pas, comme c'est le cas en France dans l'article L 122 – 14 – 4 du Code du travail, un montant minimum, mais s'analysant au contraire en une règle de plafonnement, selon laquelle, quelle que soit la durée de l'ancienneté de services acquise par un salarié à la date de son licenciement, l'indemnité lui revenant ne peut excéder six mois de salaires, la demande formulée par a.-l. GR. tendant à voir fixer à la somme de 10.268,10 € le montant de l'indemnité de licenciement lui revenant, qui repose sur une interprétation contestable et erronée de la législation monégasque du travail, n'est pas fondée et ne pourra donc qu'être rejetée.

Outre le contrôle du respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié, il incombe également à la présente juridiction de s'assurer, dans un deuxième temps, que la mise en œuvre par j. VA. OO. du licenciement d'a.-l. GR. ne revêt aucun caractère abusif.

La charge de la preuve d'un tel abus pesant sur celui qui l'invoque, il appartient à a.-l. GR. d'établir la faute circonstancielle, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l'article 1229 du Code civil, qu'aurait commise j. VA. OO. dans l'exercice de son droit de résiliation unilatéral.

Dès lors en l'espèce qu'il résulte des pièces versées à cette fin aux débats :

* qu'a.-l. GR., au cours des trois années passées au service de j. VA. OO., n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction ni même d'une simple mise en garde, les deux importantes augmentations de salaire qui lui ont été consenties en juillet 2002 et janvier 2003 démontrant au contraire et si besoin était qu'elle donnait entièrement satisfaction dans ses fonctions,

* que cette dernière n'avait pas été avertie avant le 22 décembre 2004, de quelque manière que ce soit, de la décision de son employeur de mettre fin à son contrat de travail, qu'elle pouvait d'autant moins suspecter et anticiper qu'elle avait en sa possession ses plannings de travail pour les mois de décembre 2004 et janvier 2005, respectivement édités les 23 novembre et 20 décembre 2004, soit quarante huit heures avant l'annonce du licenciement, comportant pour le premier l'attribution d'un repos compensateur le 23 décembre 2004 en récupération d'un jour férié travaillé, et pour le second l'indication de ses horaires complets de travail jusqu'au 29 janvier 2005 inclus,

* que l'état psychologique et physique dans lequel se trouvait la salariée après l'annonce de son licenciement a nécessité son transport au service des urgences du Centre Hospitalier Princesse Grace et la prescription par le médecin en charge de ce service d'un arrêt de travail de vingt jours,

le licenciement de l'intéressée, qui lui a été verbalement notifié sans aucune justification particulière, en l'absence d'invocation de toute faute grave, l'avant veille du réveillon de Noël, a été en la forme conduit avec une soudaineté et une brutalité fautives, qui lui confèrent incontestablement un caractère abusif.

Si a.-l. GR. soutient certes avoir subi en premier lieu un préjudice matériel important, elle n'en justifie nullement, aucune pièce relative à sa situation financière et professionnelle actuelle n'ayant été produite aux débats.

Cette dernière, qui s'est vu notifier sans précaution ni ménagement, l'avant veille du réveillon de Noël, la perte immédiate d'un emploi qu'elle occupait depuis trois ans et qui lui permettait de subvenir aux besoins de ses enfants, dont l'un se trouvait alors gravement malade, a en revanche subi un préjudice moral incontestable justifiant l'allocation à son profit, compte tenu des divers éléments analysés ci-dessus, de la somme de 12.000 € à titre de dommages et intérêts.

II – Sur la demande reconventionnelle formée par j. VA. OO. à l'encontre d'a.-l. GR.

À partir du moment où a.-l. GR. a obtenu pour partie satisfaction en ses demandes à l'encontre de j. VA. OO., la procédure qu'elle a introduite devant la présente juridiction ne peut être qualifiée d'abusive.

La demande reconventionnelle en dommages et intérêts, si elle est certes recevable en la forme, n'est pas justifiée au fond et doit donc être rejetée.

L'exécution provisoire sollicitée par la demanderesse n'étant justifiée par aucune considération particulière, il n'y a pas lieu de l'ordonner.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Condamne j. VA. OO. à payer à a.-l. GR. les sommes suivantes :

* 143,95 euros, (cent quarante trois euros et quatre vingt quinze centimes), au titre de l'indemnité afférente aux jours fériés travaillés et non récupérés,

* 216,76 euros, (deux cent seize euros et soixante seize centimes), à titre de solde d'indemnité de licenciement,

ces deux sommes produisant intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 février 2005.

Dit que le licenciement d'a.-l. GR. par j. VA. OO. revêt un caractère abusif.

Condamne j. VA. OO. à payer à a.-l. GR. la somme de :

1. 000,00 euros, (douze mille euros), à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral.

Déboute a.-l. GR. du surplus de ses prétentions.

Déboute j. VA. OO. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Condamne j. VA. OO. aux entiers dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6297
Date de la décision : 07/12/2006

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Responsabilité de l'employeur ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : a.-l. GR.
Défendeurs : j. VA. OO.

Références :

article 1229 du Code civil
loi n° 677 du 2 décembre 1959
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2006-12-07;6297 ?

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