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09/12/2004 | MONACO | N°6152

Monaco | Tribunal du travail, 9 décembre 2004, s IN c/ la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT


Abstract

Licenciement économique par une agence de croisière - Validité du motif (oui) - Réclamation d'heures supplémentaires - Conditions - Absence d'information des délégués du personnel - Abus

Résumé

Le salarié qui réclame paiement d'heures supplémentaires, doit produire un décompte, établi par semaine civile et comportant, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance loi du 2 décembre 1959, pour chacune des semaines couvertes par sa réclamation, des indications d'heures, des taux horaires de base et majoré. Le retrait de la gestion de

la totalité d'une flotte qui constituait son activité principale justifie le motif ...

Abstract

Licenciement économique par une agence de croisière - Validité du motif (oui) - Réclamation d'heures supplémentaires - Conditions - Absence d'information des délégués du personnel - Abus

Résumé

Le salarié qui réclame paiement d'heures supplémentaires, doit produire un décompte, établi par semaine civile et comportant, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance loi du 2 décembre 1959, pour chacune des semaines couvertes par sa réclamation, des indications d'heures, des taux horaires de base et majoré. Le retrait de la gestion de la totalité d'une flotte qui constituait son activité principale justifie le motif économique du licenciement de plusieurs salariés. Le non-respect des dispositions de la Convention Collective applicable relatives à l'information et à la consultation des délégués du personnel rend le licenciement économique abusif sur le fondement des dispositions des articles et suivants de l'avenant n° 12 de la Convention Collective Nationale du Travail du 20 mars 1970.

Une secrétaire bilingue embauchée le 1er mai 1995 est licenciée pour motif économique en raison du transfert des navires d'une flotte entière. La salariée qui réclame paiement outre de dommages intérêts, d' heures supplémentaires et de solde d'indemnités de préavis et congédiement sur la base d'une convention collective qu'elle estime applicable, a attrait son employeur devant le Tribunal du travail en tenant la rupture pour non fondée et abusive. Ce dernier estime, quant à lui, que la salariée a été remplie de ses droits et que le licenciement économique est la conséquence de la résiliation intervenue du contrat par lequel lui avait été confiée la gestion des huit navires d'une société de croisière et qu'aucun abus n'existe.

Le tribunal du Travail déboute, en premier lieu, la salariée, de sa demande en paiement d'heures supplémentaires qui, bien que fondée en son principe, ne repose sur aucun décompte établi par semaine civile conforme aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance loi du 2 décembre 1959. Le 13e mois apparait avoir été versé ainsi que l'indemnité de congédiement calculée sur la base de l'article 1er de la loi n° 845. L'indemnité de licenciement, prévue par l'article 2 de ce même texte, n'est pas due car la rupture repose sur un motif économique valable, l'employeur s'étant vu retirer la gestion de l'intégralité de la flotte qui constituait son activité principale. Enfin, des dommages intérêts sont dus en raison du caractère abusif du licenciement qui n'a pas été précédé des informations et consultations des délégués du personnel telles que prévues par la Convention Collective Nationale du Travail du 20 mars 1970 article 6 et suivants de l'avenant n° 12. Une somme de 18.000 € est allouée à la salariée, compte tenu de son âge, de son ancienneté et d'une prime déjà versée, improprement qualifiée de transactionnelle.

Motifs

Perte de la flotte constituant son activité principale

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 26 juin 2003, reçue le 1er juillet 2003 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 23 septembre 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, au nom de Mademoiselle s IN, en date des 23 octobre 2003 et 25 mars 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT, en date des 29 janvier 2004 et 27 juillet 2004 ;

Après avoir entendu, Maître Sophie LAVAGNA-BOUHNIK, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Mademoiselle s IN, et Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Embauchée le 1er mai 1995 par la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT en qualité de secrétaire bilingue, s IN, qui occupait en dernier lieu au sein de cette société les fonctions de « Purchasing agent », s'est vue notifier le 30 juillet 2002 son licenciement à effet du 31 août 2002, pour un motif d'ordre économique, dans les termes suivants :

« Madame,

» Nous vous confirmons par la présente les termes de nos différents « entretiens relatifs à votre situation professionnelle actuelle et de son » évolution au sein de notre société.

