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19/01/2006 | MONACO | N°6222

Monaco | Tribunal du travail, 19 janvier 2006, j.-m. GA. c/ La Société Anonyme Monaco International Computer (SAMIC)


Abstract

Utilisation, pendant le temps de travail, par un cadre, à des fins personnelles de l'outil informatique, pendant la moitié de la durée quotidienne du travail - Faute grave - Licenciement sans préavis ni indemnité justifié

Résumé

L'utilisation, à raison de quatre heures par jour en moyenne, par un cadre, du réseau internet à des fins personnelles, constitue une faute grave rendant impossible le maintien pendant la durée du préavis.

Un analyste programmeur embauché le 15 avril 2002 est licencié pour faute grave, par lettre du 16 septembre 2004,

pour avoir passé, contrairement à ses affirmations, plus de 50% de son temps de trava...

Abstract

Utilisation, pendant le temps de travail, par un cadre, à des fins personnelles de l'outil informatique, pendant la moitié de la durée quotidienne du travail - Faute grave - Licenciement sans préavis ni indemnité justifié

Résumé

L'utilisation, à raison de quatre heures par jour en moyenne, par un cadre, du réseau internet à des fins personnelles, constitue une faute grave rendant impossible le maintien pendant la durée du préavis.

Un analyste programmeur embauché le 15 avril 2002 est licencié pour faute grave, par lettre du 16 septembre 2004, pour avoir passé, contrairement à ses affirmations, plus de 50% de son temps de travail à consulter chaque jour des sites n'ayant aucun rapport avec son activité professionnelle, enfreignant ainsi la charte informatique. Soutenant que les griefs invoqués ne constituaient ni une faute grave, ni même un motif valable de licenciement, il avait attrait son employeur devant le Tribunal du travail, en sollicitant des indemnités de préavis, licenciement et des dommages et intérêts. Ce dernier, pour justifier la mesure, invoquait le manquement à la charte informatique connue du salarié et les fausses déclarations de celui-ci, selon lesquelles il consacrait tout son temps à son activité professionnelle.

Le Tribunal du travail, après avoir analysé le courrier contestant le bien-fondé de son licenciement, adressé par le salarié à son employeur, comme une dénonciation valable, bien que non motivée, du reçu pour solde de tout compte, retient la faute grave constituée par l'usage intensif du réseau internet à des fins étrangères à l'activité professionnelle. En raison du caractère mensonger de ses déclarations et de son statut de cadre, l'utilisation à des fins personnelles pendant 4 heures par jour en moyenne, soit la moitié de la durée quotidienne du travail, constitue une faute grave rendant impossible le maintien du salarié pendant la durée même limitée du préavis. Le salarié est ainsi débouté de l'ensemble de ses demandes.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 13 décembre 2004 reçue le 15 décembre 2004 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 15 février 2005 ;

Vu les conclusions déposées par Monsieur j.-m. GA., en personne, en date des 21 avril 2005 et 30 juin 2005 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monaco International Computer, en abrégé SAMIC, en date des 16 juin 2005 et 27 octobre 2005 ;

Ouï Monsieur j.-m. GA., en personne, en ses observations et explications ;

Ouï Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la Société Anonyme Monaco International Computer, en abrégé SAMIC, en sa plaidoirie ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauché à compter du 15 avril 2002 par la Société Anonyme Monaco International Computer, en abrégé SAMIC, en qualité d'analyste programmeur, selon contrat de travail en date du 15 avril 2002, j.-m. GA. a été licencié de cet emploi, pour faute grave, par une lettre datée du 16 septembre 2004 dont un exemplaire lui a été remis en main propre le même jour.

Les motifs de ce congédiement, tels qu'ils sont exposés dans cette correspondance, s'énoncent comme suit :

« Lors d'un entretien, le 24 août 2004, vos responsables hiérarchiques vous ont confié des responsabilités de développements sur le produit PGI en plus de vos activités habituelles. Vous avez déclaré lors de cet entretien relever le défi.

