La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2005 | MONACO | N°6121

Monaco | Tribunal du travail, 30 juin 2005, c. BO. c/ la SAM ING Baring Private Bank


Abstract

Licenciement économique notifié au salarié - Licenciement pour faute grave notifié secondairement au salarié pendant le préavis - Validité du seul premier licenciement - Indemnité de préavis définitivement acquise - Mode calcul

Résumé

Un salarié engagé en qualité de co-manager Bureau Sud-Européen, à compter du 7 mai 2001, avait été licencié pour suppression de poste le 8 janvier 2003 après un audit interne révélant des pertes financières récurrentes. Soutenant avoir découvert, pendant le préavis, de graves irrégularités dans la gestion

des comptes, commises avant la notification du licenciement, la banque employeur modifiait le...

Abstract

Licenciement économique notifié au salarié - Licenciement pour faute grave notifié secondairement au salarié pendant le préavis - Validité du seul premier licenciement - Indemnité de préavis définitivement acquise - Mode calcul

Résumé

Un salarié engagé en qualité de co-manager Bureau Sud-Européen, à compter du 7 mai 2001, avait été licencié pour suppression de poste le 8 janvier 2003 après un audit interne révélant des pertes financières récurrentes. Soutenant avoir découvert, pendant le préavis, de graves irrégularités dans la gestion des comptes, commises avant la notification du licenciement, la banque employeur modifiait le motif de licenciement et procédait à la rupture immédiate du contrat.

Le salarié soutenait que le licenciement économique intervenu avait enfreint la procédure conventionnelle et violé l'ordre légal des licenciements et que le second licenciement, pour faute grave alléguée, l'avait été sans que soit saisie la commission de discipline, violant ainsi la procédure conventionnelle. De plus, selon lui, la preuve des faits gravement fautifs n'était pas rapportée.

Le tribunal a reconnu la validité du motif économique, l'employeur ne pouvant par la suite, unilatéralement rétracter sa décision postérieurement à sa notification, sans l'accord expresse du salarié.

La lettre de notification de la rupture ne fixant pas, en droit monégasque, les termes du litige, l'employeur peut invoquer des motifs non mentionnés lors de la rupture, à la double condition que ces faits aient existé au moins en germe au moment de la notification du licenciement et qu'ils aient des liens avec ceux invoqués dans cette correspondance.

La faute grave commise pendant le préavis justifie la cessation du versement de l'indemnité compensatrice. En revanche, lorsque les faits fautifs, découverts en cours de préavis, ont été commis avant la notification de licenciement, le salarié doit recevoir paiement intégral de l'indemnité de préavis. Celle-ci doit être fixée conformément à la loi n° 729 article 11, en tenant compte de la rémunération et des avantages de toute nature dont aurait bénéficié le salarié, s'il avait travaillé pendant cette période.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 1er juillet 2003, reçue le 2 juillet 2003 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 7 octobre 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jean-Charles S. GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur c. BO., en date des 6 novembre 2003 et 8 juillet 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK, en date des 25 mars 2004 et 3 mars 2005 ;

Ouï Maître Jean-Charles S. GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur c. BO., et Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Aux termes d'une proposition d'embauche en date du 8 février 2001, acceptée le même jour par le salarié, c. BO. a été engagé par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK en qualité de co-manager Bureau Sud Européen (class VII b) à compter du 7 mai 2001.

Ensuite d'un audit interne au groupe I.N.G. ayant révélé l'existence de pertes financières récurrentes, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a procédé, au début de l'année 2003, à une « restructuration complète » de ses effectifs entraînant la suppression de quatre postes.

Dans le cadre de cette restructuration c. BO. s'est vu notifier, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 janvier 2003, son licenciement pour un motif d'ordre économique dans les termes suivants :

« Monsieur,

» Pour faire suite à l'entretien que vous avez eu ce jour avec Messieurs DU. et WA., nous sommes au regret d'avoir à vous confirmer que la situation économique actuelle nous met dans l'obligation de procéder à votre licenciement pour suppression de poste.

« En effet, les pertes financières récurrentes enregistrées par la SAM » I.N.G. BARING PRIVATE BANK nous imposent de procéder à une restructuration complète des effectifs.

« Par ailleurs, le département italien dont vous faites partie a été profondément touché par la loi italienne d'amnistie sur le rapatriement des capitaux de la part des non-résidents italiens. L'échec commercial patent de ce département, de même que l'absence de visibilité d'un éventuel développement commercial futur de cette activité nous contraignent à redimensionner cette structure.

» Votre poste de co-manager Southern European Desk est ainsi supprimé et les tâches que vous assumiez seront désormais réparties sur les effectifs restants de la banque.

« Compte tenu de votre qualité de cadre et conformément aux usages, nous avons pris la décision de vous dispenser d'effectuer votre » préavis. «.

Soutenant que c. BO. aurait commis, dans le cadre de la gestion des comptes dont il était le gestionnaire, des faits gravissimes (instructions en blanc – Faux dans le cadre d'une opération de compensation) révélés, à l'issue d'une mission d'inspection extraordinaire effectuée les 12 et 13 février 2003, par le rapport déposé le 20 février 2003 par Monsieur DU., Auditeur Général du groupe, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du même jour, après avoir indiqué à c. BO. que l'existence de ces faits l'amenait à » modifier le motif de (son) licenciement « a notifié à l'intéressé la rupture immédiate de son contrat de travail pour » fautes graves «.

Il était par ailleurs expressément précisé à c. BO., aux termes de cette correspondance, qu'il n'était plus en droit de solliciter le paiement du préavis et des indemnités de licenciement.