« Les transferts des navires de la flotte » COSTA CROCIERE « sous » pavillon italien à partir du mois de septembre 2000 ont conduit à « réorganiser et modifier l'implantation géographique de certains de nos » services, y compris le service technique dont vous faites partie.

« Le poste que vous occupez sera définitivement supprimé à Monaco à » compter du 31 octobre 2002 pour être transféré, à cette date, sur notre « site de Gênes en Italie.

» Nous prenons acte de votre décision de ne pas donner suite aux « propositions de poste équivalent qui vous ont été faites à l'étranger et » nous regrettons de nous voir contraints de vous signifier votre « licenciement à la date du 31 août 2002. ».

Soutenant d'une part ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits au cours de l'exécution de son contrat de travail et estimant d'autre part que son licenciement était dépourvu de motif valable et revêtait en outre un caractère abusif, s IN, ensuite d'un procès-verbal de défaut en date du 22 septembre 2003, a attrait la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT, devant le Bureau du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir :

1) le paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la demande :

– 3.369,60 €, à titre de rappel de majoration d'heures supplémentaires de décembre 1999 à novembre 2002,

– 185,45 €, au titre des heures supplémentaires non payées sur 36 mois,

– 2.733,88 €, à titre de complément d'indemnité de préavis (1 mois),

– 2.506,33 €, à titre de rappel de treizième mois, prorata temporis, pour l'année 2002,

– 628,89 €, à titre de rappel d'indemnité de congés payés acquise sur heures supplémentaires et sur préavis,

– 6.019,58 €, à titre d'indemnité de congédiement,

– 9.951,76 €, à titre d'indemnité de licenciement,

– 71.080,88 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, dont à déduire l'indemnité de congédiement non cumulable,

2) la régularisation des documents suivants :

– dernier bulletin de salaire portant rappel des sommes dues,

– attestation Assedic,

– certificat de travail,

– reçu pour solde de tout compte, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après huit renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue au cours de l'audience du 4 novembre 2004, à l'issue de laquelle le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 9 décembre 2004.

s IN fait valoir en substance à l'appui de ses prétentions :

– En ce qui concerne les demandes de rappel de salaires et d'accessoires de celui-ci

a) Heures supplémentaires

* qu'alors que la durée hebdomadaire de travail contractuellement convenue lors de son entrée dans la société était de 39 heures, son employeur lui a demandé à compter du 6 décembre 1999 d'effectuer 46 heures de travail, soit 33 heures supplémentaires par mois complet,

* que les heures accomplies au delà de la durée de travail hebdomadaire de 40 heures et jusqu'à 48 heures inclusivement ouvrant droit, au profit du salarié concerné, à une majoration du taux horaire applicable de 25 % dont elle n'a, au vu des mentions portées sur ses bulletins de paie, jamais bénéficié, elle est en droit de prétendre à ce titre à l'allocation des sommes de :

* 3.369,60 €, représentant le montant des majorations afférentes aux heures supplémentaires réalisées par ses soins du mois de décembre 1999 au mois de novembre 2002 inclus,

* 185,45 €, représentant les heures supplémentaires impayées, à laquelle il convient d'ajouter l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

b) Treizième mois

* qu'au prorata du temps travaillé sur l'année 2002 elle est fondée à solliciter le paiement d'une indemnité de 13e mois d'un montant de 2.506,33 €.

