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13/05/2004 | MONACO | N°6668

Monaco | Tribunal du travail, 13 mai 2004, m DJ c/ La société anonyme monégasque TOP NETT


Abstract

Défaut de mandat de représentation devant le bureau de conciliation - Irrégularité de fond rendant les demandes irrecevables

Résumé

Faute de respecter le formalisme édicté par l'article 5 de l'article 44 de la loi n°446 du 16 mai 1946, malgré les usages en vigueur, un bureau de conciliation n'est pas fondé à autoriser la représentation d'un salarié par un autre salarié et ce défaut de mandat emporte la nullité du procès-verbal de défaut établi.

Un salarié licencié pour faute grave, ayant attrait son employeur devant le bureau de jugeme

nt du tribunal du travail en paiement de diverses indemnités de rupture, soutient avoir été l...

Abstract

Défaut de mandat de représentation devant le bureau de conciliation - Irrégularité de fond rendant les demandes irrecevables

Résumé

Faute de respecter le formalisme édicté par l'article 5 de l'article 44 de la loi n°446 du 16 mai 1946, malgré les usages en vigueur, un bureau de conciliation n'est pas fondé à autoriser la représentation d'un salarié par un autre salarié et ce défaut de mandat emporte la nullité du procès-verbal de défaut établi.

Un salarié licencié pour faute grave, ayant attrait son employeur devant le bureau de jugement du tribunal du travail en paiement de diverses indemnités de rupture, soutient avoir été licencié sans motif valable. Son employeur invoque, de son côté, à titre principal, la nullité du procès-verbal de non-conciliation, en raison de la violation des dispositions de l'article 44 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 qui imposent la comparution personnelle des parties, sauf motif légitime non invoqué en l'espèce. Sur le fond, subsidiairement, les différents avertissements adressés au salarié sur la qualité de son travail et manquements personnels, justifient selon lui le licenciement intervenu qui ne revêt par ailleurs aucun aspect abusif.

Le Tribunal du travail, s'attachant au moyen tiré de l'exception de procédure relative à la nullité soulevée du procès-verbal de non conciliation, estime tout d'abord celle-ci non couverte et retient que le demandeur n'était pas personnellement présent devant le bureau de conciliation. La faculté de représentation lors du préliminaire de conciliation, bien que non formellement offerte aux parties par l'article 44 de la loi n° 446, est expressément reconnue au défendeur par les dispositions de l'article 39 de la même loi. L'article 44 n'opérant aucune distinction entre les qualités de demandeur et de défendeur à l'instance, la faculté de se faire représenter devant le bureau de conciliation doit être reconnue au demandeur. Toutefois, si le demandeur avait cette possibilité de se faire représenter, outre les avocats, par une personne exerçant à Monaco en qualité de salarié, encore fallait-il constater la légitimité de cette représentation par la production d'un pouvoir nominatif émanant du demandeur absent et visé au procès-verbal. Faute d'avoir respecté le formalisme édicté par l'alinéa 5 de l'article 44 et malgré les usages jusqu'alors en vigueur, le bureau de conciliation n'était pas fondé à autoriser la représentation de m DJ. par un autre salarié ; le défaut de mandat de représentation constitue une irrégularité de fond qui emporte de ce fait la nullité du procès-verbal de défaut.

Le tribunal décide en conséquence que le bureau de jugement n'a pas été valablement saisi et déclare les demandes formulées irrecevables.

Motifs

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 25 octobre 2002 et reçue le 28 octobre 2002 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 3 décembre 2002 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m DJ, en date des 10 avril 2003 et 5 février 2004 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE TOP NETT, en date du 5 juin 2003 ;

Après avoir entendu Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-stagiaire à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur m DJ, et Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE TOP NETT, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Ensuite d'un procès-verbal de défaut en date du 2 décembre 2002, m DJ, a attrait par devant le bureau de jugement du Tribunal du Travail, pour l'audience du 16 janvier 2003 son ancien employeur, la société anonyme monégasque TOP NETT, en vue d'obtenir paiement de :

* indemnité de congédiement : 324,78 € ;

* indemnité de licenciement : 1.623,90 € ;

* préavis de deux mois : 2.165,20 € ;

* dommages-intérêts sur trois ans : 38.973,60 € ;

* intérêts de droit jusqu'à parfait paiement, avec l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Attendu qu'au soutien de ses demandes, m DJ expose avoir été licencié pour faute grave par courrier recommandé avec avis de réception du 1er août 2001, après avoir reçu, par un courrier précédent du 25 juin 2001, la notification d'un licenciement pour motif valable.