Contestant formellement l'existence des fautes graves invoquées à son encontre et estimant en outre qu'au regard des diverses violations des dispositions légales et conventionnelles applicables en l'espèce commises par la banque le licenciement intervenu revêtait à plusieurs titres un caractère abusif, c. BO., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 6 octobre 2003, a attrait la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, à l'effet d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

* 7.322,07 €, représentant les salaires afférents à la période du 9 janvier au 20 février 2003,

* 14.183,40 €, à titre d'indemnité de licenciement,

* 21.044,73 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 2.477,53 €, au titre des congés payés afférents au préavis,

* 370.000,00 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 150.000,00 €, à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 150.000,00 €, à titre de dommages et intérêts pour dénigrement.

À la date fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après divers renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue au cours de l'audience du 12 mai 2005, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé, après prorogation, ce jour 30 juin 2005.

c. BO. soutient à l'appui de ses prétentions, s'agissant du premier licenciement fondé sur un motif d'ordre économique qui lui a été notifié le 8 janvier 2003, que la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK n'a d'une part pas respecté la procédure prévue en cas de licenciement économique collectif par l'avenant n° 12 à la convention collective nationale du travail et a d'autre part violé l'ordre légal des licenciements.

Il fait valoir en substance à cet effet :

S'agissant du non-respect de la procédure de licenciement collectif :

* que selon la jurisprudence de principe il y a licenciement collectif dès lors que deux licenciements au moins ont une cause économique commune,

* qu'à partir du moment où la » restructuration complète des effectifs «, rendue nécessaire par les mauvais résultats financiers enregistrés concernait plusieurs salariés, le licenciement économique dont il a fait l'objet concomitamment avec trois autres personnes employées au sein de la banque revêt un caractère collectif, imposant à l'employeur de se conformer aux dispositions de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la convention collective nationale du travail,

* qu'en s'abstenant de soumettre son projet de licenciement collectif aux délégués du personnel, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a contrevenu aux dispositions des articles 6 et suivants de l'avenant précité.

S'agissant de la violation de l'ordre légal des licenciements :

* qu'il appartenait à la même catégorie professionnelle des » conseillers de clientèle «, que Monsieur LE., lequel, au regard de la situation de son domicile, disposait d'un rang de priorité inférieur au sien et aurait donc dû être congédié en ses lieu et place,

* que cette identité de catégorie professionnelle se trouve démontrée tant par les réponses qu'a fournies Monsieur MA. à la sommation interpellative du 16 janvier 2003 que par les conclusions du rapport d'audit opérationnel interne réalisé du 28 au 30 octobre 2002 en vue de trouver une solution aux difficultés économiques rencontrées par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK,

* que contrairement à ce que soutient sans en justifier la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK, Monsieur LEAL d'une part n'exerçait à la date de notification du licenciement aucune fonction de direction ou d'administration et d'autre part ne disposait d'aucune compétence professionnelle – notamment linguistique – particulière, qui aurait pu lui permettre de se charger d'un secteur géographique spécifique,

* qu'au regard du niveau des résultats financiers respectivement obtenus par Monsieur LE. et lui-même, son licenciement apparaît contraire aux intérêts financiers de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK.

*

S'agissant du second licenciement fondé sur une prétendue faute grave qui lui a été notifié le 20 février 2003, c. BO. reproche à la banque d'une part de n'avoir pas respecté la procédure de licenciement conventionnelle et d'autre part d'avoir fait état de fautes, qualifiées au surplus de graves, dont la preuve n'a pas été rapportée.

Il invoque à ces diverses fins les moyens suivants :

S'agissant du non-respect de la procédure de licenciement conventionnelle :

* le contrat de travail à durée indéterminée prenant fin, en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729, au terme du préavis, pendant la durée duquel l'employeur et le travailleur sont tenus au respect de toutes les obligations réciproques qui leur incombent, il faisait toujours partie des effectifs de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK à la date du 20 février 2003,

* la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK devait par suite respecter la procédure prévue par l'article 27 de la convention collective monégasque des banques en recueillant, préalablement à la notification de son licenciement pour faute grave, l'avis du conseil de discipline,

* l'absence de saisine par la banque du conseil de discipline l'a empêché de laver sa réputation professionnelle, détruite par la campagne de dénigrement dont il a fait l'objet, devant ses pairs.

S'agissant de la réalité et de la gravité des fautes invoquées à son encontre à l'appui de son licenciement pour fautes graves

S'agissant des faits énoncés dans la lettre du 20 février 2003 :

* le rapport d'audit opérationnel interne réalisé plus d'un mois après son départ de l'entreprise, sur lequel se fonde la banque, est nécessairement subjectif et partial puisqu'il a été réalisé par un employé du groupe I.N.G.,

* l'attestation établie par Madame CA. démontre qu'il n'a jamais créé de faux, contrairement à ce qu'allègue mensongèrement la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK,

* l'opération refusée par Monsieur MA., qui a justifié la déclaration de soupçon effectuée par la banque, ne peut lui être reprochée, dès lors d'une part qu'elle a été réalisée au mois de février 2003, soit un mois après son départ, et d'autre part qu'une transaction rigoureusement similaire réalisée par ces mêmes clients au mois d'octobre 2002 avait reçu l'agrément express et formel de la banque, en la personne de Monsieur M. GR., Directeur Administratif et Compliance Officer.

