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23/02/2006 | MONACO | N°6228

Monaco | Tribunal du travail, 23 février 2006, n LI c/ la SAM Eaton


Abstract

Heures supplémentaires - Conditions de paiement - Licenciement d'un salarié en arrêt maladie - Préavis non exécuté - Preuve non rapportée de la nécessité du remplacement définitif du salarié - Licenciement abusif

Résumé

Seules les heures supplémentaires prouvées et accomplies avec l'accord de l'employeur doivent être payées. Le salarié licencié pour un motif autre qu'une faute grave a droit à un préavis dont la durée, aux termes de l'article 7 de la loi n° 729, résulte de la loi, du contrat de travail, du règlement intérieur, des Conventi

ons Collectives de Travail ou, à défaut, des usages.

Une assistante commerciale ayant 29 a...

Abstract

Heures supplémentaires - Conditions de paiement - Licenciement d'un salarié en arrêt maladie - Préavis non exécuté - Preuve non rapportée de la nécessité du remplacement définitif du salarié - Licenciement abusif

Résumé

Seules les heures supplémentaires prouvées et accomplies avec l'accord de l'employeur doivent être payées. Le salarié licencié pour un motif autre qu'une faute grave a droit à un préavis dont la durée, aux termes de l'article 7 de la loi n° 729, résulte de la loi, du contrat de travail, du règlement intérieur, des Conventions Collectives de Travail ou, à défaut, des usages.

Une assistante commerciale ayant 29 ans d'ancienneté est licenciée alors qu'elle se trouve en arrêt de travail et absente depuis plus d'un an. Elle demande notamment, devant le tribunal du Travail, le paiement d'heures supplémentaires, une indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour rupture abusive. Son employeur estime, quant à lui, que des heures supplémentaires n'étaient nullement nécessaires et que la procédure interne exigeait de toute façon une autorisation préalable et écrite de l'employeur qu'elle n'a pas obtenue. Ne pouvant, par ailleurs, effectuer son préavis, celui-ci n'est pas dû, d'autant que la salariée a été indemnisée par la CCSS et l'assureur.

La salariée est déboutée, par le Tribunal, de sa demande en paiement d'heures supplémentaires non préalablement autorisées par l'employeur. Sur le préavis, Le Tribunal rappelle que, dès lors qu'un salarié est licencié pour un motif autre qu'une faute grave, il a droit à un délai congé dont la durée résulte de la loi, du contrat de travail, du règlement intérieur, des Conventions Collectives de travail ou, à défaut, des usages. Il est, en l'espèce de deux mois. Dès lors cependant qu'il résulte des pièces médicales que la dame n LI ne pouvait effectuer ce préavis, du fait de son état de santé, celle-ci, qui a bénéficié des indemnités journalières pendant cette période, ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice. Si la question de l'indemnité de licenciement, compte tenu du plafonnement et de la règle du non cumul avec l'indemnité de congédiement qui lui a été versée, ne se pose pas, en revanche, celle de la mise en œuvre abusive de la rupture appelle un examen des motifs et des circonstances. Le fallacieux motif de la nécessité du remplacement de la salariée malade, l'absence d'entretien préalable, d'interrogation de la médecine du travail sur la durée prévisible de l'hospitalisation, montrent précipitation et légèreté de la mesure. Compte tenu de l'âge et de l'ancienneté de la salariée, le préjudice matériel et moral est évalué à la somme de 25.000 € par le Tribunal du Travail.

Motifs

P R I N C I P A U T E D E M O N A C O

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 23 FEVRIER 2006

En la cause de Madame n. LI., Agent administratif, demeurant : X à ROQUEBRUNE CAP MARTIN (06190),

demanderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice,

d'une part ;

Contre :

La SAM EATON, dont le siège est : 17, Avenue Prince Héréditaire Albert à MONACO (98000), prise en la personne de son représentant légal en exercice, ou de son mandataire dûment habilité,

défenderesse, ayant élu domicile en l'Etude de Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Carole PENARD, avocat au barreau de Grasse,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 13 janvier 2003 reçue le 15 janvier 2003 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 25 février 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Madame n LI, en date des 9 octobre 2003, 14 octobre 2004 et 9 juin 2005 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de la SAM EATON, en date des 29 janvier 2004 et 13 octobre 2005 ;

