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28/09/2006 | MONACO | N°6260

Monaco | Tribunal du travail, 28 septembre 2006, La SAM Zebra Square c/ c. CH.


Abstract

Modification unilatérale par le salarié de son contrat - Faute grave - Licenciement - Action en paiement du préavis par l'employeur (non)

Résumé

L'employeur qui décide de faire usage de son pouvoir disciplinaire en licenciant une salariée pour faute grave ne peut réclamer le paiement du préavis à celle-ci qui n'a pas pris l'initiative de la rupture.

Une salariée embauchée en qualité de Maitre d'Hôtel est licenciée pour faute grave au motif qu'après une longue absence médicalement justifiée, elle ne s'est pas présentée pour le service du

soir ce pour quoi elle a reçu un avertissement et « a persisté à exécuter anormalement son ...

Abstract

Modification unilatérale par le salarié de son contrat - Faute grave - Licenciement - Action en paiement du préavis par l'employeur (non)

Résumé

L'employeur qui décide de faire usage de son pouvoir disciplinaire en licenciant une salariée pour faute grave ne peut réclamer le paiement du préavis à celle-ci qui n'a pas pris l'initiative de la rupture.

Une salariée embauchée en qualité de Maitre d'Hôtel est licenciée pour faute grave au motif qu'après une longue absence médicalement justifiée, elle ne s'est pas présentée pour le service du soir ce pour quoi elle a reçu un avertissement et « a persisté à exécuter anormalement son contrat de travail ». Son employeur l'a attrait devant le tribunal du travail en lui demandant le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts de trois mois de salaires bruts, pour désorganisation de l'entreprise, soutenant que la rupture dont il avait été contraint de prendre l'initiative était exclusivement imputable au comportement fautif adopté par la salariée. Celle-ci tenait l'acte introductif d'instance pour nul, de même que son licenciement qui aurait dû, en tant qu'ancienne déléguée du personnel, selon elle, être autorisé par la commission instituée par l'article 16 de la loi n° 639. Elle niait quelque désorganisation que ce soit et imputait à l'employeur seul la responsabilité de la rupture.

Le Tribunal du Travail écarte tout d'abord l'exception de nullité, les dispositions des articles 136 et 141 du Code de procédure civile n'étant pas applicables à la convocation des parties devant le Tribunal du Travail qui s'effectue par la voie postale à la diligence du secrétariat de la juridiction qui a, par ailleurs, dans ses convocations, satisfait aux prescriptions de l'article 37 de la loi n° 446 du 16 mai 1946. S'agissant du mandat allégué de délégué du personnel de la salariée, celui-ci n'ayant pas été prorogé de plein droit par l'absence de nouvelles élections qui auraient dû être organisées par l'employeur, la protection légale n'existe pas et le licenciement n'avait pas à être autorisé par la commission prévue à l'article 16, alinéa 1 de la loi n° 459. L'indemnité de préavis, malgré l'insubordination caractérisée dont s'est rendue coupable la salariée n'est pas à la charge de celle-ci, que l'employeur ne pouvait contraindre à démissionner et alors que c'est lui-même qui a décidé de faire usage de son pouvoir disciplinaire. La SAM Zebra Square n'est donc pas fondée à solliciter le paiement par sa salariée d'une indemnité compensatrice de préavis. Le préjudice allégué par l'employeur n'étant justifié par aucune pièce, il est débouté de sa demande. La salariée à qui reste dû un solde de congés payés que la faute grave ne supprime pas doit en être indemnisée ainsi que des frais par elle exposés.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 29 janvier 2004 reçue le 3 février 2004 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 16 mars 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE, en date des 22 avril 2004, 16 juin 2005, 17 novembre 2005 et 23 mars 2006 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Mademoiselle c. CH., en date des 14 avril 2005 et 6 octobre 2005 ;

Après avoir entendu Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE, et Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Mademoiselle c. CH., en leurs plaidoiries