S'agissant des faits invoqués par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK postérieurement à la saisine du Tribunal du Travail :

* alors qu'elles ont été portées à la connaissance de la direction de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK avant l'envoi du courrier de licenciement pour faute du 20 février 2003, les opérations de compensation prétendument réalisées par ses soins ne sont nullement évoquées dans cette correspondance,

* il s'agit d'opérations » courantes dans le milieu bancaire «, dont la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a parfaitement connaissance et auxquelles elle s'est bien gardée de mettre fin en les interdisant puisqu'elle en tire un bénéfice commercial certain,

* l'opération de compensation relatée dans l'attestation établie par Monsieur MA., dont l'impartialité apparaît pour le moins sujette à caution, ne peut lui être imputée dès lors qu'elle ne concerne pas ses clients mais ceux de Monsieur MA. et a été au surplus organisée par celui-ci,

* en prodiguant des conseils et en apportant son concours à titre purement personnel et gratuit à Madame IP. depuis de nombreuses années, il n'a pas enfreint le code de conduite de la banque ni violé la moindre règle en vigueur,

* le compte de la société ACT, dont il est le signataire principal et ses parents les bénéficiaires économiques, a été utilisé au profit du client DE. à titre gracieux et exceptionnel, dans le respect des lois et des procédures bancaires, dans l'intérêt commercial de la banque qui avait connaissance et approuvait pleinement l'opération réalisée,

* en s'abstenant d'en faire état dans la lettre de licenciement pour faute grave du 20 février 2003, alors pourtant qu'elle en avait eu connaissance dès la fin du mois de janvier 2003, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK démontre si besoin était que l'utilisation du compte ACT au profit du client DE. ne revêtait à ses yeux aucun caractère fautif.

c. BO. fait valoir en outre qu'à supposer même que son existence soit consacrée par la présente juridiction, la faute grave alléguée à son encontre par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK ne pouvait le priver du bénéfice des indemnités de licenciement et de préavis.

Qu'il est constant en effet :

* que la faute révélée après la notification de la rupture et commise antérieurement ne peut entraîner la perte du droit à l'indemnité de licenciement, lequel nait à la date dudit licenciement, ainsi que l'inspecteur du travail l'a d'ailleurs rappelé à la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK le 10 mars 2003,

* que si la découverte ou la commission au cours du préavis d'une faute grave peut entraîner l'interruption de l'exécution du préavis, il en est autrement si le salarié a été dispensé de l'exécuter, l'indemnisation du préavis lui demeurant dans cette hypothèse intégralement acquise.

Qu'il s'avère par suite en droit d'obtenir paiement, en tout état de cause, par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK des sommes de :

* 14.183,40 €, à titre d'indemnité de » licenciement «,

* 21.044,73 €, au titre de l'indemnité de délai congé,

* 2.477,53 €, au titre des congés payés sur le préavis,

* 7.322,00 €, au titre du salaire afférent à la période du 9 janvier au 20 février 2003, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK en le » re-licenciant « le 20 février 2003 ayant » manifestement renoncé à se prévaloir du premier licenciement intervenu pour motif économique le 9 janvier 2003 «.

Estimant enfin avoir subi ensuite de la brutalité et des procédés vexatoires, voire diffamatoires, utilisés pour jeter le discrédit sur sa personne et des violations multiples et répétées par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK des procédures légales et conventionnelles de licenciement, un préjudice tant moral que financier extrêmement important, essentiellement constitué par l'atteinte grave portée à sa réputation professionnelle, l'altération de son état de santé et enfin la perte de revenus substantiels, c. BO. demande à la présente juridiction de consacrer le caractère particulièrement abusif de son licenciement en lui allouant, à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues la somme de 670.000,00 €, outre une somme complémentaire de 35.000,00 €, pour » frais de justice «.

*

Soutenant quant à elle d'une part que l'existence des fautes graves commises par c. BO. au cours de l'exécution de son contrat de travail et découvertes postérieurement à la rupture pour cause non personnelle, initialement invoquée, l'autorisait à renoncer au licenciement pour motif économique mis en œuvre le 8 janvier 2003 pour y substituer un licenciement pour faute grave privatif de toute indemnité pour le salarié et d'autre part qu'au regard de la gravité des agissements de c. BO. elle n'a commis aucun abus dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK conclut au débouté de l'intégralité des prétentions formulées à son encontre.

La SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK fait valoir à titre subsidiaire :

* qu'un licenciement concernant moins de dix salariés ne revêtant pas le caractère d'un licenciement » collectif «, l'avenant n° 12 à la convention collective nationale du travail n'était pas applicable en l'espèce,

* qu'à partir du moment où c. BO. et g. LE. n'appartenaient pas à la même catégorie professionnelle, l'ordre de priorité légal a parfaitement été respecté.

Elle invoque à ces diverses fins les moyens suivants :

S'agissant du premier licenciement notifié le 8 janvier 2003, fondé sur un motif d'ordre économique

Sur la violation de l'avenant n° 12 à la convention collective nationale du travail :

* si l'avenant n° 12 ne précise certes pas expressément le nombre de salariés devant être atteint pour que le licenciement revête un caractère collectif, en imposant toutefois le respect de certaines formalités, en terme d'information notamment, à partir de dix salariés, cet accord a implicitement mais nécessairement considéré qu'un licenciement devenait collectif dès lors qu'il concerne au moins dix salariés,

* le personnel des banques disposant d'une convention collective propre, l'avenant n° 12 à la convention collective nationale du travail n'est, en tout état de cause, pas applicable au cas d'espèce.

