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07/07/2005 | MONACO | N°6147

Monaco | Tribunal du travail, 7 juillet 2005, a GA c/ la SAM RE MONACO


Abstract

Licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 - Rôle du Tribunal consistant à vérifier outre le respect des droits du salarié, l'absence de circonstances fautives lors de la rupture

Résumé

Lorsque l'employeur entend faire usage du droit autonome et unilatéral de rupture prévu par l'article 6 de la loi n° 729, il est tenu de verser une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaires que le salarié compte de mois de service chez ledit employeur, seuls les mois complets pouvant être pris en compte pour

le calcul de cette indemnité.

Une vendeuse embauchée le 1er mars 1997 est licenc...

Abstract

Licenciement sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 - Rôle du Tribunal consistant à vérifier outre le respect des droits du salarié, l'absence de circonstances fautives lors de la rupture

Résumé

Lorsque l'employeur entend faire usage du droit autonome et unilatéral de rupture prévu par l'article 6 de la loi n° 729, il est tenu de verser une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaires que le salarié compte de mois de service chez ledit employeur, seuls les mois complets pouvant être pris en compte pour le calcul de cette indemnité.

Une vendeuse embauchée le 1er mars 1997 est licenciée par lettre en date du 17 mars 2003 ainsi conçue : « Conformément à l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, il est mis fin à votre contrat de travail au terme du préavis de deux mois » . Soutenant qu'elle n'avait pas perçu lors de l'exécution du contrat et lors de sa rupture les salaires, accessoires de salaires et indemnités auxquelles elle pouvait prétendre, elle avait attrait soin cocontractant devant le Tribunal du travail, demandant, en outre, des dommages intérêts pour licenciement abusif car son employeur avait, disait-elle, adopté à son égard, avant la mise en œuvre de la rupture et pendant l'exécution du préavis, une attitude constitutive de harcèlement.

De son côté, l'employeur estimait que la salariée avait été remplie de ses droits et qu'il n'avait commis aucune faute dans la mise en œuvre du licenciement.

Le Tribunal, reprenant chaque chef de demande, rappelle d'abord que si le texte de l'article 6 de la loi n° 729 de congédier un salarié sans se référer de façon explicite ou implicite à un motif inhérent à la personne de celui-ci, il n'instaure pas au profit de l'employeur un droit discrétionnaire et absolu. Le juge doit, en cas de contestation du licenciement, vérifier d'une part le respect des droits et prérogatives du salarié par l'employeur et d'autre part l'absence de faute dans les circonstances ayant entouré la résiliation. Sur le premier point, il apparait que si des congés payés restent dus, aucune fraction de prime de résultats proportionnelle au temps de présence n'est exigible en raison de la défaillance de ses conditions d'attribution. La salariée qui ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, de l'impossibilité, du fait de l'employeur, d'utiliser les heures de recherches d'emploi pendant le préavis, doit être déboutée de sa demande à ce titre, comme de ses rappels de salaires injustifiés. Compte tenu de l'ancienneté de la salariée de 72 mois et 20 jours, l'indemnité de licenciement due par l'employeur qui entend faire usage des dispositions de l'article 2 de la loi n° 845, dans le silence de laquelle seuls les mois complets d'ancienneté comptent pour le calcul de ladite indemnité, la salariée a également été remplie de ses droits .Sur le second point, les circonstances ayant entouré la résiliation, la preuve de l'abus n'est pas d'avantage rapportée : l'existence de trois avertissements, dont deux notifiés le même jour pour sanctionner des fautes différentes, ne suffit pas à démontrer le harcèlement. Les dommages et intérêts demandés ne sont pas dus.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 22 octobre 2003, reçue le 23 octobre 2003 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 2 décembre 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Mademoiselle a GA, en date des 11 mars 2004, 7 octobre 2004 et 9 décembre 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la SAM RE MONACO, en date des 17 juin 2004 et 10 février 2005 ;

Ouï Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Mademoiselle a GA, et Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SAM RE MONACO, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Embauchée par la SAM RE MONACO le 1er mars 1997 en qualité de vendeuse, a GA a été licenciée de son emploi, par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 mars 2003, dont le contenu s'avère le suivant :

« Conformément à l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 il est mis » fin à votre contrat de travail au terme du préavis de deux mois.