– En ce qui concerne les demandes en paiement d'indemnités de préavis, et de congédiement

a) Préavis

* Qu'alors qu'en application des dispositions de l'article 20 de la Convention Collective de la Navigation Libre, elle aurait dû bénéficier, à partir du moment où elle justifie d'une ancienneté de services supérieure à cinq ans, d'un délai de préavis égal à trois mois, la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT ne lui a accordé, en se fondant sur les dispositions de la Convention Collective des Transports Routiers, qu'un délai de préavis de deux mois,

* que cette société pour se dérober à ses obligations ne peut sérieusement soutenir que le complément de préavis lui revenant aurait été inclus dans le montant de l'indemnité transactionnelle qui lui a été versée, alors que n'ayant jamais signé la moindre transaction, elle ne peut valablement se la voir opposer.

b) Indemnité de congédiement

* Qu'ayant exercé successivement la profession d'agent d'achat naval, puis d'employée qualifiée, comme indiqué sur l'attestation ASSEDIC, elle relève de la catégorie professionnelle des techniciens et agents de maîtrise,

* qu'en conséquence et dès lors qu'elle dispose au surplus d'une ancienneté professionnelle supérieure à trois années, le montant de l'indemnité de congédiement lui revenant aurait dû être calculé, conformément aux dispositions de la Convention Collective des Transports Routiers, sur la base de 3/10e de mois par année de présence, soit au total la somme de 6.019,58 €.

- En ce qui concerne la validité du motif du licenciement et le caractère abusif de la rupture

a) Validité du motif

* Qu'alors qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la validité du motif de la rupture, la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT n'établit par aucun document quel qu'il soit les circonstances économiques justifiant les mesures de licenciement intervenues,

* que les licenciements prononcés ne reposent en tout état de cause pas sur des considérations économiques, mais politiques, la société, qui ne se trouvait nullement en faillite, ayant librement choisi de transférer le secteur d'activités considéré en Italie, sous une autre enseigne,

* qu'à partir du moment enfin où la société COSTA CROCIERE est une société « totalement différente de la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT », la cessation des relations contractuelles ayant existé entre ces deux sociétés ne peut valablement constituer le motif des licenciements intervenus,

* qu'elle est dès lors fondée à solliciter le paiement, au titre de l'indemnité de licenciement, de la somme de 9.951,76 € dont à déduire le montant de l'indemnité de congédiement non cumulable, soit en définitive un solde de 3.932,18 €.

b) Caractère abusif de la rupture

* Qu'en en respectant pas les dispositions de l'article 9 de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail et en affirmant, sans être en mesure d'en justifier par la production des documents correspondants, qu'elle aurait refusé d'accepter un poste équivalent à Gênes, tout en soutenant simultanément qu'elle n'avait pas le pouvoir de formuler les propositions d'engagement offertes par la Société COSTA CROCIERE, n'étant même pas tenue de les connaître, la Société PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT a non seulement agi avec une légèreté blâmable mais aussi fait preuve, tout au long de la procédure, d'une mauvaise foi patente, laquelle confère un caractère abusif au licenciement intervenu et justifie l'allocation à son profit de la somme de 71.080,88 € à titre de dommages et intérêts.

Estimant quant à elle d'une part que s IN a été intégralement remplie de ses droits au cours de l'exécution de son contrat de travail, d'autre part que le licenciement, qui est la conséquence de la résiliation intervenue le 31 août 2002 du contrat par lequel la SPA COSTA CROCIERE lui avait confié la gestion technique de ses huit navires, repose sur un motif économique « réel et sérieux », et enfin qu'à défaut pour s IN d'avoir rapporté la preuve de l'intention de lui nuire ou de la légèreté blâmable dont l'employeur aurait fait preuve la rupture ne peut être qualifiée d'abusive, la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT conclut au débouté de l'intégralité des demandes formées à son encontre.

Elle sollicite en outre, à titre reconventionnel, que le caractère abusif et vexatoire de la présente procédure soit sanctionné par l'allocation à son profit d'une somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts.