Sur la violation de l'ordre légal de licenciement :

* pour apprécier si deux salariés appartiennent à la même catégorie professionnelle, la jurisprudence recherche d'une manière constante, à partir d'une appréciation in concreto, s'ils sont interchangeables.

Dès lors en l'espèce :

* que Monsieur LE. disposait d'une signature A l'autorisant à engager la banque d'un point de vue juridique et financier, alors que c. BO. ne disposait que d'une signature B,

* qu'en sa qualité de Sous-Directeur ou Directeur-Adjoint, g. LE. exerçait des fonctions administratives de direction et de représentation que c. BO. n'assumait pas et ne pouvait pas assumer, compte tenu de son profil et de son expérience,

* que les fonctions commerciales exercées tant par g. LE. que par c. BO. n'étaient pas identiques, les clientèles différentes gérées par chacun d'eux supposant une méthode commerciale appropriée et un profil particulier,

ces deux salariés n'étaient pas » interchangeables «.

S'agissant du licenciement pour faute grave

Sur l'absence de saisine du conseil de discipline :

* le contrat de travail de c. BO. étant déjà rompu, la saisine du conseil de discipline n'aurait eu aucune conséquence sur sa sortie physique de la banque, laquelle était d'ailleurs déjà intervenue puisqu'il avait été dispensé de l'exécution de son préavis,

* la saisine du conseil de discipline ne pouvait que nuire à c. BO., puisqu'elle aurait imposé le déballage de griefs sur la place bancaire qui auraient fait à l'intéressé une très mauvaise publicité,

* cette procédure suivie de la saisine de la commission disciplinaire aurait imposé des délais qui se seraient » chevauchés avec ceux du licenciement économique «,

* alors que l'article 32 de la convention collective lui offrait pourtant expressément cette possibilité, c. BO. n'a pas déféré la décision de licenciement dont il a fait l'objet à la commission paritaire.

Sur la preuve des fautes invoquées et leur caractère de gravité :

* s'il appartient certes au Tribunal du Travail d'apprécier la validité et la réalité du motif allégué à travers les griefs contenus dans la lettre de rupture, il n'est pas interdit à l'employeur, à qui incombe la charge de la preuve, d'évoquer et de produire tous éléments de nature à conforter » les éléments et les faits qui l'ont amené à prononcer le licenciement «,

* les pièces démontrant l'existence d'instructions et de procurations données » en blanc « qui portent la signature de c. BO. sont annexées au rapport d'audit,

* le rapport d'audit, dont l'objectivité ne peut être remise en cause dès lors qu'il n'émane pas de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK mais de la maison mère qui n'a aucun intérêt à préjudicier à c. BO., révèle l'existence d'opérations récurrentes et notamment de compensations, qui sont non seulement interdites par la législation française et italienne mais également unanimement condamnées par tous les principes prudentiels, dans la mesure où elles brisent la traçabilité documentaire et s'avèrent donc contraires aux luttes contre le blanchiment d'argent.

Les investigations menées postérieurement au départ de c. BO. de la banque ont permis d'établir que ce dernier avait contrevenu à l'obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur en se livrant à une réelle activité para bancaire :

* en gérant les fonds d'un tiers placés au surplus dans un établissement concurrent,

* en utilisant les services d'une société Offshore, créée à cet effet, pour faire transiter les fonds de clients et opacifier ainsi la circulation des flux, ce type de pratique, dont il retirait au surplus un profit personnel, étant totalement prohibé tant par le règlement intérieur que par la convention de banque Suisse et les recommandations de l'AMB.

S'agissant des salaires et indemnités légales et conventionnelles réclamées par c. BO.

Salaires :

* en réclamant le paiement des salaires lui restant dus pour la période du 9 janvier au 20 février 2003, c. BO. reconnaît implicitement qu'il a fait l'objet à cette date d'un licenciement pour faute grave annulant le premier licenciement pour motif économique,

* c. BO. ayant déjà reçu paiement, au titre de la période incriminée, de la somme de 7.322,00 €, celui-ci ne peut, quelle que soit la qualification retenue (indemnité – préavis ou salaire), demander qu'elle lui soit servie une deuxième fois, car cela constituerait un » enrichissement sans cause «,

Indemnités légales et conventionnelles :

* c. BO. ayant fait l'objet le 20 février 2003 d'un licenciement pour fautes graves avérées, annulant purement et simplement le licenciement pour motif économique précédemment notifié, ce dernier ne peut prétendre au bénéfice d'aucune indemnité, quelle qu'elle soit,

* la jurisprudence française de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, qui considère que la faute grave révélée après le licenciement et commise antérieurement ne peut entraîner la perte du droit à l'indemnité de licenciement, dans la mesure où ce dernier naît à la date de la rupture, n'est en tout état de cause pas transposable en Principauté de Monaco dans la mesure où :

* cette analyse est fondée sur le caractère figé des motifs du licenciement imposé par la loi française et non par la loi monégasque,

* ce principe ne tient pas compte du fait que l'employeur puisse renoncer à son droit unilatéral de rupture mis en œuvre une première fois pour le réitérer sous une forme différente,

* l'analyse de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation est critiquable en ce qu'elle valide un certain nombre d'agissements fautifs et/ou frauduleux et incite les coupables à ne surtout pas se faire prendre avant le licenciement,

* l'employeur et le salarié demeurant tenus au respect de toutes leurs obligations réciproques durant le préavis, la faute grave commise par c. BO. avant la notification du licenciement et découverte en cours de préavis prive l'intéressé du droit de percevoir l'indemnité correspondante.

