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30/09/2004 | MONACO | N°6673

Monaco | Tribunal du travail, 30 septembre 2004, a GI c/ la SAM SERICOM


Abstract

Heures supplémentaires - Charge de la preuve exclusive au salarié - Carence de l'employeur ne déférant pas à l'injonction du juge d'avoir à produire des fiches de pointage - Allocation au salarié des sommes demandées

Résumé

La charge de la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires incombe au salarié mais, en s'abstenant sans motif légitime de communiquer au juge les documents qu'il s'était vu enjoindre de produire, l'employeur place l'intéressé dans l'impossibilité de formuler correctement sa réclamation et celle-ci dans sa totalité d

oit lui être allouée compte tenu des autres pièces versées aux débats.

Un chauffeur...

Abstract

Heures supplémentaires - Charge de la preuve exclusive au salarié - Carence de l'employeur ne déférant pas à l'injonction du juge d'avoir à produire des fiches de pointage - Allocation au salarié des sommes demandées

Résumé

La charge de la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires incombe au salarié mais, en s'abstenant sans motif légitime de communiquer au juge les documents qu'il s'était vu enjoindre de produire, l'employeur place l'intéressé dans l'impossibilité de formuler correctement sa réclamation et celle-ci dans sa totalité doit lui être allouée compte tenu des autres pièces versées aux débats.

Un chauffeur grutier, licencié pour avoir refusé de travailler par suite du non-paiement de sommes dues par son employeur, avait attrait celui-ci devant le tribunal du travail en paiement notamment d'heures supplémentaires et de dommages intérêts pour rupture abusive. La réalité de ces heures était contestée par l'employeur.

Après avoir enjoint à ce dernier de produire certains documents qu'il était seul à détenir, le tribunal du travail a, face à sa carence, fait droit en totalité à la demande en paiement formulée par le salarié. Certes, la charge de la preuve de l'accomplissement des heures supplémentaires incombe exclusivement, en droit monégasque, au salarié mais la démonstration de leur existence est faite, en l'espèce, par les attestations versées aux débats rapprochées des bons de travail servant de base à la facturation des clients. L'absence de réclamation formulée par un salarié ne constitue pas un obstacle à sa demande en paiement dans les limites de la prescription quinquennale. En s'abstenant sans motif légitime de déférer à l'injonction d'avoir à produire aux débats toutes les fiches de pointage journaliers remplies par le salarié, l'employeur place le salarié dans l'impossibilité de formuler correctement sa réclamation et il doit être fait droit à sa demande.

La grève cependant ne peut être le fait d'un unique salarié compte tenu de son caractère collectif et l'abandon de poste que constitue le refus de travailler du salarié exclut l'abus dans la rupture et les dommages et intérêts ne sont pas dus au salarié.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu le jugement avant-dire-droit en date du 14 novembre 2002 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a GI, en date des 26 juin 2003 et 19 février 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque SERICOM, en date du 27 novembre 2003 ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Ensuite d'un procès-verbal de défaut en date du 5 mars 2001, a GI a attrait la SAM SERICOM devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, à l'effet d'obtenir la condamnation de cette dernière au paiement des sommes suivantes :

* 87.141,00 F, soit 13.284,56 €, au titre des heures supplémentaires effectuées par ses soins,

* 60.000,00 F, soit 9.146,94 €, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi ensuite de son licenciement.

Par jugement en date du 14 novembre 2002, auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits et de la procédure, la présente juridiction a :

– déclaré recevables les demandes formées par a GI tendant tant à obtenir le paiement d'heures supplémentaires qu'à voir consacrer le caractère abusif du licenciement prononcé le 7 janvier 2000,

– sursis à statuer sur le bien-fondé de ces deux demandes :

• avant-dire-droit au fond, enjoint : à la SAM SERICOM de verser aux débats les fiches de pointages journaliers remplies par a GI au cours de la période du 1er avril 1998 au 7 janvier 2000,

– à a GI de produire sur la base indiscutable constituée par ces documents, un nouveau décompte de sa réclamation, établi par semaine civile,

– renvoyé à ces fins l'affaire à l'audience du 27 février 2003 successivement reportée, à la demande des parties, jusqu'au 13 mai 2004 date à laquelle elle a été contradictoirement débattue et le jugement mis en délibéré pour être prononcé, après prorogation, ce jour 30 septembre 2004.