Après avoir entendu Maître Danièle RIEU, avocat au barreau de Nice, au nom de Madame n LI, et Maître Carole PENARD, avocat au barreau de Grasse, au nom de la SAM EATON, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée le 1er mars 1973 par la SAM EATON, n LI, qui exerçait en dernier lieu au sein du service clients de cet établissement les fonctions d'assistante commerciale, a été licenciée de son emploi par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 juillet 2002, dont le contenu s'avère le suivant :

« Madame,

» À la suite de nos récents entretiens téléphoniques nous vous « confirmons que nous sommes dans l'obligation de procéder à votre » licenciement.

« Comme nous vous l'avons expliqué, vous êtes absente depuis le » 5 juillet 2001 et il ne nous est plus possible de continuer à vous assurer « un emploi au sein d'EATON.

» Nous avons le regret de vous informer que la date de votre « licenciement prendra effet à la réception de ce courrier ».

Soutenant d'une part ne pas avoir reçu paiement, au cours de l'exécution de son contrat de travail, des heures supplémentaires effectuées par ses soins, d'autre part qu'en l'absence de faute grave elle ne pouvait valablement être privée du bénéfice du préavis et enfin qu'au regard tant du caractère fallacieux du motif invoqué que de la précipitation et de la brutalité dont son employeur avait fait preuve dans la mise en œuvre de la rupture, son licenciement revêtait un caractère abusif, n LI, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 24 février 2003, a attrait la SAM EATON devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, à l'effet d'obtenir :

1) l'allocation à son profit, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec intérêts de droit, des sommes suivantes :

* 4.000,00 €, à titre de maintien du salaire pendant la durée du préavis,

* 3.500,00 €, au titre des heures supplémentaires effectuées par ses soins au cours des cinq dernières années,

* 750,00 €, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente au rappel de salaires,

* 30.000,00 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

2) la délivrance, sous astreinte de 20,00 € par jour de retard, d'un certificat de travail conforme, portant comme date de départ le 26 septembre 2002.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu. Puis, après dix-neuf renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue le 12 janvier 2006 pour être le jugement rendu ce jour 23 février 2006.

n LI expose en premier lieu à l'appui de ses prétentions qu'elle a été amenée, dans le cadre du nouveau poste d'assistante commerciale qui lui a été attribué à compter du mois d'octobre 1998, à effectuer un certain nombre d'heures supplémentaires.

Qu'alors pourtant que ces heures correspondent à un travail réellement effectué dans l'intérêt de l'entreprise, avec l'accord explicite de l'employeur, ainsi qu'en atteste la signature apposée par Monsieur MA, Chef du service commercial sur chacun des relevés hebdomadaires établis par ses soins, la SAM EATON s'est refusée à en assurer le règlement, contrairement à la pratique antérieurement suivie lorsqu'elle exerçait les fonctions de secrétaire de direction.

Qu'elle est ainsi fondée à obtenir paiement par son employeur, à ce premier titre, de la somme de 2.563,67 €, à laquelle il convient d'ajouter l'indemnité de congés payés correspondante de 256,36 €, soit en définitive un total de 2.820,03 €.

n LI soutient en second lieu qu'à partir du moment où aucune faute grave ne lui a été reprochée par son employeur, ce dernier ne pouvait la priver du bénéfice du délai de préavis de trois mois accordé par le règlement intérieur de la société aux collaborateurs ayant atteint le niveau V.

Que par suite son licenciement, contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de rupture du 24 juillet 2002, ne pouvait valablement prendre effet que le 26 octobre 2002.

Qu'il y a lieu dans ces conditions d'ordonner sous astreinte la rectification de son certificat de travail en ce sens.

Qu'elle est en outre en droit de prétendre, en application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 729, même si elle n'était pas en mesure du fait de sa maladie d'exécuter son préavis, au paiement d'un complément mensuel de salaire de 1.722,00 €, représentant au total la somme de 3.444,00 €.