* S'agissant des dommages et intérêts réclamés :

* l'ancienneté susceptible d'être prise en considération pour apprécier le préjudice allégué par c. BO. n'est pas celle dont l'intéressé dispose au sein de la profession, mais celle qu'il a acquise au service de son ancien employeur,

* c. BO. n'a pas fait l'objet du moindre dénigrement, la banque s'étant seulement vue dans l'obligation d'informer ses clients, lesquels ne sont nullement des tiers, du motif du licenciement sans entrer sans le détail, afin que ce dernier ne continue pas d'utiliser le nom et la réputation de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK auprès d'eux,

* les sommes réclamées sont, en tout état de cause, disproportionnées au regard des critères (ancienneté et âge) habituellement retenus par la jurisprudence.

SUR CE,

Si le licenciement constitue certes un acte juridique unilatéral, il ouvre toutefois des droits au profit du salarié concerné par cette mesure.

L'employeur ne peut par suite unilatéralement rétracter sa décision postérieurement à sa notification, sans avoir obtenu l'accord express du salarié (GO. c/ CO. – Tribunal du Travail : 11 avril 2002 – Tribunal de Première Instance : 13 mars 2003).

Il est constant en l'espèce que la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a notifié à c. BO., par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 janvier 2003, son licenciement pour un motif d'ordre économique tenant à l'existence de pertes financières récurrentes ayant rendu nécessaire une restructuration complète de ses effectifs.

Si la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a certes, dans le courrier adressé le 20 février 2003 à c. BO. et dans ses écritures judiciaires, exprimé son intention de revenir sur la mesure de licenciement pour motif économique pour y substituer un licenciement immédiat, pour une cause personnelle grave, force est de constater toutefois que cette rétractation n'a pas été acceptée par le salarié.

Qu'en demandant à la présente juridiction de sanctionner les violations par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK des dispositions de l'avenant n° 12 de la convention collective nationale du travail et de l'article 6 de la loi n° 629 et de constater le caractère abusif du licenciement économique, c. BO. a au contraire clairement manifesté sa volonté de ne pas acquiescer à cette rétractation.

Dès lors par ailleurs que l'annulation d'un acte juridique, qui constitue la sanction d'une irrégularité substantielle de forme ou de fond, ne peut être prononcée que par une juridiction saisie d'une demande à cette fin, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK n'est pas davantage fondée à soutenir que le licenciement pour motif économique notifié le 8 janvier 2003 à c. BO. aurait été » annulé et remplacé « par un nouveau licenciement pour fautes graves.

Le contrat de travail liant la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK à c. BO. a donc bien été rompu, à l'initiative de l'employeur, le 8 janvier 2003.

Les parties demeurant cependant tenues, pendant le cours du préavis, qu'il soit exécuté ou non, au respect des obligations réciproques qui leur incombent, la décision prise le 20 février 2003 par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK s'analyse en réalité en une notification à c. BO. de l'interruption de son préavis motivée par l'existence de fautes graves que ce dernier aurait commises antérieurement à la notification de son licenciement.

Il appartient par suite à la présente juridiction d'examiner dans un premier temps la validité et la régularité du licenciement pour motif économique mis en œuvre le 8 janvier 2003, puis de rechercher si c. BO. s'est rendu coupable d'une faute grave justifiant l'interruption immédiate du préavis de trois mois qui lui avait été accordé, et enfin d'apprécier si la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a commis, dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture, une ou plusieurs fautes susceptibles de conférer au licenciement intervenu un caractère abusif.

1) Sur la validité et la régularité du licenciement pour motif économique notifié le 8 janvier 2003

a) Sur la validité du motif de la rupture

Il résulte des termes de la lettre adressée le 8 janvier 2003 par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK à c. BO. que le motif d'ordre économique du licenciement réside dans l'existence de pertes financières récurrentes ayant rendu nécessaire une restructuration complète des effectifs de la société, et plus particulièrement, au regard de son échec commercial patent et de l'absence de toutes perspectives d'évolution favorable, un redimensionnement du département italien.

Force est de constater que la validité du motif économique n'a pas été contestée par c. BO., qui ne réclame au demeurant nullement le paiement de l'indemnité spécifique prévue par l'article 2 de la loi n° 845, mais sollicite seulement le paiement de l'indemnité conventionnelle de congédiement prévue par la convention collective des banques.

Les graves difficultés financières rencontrées par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK se trouvent, en tout état de cause, suffisamment démontrées par les conclusions du rapport d'audit opérationnel réalisé par Messieurs DU. et JO., respectivement Auditeur Général et Auditeur du groupe I.N.G., au sein des services de la banque, lesquels après avoir relevé :

* l'existence de pertes financières importantes : 258.030,00 € en 1999, 1.333.576,05 € en 2001, 988.000,00 € du 1er janvier au 31 octobre 2002, soit une perte moyenne de 98.000,00 € par mois,

* la faiblesse de la masse d'actifs clientèle par rapport au nombre de gestionnaires et d'assistants,

* l'importance de l'effectif de l'équipe Italie par rapport aux actifs et surtout au nombre de comptes gérés (98 comptes représentant 40 millions d'euros pour trois collaborateurs),

* un ratio assistants/conseillers gestionnaires anormalement élevé au regard du faible nombre de clients,

estiment qu'il est indispensable d'une part de réduire de manière globale significative la masse salariale d'environ 450.000,00 € par an, en se séparant d'au minimum cinq personnes, dont une avec un salaire de niveau DG et d'autre part de préparer un » business plan « ambitieux en matière d'apport clientèle à présenter à la direction générale du siège de Genève.