« Vous me quitterez donc libre de tout engagement le 20 mai 2003 au » soir «.

Soutenant d'une part qu'elle n'avait pas perçu, pendant le cours de l'exécution de son contrat de travail et lors de son licenciement, l'intégralité des salaires et indemnités diverses auxquelles elle était en droit de prétendre, et d'autre part que la SAM RE MONACO avait commis, dans l'exercice de son droit unilatéral de résiliation, une faute au sens de l'article 1229 du Code civil, a GA, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 1er décembre 2003, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail à l'effet d'obtenir :

– l'allocation à son profit, sous le bénéfice de l'exécution provisoire des sommes suivantes :

* 641,90 €, représentant le solde lui restant dû au titre de l'indemnité de congés payés,

* 243,79 €, représentant le solde lui restant dû au titre de l'indemnité de licenciement,

* 2.438,70 €, représentant le montant de la prime exceptionnelle qui lui est due pour la période du 1er janvier au 30 avril 2003, outre la prime afférente à la période du 1er au 20 mai 2003 réclamée pour mémoire,

* 880,00 €, au titre des heures d'absence pour recherche d'un emploi,

* 93,84 €, représentant la régularisation du taux horaire pour le mois de mai 2003,

* 5,63 €, représentant le solde de la prime d'ancienneté due sur le salaire de mai 2003,

* 30.000,00 €, à titre de dommages et intérêts,

– la délivrance de documents administratifs conformes (bulletins de salaire, attestation ASSEDIC) le tout sous astreinte de 100,00 € par jour de retard.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après divers renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 2 juin 2005 à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 7 juillet 2005.

a GA soutient, à l'appui de ses prétentions, qu'à partir du moment où d'une part elle n'a pas perçu lors de son départ de l'entreprise l'intégralité des indemnités auxquelles elle pouvait prétendre et où d'autre part son employeur a adopté à son égard, avant la mise en œuvre de la rupture et pendant l'exécution du préavis, une attitude constitutive de harcèlement, son licenciement revêt un caractère abusif.

Elle fait valoir en substance à cet effet :

s'agissant des sommes qui lui sont dues au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail :

a) Congés payés

Alors que les 29 jours de congés payés acquis par ses soins lui ouvraient droit au bénéfice d'une indemnité s'élevant sur la base d'un taux horaire de 8,80 € et d'un temps de travail journalier de 8 heures à la somme de 2.041,60 €, la SAM RE MONACO ne lui a versé à ce titre que la somme de 1.399,70 €, soit un solde en sa faveur de 641,90 €.

b) Indemnité de licenciement

Alors que l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845 sanctionnant la non-validité ou, s'agissant d'un licenciement au visa de l'article 6 de la loi n° 729, l'absence d'énonciation du motif, aurait dû être calculée sur la base d'une ancienneté de 73 mois, la SAM RE MONACO a retenu pour sa part une ancienneté de 72 mois, soit un solde en sa faveur de 243,79 €.

c) Prime exceptionnelle :

– nonobstant sa qualification de prime exceptionnelle l'intéressement aux résultats représentant 0,5 % puis à compter de l'année 2001 1 % du chiffre d'affaires hors taxes de la boutique, versé au cours des années 2000, 2001 et 2002 par la SAM RE MONACO à tous les membres de son personnel constitue, compte tenu de son caractère constant, fixe et général, un élément du salaire,

– son contrat de travail ayant pris fin au cours du mois de mai 2003, la SAM RE MONACO était tenue de lui régler le montant de cette prime » au prorata de son activité exercée entre le mois de janvier 2003 et le départ des effectifs de la société «,

– le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par la SAM RE MONACO du mois de janvier au mois d'avril 2003 s'élevant à 243.870,33 € elle aurait dû recevoir paiement à ce titre de la somme de 2.438,22 €.

d) Heures d'absence pour recherche d'emploi

La SAM RE MONACO ne lui ayant pas accordé pendant l'exécution du préavis le bénéfice des heures d'absence pour recherche d'emploi prévues au profit du salarié licencié par l'article 10 de la loi n° 729, elle est en droit d'obtenir sa condamnation à ce titre au paiement de la somme de 880,00 €.