Qu'en effet, dès lors que le point de départ du délai de 1095 jours (3 ans) prévu par le contrat de prévoyance auquel a adhéré la SAM EATON ne peut être que le terme du contrat de travail, la fixation erronée par l'employeur au 24 juillet 2002 de la date d'effet de la rupture lui porte nécessairement préjudice.

Après avoir liminairement souligné que l'absence de réclamation formulée au titre de l'indemnité de licenciement ne constitue pas une reconnaissance implicite de la légitimité de cette mesure, n LI prétend que la SAM EATON a en l'espèce fait un usage particulièrement abusif de son droit unilatéral de rupture.

Elle fait valoir en substance à cet effet :

* que compte tenu de la règle de non cumul des indemnités de congédiement et de licenciement posée par l'article 3 de la loi n° 845, l'indemnité de licenciement à laquelle elle aurait pu prétendre se trouve en l'espèce réduite à rien, ou plutôt même à moins que rien,

* que la SAM EATON ne justifie pas des perturbations graves apportées au fonctionnement de l'entreprise par son absence prolongée, qui auraient nécessité son remplacement définitif à son poste de travail,

* qu'en soutenant au contraire avec force dans ses écritures que le poste d'assistante commerciale qu'elle occupait en dernier lieu avait été créé « en surnombre spécialement pour elle » cette dernière admet elle-même que son licenciement ne revêtait aucun caractère indispensable,

* que nonobstant l'obligation qui lui était impartie par le règlement intérieur, enregistré le 14 mai 1980, la SAM EATON ne l'a préalablement à son licenciement convoqué à aucun entretien,

* qu'aucun délai congé ne lui a été accordé,

* que la rupture de son contrat de travail a été mise en œuvre aussitôt que la période de protection dont elle bénéficiait, en sa qualité de délégué du personnel, a pris fin,

* que la SAM EATON, avant de prendre à son égard des mesures irréversibles, n'a pas pris la précaution élémentaire consistant à interroger la médecine du travail sur la durée prévisible de sa maladie, alors pourtant que le dernier arrêt de travail qui lui avait été prescrit avant son licenciement expirait le 27 juillet 2002.

Soutenant que la précipitation, la légèreté et la brutalité dont la SAM EATON a fait preuve en l'espèce lui ont causé un préjudice non seulement matériel, lequel résulte notamment des difficultés rencontrées pour obtenir le recouvrement des sommes qui lui étaient dues par la Caisse de Prévoyance, mais aussi moral, le licenciement dont elle a fait l'objet ayant incontestablement aggravé son état dépressif et prolongé, sans aucun doute, sa maladie dont elle ne se remettra peut-être plus, n LI demande en définitive à la présente juridiction de condamner son employeur à lui verser à ce titre la somme de 30.000,00 €, laquelle n'apparaît au regard de son âge (55 ans) et de son importante ancienneté (29 ans et demi) nullement excessive.

Estimant pour sa part d'une part qu'à défaut d'avoir obtenu l'autorisation écrite préalable de son employeur n LI ne peut obtenir le paiement des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies, d'autre part qu'à partir du moment où cette dernière se trouvait dans l'incapacité du fait de sa maladie d'exécuter son préavis, aucune indemnité ne lui est due à ce titre, et enfin qu'à défaut d'avoir démontré le caractère abusif de son licenciement n LI ne peut prétendre à l'allocation de dommages et intérêts, la SAM EATON conclut au rejet de l'intégralité des demandes formées à son encontre.

Elle invoque à ces diverses fins les moyens suivants :

* S'agissant des heures supplémentaires :

* le service clients n'ayant à faire face à aucune surcharge de travail, les heures revendiquées par n LI ne revêtaient aucune utilité pour l'entreprise,

* en tout état de cause la procédure interne à l'entreprise, applicable à compter du 15 juin 1998, dont n LI en sa qualité de délégué du personnel avait nécessairement eu connaissance subordonnait le paiement des heures supplémentaires revendiquées par cette salariée à l'existence d'une autorisation écrite préalable de l'employeur, que cette dernière ne justifie pas avoir obtenue, la signature apposée par son supérieur hiérarchique sur ses plannings se trouvant à cet égard dépourvue de toute portée,