» Depuis cette date, vous avez déclaré sur notre outil de saisie d'activité que vous consacriez toutes vos journées à ces nouveaux développements. Hors (sic), il est apparu lors du dernier contrôle mensuel de la consommation de notre outil Internet que vous aviez un niveau très élevé, sans aucun rapport avec le type de travail que vous devez effectuer.

« Après analyse de la période du 24 août à ce jour, nous avons pu constater que vous passiez plus de 50 % de votre temps de travail à consulter chaque jour des sites n'ayant aucun rapport avec l'activité professionnelle de la Samic. En tant que tel, vous avez exposé notre système d'information en consultant des sites susceptibles de contaminer nos programmes et notre réseau interne et ainsi fait courir à notre clientèle des risques inacceptables.

» En agissant ainsi, vous avez, par ailleurs, enfreint les consignes de notre charte informatique stipulant que l'usage d'Internet devait être strictement professionnel.

« L'insuffisance professionnelle avérée, ces fausses déclarations, ce manque de loyauté caractérisé et ces agissements quotidiens et répétés ont entraîné de graves dysfonctionnements au sein du service dans lequel vous travaillez.

» Lors de l'entretien que nous avons eu ce 16 septembre 2004, vous avez reconnu ces faits.

« Compte tenu de la gravité d'un tel comportement, nous ne pouvons pas envisager votre maintien dans l'entreprise. Le licenciement prend donc effet dès présentation de ce courrier, sans préavis, ni indemnité. ».

Soutenant d'une part que les griefs invoqués à son encontre par son employeur ne constituent ni une faute grave, ni même un motif valable de licenciement et d'autre part que la rupture de son contrat de travail revêt en tout état de cause un caractère abusif, j.-m. GA., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 14 février 2005, a attrait la SAM SAMIC devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

* 5.210,00 €, à titre d'indemnité de préavis,

* 521,00 €, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente au préavis,

* 520,00 €, à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 15.000,00 €, à titre de dommages et intérêts.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après cinq renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 1er décembre 2005 à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 19 janvier 2006.

j.-m. GA. fait valoir en substance à l'appui de ses prétentions que l'utilisation par ses soins du réseau Internet pendant le temps de son travail au vu et au su de tout le monde s'explique par la situation de désœuvrement dans laquelle il se trouvait, son employeur l'ayant progressivement déchargé des tâches qui lui étaient confiées en lui demandant simultanément d'effectuer des travaux qu'il ne pouvait mener à bien, faute de disposer du matériel adapté.

Il conteste par ailleurs avoir fait courir le moindre risque aux clients de la SAM SAMIC, les virus se propageant de PC à PC alors que les programmes qu'il avait pour mission de développer fonctionnaient quant à eux sur des ordinateurs de type AS 400.

Il souligne enfin n'avoir fait l'objet, antérieurement à son licenciement, d'aucun avertissement ni d'aucune mise à pied, son employeur l'ayant au contraire fait bénéficier d'une promotion (accès à la catégorie professionnelle des cadres) d'augmentations de salaire et de primes de résultats.

Il demande par suite à la présente juridiction de faire droit à l'intégralité de ses prétentions, telles qu'elles ont été reproduites ci-dessus.

La SAM SAMIC conclut pour sa part à titre principal à l'irrecevabilité et à titre subsidiaire à l'entier débouté des demandes formées à son encontre par j.-m. GA..

Elle invoque à ces diverses fins les moyens suivants :

* le courrier sollicitant une solution amiable au litige opposant les parties, qui lui a été adressé le 27 septembre 2004 par le conseil de Monsieur GA., ne pouvant être considéré comme une dénonciation régulière du reçu pour solde de tout compte, ce dernier est aujourd'hui forclos en ses demandes,

* en utilisant à des fins personnelles le réseau Internet pendant son temps de travail alors qu'il reconnaît expressément avoir eu connaissance de la charte prohibant formellement un tel usage, j.-m. GA. a commis une faute grave justifiant son licenciement immédiat,

* en indiquant par ailleurs à son employeur qu'il consacrait toutes ses journées au développement du produit PGI, alors qu'il passait en réalité le plus clair de son temps à consulter le réseau Internet à des fins personnelles, j.-m. GA. a en outre effectué de fausses déclarations,

* si dans un premier temps pour parer au plus pressé les dossiers confiés à j.-m. GA. ont certes été répartis entre plusieurs collaborateurs, la société a par la suite procédé à l'embauche de deux personnes.