Le tableau informatique versé aux débats par la SAM RE MONACO à l'effet d'établir qu'elle n'aurait effectué pendant le préavis que 25 h de travail par semaine en moyenne et aurait donc de facto bénéficié des dispositions du texte susvisé ne revêt, au regard de son caractère unilatéral, aucun caractère probant et doit donc être écarté des débats.

e) Régularisation du taux horaire pour mai 2003 et paiement d'heures supplémentaires

Régularisation du taux horaire (mai 2002) :

– alors que son salaire était calculé depuis le mois de septembre 2002 sur la base d'un taux horaire de 8,80 €, la SAM RE MONACO a ramené ce taux, pour le mois de mai 2003, à 8,29 €,

– l'employeur ne pouvant unilatéralement modifier l'élément essentiel du contrat de travail que constitue le salaire, elle est fondée à obtenir paiement à ce titre de la somme de 93,84 €.

* Paiement d'heures supplémentaires :

– si l'employeur lui a certes fait signer le 13 août 1999 un avenant au contrat de travail portant la durée hebdomadaire de travail de 39h à 40h, cette modification ne s'est accompagnée d'aucune hausse de salaire,

– la 40e heure réalisée par ses soins au cours de chacune des semaines de travail effectuées d'octobre 1999 à mai 2004 s'analysant en droit en une heure supplémentaire, la SAM RE MONACO lui est redevable à ce titre de la somme de 2.596,00 € calculée comme suit : 236 x 8,80 x 125 %.

f) Prime d'ancienneté :

– la prime d'ancienneté au taux de 6 % que l'employeur lui a versé au titre du mois de mai 2003 a été calculée sur la base d'un taux horaire de 8,29 % au lieu de 8,80 %,

– il lui est donc dû de ce chef un reliquat de 97,15 € - 91,52 € = 5,63 €, la simple mention par la SAM RE MONACO d'une référence au guide LE, sans aucune explication, ne constituant pas une justification.

S'agissant des conditions dans lesquelles la rupture a été mise en œuvre :

– l'article 6 de la loi n° 729 n'instaurant pas au profit de l'employeur un droit discrétionnaire et absolu, il appartient à la juridiction saisie, lorsque le licenciement est contesté, de vérifier non pas la cause de la rupture, mais le respect par l'employeur des droits et des prérogatives du salarié d'une part et les circonstances ayant entouré la résiliation qui doivent être exemptes de faute d'autre part,

– en ne réglant pas à sa salariée lors de son départ de l'entreprise l'intégralité des indemnités auxquelles l'exécution et la rupture du contrat lui ouvraient droit, l'employeur a commis un premier manquement à ses obligations de nature à conférer au licenciement intervenu un caractère fautif,

– en adressant par ailleurs à sa salariée deux lettres d'avertissement le 3 mars 2003, soit 15 jours avant la notification du licenciement, suivies d'un troisième avertissement le 5 avril 2003, soit pendant l'exécution du préavis, faisant état de griefs » totalement fallacieux et mensongers « la SAM RE MONACO a adopté à son égard une attitude constitutive de harcèlement générant d'importantes répercussions sur son état de santé,

– le véritable motif de son licenciement résidant en réalité dans le désir de la SAM RE MONACO de se » débarrasser « d'une salariée dont l'unique tort avait été de contester la modification unilatérale de son temps de travail, sans compensation financière, l'abus de l'employeur dans l'exercice de son droit de rupture du contrat de travail, constitutif tant d'une légèreté blâmable que d'une intention de nuire, est en l'espèce totalement caractérisé,

– outre l'important préjudice moral découlant du harcèlement dont elle a été l'objet, le licenciement lui a en outre causé un important préjudice financier constitué par la différence entre le salaire de 1.525,33 € sur 13 mois outre intéressement au chiffre d'affaires dont elle bénéficiait au sein de la SAM RE MONACO et le salaire de 367,65 € qu'elle perçoit désormais en contrepartie du travail à temps partiel qu'elle effectue, depuis le 1er septembre 2004, pour le compte de la boutique » MI «.

*

Estimant quant à elle d'une part qu'a GA a été intégralement remplie de ses droits, tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail, et d'autre part qu'aucune négligence blâmable n'est démontrée dans la mise en œuvre du licenciement, qui est intervenue sans brutalité, la SAM RE MONACO conclut au rejet de l'intégralité des prétentions formulées à son encontre par a GA.