Qu'il prétend que la substitution de motifs de licenciement s'explique par la volonté de la société d'éviter de s'acquitter de l'indemnité de licenciement et du préavis de deux mois, et a pour origine son refus de céder aux injonctions de l'inspecteur de la société TOP NETT, Monsieur LE lui demandant depuis mars 2001 d'écrire une attestation en défaveur d'une autre salariée de la société.

Qu'il expose s'être toujours comporté comme un employé modèle depuis son embauche en décembre 1997, effectuant régulièrement des heures supplémentaires, en sorte que la réalité du motif de licenciement n'est nullement avérée.

Attendu que le salarié considère que l'employeur a eu la volonté de rompre au plus vite son contrat de travail et a agi avec une légèreté blâmable, voire une intention de nuire conférant au licenciement un caractère manifestement abusif.

Que sur son préjudice matériel inhérent à la rupture de son contrat de travail, m DJ expose qu'il est au chômage depuis le mois d'août 2001, et qu'âgé de 58 ans, il lui est difficile de trouver un nouvel emploi ; que cette situation est d'autant plus difficile qu'il doit subvenir aux besoins d'une épouse sans travail et d'un enfant de deux ans.

Qu'il invoque également un préjudice moral, dans la mesure où il a dû subir depuis le mois de mars 2001 les injonctions répétées et le harcèlement moral de monsieur LE, dénoncés par le salarié dans un courrier en date du 19 juin 2001.

Attendu qu'en réponse, la société TOP NETT invoque en premier lieu la nullité du procès-verbal établi le 2 décembre 2002 et subséquemment, la nullité de la saisine du bureau de jugement.

Qu'elle observe en effet que m DJ ne s'est pas personnellement présenté à l'audience de préliminaire de conciliation et a comparu par « n MA, de l'étude de Me Christine PASQUIER-CIULLA », ainsi qu'il résulte de la lecture du procès-verbal du bureau de conciliation.

Que la défenderesse soutient que les dispositions de l'article 44 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 imposent la comparution personnelle des parties, sauf motif légitime qui n'est pas démontré en l'espèce, et observe que la faculté d'assistance devant le bureau de conciliation ne peut s'étendre à la faculté de représentation qui n'existe que devant le bureau de jugement ; Qu'il n'est pas en outre justifié que n MA ait été en possession du pouvoir exigé par ledit article ; Qu'il appartenait selon l'employeur, au bureau de conciliation de faire application des dispositions de l'article 38 de ladite loi et de procéder, par voie de conséquence, à la radiation de la demande.

Attendu à titre subsidiaire, et en second lieu, sur la validité du motif de licenciement, que la société anonyme monégasque TOP NETT rappelle qu'après avoir invité de manière verbale m DJ à respecter les instructions données par l'employeur et à effectuer correctement son travail, elle s'est trouvée contrainte d'adresser à son salarié un premier avertissement par lettre recommandée avec avis de réception du 29 mars 2001, suivi d'un second avertissement le 17 avril 2001 ; Que le lendemain, soit le 18 avril 2001, un nouvel avertissement était à nouveau délivré à m DJ pour une inexécution et une mauvaise exécution de travaux qu'il avait à effectuer, puis un quatrième le 8 juin 2001 pour de graves manquements professionnels.

Que la société fait également état de faits s'étant déroulés les 18 et 21 juin 2001 relatifs à un refus d'exécuter les consignes de travail et au manque de respect manifesté à l'égard d'un supérieur hiérarchique, justifiant selon elle la décision de licenciement notifiée au salarié le 25 juin 2001.