Elle invoque à ces diverses fins, les moyens suivants :

- En ce qui concerne les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

a) Heures supplémentaires et majorations

* Dès lors qu'elles ne correspondent pas à une charge supplémentaire et temporaire de travail, mais à un changement de la durée des horaires de travail à compter du mois de novembre 1999, les heures effectuées chaque semaine par s IN au-delà de la 39e heure ne constituent pas en droit des heures supplémentaires,

* la modification de la durée hebdomadaire du travail de cette salariée, dont celle-ci a expressément accepté le principe, a en tout état de cause été compensée par une augmentation substantielle de sa rémunération portée de 1.448,27 € net pour 39 heures à 2.415,96 € brut pour 46 heures à compter du mois de décembre 1999 puis à 2.486,02 € à compter du 1er novembre 2001.

b) Treizième mois

* Cette prime qui n'est pas prévue par la Convention Collective des Transports Routiers, ne revêt aucun caractère obligatoire pour l'employeur,

* s IN a, malgré tout, été remplie de ses droits à ce titre, par le versement de la somme de 3.457,01 €, comme en fait foi son bulletin de paie pour le mois d'octobre 2002.

– En ce qui concerne les demandes en paiement des indemnités de préavis et de congédiement

a) Préavis

* s IN ne peut revendiquer le bénéfice de la Convention Collective de la Navigation Libre, alors que la Convention Collective de référence s'appliquant au secteur d'activité dont elle dépend est celle des transports routiers,

* ne disposant au surplus pas du statut de cadre, s IN qui s'est vu accorder un délai de préavis de deux mois a été intégralement remplie de ses droits de ce chef.

b) Indemnité de congédiement

* s IN a reçu paiement de l'intégralité des sommes auxquelles la Convention Collective des Transports Routiers lui ouvrait droit à ce titre, à savoir la somme de 4.982,29 €.

– En ce qui concerne la validité du motif et le caractère abusif de la rupture

a) Validité du motif

* Dès lors que son activité était totalement dépendante de ses relations avec la société COSTA CROCIERE SPA, la dénonciation par cette société le 31 août 2002 du contrat en date du 30 juin 2000 ainsi que des avenants successivement intervenus lui confiant la gestion de huit navires, l'a contrainte à procéder à la suppression pure et simple de ses services comptables et à organiser par suite le licenciement de l'ensemble de son personnel, à l'exception d'un salarié,

* la réalité de la suppression de la quasi-totalité des postes pour cause économique étant ainsi avérée, le licenciement de s IN repose sur un motif valable.

b) Caractère abusif

* En réglant à ses salariés les salaires et indemnités leur revenant et en se préoccupant de leur reclassement, la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT, qui subit elle-même les conséquences désastreuses de la rupture des relations contractuelles avec la société COSTA CROCIERE, n'a pas agi avec légèreté et n'a pas davantage démontré son intention de leur nuire.

SUR CE,

A) Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail

* Heures supplémentaires (heures supplémentaires - majorations et congés payés y afférents)

Il résulte des documents suivants :

– autorisation d'embauchage et permis de travail en date du 12 mars 1998,

– autorisation d'embauchage et permis de travail en date du 6 décembre 1999,

– fiches de paie de s IN pour les mois de novembre 1999 à octobre 2000, que l'horaire hebdomadaire de travail de s IN, qui avait été à l'origine fixé à 39 heures a été d'un commun accord entre les parties porté à compter du 6 décembre 1999 à 46 heures.

Que cependant et nonobstant les affirmations erronées de la partie défenderesse, cette importante augmentation (de 169 heures à 199 heures) du temps de travail de s IN ne s'est accompagnée d'aucune augmentation corrélative de son salaire.

Qu'en effet cette dernière qui était rémunérée par son employeur depuis le premier octobre 1999 sur la base d'un salaire brut de 15.401,00 F pour 169 heures de travail a reçu paiement, au cours du mois de décembre 1999 ainsi que durant les dix premiers mois de l'année 2000 d'une rémunération s'élevant, en termes de salaire brut, exactement au même montant, à savoir 15.401,01 F, en contrepartie d'un temps de travail porté de 169 heures à 199 heures par mois.