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée à compter du 22 septembre 2000 par la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE en qualité de Maître d'Hôtel, selon contrat de travail à durée indéterminée, c. CH. a été licenciée de son emploi, après avoir été mise à pied à titre conservatoire le 19 janvier 2004, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le motif du licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture, de cette salariée, tel qu'il est invoqué dans cette correspondance, s'énonce comme suit :

« Mademoiselle,

» Vous avez repris votre travail le 15 janvier 2004, après une longue absence médicalement justifiée, munie du certificat d'aptitude délivré par le médecin du travail mais, ce jour là, après la coupure, vous ne vous « êtes pas présentée pour le service du soir, sans prévenir de votre absence.

» Depuis vous ne vous êtes présentée que pour le service du midi, sans fournir de justificatif à votre absence de la veille au soir.

« La première absence a fait l'objet d'un avertissement que je vous ai été adressé le 16 janvier 2004.

» Il s'avère que vous avez persisté à exécuter anormalement votre contrat de travail depuis le 15 janvier malgré notre courrier qui excluait la possibilité de réduction des horaires. Vous n'avez en outre donné aucune justification à ces absences répétées, qui désorganisent le service du soir.

« Cette modification unilatérale des conditions contractuelles d'exécution de votre contrat de travail et les abandons de poste répétés plusieurs soirs consécutifs m'obligent à vous notifier, par la présente, votre licenciement immédiat pour faute grave, sans préavis ni indemnité. ».

Soutenant que la rupture dont elle avait été contrainte de prendre l'initiative était exclusivement imputable au comportement fautif adopté par la salariée, la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 15 mars 2004, a attrait c. CH. devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

* 3.045,58 €, représentant un mois de salaire brut, à titre d'indemnité compensatrice de préavis en application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 729,

* 9.136,74 €, représentant trois mois de salaires bruts, à titre de dommages et intérêts, pour brusque rupture et désorganisation du service, outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la date de la notification de la rupture, s'agissant de la demande au titre du préavis.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu par leurs conseils.

Puis, après seize renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 22 juin 2006, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 28 septembre 2006.

La SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE fait valoir, à l'appui de ses prétentions, qu'en abandonnant son poste les 15 et 16 janvier 2004 après le service du midi, c. CH. a unilatéralement modifié les conditions d'exécution de son contrat de travail, passant outre au refus que lui avait formellement opposé son employeur par lettre en date du 12 janvier 2004.

Que cette faute grave a été immédiatement sanctionnée, compte tenu des perturbations importantes qu'elle a générées dans le fonctionnement de l'entreprise, dès le 19 janvier 2004 par le licenciement immédiat de l'intéressée, sans préavis ni indemnité de rupture.

La SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE soutient en premier lieu qu'il appartenait à c. CH., si ses conditions de travail ne lui convenaient plus, de prendre l'initiative de la rupture de son contrat de travail en démissionnant de son emploi.

Que dans cette hypothèse cette dernière aurait dû respecter, compte tenu de l'ancienneté dont elle disposait, en application des dispositions des articles 7 et 8 de la loi n° 729 un délai de préavis d'un mois.

Que ce délai n'ayant pas été observé, l'employeur est fondé à solliciter sa condamnation, sur le fondement des dispositions de l'article 11 de la loi n° 729, au paiement de la somme de 3.045,58 € représentant un mois de salaire, « correspondant au préavis qu'elle aurait dû effectuer si elle avait normalement fait usage du droit unilatéral de rupture qui lui est reconnu par l'article 6 de la loi susvisée, ladite somme devant en outre être assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification du licenciement ».

Qu'en effet si le second alinéa de l'article 11 de la loi n° 729 dispose certes que la faute grave dispense du préavis, cette disposition ne concerne que l'employeur.

Que par suite, l'«imputabilité de la rupture » étant en l'espèce « à charge de la salariée » (sic) sa faute « ne lui permet pas de se prévaloir d'une quelconque dispense d'obligation de préavis ».

La SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE prétend en second lieu qu'en décidant unilatéralement de modifier ses conditions de travail et de rompre ainsi brutalement son contrat de travail par un « grave défaut d'exécution » c. CH. a commis une faute, dont il lui appartient de réparer les conséquences.

Qu'en décidant en effet unilatéralement de ne travailler que le midi, alors que près de 80 % du chiffre d'affaires est réalisé lors du service du soir, c. CH. a non seulement perturbé sérieusement l'organisation du service du soir mais s'est également réservée un revenu disproportionné par rapport à ses collègues, alors que ceux-ci assumaient pourtant une charge de travail bien plus lourde que la sienne.

Qu'elle sollicite par suite en réparation de son préjudice l'allocation de dommages et intérêts, dont elle laisse à la présente juridiction le soin d'arbitrer le quantum, étant observé en tout état de cause qu'en limitant sa demande à trois mois de salaire elle a fait preuve d'une grande mesure.

Estimant quant à elle d'une part que l'acte introductif d'instance qui lui a été délivré n'est pas conforme aux dispositions des articles 136 et 141 du Code de Procédure Civile, d'autre part qu'elle bénéficiait, à la date d'effet de la rupture de la protection accordée par les dispositions de l'article 16 de la loi n° 639 aux délégués du personnel et enfin que les demandes formulées à son encontre s'avèrent en tout état de cause infondées, c. CH. demande à la présente juridiction :

* à titre principal de déclarer nulle la « demande introductive d'instance »,

* à titre subsidiaire de déclarer nuls et non avenus son licenciement et sa mise à pied, avec toutes les conséquences légales qui y sont attachées,

* à titre infiniment subsidiaire de débouter la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE de l'intégralité de ces prétentions.

Soutenant par ailleurs :

* qu'elle est elle-même créancière de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE d'une somme de 1.900 € représentant le montant de l'indemnité compensatrice afférente aux onze jours de congés payés qu'elle avait acquis à la date de la rupture,

* que la présente procédure revêt un caractère manifestement vexatoire et abusif,

c. CH. sollicite reconventionnellement la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 1.900 € susvisée, outre celle de 3.000 € à titre de dommages et intérêts.

Elle invoque, à ces diverses fins, les moyens suivants :

S'agissant de l'exception de nullité de la demande introductive d'instance :

* l'indication contenue dans le préliminaire de conciliation selon laquelle la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE est prise en la personne de son représentant légal en exercice ou de son mandataire dûment habilité n'est pas conforme aux dispositions des articles 136 et 141 du Code de Procédure Civile, tels qu'ils ont été interprétés par la Cour d'Appel dans un arrêt en date du 11 décembre 2001.

* l'acte introductif d'instance se trouve par suite entaché de nullité.

S'agissant de la nullité du licenciement pour violation des dispositions de l'article 16 de la loi n° 639 :

* elle a été élue en qualité de délégué du personnel le 12 juillet 2001,

* en l'absence de nouvelles élections, son mandat, dont la durée était initialement fixée à un an, s'est trouvé automatiquement prolongé, ainsi que le démontre le fait qu'elle ait continué à procéder aux vérifications de la répartition de la masse entre les salariés et à viser les feuilles de paie,

* compte tenu de la protection dont elle bénéficiait, son licenciement aurait donc dû être préalablement autorisé par la commission instituée par l'article 16 de la loi n° 639.

S'agissant du bien fondé des demandes dirigées à son encontre

a) Préavis

* l'employeur ayant lui-même expressément notifié à sa salariée par écrit le 19 janvier 2004 sa volonté de la licencier sans préavis le refus d'exécution du préavis n'est pas le fait du salarié mais celui de l'employeur, qui doit donc supporter les conséquences de sa décision.

b) Dommages et intérêts :

* compte tenu de la nature des fonctions qu'elle exerçait au sein de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE, exclusivement limitées à l'aspect commercial et relations publiques, son licenciement n'a pu concrètement désorganiser l'entreprise,

* la désorganisation alléguée n'est nullement démontrée,

* en prenant la décision de lui notifier son licenciement immédiat l'employeur porte, en tout état de cause, seul la responsabilité de cette éventuelle désorganisation,

* le véritable motif de la rupture de son contrat de travail réside dans le comportement ambigu adopté à son égard par Monsieur DE., dont elle a été contrainte de refuser les avances.

La SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE réplique pour sa part à ces divers arguments :

S'agissant de l'irrecevabilité de l'acte introductif d'instance :

* que les dispositions du Code de Procédure Civile sont, devant le Tribunal du Travail, d'application supplétive,

* qu'à partir du moment où la saisine de cette juridiction s'effectue par voie de convocation et non d'assignation les dispositions des articles 136 et 141 ne peuvent être utilement invoquées en l'espèce,

* qu'en tout état de cause, dans la requête introductive d'instance adressée le 29 janvier 2004, la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE a expressément mentionné le nom et la qualité de son représentant légal.

S'agissant de la nullité prétendue du licenciement :

* que la protection dont bénéficiait c. CH. en sa qualité de délégué du personnel a pris fin le 11 janvier 2003, soit plus d'un an avant la notification de son licenciement,

* que le fait que la société n'ait pas organisé de nouvelles élections professionnelles n'a pu prolonger le mandat de l'intéressée, alors que la loi, dont le caractère impératif et d'ordre public est indéniable, limite sa durée à une année,

* que le contrôle de la répartition de la masse auquel c. CH. a continué de procéder, postérieurement au terme de son mandat de délégué du personnel, n'était pas effectué dans l'intérêt de l'entreprise mais dans celui des autres salariés et ne saurait donc suffire à lui conférer un mandat implicite de délégué du personnel.

S'agissant des accusations de harcèlement formulées à l'égard de son employeur :

* que nul n'étant recevable à se délivrer de preuve à soi-même, l'auto attestation établie par c. CH. doit être écartée des débats,

* que le témoignage établi par Madame SP. est dépourvu de tout caractère probant dès lors que son auteur n'a effectué en tout et pour tout que huit services avec c. CH.,

* qu'en tout état de cause le contenu de ces deux attestations se trouve formellement contredit par les témoignages produits par ses soins aux débats, desquels il résulte que Monsieur DE. n'a jamais eu de comportement ambigu avec aucun de ses salariés.

SUR CE,

1) Sur l'exception de nullité de la demande introductive d'instance

En application de l'article 49 de la loi du 16 mai 1946, les dispositions de la première partie du livre 2 du Code de Procédure Civile ne s'appliquent, devant le Tribunal du Travail, que si elles n'ont « rien de contraire à ladite loi ».

Force est de constater en l'espèce que les dispositions des articles 136 et 141 du Code de Procédure Civile, sur lesquelles la partie défenderesse fonde son exception de nullité, concernent la validité des exploits en général et des assignations, c'est à dire des actes, notamment introductifs d'instance, signifiés par un Huissier de Justice.

La convocation des parties devant le Tribunal du Travail s'effectuant, conformément aux dispositions des articles 37 et 39 alinéa 2 de la loi du 16 mai 1946, devant le Bureau de Conciliation comme devant la formation de jugement, hormis l'hypothèse où la correspondance adressée au défendeur n'atteint pas son destinataire, par la voie postale à la diligence du secrétariat de la juridiction, les dispositions des articles 136 et 141 du Code de Procédure Civile ne peuvent recevoir application en l'espèce.

Dès lors, en tout état de cause :

* que dans la requête introductive d'instance qu'elle a adressée le 29 janvier 2004 au Tribunal du Travail la partie demanderesse a expressément mentionné sa forme (SAM) ainsi que le nom (Patrick DE.), et la qualité (président délégué) de son représentant légal,

* que la désignation du demandeur par le secrétaire du Tribunal du Travail dans la convocation en conciliation du 3 février 2004, si elle ne précise certes pas le nom et la qualité de son représentant légal, comporte en revanche l'indication de sa forme (SAM) de sa raison sociale (ZEBRA SQUARE) et de l'adresse de son siège social (13, Boulevard Princesse Charlotte) et satisfait par suite aux prescriptions de l'article 37 de la loi n° 446 du 16 mai 1946,

* que la violation éventuelle des dispositions de l'article 37 de la loi n° 446 n'est, en tout état de cause, pas sanctionnée par la nullité de l'acte introductif d'instance,

l'exception de nullité soulevée par la partie défenderesse n'est en définitive pas fondée et ne pourra par suite qu'être rejetée.