* S'agissant du préavis :

* n LI, qui se trouvait durant toute la période concernée en arrêt de travail pour maladie, n'était pas en mesure d'effectuer son préavis et ne peut donc revendiquer paiement d'aucune contrepartie,

* cette dernière, qui a été en tout état de cause indemnisée du 26 juillet au 26 septembre 2002 par la CCSS et l'Assureur, ne saurait revendiquer un second règlement à ce titre,

* S'agissant du caractère abusif du licenciement :

* à défaut d'avoir revendiqué le paiement de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845, n LI ne peut remettre en cause la validité du motif de son licenciement,

* en tout état de cause l'argumentation développée à cet effet par la salariée, qui repose sur une jurisprudence française, est en l'espèce inopérante,

* dès lors que l'examen des correspondances échangées entre la demanderesse et l'assureur gérant le contrat de prévoyance EATON démontre que cette dernière est demeurée en arrêt de maladie jusqu'au 22 décembre 2003, l'affirmation de n LI selon laquelle elle aurait très bien pu rester dans l'entreprise revêt un caractère manifestement erroné,

* la notification à n LI de son licenciement n'a été ni soudaine, ni brutale, puisque son employeur a pris la précaution :

* de prendre contact avec elle téléphoniquement le 19 juillet 2002, comme l'atteste d'ailleurs l'intéressée elle-même dans sa lettre du 26 octobre 2002,

* d'informer de ses intentions le compagnon de n LI ainsi que le service dans lequel elle se trouvait hospitalisée,

* les avis d'aptitude délivrés sans réserve à n LI les 7 octobre 1999 et 30 novembre 2000 par le médecin du travail démontrent que les problèmes psychologiques rencontrés par cette dernière, et notamment son hospitalisation en milieu psychiatrique, n'étaient pas imputables à ses conditions de travail,

* le poste d'assistante commerciale qu'elle occupait en dernier lieu ayant été créé en surnombre spécialement pour elle, n LI n'a eu à faire face à aucun surcroît de travail,

* le règlement intérieur du 23 février 1993, qui a remplacé celui élaboré en mai 1980, n'impose à l'employeur de convoquer le salarié à un entretien préalable que lorsque le licenciement envisagé revêt un caractère disciplinaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

* le fait qu'il ait été mentionné dans la lettre de rupture que le licenciement prendrait effet le jour de la réception de cette correspondance ne sous entendait nullement que l'employeur entendait priver la salariée du bénéfice de son préavis,

* l'employeur, qui a fait diligence auprès de l'organisme de prévoyance, en intervenant à plusieurs reprises pour accélérer le règlement, ne peut être tenu pour responsable du retard de deux mois pris par ce dernier dans le règlement des indemnités revenant à n LI,

* n LI, qui a bénéficié grâce au contrat souscrit par son employeur du maintien à 100 % de son traitement jusqu'au 22 décembre 2003 au moins, n'a subi du fait de son licenciement aucune diminution de ses revenus et ne justifie donc d'aucun préjudice.

n LI réplique à ces divers arguments :

* que seules les heures supplémentaires « prévisibles », ensuite notamment de l'absence d'un autre salarié, peuvent faire l'objet d'une autorisation préalable de l'employeur,

* qu'en ne lui adressant aucune remise à l'ordre son employeur l'a tacitement autorisée à exécuter les heures supplémentaires dont elle réclame le paiement,

* que la clause du règlement intérieur du 14 mai 1980 prévoyant un entretien préalable à tout licenciement constituait, en l'absence de dénonciation individuelle, un droit acquis pour les salariés qui demeuraient en fonction dans l'entreprise à la date d'entrée en vigueur du nouveau règlement intérieur en date du 23 février 1993.

SUR CE,

1) Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Il est constant en droit qu'il appartient au salarié qui soutient avoir accompli des heures supplémentaires dont il n'a pas obtenu paiement par son employeur d'en rapporter la preuve.

Que par ailleurs seules les heures supplémentaires accomplies avec l'accord de l'employeur peuvent donner lieu à rémunération.