Attendu qu'en cours d'exécution de la période de préavis de deux mois, la société TOP NETT prétend que m DJ a de nouveau refusé d'effectuer son travail et adopté une attitude menaçante à l'égard de son chef d'équipe, en sorte qu'il s'est vu notifier le 1er août 2001 la rupture immédiate de son contrat de travail sans attendre la fin du préavis qui devait intervenir le 25 août suivant.

Qu'enfin, l'employeur conteste avoir licencié son salarié de façon abusive, faisant valoir que cette mesure n'est intervenue qu'après le quatrième avertissement, bien que la gravité des fautes était de nature à le priver de tout droit à préavis.

Que la société fait également observer que contrairement aux affirmations du salarié selon lesquelles il se trouverait depuis août 2001 au chômage, ce dernier a en réalité été employé du 30 juillet au 5 novembre 2001 par la société AZUR TECH.

Qu'elle estime en conséquence que le motif de licenciement est valable et que la décision de rupture immédiate est justifiée et n'a pas été mise en œuvre de manière abusive.

Attendu que par d'ultimes écrits judiciaires, m DJ rétorque, sur l'exception de nullité de la procédure, qu'il est de jurisprudence établie que la faculté de représentation reconnue au défendeur par l'article 39 de la loi de 1946 l'est également au demandeur, et qu'en n'émettant aucune objection devant le bureau de conciliation quant à la légitimité de l'absence et de la représentation du salarié, la société TOP NETT a perdu son droit à la contester, ledit bureau ayant par ailleurs librement apprécié cette légitimité en dressant un procès-verbal de non conciliation et en renvoyant l'affaire devant le bureau de jugement.

Que sur le fond, m DJ reprend le bénéfice de ses précédentes conclusions, et, à titre subsidiaire, si le tribunal devait retenir la faute grave invoquée par l'employeur, le salarié demande au tribunal de dire et juger que nonobstant la gravité de cette faute, elle ne prive pas ce dernier de son droit à l'indemnité de congédiement.

SUR CE,

Attendu que saisi à titre principal par la société défenderesse d'une exception de nullité de la procédure de saisine du bureau de jugement, le Tribunal du Travail doit, préalablement à tout examen des prétentions des parties sur la validité du licenciement de m DJ, statuer sur ce moyen.

Attendu à cet égard que la nullité ainsi soulevée par la société TOP NETT ne peut être considérée comme couverte, ainsi que le prétend m DJ, par le procès-verbal de défaut du 2 décembre 2002, dans la mesure où les vices qui, selon la défenderesse, affectent ledit procès-verbal entachent la saisine du bureau de jugement.

Qu'il appartient bien en conséquence au bureau de jugement de se prononcer sur la validité de sa saisine.

Attendu qu'il résulte du procès-verbal de défaut du 2 décembre 2002, établi sous la signature des membres du bureau de conciliation, que m DJ, demandeur, n'était pas personnellement présent à cette date, et a comparu par « Madame n MA, de l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco ».

Attendu que la procédure devant le Tribunal du Travail est réglée par les dispositions de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

Que l'article 44 de cette loi, modifié en certaines dispositions par la loi n° 736 du 16 mars 1963, puis par la loi n° 1.217 du 7 juillet 1999 dispose :

« Les parties sont tenues de se rendre en personne, sauf motif légitime, au jour et à l'heure fixés, devant le bureau de conciliation. Elles peuvent s'y faire assister dans les mêmes conditions que celles prévues ci-après.

Les parties, sans qu'il leur soit fait obligation d'élire domicile à Monaco, peuvent ester en personne ou se faire assister ou représenter devant le bureau de jugement, soit par un avocat-défenseur ou un avocat régulièrement inscrit, soit par une personne exerçant à Monaco une activité professionnelle en qualité d'employeur ou de salarié.

(…)

Le mandataire doit être porteur d'un pouvoir sur papier libre ; ce pouvoir peut être donné au bas de l'original ou de la copie de l'assignation ; l'avocat-défenseur et l'avocat sont dispensés de présenter procuration.

(…) ».