Soutenant que les documents versés aux débats par la SAM SERICOM ne correspondent pas aux pièces dont le Tribunal a exigé la production et qu'il lui est impossible en conséquence d'établir le décompte par semaine civile qui lui a été réclamé, a GI sollicite la condamnation de la SAM SERICOM :

– au paiement d'une astreinte de 100 € par jour de retard, jusqu'à production des « véritables feuilles de pointage »,

– au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Il fait valoir, à cet effet, qu'alors que le Tribunal souhaitait obtenir la production des fiches établies quotidiennement par les salariés de l'entreprise, indispensables à l'établissement des fiches de paie, mentionnant les noms du chauffeur, du client, la date, le nombre d'heures de travail effectuées et enfin le numéro de bon correspondant, dont l'utilisation habituelle au sein de la SAM SERICOM est démontrée par les attestations émanant de Monsieur d MA et de Monsieur TR, la SAM SERICOM a versé aux débats des documents prenant la forme de tableaux mensuels, dont il est impossible de savoir par qui et quand ils ont été complétés.

Il souligne par ailleurs qu'il résulte de l'ensemble des attestations produites par ses soins :

– que des heures supplémentaires étaient effectuées par l'ensemble des chauffeurs-grutiers,

– qu'il existait des difficultés de rémunération relativement à ces heures.

Après avoir liminairement demandé à la présente juridiction d'écarter des débats l'attestation produite sous le numéro 22 établie par Monsieur MA, comme ne présentant aucune garantie d'objectivité, ce dernier n'ayant pas accepté que le fils de Monsieur DE le remplace en qualité de gérant, la SAM SERICOM fait valoir en substance pour sa part qu'il n'existe en l'espèce aucun indice sérieux des prétendues heures supplémentaires effectuées par a GI et conclut en conséquence au débouté de l'ensemble des prétentions formulées par l'intéressé.

Elle invoque à cette fin les arguments suivants :

– le présent litige opposant a GI à la SAM SERICOM, les éventuelles procédures mises en place au sein de l'entreprise MA ne sauraient éclairer les présents débats, étant observé que ces deux sociétés, qui constituent des entités juridiques distinctes, n'ont entre elles aucun lien administratif, financier ou comptable,

– a GI, ainsi qu'il résulte clairement de l'attestation établie par Madame DO, oubliant très fréquemment de faire parvenir ses fiches de pointage, son employeur s'est trouvé dans l'obligation d'établir lui-même les heures travaillées par l'intéressé, en se basant sur les renseignements dont il disposait et les quelques bons de travail qui lui sont parvenus, ceci expliquant le caractère récapitulatif et mensuel des décomptes produits, sans qu'il y ait lieu de l'accuser de fabriquer des faux, cette accusation étant au demeurant diffamatoire,

– en tout état de cause les allégations d'a GI se heurtent au fait que ce dernier, nonobstant le nombre élevé d'heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été payées, n'a jamais émis la moindre protestation,

– enfin a GI est particulièrement mal fondé à solliciter le paiement d'heures supplémentaires, alors que les témoignages versés aux débats démontrent qu'il se refusait par principe à en effectuer, ou les récupérait très rapidement.

a GI réplique à ces divers arguments :

– que si ses bulletins de salaire étaient certes établis au nom de la SAM SERICOM, les « carnets de bons », comme les fiches de pointage, portaient en revanche pour entête soit l'indication « MA LEVAGE », soit l'indication « PI »,

– que les bulletins de salaire du personnel étaient établis sur la base des fiches de pointage que remplissaient quotidiennement les grutiers en fonction dans l'entreprise, la pratique en vigueur au sein de l'entreprise à l'enseigne MA LEVAGE s'étant poursuivie de la même façon lors de la reprise de cette société par la SAM SERICOM.