Elle invoque à ces diverses fins en substance les moyens suivants :

en ce qui concerne les diverses sommes et indemnités réclamées par a GA

a) Congés payés :

– le mode de calcul utilisé par l'employeur, qui a été validé tant par Monsieur PO que par le cabinet PA, correspond au dixième, lequel s'avère en l'espèce plus avantageux pour la salariée.

b) Indemnité de licenciement

Le calcul de l'indemnité de licenciement revenant à a GA a été effectué en totale conformité avec les dispositions de l'article 2 de la loi n° 629, en tenant compte d'une ancienneté de services totale de 72 mois.

c) Prime exceptionnelle :

– comme son nom l'indique la prime dont a GA a bénéficié pendant trois années avait un caractère exceptionnel, puisqu'elle dépendait des décisions prises par le conseil d'administration en fonction de la conjoncture et des résultats de la boutique,

– à défaut de remplir les conditions de fixité et de régularité imposées par la loi, ladite prime ne constitue donc pas un élément du salaire,

– en tout état de cause le calcul opéré par la salariée, qui résulte de documents extraits, sans l'accord de la direction, de l'ordinateur de la boutique est tout à fait injustifié.

d) Heures d'absence :

– a GA ne démontre pas qu'elle n'a pas bénéficié des heures de recherche d'emploi prévues par la loi,

– en toutes hypothèses cette dernière, qui n'effectuait depuis octobre 2002 en moyenne que 25 heures de travail par semaine alors qu'elle était déclarée et payée 40 heures par semaine, fait preuve d'une très particulière mauvaise foi en demandant à être payée d'heures dont elle a déjà disposé et qui lui ont été réglées.

e) Régularisation du taux horaire :

d'un commun accord entre les parties, le contrat de travail d'a GA a été modifié à compter du mois de juillet 1999 dans les conditions suivantes :

– le nombre d'heures de travail a été porté de 39 h à 40 heures par semaine,

– le salaire perçu en contrepartie a été porté de 7.378,82 € à 9.107,46 € par mois,

– comme le confirme, dans le document versé aux débats, l'inspecteur du travail, la 40e heure de travail effectuée par a GA se trouve intégrée dans son salaire et ne peut donc donner lieu à aucun complément de rémunération.

f) Prime d'ancienneté

Le calcul effectué pour le compte de l'employeur par le cabinet PALMERO sur la base de la méthode dite de l'horaire réel et contrôlé à posteriori par Monsieur PO est tout à fait correct.

En ce qui concerne les conditions dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail :

– le fait d'adresser des courriers d'avertissement à un salarié n'est pas, en soi, constitutif d'un harcèlement, mais constitue au contraire un droit reconnu à l'employeur au même titre que les salariés ont le droit de contester ces sanctions, de s'adresser à l'inspection du travail ou de solliciter judiciairement l'annulation de toute sanction qui leur paraît injustifiée,

– la thèse développée par a GA, qui repose exclusivement sur ses propres allégations, se trouve en tout état de cause contredite par les témoignages produits aux débats, qui établissent d'une part qu'elle était si contente de quitter son emploi qu'elle a offert le champagne à ses collègues de travail et d'autre part qu'elle ne présentait aucun signe de dépression lorsqu'elle leur rendait visite, après son départ.

Dès lors en définitive :

– que la salariée a été intégralement remplie de ses droits et en tout état de cause que pour éviter toute contestation l'employeur s'est entouré de l'avis de professionnels,

– qu'en l'état des avertissements précédemment signifiés la mise en œuvre du licenciement n'est pas intervenue de manière brutale,

aucune faute susceptible d'ouvrir droit à dommages et intérêts au profit d'a GA n'est caractérisée à l'encontre de la SAM RE MONACO.

SUR CE,

Il est constant en l'espèce que le licenciement d'a GA a été mis en œuvre par la SAM RE MONACO sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729.

Si ce texte permet certes à l'employeur de congédier un salarié sans se référer, de façon explicite ou implicite, à un motif inhérent à la personne de celui-ci, il n'instaure toutefois pas au profit de l'employeur un droit discrétionnaire et absolu.