SUR CE,

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée par la SAM SAMIC aux demandes de j.-m. GA.

À l'appui de sa fin de non-recevoir la SAM SAMIC soutient que les demandes formées par j.-m. GA. devant la présente juridiction seraient forcloses à défaut pour celui-ci d'avoir régulièrement dénoncé dans le délai de deux mois qui lui était imparti à cet effet, le reçu pour solde de tout compte qu'il a délivré le 16 septembre 2004 à son employeur.

Si le reçu délivré le 16 septembre 2004 par j.-m. GA. à la SAM SAMIC satisfait certes aux conditions exigées par l'article 7 de la loi n° 638 en ce qu'il comporte :

* la mention « pour solde de tout compte » écrite de sa main suivie de sa signature et dépourvue de la moindre réserve,

* l'indication en termes clairs et explicites du délai imparti à une déforclusion au salarié pour le dénoncer, et de la forme à respecter pour y procéder (dénonciation motivée par lettre recommandée),

* la mention de ce qu'il est établi en double exemplaire,

force est de constater toutefois que ledit reçu contrairement à ce que soutient erronément la SAM SAMIC, a bien été dénoncé le 27 septembre par le salarié.

Qu'en effet le courrier adressé le 27 septembre 2004, pour le compte de j.-m. GA., par Maître DELPLANCKE, Avocat au Barreau de Nice, à la SAM SAMIC aux termes duquel ce dernier indique expressément d'une part que son client conteste le bien fondé de son licenciement et d'autre part qu'à défaut de solution amiable, il sera amené à saisir la juridiction compétente, ne peut s'analyser autrement que comme une dénonciation par le salarié de son reçu pour solde de tout compte.

Que par ailleurs, si cette dénonciation n'est certes pas « dûment motivée », en ce qu'elle se borne à contester le bien fondé du licenciement intervenu, la forclusion instaurée par l'article 7 de la loi n° 638 ne peut toutefois trouvée à s'appliquer, par définition que dans le cas où le délai de dénonciation n'est pas observée, à l'exclusion de la forme que doit revêtir cette dénonciation (Tribunal de Première Instance 1996 DU. c/ LABORATOIRES ASEPTA).

Que par suite aucune fin de non-recevoir ne peut être opposée en l'absence de texte, à la dénonciation par j.-m. GA. de son reçu pour solde de tout compte.

2) Sur les demandes en paiement du préavis, des congés payés sur le préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement (en réalité congédiement)

Alors que la charte de l'utilisateur pour l'usage de ressources informatiques et de services Internet, en vigueur au sein de la SAMIC, dont j.-m. GA. a expressément admis dans ses écritures judiciaires avoir pris connaissance, précise que « l'utilisation des ressources informatiques et l'usage des services Internet ainsi que du réseau pour y accéder ne sont autorisés que dans le cadre exclusif de l'activité professionnelle des utilisateurs ; il résulte des pièces produites aux débats par la société défenderesse que l'intéressé a fait usage du réseau Internet à des fins étrangères à son activité professionnelle :

* durant 4 h 33 mn le 24 août 2004,

* durant 3 h 13 mn le 25 août 2004,

* durant 3 h 21 mn le 26 août 2004,

* durant 4 h 51 mn le 27 août 2004,

* durant 4 h 07 mn le 30 août 2004,

* durant 2 h15 mn le 31 août 2004,

* durant 5 h 40 mn le 1er septembre 2004,

* durant 6 h 05 mn le 2 septembre 2004,

* durant 3 h 03 mn le 6 septembre 2004,

* durant 6 h 07 mn le 7 septembre 2004,

* durant 5 h 11 mn le 8 septembre 2004,

* durant 4 h 37 mn le 9 septembre 2004,

* durant 3 h 15 mn le 10 septembre 2004,

* durant 5 h 02 mn le 13 septembre 2004.