L'effectivité de la suppression du poste de co-manager Southern Europe occupé par c. BO. n'étant pas davantage contestable, il convient en définitive de considérer que le motif économique invoqué par l'employeur est bien avéré.

b) Sur la régularité du licenciement

c. BO. reproche à son employeur d'avoir contrevenu aux dispositions de l'avenant n° 12 de la convention collective nationale du travail et de n'avoir pas respecté l'ordre légal des licenciements prévu par l'article 6 de la loi n° 629.

* Sur la violation de l'avenant n° 12 de la convention collective nationale du travail

La convention collective monégasque du travail du personnel des banques ne soumettant dans son chapitre VII consacré aux » licenciements individuels et collectifs « les licenciements économiques collectifs à aucune procédure particulière, puisqu'elle se borne à renvoyer aux autorisations » prévues par les lois et règlements «, les dispositions de l'avenant n° 12 à la convention collective nationale du travail s'appliquent incontestablement.

Il est constant en l'espèce que les signataires de cet accord visant à instaurer au profit des délégués du personnel un droit d'information sur les projets de licenciement collectif pour raison économique n'ont subordonné la saisine des représentants des salariés à aucune condition en terme d'effectifs, le nombre de dix salariés visé aux articles 9 et 10 constituant seulement le seuil à partir duquel l'employeur a, en outre, l'obligation de respecter un délai, dont la durée varie en fonction du nombre de licenciements envisagés, entre la réunion des délégués et sa décision définitive.

En l'absence de seuil défini par les partenaires sociaux, il convient donc de considérer que revêt un caractère collectif le licenciement d'au moins deux salariés ayant une cause économique commune.

La » restructuration complète « de ses effectifs mise en œuvre par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK, ensuite des conclusions du rapport d'audit, concernant outre c. BO. trois autres salariés, ladite société avait l'obligation de soumettre son projet de licenciement économique au délégué du personnel, élu par les salariés (dont l'effectif excédait le seuil de dix, imposé par l'article 1er de la loi n° 459) de cet établissement.

Cette obligation n'ayant pas été respectée par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK la violation de l'avenant n° 12 dénoncée par c. BO. est bien caractérisée en l'espèce.

* Sur la violation de l'article 6 de la loi n° 629

Selon la définition fournie le 2 février 1989 par le Tribunal de Première Instance, l'ordre des licenciements édicté par l'article 6 susvisé n'est appelé à être mis en œuvre que lorsque les salariés concernés appartiennent à la même catégorie professionnelle » de telle manière que, du seul point de vue des compétences professionnelles, il serait indifférent à l'employeur de se séparer de l'un ou l'autre de ces salariés «.

Pour rechercher si c. BO. et g. LE. appartiennent à la même catégorie professionnelle, l'intitulé de leur poste (Sous-Directeur pour g. LE. et Co-Manager pour c. BO.), leur classification (hors classe pour g. LE. et classe VII pour c. BO.) et le niveau de signature qui leur a été attribué (A pour LE. – B BO.) ne revêtent, à eux seuls, aucun caractère déterminant.

Il convient donc de procéder à une appréciation in concreto, tenant compte tant de la nature réelle des fonctions et des responsabilités exercées que de la compétence professionnelle acquise par chacun d'eux.

Si ces deux salariés exerçaient incontestablement, au vu des conclusions du rapport d'audit, nonobstant leurs titres différents, à titre principal les fonctions de conseiller de clientèle, il résulte toutefois des divers documents versés aux débats que c. BO. partageait avec Monsieur MA. la charge de la clientèle » Europe du Sud «, parmi laquelle au premier titre la clientèle italienne, alors que g. LE. s'occupait quant à lui des résidents et non-résidents de Suisse – Luxembourg – Middle Est et Belgique.

Chacune de ces clientèles, dont les exigences, les besoins et les attentes s'avèrent fondamentalement différents nécessitant une méthode commerciale appropriée et un profil particulier, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK pouvait légitimement estimer que c. BO., qui se présente lui-même comme » spécialisé en clientèle italienne ", ne disposerait pas de toutes les aptitudes nécessaires pour gérer la clientèle de g. LE.

L'analyse du parcours de ces deux salariés révèle par ailleurs et surtout que g. LE. avait acquis, au cours de ses 22 années passées au sein de la profession bancaire, une riche expérience professionnelle et surtout une réelle polyvalence, ayant tour à tour exercé des fonctions administratives, comptables et commerciales, dont ne disposait nullement c. BO., essentiellement spécialisé en gestion de patrimoines.

À cet égard, il ne pouvait par suite être indifférent pour la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK, dans l'optique de surcroît du futur remplacement de Monsieur p. M. GR. et de la nomination d'un nouveau dirigeant responsable, de se séparer de l'un ou de l'autre de ces deux salariés.

Messieurs g. LE. et c. BO. ne pouvant dans ces conditions être considérés comme faisant partie de la même catégorie professionnelle, en procédant au licenciement de c. BO. la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article 6 de la loi n° 629.

2) Sur la validité et la régularité de la notification de l'interruption du préavis pour faute grave

A) sur la violation des dispositions de l'article 27 de la convention collective des banques

En application des dispositions de l'article 27 de la convention collective monégasque du travail des personnels des banques, la mise en œuvre des sanctions du deuxième degré, parmi lesquelles figurent la rétrogradation et la révocation, exige au préalable l'avis d'un conseil de discipline constitué dans chaque banque occupant normalement plus de dix salariés.