Il appartient dès lors au Tribunal du travail, lorsque le licenciement est comme en l'espèce contesté, de vérifier non pas la cause de la rupture, mais le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié d'une part et les circonstances ayant entouré la résiliation, lesquelles doivent être exemptes de fautes, d'autre part.

A) Sur le respect par l'employeur des droits et prérogatives du salarié

a) sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

Congés payés

En application des dispositions des articles 10 et 11 de la loi n° 619, l'indemnité de congés payés revenant au salarié doit correspondre, selon la méthode qui lui est la plus favorable, soit au 10e de la rémunération totale perçue au cours de la période de référence, soit au montant de la rémunération qu'il aurait perçue pendant la période de congés, s'il avait continué à travailler.

En l'espèce, il résulte de la fiche de suivi, versée aux débats par l'employeur, qu'a GA avait acquis au terme de son préavis 29 jours ouvrables de congés, les périodes de » repos des femmes en couches « étant, aux termes de l'article 3 de la loi susvisée, considérées comme des périodes de travail effectif.

Alors que l'indemnité de congés payés revenant à a GA, calculée sur la base de la règle du 10e, s'élève à 1.399,70 €, cette dernière aurait pu prétendre, sur la base de la règle dite du maintien du salaire, à la somme de 1.769,39 € calculée comme suit :

1. 523,33 € (salaire brut x 29 (nombre de jours mensuel) de congés acquis) / 25 (nombre de jours ouvrables dans le mois) = 1.769,39 €.

la SAM RE MONACO lui est donc redevable d'un complément s'élevant à la somme de :

1. 769,39 € - 1.399,70 € = 369,69 €.

Prorata de prime exceptionnelle

Dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats que la prime, qualifiée d'exceptionnelle par la SAM RE MONACO, a été versée par cette dernière à l'ensemble du personnel de la boutique en janvier 2001, janvier 2002 et janvier 2003, sur la base de règles de calcul identiques (0,5 % puis 1 % du montant hors taxes des ventes sous réserve que le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année écoulée s'avère supérieur à un certain seuil, déterminé chaque année), cette gratification, qui s'analyse en réalité en une prime d'intéressement aux résultats, constitue, nonobstant le fait qu'elle n'ait pas été prévue par le contrat de travail, compte tenu de son caractère constant, fixe et général, un élément du salaire d'a GA.

Pour pouvoir prétendre à une fraction de prime proportionnelle à son temps de présence au cours de l'année 2003, a GA, en l'absence de disposition conventionnelle ou de stipulation contractuelle réglant expressément cette question, doit en outre démontrer que la gratification dont elle sollicite le bénéfice s'acquérait mois par mois.

L'attribution aux salariés de la boutique RE de la prime d'intéressement étant subordonnée à la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel (et non mensuel) défini chaque année, la condition susvisée n'est pas remplie en l'espèce.

a GA doit être par suite déboutée de sa demande tendant à obtenir paiement à ce titre de la somme de 2.438,70 €.

heures d'absence pour recherche d'emploi :

En application des dispositions de l'article 10 de la loi n° 729, le travailleur qui a été licencié de son emploi bénéficie, en vue de la recherche d'un autre emploi, pendant la durée du préavis de douze heures de liberté par semaine payées par son employeur.

S'agissant toutefois d'une simple faculté, le salarié qui soutient ne pas avoir bénéficié de ces dispositions ne peut prétendre à l'octroi d'une indemnité compensatrice ou de dommages et intérêts que s'il prouve que l'impossibilité d'utiliser ces heures est le fait de l'employeur.

Force est de constater en l'espèce qu'a GA n'établit pas avoir sollicité, auprès de son employeur, le bénéfice de ces heures de liberté ; qu'elle ne démontre pas davantage le refus qui aurait été opposé par la SAM RE MONACO à sa demande ; qu'en conséquence elle ne peut prétendre à aucune compensation financière, quelle qu'elle soit.