En l'espèce il résulte du procès-verbal de compte rendu de la réunion tenue le 20 mai 1998 entre les représentants de la direction de la SAM EATON et les délégués du personnel de cette société, à laquelle participait notamment, à ce dernier titre, n LI :

* que toutes les heures supplémentaires effectuées au cours des années 1996 et 1997 devront impérativement être récupérées avant le 31 décembre 1998,

* que les heures supplémentaires effectuées par le personnel à compter du 15 juin 1998 ne seront, exception faite du personnel de production, payées qu'à la condition d'avoir été préalablement autorisées, cette autorisation étant délivrée par le chef de service sur un formulaire spécifique, intitulé « Autorisation des heures supplémentaires – Personnel indirect », comportant, entre autres mentions, l'indication du motif de l'accomplissement desdites heures.

Pour pouvoir prétendre au paiement par la SAM EATON des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies entre le 19 octobre 1998 et le 4 juillet 2001, n LI doit donc démontrer que lesdites heures ont été préalablement autorisées par son employeur.

Force est de constater toutefois que cette preuve n'apparaît en l'espèce nullement rapportée.

Qu'en effet dès lors qu'elle se trouve apposée sur des documents (édition des compteurs en cumul) établis à la fin de chaque semaine de travail destinés à contrôler l'application, au sein de chaque service, de la flexibilité de leur horaire de travail instituée par l'employeur au bénéfice des salariés dans la limite hebdomadaire de trois heures, la signature de Monsieur NA, Chef de service, ne saurait avoir pour effet de valider à posteriori d'éventuelles heures supplémentaires qui auraient été effectuées, sans son autorisation préalable, par n LI.

Que cette analyse se trouve au surplus confortée par la présence, parmi les pièces produites par n LI, d'un certain nombre de formulaires d'autorisation d'heures supplémentaires la concernant, établis dans les formes prescrites par le procès-verbal susvisé, lesquels démontrent :

* que n LI connaissait parfaitement la procédure en vigueur au sein de la société,

* que les quelques heures supplémentaires qui ont été effectuées par l'intéressée après obtention de l'autorisation préalable de son employeur lui ont été intégralement rémunérées par ce dernier.

Enfin, si l'acceptation sans protestation ni réserve du salaire n'implique certes pas renonciation du salarié à ses droits, la présente juridiction ne peut toutefois que s'étonner qu'un salarié, investi d'un mandat de délégué du personnel et informé comme tel de ses droits, n'ait sollicité le paiement d'heures supplémentaires accomplies par ses soins d'octobre 1998 à juillet 2001 que postérieurement à son licenciement.

n LI doit être par suite déboutée des demandes qu'elle a formées à ce titre.

2) Sur les demandes au titre du préavis

Il résulte des termes de la lettre de notification de la rupture en date du 24 juillet 2002, dont le contenu a été ci-dessus intégralement reproduit, que n LI, qui disposait alors d'une ancienneté au service de la SAM EATON supérieure à vingt-neuf années, a été licenciée pour un motif autre qu'une faute grave.

Que cette dernière est dès lors en droit de prétendre à un délai congé dont la durée, aux termes de l'article 7 de la loi n° 729, résulte de la loi, du contrat de travail, du règlement intérieur, des Conventions Collectives de Travail ou à défaut des usages.

À l'appui de sa demande tendant à voir fixer à trois mois la durée de son préavis, n LI excipe des dispositions de l'article 8 du règlement intérieur de la SAM EATON établi le 16 mai 1980.

Dès lors toutefois :

* que ce règlement intérieur n'était plus en vigueur à la date du licenciement de n LI,

* qu'il avait en effet été remplacé par un nouveau règlement, approuvé sans observation par l'inspection du travail le 23 février 1993,

* que ce nouveau règlement ne comporte aucune disposition relative à la durée du préavis,

la durée du délai congé applicable à n LI doit être fixée, conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi n° 729, compte tenu de son ancienneté de services (29 ans), à deux mois.

