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08/01/2004 | MONACO | N°6704

Monaco | Tribunal du travail, 8 janvier 2004, t RE c/ la S.C.S. a BE et Cie


Abstract

Licenciement pour insuffisance professionnelle - Faute grave (non) - Motif valable (oui)

Résumé

L'insuffisance professionnelle d'un salarié ne constitue jamais hormis les cas où il est démontré qu'elle procède d'une volonté délibérée de nuire à l'employeur une faute grave privative du préavis et des indemnités de rupture.

Un agent « technico-commercial », embauché par une entreprise de cycles est licencié pour faute grave constituée par une insuffisance professionnelle, après avoir reçu des avertissements et fait l'objet d'une mise à

pied conservatoire. Ayant attrait son employeur devant le tribunal du travail, estimant que so...

Abstract

Licenciement pour insuffisance professionnelle - Faute grave (non) - Motif valable (oui)

Résumé

L'insuffisance professionnelle d'un salarié ne constitue jamais hormis les cas où il est démontré qu'elle procède d'une volonté délibérée de nuire à l'employeur une faute grave privative du préavis et des indemnités de rupture.

Un agent « technico-commercial », embauché par une entreprise de cycles est licencié pour faute grave constituée par une insuffisance professionnelle, après avoir reçu des avertissements et fait l'objet d'une mise à pied conservatoire. Ayant attrait son employeur devant le tribunal du travail, estimant que son licenciement n'était justifié ni par une faute grave ni par un motif valable, il demandait, outre un rappel de salaire lié à un intéressement, l'allocation des indemnités de préavis, congédiement et licenciement, l'annulation de la mise à pied conservatoire ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive. L'employeur soutenait, de son côté, que les négligences multiples commises par ce salarié dans un court intervalle de temps, dans le montage et la réparation des vélos à lui confiés, justifiaient son licenciement immédiat.

Le Tribunal du Travail, après avoir fait droit à la demande de complément d'intéressement sur le fondement de la non acceptation d'une modification d'un mode de calcul, estime imputable au salarié les manquements reprochés qui constituent des éléments objectifs, matériels et précis démontrant son insuffisance professionnelle. Celui-ci ne peut donc prétendre au paiement de l'indemnité de licenciement prévu par l'article 2 de la loi n° 845. En revanche, dès lors que, sauf volonté démontrée de nuire à l'employeur, l'insuffisance professionnelle ne constitue jamais une faute grave, les indemnités de préavis, congés payés sur préavis, congédiement sont dues ainsi que le salaire de la période de mise à pied annulée.

Motifs

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 31 octobre 2001, reçue le 2 novembre 2001 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 27 novembre 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Monsieur t RE, en date des 18 avril 2002, 28 novembre 2002 et 22 mai 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la S.C.S. a BE et Cie exploitant le commerce à l'enseigne PRO BIKE, en date du 10 avril 2003 ;

Après avoir entendu Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur t RE, et Maître Raymond RUDIO, avocat au barreau de Grasse, au nom de la S.C.S. a BE et Cie exploitant le commerce à l'enseigne PRO BIKE, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Embauché par la S.C.S. a BE et Cie exploitant le commerce à l'enseigne PRO BIKE à compter du 21 mars 1996 en qualité de « technico-commercial », d'abord dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de six mois, puis sous contrat à durée indéterminée, t RE qui avait fait l'objet le 28 mars 2001 en l'état de la gravité des conséquences que revêtait son comportement pour l'entreprise, d'une mesure de mise à pied conservatoire, s'est vu notifier le 18 avril 2001, par lettre recommandée avec avis de réception, son licenciement immédiat sans préavis ni indemnité de rupture.

Il lui était essentiellement reproché, aux termes de la lettre de rupture :

– d'avoir mal posé le câble de transmission du compteur Shimano Flight Deck du vélo de l'épouse de Monsieur MA,

– de ne pas être parvenu le 20 mars 2001, alors qu'il était chargé de procéder pour le compte de Monsieur BO à une réparation sur le frein à disque AR d'un vélo de descente ANCILLOTTI à déceler l'origine d'une fuite de looked,

– de ne pas avoir vérifié le 24 mars 2001 avec l'outil adéquat mis à sa disposition, lors du montage d'une paire de roues neuves sur le vélo de Monsieur ES, que le centrage de ces roues était parfait,

– d'avoir effectué de façon défectueuse le 23 mars 2001 le changement de plusieurs éléments de transmission sur le vélo de route Fondriest Top Level appartenant à Monsieur CH,

l'employeur considérant en outre que le nombre tout à fait anormal d'incidents déplorés liés aux préparations ou réparations effectuées par t RE, conjugué avec la négligence répétée dont ce salarié avait fait preuve dans l'exécution de son travail portait atteinte à son image de spécialiste, et exposait en outre les dirigeants de la S.C.S. a BE et Cie à un risque trop important d'engagement de responsabilité civile ou pénale.