2) Sur l'exception de nullité du licenciement

En application des dispositions de l'article 16 de la loi n° 459 du 19 juillet 1947, tout licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, doit, à peine de nullité, être soumis à l'assentiment préalable d'une commission composée :

* de l'inspecteur du travail, Président,

* de deux représentants du syndicat patronal représentatif de la profession de l'employeur,

* de deux représentants du syndicat ouvrier représentatif de la profession du salarié.

Par ailleurs, conformément au 5e alinéa du texte susvisé, les anciens délégués du personnel bénéficient de cette protection durant une période de six mois à compter du jour de la cessation de leurs fonctions.

Il est constant en l'espèce que c. CH. a été élue, à l'issue du scrutin qui s'est déroulé le 12 juillet 2001, en qualité de délégué du personnel de la SAM ZEBRA SQUARE.

Qu'en application des dispositions de l'article 10 de la loi n° 459, la durée de son mandat était limitée à une année.

Si la SAM ZEBRA SQUARE, a certes contrevenu à l'obligation qui lui était impartie par l'article 1er de la l'Ordonnance 3285 du 15 septembre 1946 d'organiser, dans le mois précédant l'expiration du mandat de c. CH., une nouvelle élection, cette omission, nonobstant son caractère pénalement sanctionnable (le défaut d'organisation par l'employeur des élections du personnel constitue le délit prévu et réprimé par les articles 1er et 18 de la loi n° 459), n'a pu pour autant, en l'absence de dispositions législatives en ce sens, avoir pour effet de proroger de plein droit le mandat de délégué du personnel de l'intéressée.

La protection légale dont bénéficiait, en sa qualité de délégué du personnel, c. CH. ayant par suite pris fin le 12 janvier 2003, soit six mois après la cessation de ses fonctions, le licenciement de cette salariée n'était pas soumis à l'assentiment préalable de la commission prévue à l'alinéa 1er de l'article 16 de la loi n° 459.

La demande formée par c. CH. tendant à voir prononcer la nullité de la rupture de son contrat de travail, qui n'apparaît en définitive pas fondée, ne pourra par suite qu'être rejetée.

3) Sur la demande en paiement de l'indemnité de préavis formulée par la SAM ZEBRA SQUARE à l'encontre de c. CH.

Il est constant en droit que la durée du travail constitue, au regard des ses incidences sur la rémunération du salarié concerné, un élément essentiel du contrat de travail.

La modification de la durée de travail initialement convenue est ainsi subordonnée à l'accord des deux parties au contrat de travail.

En conséquence, quelles que soient les raisons invoquées, c. CH. ne pouvait unilatéralement décider de réduire de moitié son temps de travail, contractuellement fixé à 43 heures par semaine, en quittant son lieu de travail les 15 et 16 janvier 2004 après le service de midi.

Dans ces conditions, en passant outre au refus qu'avait clairement opposé son employeur, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 janvier 2004, à sa demande de travail à mi-temps en date du 8 janvier 2004, c. CH. s'est rendue coupable d'un acte d'insubordination caractérisée, que la SAM ZEBRA SQUARE a justement sanctionné par un licenciement pour faute grave.

En application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 le contrat de travail à durée indéterminée, qui peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties, prend fin au terme d'un délai de prévenance que doit respecter la partie qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail, communément désigné sous le terme de délai congé ou de préavis.