Le contrat de travail de n LI ayant pris fin, au terme du préavis, soit en l'espèce le 26 septembre 2002, en délivrant à l'intéressée un certificat de travail pour la période du 1er juillet 1973 au 26 juillet 2002 la SAM EATON a contrevenu aux dispositions de l'article 6 de la loi précitée.

Il convient en conséquence d'ordonner à ladite société de délivrer à n LI, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, un nouveau certificat de travail portant comme date de départ de l'entreprise le 26 septembre 2002, en assortissant en outre cette condamnation d'une astreinte de 15 € par jour de retard.

Il est constant pour le surplus que durant la période de préavis chacune des parties doit continuer à exécuter les obligations découlant du contrat de travail.

Que l'employeur doit donc fournir du travail à son salarié, tandis que ce dernier est tenu pour sa part d'exécuter normalement l'activité pour laquelle il a été embauché dans les conditions définies au contrat de travail.

Dès lors qu'il résulte en l'espèce des pièces médicales produites au dossier que n LI se trouvait dans l'impossibilité d'effectuer son préavis du fait de son état de santé, cette dernière, qui a au demeurant bénéficié grâce aux indemnités journalières servies par la CCSS d'une part et aux prestations servies par la Compagnie AREAS CMA en exécution du contrat de prévoyance souscrit par son employeur d'autre part, du maintien pendant la période du 26 juillet au 26 septembre 2002 de sa rémunération, ne peut prétendre au paiement par la SAM EATON d'aucune indemnité compensatrice et doit donc être déboutée de sa demande à ce titre.

3) Sur le caractère abusif du licenciement

En application des dispositions de l'article 13 de la loi n° 729 le salarié qui estime avoir été victime d'une rupture abusive de son contrat de travail est fondé à obtenir le paiement par son employeur de dommages et intérêts.

Il lui appartient dans cette hypothèse de prouver, outre le préjudice subi, l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le congédiement a été donné.

Si n LI n'a certes pas sollicité paiement dans sa requête introductive d'instance de l'indemnité de licenciement, laquelle, compte tenu du plafonnement à six mois de salaire institué par l'alinéa 3 de l'article 2 de la loi n° 845 d'une part et de la règle de non cumul posée par l'article 3 de la loi précitée d'autre part, se trouve en l'espèce totalement absorbée et même dépassée par l'indemnité conventionnelle de congédiement qui lui a été versée à concurrence de la somme de 16.535,02 € par la SAM EATON, elle n'a pas pour autant renoncé à faire constater, à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, que la rupture de son contrat de travail était fondée sur de faux motifs (TPI : LION c/ SBM – 12 juillet 2001).

La SAM EATON justifie dans la lettre de notification de la rupture et dans ses écritures déposées devant la présente juridiction sa décision de mettre un terme au contrat de travail de n LI par l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée, compte tenu de la durée de l'absence de cette salariée, de continuer à lui assurer un emploi au sein de l'entreprise.

L'employeur qui entend, à l'expiration de la période de suspension du contrat de travail prévue par l'article 16 de la loi n° 729, licencier un salarié devant justifier d'un motif objectif de rupture non fondé sur l'état de santé, il incombe à la SAM EATON d'établir l'« obligation » dans laquelle elle se serait trouvée de mettre un terme au contrat de travail de n LI.

Dès lors qu'il résulte des écritures judiciaires déposées par l'employeur dans le cadre de la présente instance :

* que n LI se trouvait affectée depuis le 1er octobre 1998 sur un poste d'assistante commerciale créé spécialement pour elle, EN SURNOMBRE au sein du service clientèle,

* qu'ensuite de cette mutation, ledit service « qui fonctionnait normalement avec deux assistantes commerciales », disposait depuis le 1er octobre 1998 d'un effectif composé de trois personnes,

* que le poste occupé par n LI ne générait depuis le 10 janvier 2002 aucun coût financier pour l'entreprise, puisque le maintien de sa rémunération mensuelle garantie à l'intéressée était assuré à compter de cette date à concurrence de 50 % chacune par la CCSS d'une part et par la Cie de Prévoyance AREAS CMA d'autre part, l'employeur se limitant pour sa part à faire l'avance de ces sommes à sa salariée que les organismes susvisés lui réglaient ensuite directement, dans le cadre d'une subrogation,

la SAM EATON ne rapporte pas la preuve des perturbations qu'aurait apportées au fonctionnement de l'entreprise l'absence prolongée de n LI et ne justifie par suite nullement de la nécessité dans laquelle elle se serait soudainement trouvée, le 24 juillet 2002, de procéder à son remplacement définitif.