Rappel de salaire :

– rappel pour les mois d'octobre 1999 à mai 2003 :

Dès lors qu'elle a été formulée pour la première fois par a GA dans ses conclusions déposées le 11 mars 2004 devant le Bureau de Jugement, la demande tendant à obtenir paiement par la SAM RE MONACO, au titre de la 40e heure hebdomadaire effectuée d'octobre 1999 à mai 2003, de la somme de 2.596,00 €, se heurte aux dispositions d'ordre public des articles 1er et 42 de la loi du 16 mai 1946 et s'avère par suite, à défaut d'avoir été soumise au préliminaire de conciliation, irrecevable.

– rappel taux horaire mai 2003 :

Si les fiches de paie d'a GA mentionnent certes pour le mois de mai 2003 un taux horaire de 8,29 €, alors que cette dernière était rémunérée depuis plusieurs mois sur la base d'un taux horaire de 8,80 €, il ne s'agit pas en réalité d'une diminution de sa rémunération, dont le montant mensuel a été maintenu à 1.525,36 €, mais d'une présentation comptable différente, habituellement employée pour déterminer le salaire d'un mois de travail incomplet, consistant à prendre en compte le temps de travail effectif du mois considéré pour ensuite calculer l'absence.

Le caractère forfaitaire du salaire mensualisé n'interdisant pas à l'employeur de le réduire en cas de mois de travail incomplet, l'emploi par la SAM RE MONACO de la méthode de l'horaire réel pour calculer le montant du salaire revenant à a GA pour la période du 1er au 20 mai 2003 n'est pas critiquable.

Cette dernière ne peut, par suite, prétendre à la régularisation du taux horaire qu'elle sollicite.

Prime d'ancienneté

La prime d'ancienneté allouée à a GA par son employeur n'étant, au vu des pièces produites aux débats, pas assise sur le taux horaire, mais sur le montant du salaire mensuel de base versé pour 174 h de travail, cette dernière, qui n'a au demeurant travaillé que 88 h au cours du mois considéré, a été intégralement remplie de ses droits par le versement à ce titre de la somme de :

(1.525,36 € x 6 %) / 100 = 91,52 €.

b) sur les demandes afférentes à la cessation du contrat de travail

En application des dispositions de l'article 2 de la loi n° 845, l'indemnité de licenciement que l'employeur qui entend faire usage du droit autonome et unilatéral de rupture prévu par l'article 6 de la loi n° 729 est tenu de verser au salarié licencié est égale à » autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service chez ledit employeur ".

Au regard de sa date d'embauche (1er mai 1997) a GA disposait, à la date d'effet de la rupture des relations contractuelles, à savoir le 20 mai 2003, terme de son préavis, d'une ancienneté de 72 mois et 20 jours au service de la SAM RE MONACO.

Alors que pour la détermination du nombre de jours de congé acquis par un salarié, le législateur a expressément prévu, dans le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 619, que lorsque le nombre de jours ouvrables calculé selon la méthode définie à l'alinéa 1 n'est pas un nombre entier, la durée du congé est arrondie au nombre entier de jours immédiatement supérieur, la loi n° 845 ne contient en revanche aucune disposition similaire.

Dans le silence du législateur, seuls les mois complets d'ancienneté acquis par un salarié au service de son employeur peuvent être pris en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement lui revenant.

L'indemnité de licenciement due par la SAM RE MONACO à a GA s'élève donc, en l'espèce, à la somme de 4.656,52 € se décomposant comme suit :

1. 616,85 € (salaire de base brut x 72 (nombre de mois complets + prime d'ancienneté) d'ancienneté) / 25 (nombre de jours ouvrables dans le mois)

En réglant précisément ladite somme de 4.656,52 € à a GA, la SAM RE MONACO a intégralement rempli l'intéressée de ses droits.

Cette dernière n'est pas fondée en conséquence à solliciter paiement d'un quelconque complément.

B) Sur les circonstances ayant entouré la résiliation

Si a GA n'a certes pas reçu paiement de l'intégralité de l'indemnité de congés payés à laquelle elle avait droit, cette circonstance ne suffit pas, à elle seule, à conférer au licenciement intervenu un caractère abusif, dès lors que :

1) le calcul de l'indemnité de congés payés selon la règle du dixième s'avère en général effectivement plus favorable pour le salarié que la règle du maintien du salaire,

2) la spécificité de la situation d'a GA tient en l'espèce au congé de maternité dont elle a bénéficié, lequel, tout en maintenant l'étendue de ses droits à congé, a restreint en revanche le montant de son salaire qui constitue l'assiette de l'indemnité lorsqu'elle est calculée au 10e,

3) l'employeur s'est effectivement entouré des conseils de deux professionnels.