SUR CE,

1) Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Si la charge de la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires incombe certes en droit monégasque exclusivement au salarié, force est de constater en l'espèce que les divers documents versés aux débats par a GI (carnets de bon de travail – attestations de sociétés clientes – témoignages de son ancien responsable hiérarchique et de collègues de travail) suffisent à démontrer que ce dernier a accompli pour le compte de son employeur un temps de travail supérieur aux 169 heures mensuelles mentionnées sur ses fiches de paie.

L'examen des bons de travail servant de base à la facturation des clients combiné avec les témoignages circonstanciés établis par deux responsables de sociétés clientes de la SAM SERICOM établissent en effet qu'a GI d'une part terminait fréquemment son travail sur les chantiers après les heures normales de travail et d'autre part était régulièrement appelé à intervenir pour le compte de son employeur les samedis, voire même à certaines occasions les dimanches.

L'accomplissement par l'intéressé d'heures supplémentaires pour le compte de la SAM SERICOM se trouve également démontré par les témoignages :

– de Madame ZA, secrétaire au sein de la SAM MA LEVAGE, qui indique être intervenue auprès du comptable de la société (Mr BO) pour obtenir le règlement d'heures effectuées par a GI, à la demande de celui-ci, les dimanche 10 octobre 1999 (8 h 30) et samedi 23 octobre 1999, lesquelles n'avaient pas été rémunérés,

– de Monsieur MA, qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats dès lors que l'opposition d'intérêts de son auteur avec la SAM SERICOM n'est nullement établie, lequel atteste, en sa qualité d'ancien responsable hiérarchique d'a GI pour la période d'avril 1998 à novembre 1999, d'une part que les samedis et dimanches travaillés en octobre 1999 par a GI ne lui ont pas été payés et d'autre part que ce salarié était toujours disposé à effectuer des heures supplémentaires y compris les samedis, dimanches, jours fériés et les nuits,

– de Monsieur TR, collègue de travail d'a GI, lequel confirme l'exécution régulière d'heures supplémentaires au sein de la SAM SERICOM, par tous les chauffeurs-grutiers.

Dès lors enfin :

– que selon une jurisprudence constante l'absence de réclamation formulée par un salarié, quand bien même elle serait matériellement démontrée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ne constitue pas un obstacle à sa demande en paiement d'heures supplémentaires, dans les limites toutefois de la prescription quinquennale,

– qu'en tout état de cause les attestations émanant de Monsieur ST, Madame GA, Monsieur TE et Madame DO, tardivement produites aux débats par la SAM SERICOM, s'avèrent en contradiction totale tant avec les témoignages concordants et circonstanciés susvisés, communiqués par a GI dès l'introduction de sa procédure, qu'avec les mentions portées sur les carnets de bons de travail,

la demande formulée par a GI, tendant à obtenir le paiement par son employeur des heures supplémentaires effectuées par ses soins, apparaît incontestablement justifiée en son principe.

Si le décompte des sommes réclamées à ce titre par a GI, effectué à la demande de celui-ci par le représentant du syndicat UNCP, n'est certes pas établi par semaine civile, il n'en demeure pas moins qu'en s'abstenant, sans motif légitime, de déférer à l'injonction qui lui avait été faite par le jugement rendu le 14 novembre 2002 par la présente juridiction de produire aux débats toutes les fiches de pointage journaliers remplies par a GI au cours de la période du 1er avril 1998 au 7 janvier 2000, la SAM SERICOM a placé l'intéressé dans l'impossibilité de formuler correctement sa réclamation.