Qu'en conséquence sa demande tendant à obtenir le paiement par son employeur des heures de travail accomplies par ses soins chaque semaine au delà de 39 heures, lesquelles constituent en droit, en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance loi n° 677 du 2 décembre 1959, des heures supplémentaires, apparaît bien fondée en son principe.

Pour pouvoir prétendre au paiement dans le cadre de la présente instance de ces heures supplémentaires, s IN doit toutefois produire un décompte établi par semaine civile et comportant, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance loi du 2 décembre 1959, pour chacune des semaines couvertes par sa réclamation (déduction faite des périodes de congés annuels ou d'absences pour maladie) :

1. le nombre total d'heures de travail effectivement accomplies au cours de la semaine considérée,

1. le nombre d'heures effectuées au-delà de 39 heures,

1. le taux horaire de base applicable,

1. le taux horaire majoré (+ 25 % pour les huit premières + 50 % pour les heures suivantes).

Force est de constater cependant que l'intéressée, qui réclame paiement d'une part de la somme de 3.369,60 €, à titre de rappel de majoration d'heures supplémentaires de décembre 1999 à novembre 2002 et d'autre part de la somme de 185,45 € au titre des « heures supplémentaires non payées sur trente-six mois » outre l'indemnité de congés payés correspondante, n'a établi aucun décompte ni fourni le moindre élément de calcul à l'appui de sa demande.

Qu'elle n'a au surplus ni indiqué le nombre total d'heures supplémentaires qu'elle estime avoir effectuées ni précisé leur répartition entre les différentes semaines concernées.

Qu'en appliquant forfaitairement et globalement à l'intégralité de sa réclamation le taux horaire brut de 12,49 €, s IN n'a enfin pas tenu compte des variations enregistrées par sa rémunération au cours de la période considérée, laquelle est passée de 2.347,86 € en décembre 1999 à 2.486,02 € en septembre 2002 soit une variation du taux horaire de base de 11,79 € à 12,49 €.

Que la présente juridiction ne pourra par suite que la débouter de ses demandes en paiement de majorations d'heures supplémentaires ainsi que des congés payés y afférents.

* Treizième mois

Dès lors que s IN a reçu paiement par son employeur, à compter de son embauche et jusqu'à son licenciement, chaque année au mois de novembre d'un mois de salaire supplémentaire, cette prime de 13e mois, compte tenu de son caractère fixe et permanent, constitue incontestablement un élément de sa rémunération.

La SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT est par suite tenue au paiement de cette prime, nonobstant le fait qu'elle ne soit prévue ni par le législateur monégasque, ni par la Convention Collective Française des Transports Routiers à laquelle elle s'est volontairement soumise.

Si s IN apparaît par suite fondée à obtenir paiement par son employeur d'une indemnité de 13e mois calculée, prorata temporis pour l'année 2002, force est de constater toutefois qu'elle a reçu paiement par la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT d'une somme de 3.457,01 €, ainsi qu'il résulte du bulletin de paie afférent au mois d'octobre 2002 versé aux débats, laquelle s'avère supérieure au montant de sa réclamation à ce titre (2.506,33 €).

Qu'en conséquence l'intéressée, qui a ainsi été intégralement remplie de ses droits, ne peut prétendre à l'allocation d'aucune autre somme et doit donc être déboutée de ses prétentions de ce chef.

B Sur les demandes afférentes à la cessation du contrat de travail

a) Complément de préavis

Il est constant en l'espèce qu'aucune Convention Collective Monégasque n'a vocation à régir l'activité exercée par la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT.