Il appartient donc à a GA pour pouvoir prétendre à l'octroi de dommages et intérêts de démontrer l'abus qu'aurait commis la SAM RE MONACO dans l'exercice de son droit de rupture, seules devant être prises en considération, pour caractériser l'existence d'une telle faute, les circonstances de fait ayant entouré le licenciement à l'exclusion de toute considération inhérente à la personne du salarié, les motifs qui ont pu conduire l'employeur à prendre sa décision, même s'ils ont été exposés dans les conclusions des parties, n'ayant pas à être débattus dans le cadre de la présente instance.

Force est de constater toutefois que cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce.

Qu'en effet l'existence de 3 avertissements, dont 2 bien que notifiés le même jour sanctionnaient des fautes de nature radicalement différente, ne peut constituer, en l'absence d'autres éléments, la preuve du harcèlement dont a GA aurait été la victime, alors au surplus :

– que l'absence de communication du chiffre d'affaires et du déroulement des journées du 25 au 28 février 2003 qui a motivé le 1er de ces 3 avertissements a été expressément reconnue par la salariée,

– que les parties au contrat de travail demeurent tenues, pendant l'exécution du préavis, au respect de leurs obligations réciproques,

– que l'annulation des avertissements n'a, en tout état de cause, pas été demandée à la présente juridiction.

Que par ailleurs la thèse développée par a GA, selon laquelle son licenciement constituerait en réalité la sanction des démarches entreprises par ses soins pour voir respecter ses droits en matière de salaire, ne résiste pas davantage à l'examen.

Qu'il résulte en effet très clairement de l'examen comparatif des demandes de modification du contrat de travail transmises les 11 mai 1998 et 13 août 1999 au service de l'Emploi et de la correspondance adressée le 19 avril 2004 par l'inspection du travail à Madame ELENA :

1) que la modification de deux des éléments essentiels du contrat de travail d'a GA (le temps de travail porté de 39 h à 40 h hebdomadaire – le salaire porté de 7.378,82 € brut à 9.107,46 € brut) a été expressément acceptée par la salariée, ainsi qu'en atteste la signature apposée sur ces deux documents,

2) que l'augmentation de salaire dont a bénéficié a GA à compter du mois de juillet 1999, à savoir : 9.107,46 € - 8.638,25 € = 469,21 €, excède largement, même en tenant compte de la majoration de 25 % applicable en l'espèce, la rémunération afférente aux quatre heures supplémentaires de travail effectuées mensuellement par l'intéressée (63,15 € x 4 = 252,60 €).

Aucun abus dans la mise en œuvre de son droit unilatéral de rupture n'apparaissant en définitive caractérisé à l'encontre de la SAM RE MONACO, a GA ne peut prétendre à l'allocation de dommages et intérêts et doit être par suite déboutée de sa demande de ce chef.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Dit que la SAM RE MONACO n'a commis aucune faute dans la mise en œuvre du droit unilatéral et autonome de rupture qui lui est reconnu par l'article 6 de la loi n° 729.

Déboute par suite a GA de sa demande de dommages et intérêts.

Condamne la SAM RE MONACO à payer à a GA la somme de :

* 369,69 euros, (trois cent soixante-neuf euros et soixante-neuf centimes), à titre de solde d'indemnité de congés payés, ladite somme produisant intérêts de retard à compter de la convocation en conciliation, valant mise en demeure.

Ordonne à la SAM RE MONACO de délivrer à a GA un bulletin de salaire et une attestation ASSEDIC conformes au dispositif de la présente décision dans le délai d'un mois suivant sa signification.

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

Ordonne le partage des dépens, qui seront supportés à raison des trois quarts par a GA et du quart restant par la SAM RE MONACO.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6147
Date de la décision : 07/07/2005

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Justice (organisation institutionnelle)


Parties
Demandeurs : a GA
Défendeurs : la SAM RE MONACO

Références :

article 1229 du Code civil
articles 1er et 42 de la loi du 16 mai 1946
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2005-07-07;6147 ?

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