Attendu qu'ainsi que l'a rappelé ce tribunal dans un précédent jugement du 13 mars 2003 (VA BE/société anonyme monégasque CENTRE D'HÉMODIALYSE PRIVÉ DE MONACO ), si la possibilité d'être représenté lors du préliminaire de conciliation n'est pas formellement offerte aux parties par l'article 44 alinéa 1 précité, elle est en revanche expressément reconnue au défendeur par les dispositions de l'article 39 de la même loi, qui prévoit que » si le défendeur s'abstient de comparaître ou de se faire représenter devant le bureau de conciliation, l'affaire est renvoyée à la prochaine audience du bureau de jugement ".

Que l'article 44 n'opérant aucune distinction entre la qualité de demandeur ou de défendeur à l'instance en énonçant qu'elles sont tenues de comparaître en personne devant le bureau de conciliation, la faculté de se faire représenter au cours de l'audience de conciliation accordée au défendeur par l'article 39 doit être reconnue au demandeur.

Attendu dès lors que sous réserve qu'un motif légitime justifie son absence lors de l'audience du 2 décembre 2002, m DJ pouvait se faire représenter valablement par les mêmes personnes qui auraient eu qualité pour l'assister devant cette formation, à savoir :

* un avocat-défenseur ;

* un avocat régulièrement inscrit au barreau de Monaco ;

* une personne exerçant à Monaco une activité professionnelle en qualité d'employeur ou de salarié, porteur d'un pouvoir sur papier libre.

Attendu en l'espèce, que si la représentation de m DJ par n MA, exerçant à Monaco une activité professionnelle en qualité de salariée, pouvait être admise par les membres du bureau de conciliation, encore fallait-il constater la légitimité de cette représentation, par la production d'un pouvoir nominatif émanant du demandeur absent, et visé au procès-verbal.

Que le Tribunal du Travail constate à cet égard que m DJ n'a pas soutenu avoir délivré à cette salariée un tel mandat de représentation, lequel n'a au demeurant jamais été produit en cours de procédure.

Que l'absence de pouvoir donné à son mandataire affecte la capacité de ce dernier à intervenir pour le compte de son mandant, et notamment en phase conciliatoire, puisque n MA n'aurait pu, si tel avait été le cas, se concilier aux lieu et place de m DJ.

Attendu que faute d'avoir respecté le formalisme édicté par l'alinéa 5 de l'article 44, et malgré les usages jusqu'alors en vigueur, le bureau de conciliation n'était pas fondé à autoriser la représentation de m DJ par un autre salarié ; Que le défaut de mandat de représentation constitue une irrégularité de fond qui emporte de ce fait la nullité du procès-verbal de défaut du 2 décembre 2002.

Attendu dès lors que le demandeur n'ayant pas été représenté dans les formes de droit lors de la phase conciliatoire, il appartenait au bureau de conciliation, compte tenu de l'absence du demandeur, de prononcer la radiation de la cause du rôle, par application des dispositions de l'article 38 de la loi n° 446.

Que par voie de conséquence, c'est à tort que l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement, qui n'a pas donc pas été valablement saisi, en sorte que les demandes formées par m DJ devant la présente juridiction doivent être déclarées irrecevables.

Attendu en définitive qu'il y a lieu de faire droit à l'exception de nullité soulevée par la société TOP NETT, sans qu'il soit par ailleurs nécessaire d'examiner les autres griefs formés par la défenderesse de ce chef.

Et attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens de l'instance, par application de l'article 231 du Code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal du travail,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Reçoit la société TOP NETT en son exception de nullité et la déclare fondée.

Constate que m DJ, non comparant devant le bureau de conciliation, n'y a pas été représenté dans les formes de droit.

Prononce la nullité du procès-verbal de défaut du 2 décembre 2002.

Dit et juge en conséquence que le bureau de jugement n'a pas été valablement saisi.

Déclare irrecevables les demandes de m DJ formées devant la présente juridiction.

Condamne m DJ aux dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6668
Date de la décision : 13/05/2004

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Conditions de travail


Parties
Demandeurs : m DJ
Défendeurs : La société anonyme monégasque TOP NETT

Références :

article 231 du Code de procédure civile
loi n° 736 du 16 mars 1963
loi n° 446 du 16 mai 1946
article 44 de la loi n°446 du 16 mai 1946
loi n° 1.217 du 7 juillet 1999


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2004-05-13;6668 ?

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