Le motif qu'elle a invoqué à l'appui de la rupture du contrat de travail de n LI revêt donc dans ces conditions un caractère fallacieux.

Si le règlement intérieur en vigueur à la date du licenciement n'imposait certes pas à la SAM EATON de convoquer n LI à un entretien préalablement à la mise en œuvre de cette mesure, il n'en demeure pas moins que l'employeur était en l'espèce pleinement informé, par les certificats médicaux d'arrêt de travail qui lui étaient régulièrement adressés par sa salariée et par les correspondances qui y étaient jointes et qu'il produit lui-même aux débats, de l'hospitalisation de n LI dans un service de psychiatrie, ainsi que du désarroi extrême dans lequel celle-ci se trouvait alors.

Par suite en procédant, alors qu'aucune circonstance particulière ne l'y contraignait, au congédiement en plein mois de juillet d'une salariée disposant de 29 années d'ancienneté qui se trouvait hospitalisée en milieu psychiatrique, sans aucune précaution – les services de la médecine du travail n'ayant été interrogés ni sur la durée prévisible de l'hospitalisation de n LI ni sur les éventuelles incidences sur son état de santé de l'annonce de son licenciement - la SAM EATON a agi avec une grande précipitation doublée d'une évidente légèreté, lesquelles, combinées avec le caractère fallacieux du motif invoqué, confèrent au licenciement intervenu un caractère doublement abusif.

n LI démontre, en versant aux débats le certificat qui lui a été délivré le 15 octobre 2002 par le Docteur RI, Chef de service Adjoint du service de psychiatrie du CHPG, que l'annonce de son licenciement en cours d'hospitalisation a constitué un facteur aggravant à l'égard de la symptomatologie anxio-dépressive dont elle était atteinte et a ainsi vraisemblablement contribué à l'allongement de la durée de son séjour hospitalier.

Elle justifie ainsi en premier lieu d'un incontestable préjudice moral.

Par ailleurs, si n LI a certes bénéficié dans un premier temps grâce au contrat de prévoyance souscrit par son employeur auprès de la Cie AREAS CMA du maintien de ses revenus, il résulte toutefois des pièces produites aux débats que ces prestations ont pris fin le 30 avril 2004.

n LI a donc également subi, consécutivement à son licenciement, un préjudice matériel.

Compte tenu de l'âge (55 ans) et de l'ancienneté de services (29 ans) de n LI à la date de la rupture, le préjudice matériel et moral subi par cette salariée sera équitablement réparé par l'allocation à son profit de la somme de 25.000,00 €, à titre de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré,

Dit que le contrat de travail de n LI au sein de la SAM EATON a pris fin le 26 septembre 2002, au terme du préavis.

Enjoint par suite à la SAM EATON de délivrer à n LI, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 15 € par jour de retard, un nouveau certificat de travail portant comme date de départ de l'entreprise le 26 septembre 2002.

Dit que le licenciement de n LI par la SAM EATON revêt un caractère abusif.

Condamne la SAM EATON à payer à n LI la somme de :

1. 000,00 euros, (vingt-cinq mille euros), à titre de dommages et intérêts.

Déboute n LI du surplus de ses prétentions.

Condamne la SAM EATON aux entiers dépens.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, Palais de Justice, le vingt trois février deux mille six, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Premier Juge chargé de la Justice de Paix, Président, Madame Catherine LECLERCQ-HUTTER, Monsieur Marc ROSSI, membres employeurs, Messieurs Jean-Pierre AMRAM, Philippe RION, membres salariés, assistés de Madame Catherine CATANESE, Secrétaire en Chef.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6228
Date de la décision : 23/02/2006

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Protection sociale


Parties
Demandeurs : n LI
Défendeurs : la SAM Eaton

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2006-02-23;6228 ?

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