Que si deux Conventions Collectives Françaises différentes (la Convention Collective Nationale Française des Transports Routiers et la Convention Collective Française de la Navigation Libre) sont certes susceptibles de recevoir application en l'espèce au regard de la nature des activités exercées par la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT, cette dernière a décidé toutefois de se soumettre volontairement aux dispositions de la Convention Collective Nationale Française des Transports Routiers, dont s IN a obtenu le bénéfice, tant au cours de l'exécution de son contrat de travail que lors de la cessation de celui-ci, notamment en ce qui concerne le calcul de l'indemnité de congédiement lui revenant.

Que par suite l'intéressée n'est pas recevable à solliciter l'application pour le calcul de l'indemnité de préavis lui revenant des dispositions de la Convention Collective Française de la Navigation Libre et doit donc être déboutée de sa demande à ce titre.

b) Indemnité de congédiement

Licenciée pour un autre motif qu'une faute grave, s IN, qui disposait à la date de la rupture de son contrat de travail d'une ancienneté supérieure à deux années, est en droit de prétendre à une indemnité de congédiement dont le montant, en application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 845, ne peut être inférieur à celui des indemnités de même nature versées aux salariés dans les mêmes professions commerces et industries de la région économique voisine.

s IN, qui a exercé successivement au sein de la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT les fonctions de secrétaire trilingue d'abord puis d'« agent purchasing » relevant de la catégorie professionnelle des employés et non de celle des techniciens et agents de maîtrise, cette dernière est en droit de prétendre, en application des dispositions de la Convention Collective Française des Transports Routiers, eu égard à son ancienneté de services supérieure à trois années, à une indemnité égale à 2/10e de mois de salaire par année de présence, la base de calcul étant constituée par le salaire moyen des trois derniers mois.

s IN, qui disposait, à la date d'effet de son licenciement d'une ancienneté de sept ans et six mois et a perçu au cours des trois mois précédant son licenciement un salaire brut moyen s'élevant à 2.639,84 €, peut ainsi valablement prétendre à l'allocation à ce titre de la somme de 3.959,76 €, se décomposant ainsi :

(2.639,84 € x 14) / 10 = 3.695,78 € pour les sept années entières, et 263,98 € pour l'année incomplète.

Dès lors qu'il résulte toutefois de l'examen du bulletin de salaire de s IN pour le mois d'octobre 2002 que cette dernière a reçu paiement par son employeur d'une indemnité de congédiement (erronément qualifiée d'indemnité de licenciement) s'élevant à 4.982,29 €, calculée sur des bases nettement plus favorables que celles prévues par l'accord collectif susvisé (salaire des douze derniers mois au lieu des trois derniers mois), dont le montant s'avère ainsi largement supérieur à celui auquel elle était en droit de prétendre, l'intéressée qui apparaît ainsi avoir été remplie de ses droits doit être également déboutée de sa demande à ce titre.

c) Indemnité de licenciement

Alors qu'il n'est pas contesté ni au demeurant contestable que l'activité de la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT dépendait très étroitement du contrat initial et des avenants successifs conclus avec la société COSTA CROCIERE SPA, il résulte des pièces produites aux débats que cette dernière société a procédé par lettre en date du 31 août 2002 à la résiliation dudit contrat et de l'ensemble de ses avenants à compter du 1er novembre 2002.

La SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT qui s'est vue ainsi retirer à compter de cette date la gestion de l'intégralité de la flotte composée de huit navires, appartenant à la Société COSTA CROCIERE, laquelle constituait son activité principale, justifie incontestablement en l'espèce de la réalité et de la validité du motif d'ordre économique l'ayant contrainte à procéder au licenciement de plusieurs salariés, dont faisait partie s IN.