L'initiative de la rupture du contrat de travail de c. CH. n'incombant pas à la salariée, que nul ne pouvait valablement contraindre à démissionner de son emploi, mais à l'employeur, lequel a librement décidé de faire usage de son pouvoir disciplinaire en sanctionnant la violation par l'intéressée des règles de discipline de l'entreprise par un licenciement pour faute grave, le défaut d'exécution du préavis n'est en l'espèce pas imputable à la salariée mais à l'employeur, qui doit en conséquence supporter les conséquences de sa décision.

La SAM ZEBRA SQUARE, qui n'apparaît dans ces conditions pas fondée à solliciter le paiement par c. CH. d'une indemnité compensatrice de préavis, doit être en définitive déboutée de sa demande de ce chef.

4) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formulée par la SAM ZEBRA SQUARE à l'encontre de c. CH.

Dès lors qu'en choisissant, en toute connaissance de cause, de notifier à c. CH. la rupture immédiate de son contrat de travail sans préavis l'employeur porte seul la responsabilité de la désorganisation de son entreprise, dont la matérialité n'est au demeurant établie par aucun élément pertinent ou probant, la demande formulée par la SAM ZEBRA SQUARE tendant à rechercher la responsabilité personnelle de sa salariée, si elle est certes recevable, s'agissant d'un licenciement pour faute grave, n'apparaît en revanche pas fondée.

Force est de constater, en tout état de cause, que le préjudice allégué, évalué à la somme de 9.136,74 € représentant trois mois de salaires bruts, n'est justifié par aucune pièce.

Que la SAM ZEBRA SQUARE ne pourra donc qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

5) Sur les demandes reconventionnelles formulées par c. CH. à l'encontre de son employeur

a) Indemnité compensatrice de congés payés

En application des dispositions de l'article 16 de la loi n° 629 du 26 juillet 1956, lorsque le contrat de travail est résilié avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, celui-ci doit recevoir, au moment de la résiliation du contrat, une indemnité de congé payé déterminée conformément aux dispositions des articles 10 à 13 et 15 de ladite loi.

Dès lors au surplus :

* que la faute grave ne prive pas le salarié de son droit de bénéficier, au moment de la résiliation de son contrat, d'une indemnité compensatrice de congés payés,

* que la durée des droits à congés payés revendiqués par c. CH. (11 jours) n'est aucunement contestée par la demanderesse qui n'a pas conclu sur ce point,

il y a lieu d'accueillir favorablement la salariée en sa demande reconventionnelle, en condamnant la SAM ZEBRA SQUARE à lui payer la somme de 1.900 € sollicitée à ce titre.

b) Dommages et intérêts

En formulant à l'encontre de c. CH. des demandes qui se sont avérées à la fois injustifiées et infondées, la SAM ZEBRA SQUARE a fait un usage abusif de son droit d'ester en justice justifiant l'allocation au profit de son ancienne salariée, qui s'est trouvée dans l'obligation d'exposer des frais pour faire valoir ses droits devant la présente juridiction, de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Rejette les exceptions soulevées par c. CH. tendant à voir prononcer la nullité de la demande introductive d'instance d'une part et de son licenciement d'autre part.

Déboute la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE de l'intégralité de ses prétentions.

Reçoit c. CH. en ses demandes reconventionnelles.

Condamne la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE à payer à c. CH. les sommes suivantes :

* 1.900,00 euros, (mille neuf cent euros), à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 2.000,00 euros, (deux mille euros), à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.

Condamne la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE ZEBRA SQUARE aux entiers dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6260
Date de la décision : 28/09/2006

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Contrats de travail


Parties
Demandeurs : La SAM Zebra Square
Défendeurs : c. CH.

Références :

articles 37 et 39 alinéa 2 de la loi du 16 mai 1946
Code de Procédure Civile
article 16 de la loi n° 629 du 26 juillet 1956
article 49 de la loi du 16 mai 1946
article 16 de la loi n° 459 du 19 juillet 1947
article 37 de la loi n° 446 du 16 mai 1946
articles 136 et 141 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2006-09-28;6260 ?

Source

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