À partir du moment en effet où :

1) l'existence de ces fiches de pointage, leur contenu précis et leur utilisation habituelle par les chauffeurs-grutiers employés par la SAM SERICOM, se trouvent matériellement démontrés, non seulement par les témoignages établis par :

– monsieur TR, chauffeur-grutier, lequel atteste que : « chaque membre du personnel avait quotidiennement à remplir une feuille de pointage avec nom du chauffeur, du client, date, kilomètres effectués, numéro de bon, etc. afin de pouvoir comptabiliser nos heures, pratique journalière obligatoire si nous voulions être payés »,

– madame ZA, secrétaire, laquelle déclare que « les chauffeurs ou grutiers étaient rémunérés en fonction du pointage journalier qu'ils devaient remplir quotidiennement et qui étaient transmis à Monsieur BO pour l'élaboration des fiches de paie »,

mais également par le spécimen versé aux débats par a GI (pièce numéro 24 à l'entête MA LEVAGE),

2) l'argument tenant à l'inapplicabilité au sein de la SAM SERICOM des procédures en vigueur au sein des SARL MA LEVAGE et PI, apparaît particulièrement mal fondé en l'état des liens juridiques très étroits existant entre ces trois entreprises, lesquelles ne forment à ce jour en réalité qu'une seule et même entité, comme le démontrent tant l'utilisation habituelle au sein de la SAM SERICOM de carnets de bons de travail libellés à l'entête PI ou MA que la fusion intervenue entre les sociétés MA LEVAGE et PI ou la cession de parts sociales entre les consorts MA et les consorts DE – VE et enfin le transfert du contrat de travail d'a GI de la SARL MA LEVAGE à la SAM SERICOM à compter du 1er avril 1998, le refus de la SAM SERICOM de produire les fiches de travail qui lui ont été réclamées et leur remplacement par un document établi unilatéralement et à posteriori pas ses soins n'est pas légitime.

À défaut en définitive pour la SAM SERICOM d'avoir versé aux débats les documents qui auraient permis d'établir de manière incontestable le montant des sommes revenant à a GI, au titre des heures supplémentaires effectuées pour son compte, ce dernier se verra allouer par la présente juridiction le montant total de sa réclamation, soit la somme de 87.141,00 F correspondant à 13.284,56 €.

2) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif

Il résulte des termes de la lettre de notification de la rupture en date du 7 janvier 2000 que le motif du licenciement d'a GI réside dans le refus de l'intéressé, alors qu'il conduisait « en location pour la société CA BTP » une grue mobile 25 tonnes sur le chantier TO à SOPHIA ANTIPOLIS, de reprendre son travail à 13 heures, se considérant comme étant « en grève ».

Si a GI explique certes dans le cadre de la présente procédure son refus de reprendre le travail par le non règlement des heures supplémentaires réalisées par ses soins, ce dernier, dans le courrier adressé le 3 janvier 2000 à son employeur, justifiait alors son attitude par l'absence d'explication concernant « le non-paiement de son acompte sur salaire du 20 décembre ».

Dès lors par ailleurs que la grève, qui se définit comme la cessation concertée du travail, ne peut, du fait de son caractère collectif, être le fait d'un unique salarié, le refus d'a GI d'assurer le 22 décembre 1999 de 13 heures à 15 heures sa prestation de travail pour le compte de son employeur, contraignant ainsi ce dernier à procéder en urgence au détachement d'un autre salarié sur un autre chantier pour le remplacer, s'analyse en droit en un abandon de poste.

Aucun abus, dans les conditions de mise en œuvre de la rupture n'étant par ailleurs démontré par a GI, ce dernier n'est pas fondé à solliciter l'allocation de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Vu le jugement avant-dire-droit rendu le 14 novembre 2002 par le Tribunal du travail.

Condamne la SAM SERICOM à payer à a GI la somme de :

* 13.284,56 euros, (treize mille deux cent quatre-vingt-quatre euros et cinquante-six centimes), à titre d'heures supplémentaires.

Déboute a GI du surplus de ses prétentions.

Condamne la SAM SERICOM aux entiers dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6673
Date de la décision : 30/09/2004

Analyses

Conditions de travail ; Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : a GI
Défendeurs : la SAM SERICOM

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2004-09-30;6673 ?

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