Cette dernière n'est pas fondée par suite à solliciter le bénéfice de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845.

d) Dommages et intérêts

Alors que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour raison économique est tenu, en application des dispositions des articles 6 et suivants de l'avenant n° 12 du 20 mars 1970 à la Convention Collective Nationale du Travail :

* d'en informer préalablement les délégués du personnel, de les consulter et d'étudier avec eux les conditions de mise en œuvre de ses prévisions, en leur fournissant dans un document écrit les indications utiles concernant l'importance des licenciements économiques envisagés, les catégories professionnelles concernées ainsi que les raisons l'ayant conduit à présenter ce projet,

* d'informer les délégués du personnel, lorsque le projet de licenciement collectif économique résulte d'une décision de restructuration, des facteurs économiques ou techniques qui sont à l'origine de cette situation et d'indiquer les dispositions qu'il a pu prendre ou envisage de prendre pour limiter les mesures de licenciement,

* de respecter un délai fixé en l'occurrence à huit jours entre la date où les délégués se sont réunis et la décision définitive du chef d'établissement, il résulte des éléments versés aux débats par s IN que ces dispositions n'ont en l'espèce nullement été respectées par la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT.

Qu'en effet si une réunion dont l'objet était « d'informer officiellement les délégués du personnel sur la situation générale de la société et plus particulièrement sur les licenciements pour motif économique du personnel du secteur technique et de direction », a certes été organisée au sein de la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT, à la demande expresse de l'inspection du travail, ladite réunion ne s'est toutefois tenue que le 12 août 2002, alors que les licenciements économiques, dont elle avait notamment pour objet de limiter le nombre, étaient déjà intervenus, s IN s'étant vu officiellement signifier son congédiement par lettre en date du 30 juillet 2002.

Force est de constater par ailleurs que la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT, qui a expressément indiqué dans la lettre de rupture adressée le 30 juillet 2002 à s IN prendre acte de sa décision « de ne pas donner suite aux propositions de poste équivalent » qui lui auraient été faites à l'étranger, ne s'est avérée en mesure de justifier concrètement dans le cadre de la présente instance ni de l'existence, et encore moins de la teneur des propositions de reclassement à l'intérieur du groupe COSTA auquel elle appartient (cf. organigramme versé aux débats) qu'elle aurait adressées à s IN ni du refus que cette dernière leur aurait opposé.

En agissant de la sorte la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT a fait preuve d'une légèreté blâmable dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture, laquelle confère incontestablement au licenciement intervenu un caractère abusif.

Compte tenu d'une part de l'âge de s IN lors de la notification de la rupture (36 ans) et de son ancienneté de services (7 ans et demi) et d'autre part du montant de la prime exceptionnelle et de l'indemnité, qualifiée à tort de transactionnelle, versées à l'intéressée par son employeur, le préjudice matériel et moral subi par s IN, ensuite de son licenciement sera équitablement réparé par l'allocation à son profit de la somme de 18.000,00 € à titre de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de s IN par la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT est justifié par un motif valable.

Déboute en conséquence s IN de sa demande en paiement de l'indemnité de licenciement.

Dit en revanche qu'au regard de la légèreté blâmable dont l'employeur a fait preuve dans la mise en œuvre de son droit unilatéral de rupture, le licenciement intervenu revêt un caractère abusif.

Condamne en conséquence la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT à verser à s IN la somme de 18.000,00 euros, (dix-huit mille euros), à titre de dommages et intérêts, laquelle produira intérêts de retard au taux légal à compter du présent jugement.

Constate que s IN a été intégralement remplie de ses droits au paiement des indemnités de treizième mois, de préavis et de congédiement.

La déboute en conséquence des demandes formées à ces divers titres.

Déboute enfin s IN de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de majorations d'heures supplémentaires et de congés payés sur les heures supplémentaires.

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

Condamne la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT aux entiers dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6152
Date de la décision : 09/12/2004

Analyses

Contrats de travail ; Relations collectives du travail ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : s IN
Défendeurs : la SAM PRESTIGE CRUISES MANAGEMENT

Références :

loi du 2 décembre 1959
loi n° 677 du 2 décembre 1959


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2004-12-09;6152 ?

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