Dès lors en l'espèce :

1) qu'en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 le contrat de travail à durée indéterminée ne prend fin qu'au terme du préavis,

2) que pendant la durée du préavis, qu'il soit ou non exécuté, l'employeur et le travailleur, en vertu de l'article 10 de la loi précitée, sont tenus au respect de toutes les obligations réciproques qui leur incombent,

c. BO. faisait bien partie des effectifs de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK à la date du 20 février 2003, le licenciement pour motif économique qui lui avait été notifié le 8 janvier 2003 ne prenant effet qu'à l'issue d'un délai de préavis de trois mois.

La SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK était donc tenue, avant d'infliger à c. BO. une sanction disciplinaire du deuxième degré, de requérir l'avis du conseil de discipline.

En s'abstenant de saisir cette instance disciplinaire, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a contrevenu aux dispositions de l'article 27 de la convention collective susvisée.

B) Sur la faute grave justifiant l'interruption du préavis

La lettre de notification de la rupture ne fixant pas, en droit positif monégasque, les termes du litige, il est loisible à un employeur d'invoquer au soutien d'un licenciement des motifs non mentionnés lors de la rupture, à la double condition toutefois d'une part que ces faits aient existé, au moins à l'état de germe, au moment de la notification du licenciement et d'autre part qu'ils ne soient pas dénués de tout lien avec ceux invoqués dans cette correspondance.

En l'espèce il résulte des pièces produites aux débats par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK (rapport d'audit en date du 20 février 2003, lettre de Madame IP., témoignage de Monsieur MA., pièces relatives à la société ACT obtenues ensuite de l'ordonnance de référé du 7 mai 2004), à laquelle incombe la charge de la preuve des éléments propres à justifier l'existence de la faute grave alléguée dans la lettre de rupture en date du 20 février 2003, que c. BO. a, au cours de l'exécution de son contrat de travail :

* fait à diverses reprises usage d'instructions de transfert, de procurations pour comptes individuels ou joints, en blanc, voire même de feuilles de papier vierges, format A4 portant uniquement la signature du client concerné,

* procédé, lors d'un déplacement en Italie courant décembre 2001, à des opérations de compensation en faveur de deux de ses clients,

* utilisé le compte ouvert dans les livres de la BNP au nom d'une société Offshore dénommée société ACT Ltd, dont il est le bénéficiaire indirect, pour faire transiter les fonds d'un client dénommé DE. vers la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK, au mépris de toutes les règles prudentielles et surtout des principes de traçabilité,

* procédé à divers prélèvements en espèces sur les sommes déposées sur le compte de ladite société ACT Ltd, afin de satisfaire les besoins en argent de poche de son client, se livrant ainsi à une véritable activité bancaire parallèle.

En agissant de la sorte, c. BO. a gravement contrevenu tant aux procédures internes à la banque qui interdisent (cf. annexe 3 page 11 du manuel de procédures internes) :

* l'utilisation de comptes appartenant aux employés pour filtrer ou masquer les transactions d'un client,

* l'utilisation de déclarations incomplètes ou trompeuses, parmi lesquelles celles destinées à frauder l'administration, notamment l'administration fiscale,

qu'aux recommandations données par l'association monégasque des banques.

Il a en outre enfreint l'obligation de loyauté à laquelle il était tenu à l'égard de son employeur.

De tels agissements constituant incontestablement des fautes graves, rendant impossible la poursuite des relations entre les parties jusqu'à 8 avril 2003, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK était fondée à notifier le 20 février 2003 à c. BO. la rupture immédiate de son contrat de travail entraînant l'interruption du préavis.

C) Sur les conséquences de l'interruption du préavis

a) Indemnité de congédiement

Si la découverte en cours de préavis de la faute grave commise avant la notification de son licenciement par c. BO. autorisait certes la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a rompre sur le champ le contrat de travail de ce salarié, elle ne peut toutefois priver l'intéressé de son droit à percevoir l'indemnité de congédiement, ce droit étant en l'espèce né à la date de la notification par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK à c. BO. de son licenciement, pour un motif d'ordre économique, soit, en l'espèce, le 8 janvier 2003 (cf. Tribunal de Première Instance 19 février 1998 : RU. contre AL. – Tribunal du Travail : DJ. contre TOP NETT – 12 mai 2005).

Compte tenu d'une part de son ancienneté de services acquise au sein de la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK (trois semestres complets) et d'autre part, s'agissant d'un licenciement pour suppression d'emploi, du montant de son traitement conventionnel annuel, calculé sur la base de 14,5 mois de salaires, le montant de l'indemnité de congédiement revenant à c. BO. s'élève, en application des dispositions des articles 39 et 40 de la convention collective des banques, à la somme de :

(7.622,50 € x 3) / 2 = 11.433,75 €.

b) Préavis

Le contrat de travail subsistant jusqu'au terme du préavis, le salarié dispensé de l'exécution dudit préavis reste tenu à l'égard de l'employeur des obligations de loyauté et de fidélité qui ne se rattachent pas directement à l'exécution de la prestation de travail.

La faute grave commise par le salarié pendant la période correspondant au préavis non exécuté justifie donc, lorsqu'elle est payée mois après mois aux échéances habituelles de paie, la cessation du versement de l'indemnité compensatrice de préavis, et lorsqu'elle est payée en une seule fois au moment de la cessation effective des fonctions, le remboursement de la part de ladite indemnité versée par anticipation.