Que par ailleurs j.-m. GA. ne conteste pas avoir durant la période susvisée, déclaré officiellement sur l'outil dénommé NIKU destiné à l'enregistrement et à la planification des tâches en cours de réalisation et à réaliser qu'il » consacrait « toutes ses journées » aux nouveaux développements du produit PGI « dont son employeur lui avait confié la charge en août 2004 et qu'il avait accepté en confirmant sa volonté de » relever le défi «.

Que par suite, en l'état du caractère mensonger de ses déclarations d'une part et de son statut de cadre d'autre part, l'utilisation régulière par j.-m. GA. du réseau Internet à des fins personnelles pendant la période du 24 août 2004 au 13 septembre 2004, à raison de quatre heures par jour en moyenne, soit la moitié de la durée quotidienne du travail, constitue bien une faute grave rendant impossible son maintien quand bien même il aurait donné satisfaction jusque là à son employeur, son maintien au sein de l'entreprise même pendant la durée limitée au préavis.

Si j.-m. GA. soutient certes :

* qu'il aurait utilisé à des fins personnelles le réseau Internet au vu et au su de tout le monde, et notamment de ses supérieurs hiérarchiques,

* que cette utilisation aurait été effectuée pour » tromper l'ennui «, le travail dont il était chargé s'étant avéré à la fois inintéressant et quantitativement insuffisant,

force est de constater toutefois qu'aucune de ces affirmations ne se trouve corroborées par la moindre pièce.

Qu'ainsi j.-m. GA. n'a été en mesure de produire aucun témoignage émanant de salariés de l'entreprise, attestant du caractère » public " de l'utilisation par ses soins à des fins personnelles du réseau Internet.

Que de même il ne justifie pas davantage avoir avisé verbalement ou par écrit son employeur de son état de désœuvrement et réclamé l'attribution de nouvelles compétences.

L'existence de la faute grave commise par ses soins le privant du bénéfice du préavis, en ce compris les congés payés y afférents et de l'indemnité de congédiement (erronément qualifiée d'indemnité de licenciement).

j.-m. GA. doit être débouté des demandes qu'il a formées à ces divers titres.

3) Sur la demande de dommages et intérêts

Pour pouvoir prétendre à l'octroi des dommages et intérêts prévus par l'article 13 de la loi n° 729, j.-m. GA. doit démontrer l'existence d'une part de la faute commise par son employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture et d'autre part du préjudice qu'il prétend avoir subi.

Dès lors, en l'espèce, que ni le caractère fallacieux du motif invoqué, ni la précipitation ou la légèreté blâmable dont l'employeur aurait fait preuve dans la mise en œuvre du licenciement, l'absence de toute sanction préalable ne revêtant, en présence d'une faute grave aucun caractère dirimant, ni même le montant du préjudice allégué – j.-m. GA. indiquant lui-même avoir rapidement retrouvé un emploi équivalent – sont établis par le demandeur, ce dernier ne pourra qu'être débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée par la SAM SAMIC aux demandes formulées par j.-m. GA..

Dit que le licenciement de j.-m. GA. est justifié par une faute grave.

Dit en outre que cette mesure ne revêt pas de caractère abusif.

Déboute par suite j.-m. GA. de l'intégralité de ses prétentions.

Le condamne aux entiers dépens du présent jugement.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6222
Date de la décision : 19/01/2006

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Contentieux (Social)


Parties
Demandeurs : j.-m. GA.
Défendeurs : La Société Anonyme Monaco International Computer (SAMIC)

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2006-01-19;6222 ?

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