Lorsque les faits fautifs ont été découverts pendant l'exécution du préavis mais commis antérieurement à la notification du licenciement, le salarié doit en revanche recevoir paiement de l'intégralité de l'indemnité compensatrice de préavis, laquelle lui est, dans cette hypothèse, définitivement acquise.

Les faits qualifiés de graves établis à l'encontre de c. BO. ayant en l'espèce, bien que découverts en cours de préavis, été commis par l'intéressé antérieurement à la notification de son licenciement pour un motif non inhérent à sa personne, l'indemnité compensatrice correspondant aux trois mois de préavis qui lui sont dus en sa qualité de cadre par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK, en application des dispositions de l'article 29 de la convention collective de référence, lui est définitivement acquise.

Pour apprécier le montant de ladite indemnité il doit être tenu compte, conformément aux dispositions de l'article 11 de la loi n° 729, de la rémunération et des avantages de toute nature dont aurait bénéficié c. BO., s'il avait effectivement travaillé durant la période du 9 janvier au 8 avril 2003 inclus.

Au vu des fiches de paie produites aux débats l'indemnité revenant à ce titre à c. BO. s'élève donc à la somme de 23.952,91 €, outre l'indemnité de congés payés correspondante, soit 2.395,29 €, dont à déduire la somme de 7.322,07 € d'ores et déjà perçue, soit en définitive un solde en faveur du salarié s'élevant à : 19.026,13 €.

c) Salaire afférent à la période du 9 janvier au 20 février 2003

La rétractation par la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK du licenciement pour motif économique notifié le 8 janvier 2003 à c. BO. n'ayant pas été acceptée par ce dernier, le contrat de travail de ce salarié a été rompu à l'initiative de l'employeur le 8 janvier 2003.

c. BO. qui a obtenu dans le cadre de la présente instance paiement de l'indemnité compensatrice de préavis lui revenant pour la période du 9 janvier au 8 avril 2003 inclus, ne peut donc prétendre pour la période postérieure à la notification de la rupture au paiement de son salaire.

3) Sur le caractère abusif du licenciement

En s'abstenant tout d'abord, nonobstant les prescriptions de l'article 11 de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la convention collective nationale du 5 novembre 1945, de consulter les délégués du personnel sur le licenciement collectif envisagé ensuite des conclusions de l'audit réalisé du 28 au 30 octobre 2002 au sein de ses services, et en ne requérant pas par ailleurs, préalablement à la notification à c. BO. de l'interruption de son préavis pour une cause personnelle grave, l'avis du conseil de discipline exigé par l'article 27 de la convention collective des banques, la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK a fait preuve d'une légèreté blâmable dans la mise en œuvre de son droit unilatéral de rupture.

Cette légèreté blâmable conférant au licenciement intervenu un caractère abusif, c. BO. est en droit d'obtenir réparation du ou des préjudices subis.

Le rôle essentiel dévolu aux délégués du personnel résidant dans la possibilité de présenter toutes suggestions de nature à réduire le nombre des licenciements envisagés, la méconnaissance par la banque des dispositions de l'avenant n° 12 à la convention collective nationale du travail a privé c. BO. d'une chance de ne pas être licencié.

Par ailleurs si c. BO. soutient certes, à juste titre, que l'absence de saisine du conseil de discipline l'aurait empêché de laver sa réputation professionnelle, force est de constater toutefois qu'il n'a pas fait usage de la faculté qui lui était offerte par l'article 32 de la convention collective des banques de saisir, à défaut de révision de sa décision par l'employeur, lui-même la commission paritaire.

Le préjudice subi par c. BO., ensuite de la violation par la banque des dispositions formelles susvisées, sera par suite justement réparé par l'allocation à son profit d'une somme de 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

L'intention de la banque de nuire aux intérêts de c. BO. en le dénigrant au sein de son milieu professionnel n'étant démontrée par aucune pièce probante, c. BO. ne peut prétendre de ce chef à l'allocation de dommages et intérêts.

Les frais de justice (avocats, huissiers et traducteurs) au titre desquels c. BO. sollicite l'allocation d'une somme de 35.000,00 € étant pour l'essentiel afférents à la procédure de saisie arrêt dont la Cour d'Appel, après avoir rétracté l'ordonnance d'autorisation rendue à cette fin le 10 novembre 2003 par le Président du Tribunal de Première Instance, a dans son arrêt du 26 avril 2005 purement et simplement ordonné la main levée, la demande présentée à ce titre sera également rejetée.

L'urgence invoquée par le demandeur n'apparaissant enfin pas suffisamment caractérisée, l'exécution provisoire sollicitée n'a pas lieu d'être ordonnée.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Condamne la SAM I.N.G. BARING PRIVATE BANK à payer à c. BO. les sommes suivantes :

* 11.433,75 euros, (onze mille quatre cent trente-trois euros et soixante-quinze centimes), au titre de l'indemnité conventionnelle de congédiement prévue par l'article 39 de la convention collective monégasque du travail des banques,

* 19.026,13 euros, (dix-neuf mille vingt-six euros et treize centimes), à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis, en ce compris l'indemnité de congés payés y afférente,

ces deux sommes produisant intérêts de retard au taux légal à compter de la convocation en conciliation valant mise en demeure,

* 15.000,00 euros, (quinze mille euros), à titre de dommages et intérêts.

Déboute c. BO. du surplus de ses prétentions.

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

Ordonne le partage des dépens par moitié entre les parties.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6121
Date de la décision : 30/06/2005

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : c. BO.
Défendeurs : la SAM ING Baring Private Bank

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2005-06-30;6121 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award