Estimant d'une part ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits au cours de l'exécution de son contrat de travail, d'autre part que son employeur ne justifiait ni d'une faute grave ni même d'un motif valable l'autorisant à mettre un terme aux relations contractuelles et enfin que la mesure de licenciement immédiat dont il avait fait l'objet revêtait, au regard de la brutalité et de la légèreté avec laquelle elle lui avait été notifiée, un caractère manifestement abusif, t RE, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 26 novembre 2001, a attrait la S.C.S. a BE et Cie devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet d'obtenir l'allocation à son profit, avec intérêts de droit au taux légal à compter de la citation en conciliation, des sommes suivantes :

* 7.829,27 F, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.008,48 F, au titre des congés payés afférents au préavis,

* 2.190,00 F, à titre d'indemnité de congédiement,

* 6.532,60 F, à titre d'indemnité de licenciement,

* 4.076,60 F, représentant le paiement des jours de mise à pied injustifiée,

* 41.648,89 F, représentant le pourcentage sur le chiffre d'affaires et les primes lui revenant pour la période de septembre 1999 à mars 2001,

* 105.000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 200.000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudices moral et matériel.

Il sollicitait en outre la délivrance par son ancien employeur des documents suivants :

– attestation ASSEDIC,

– solde de tout compte,

– bulletins de salaire d'avril à juin 2001 conformes.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu par leurs conseils.

Puis, après neuf renvois intervenus à leur demande, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 20 novembre 2003 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 8 janvier 2004.

t RE expose en premier lieu à l'appui de ses prétentions qu'alors que son contrat de travail spécifiait qu'il percevrait, en sus d'un salaire mensuel équivalent au SMIG, un intéressement correspondant à 1 % du chiffre d'affaires, à partir du mois d'octobre 1996, la S.C.S. BE a unilatéralement substitué à ce pourcentage, sur la base d'un document qui n'a jamais été porté à sa connaissance et encore moins accepté par ses soins et qui ne lui est donc pas opposable, les indemnités suivantes :

– remboursement de frais,

– commissions,

– indemnités de déplacement.

Qu'en conséquence, en l'état des chiffres d'affaires mentionnés par la S.C.S. BE sur ses fiches de paie, il est fondé à solliciter le paiement d'une somme de 6.349,33 € représentant le montant de la perte de pourcentage subi par ses soins.

Il fait valoir en second lieu, après avoir souligné qu'il a travaillé durant quatre ans et demi au sein de la S.C.S. BE sans jamais recevoir la moindre observation, que cette société ne rapporte la preuve, dont la charge lui incombe, ni de la faute grave dont il se serait rendu coupable ni d'un motif valable de rupture.

Qu'en effet le premier avertissement qui lui a été notifié le 15 décembre 2000 est injustifié dès lors d'une part que la fermeture du magasin, un quart d'heure plus tôt que l'heure prévue, avait été prise d'un commun accord avec Monsieur MA et d'autre part que les interventions litigieuses sur les vélos n'avaient pas été effectuées par ses soins, Messieurs AN et BE effectuant eux aussi, notamment depuis la reprise de son travail à mi-temps thérapeutique, des réparations ou des assemblages de vélos.

Qu'en ce qui concerne le problème survenu sur le vélo de Monsieur BE, la S.C.S. BE et Cie, à défaut de produire la facture d'achat de ce cycle, la facture d'intervention du 25 août 2000 et la facture correspondante au montage et à la mise en route du vélo n'établit l'existence d'aucune faute imputable à son salarié.

Qu'au sujet du problème rencontré par Monsieur CH, le rapport de Monsieur MA qui se contente de reprendre les propos tenus par Madame BE le 3 avril 2001, sans fournir la moindre explication technique, est dépourvu de tout caractère probant.

Qu'en ce qui concerne le vélo de Monsieur BO, la S.C.S. BE ne démontre par aucune pièce que la réparation défectueuse réalisée les 20 et 21 mars 2001 ait été effectuée par ses soins.

Que le défaut de centrage du vélo de Monsieur ES ne peut lui être imputé à faute, à partir du moment où d'une part l'outil censé avoir été mis à sa disposition lui appartenait en propre et où d'autre part il avait immédiatement signalé, lors du montage des roues, le décalage de deux ou trois millimètres, lequel en toute hypothèse n'empêchait nullement ledit vélo de rouler.

Estimant en conséquence que son licenciement n'était justifié ni par une faute grave, ni même par un motif valable de rupture, t RE demande à la présente juridiction d'une part de lui allouer le bénéfice des indemnités de préavis, de congés payés sur préavis, de congédiement et de licenciement réclamées dans sa requête introductive d'instance, et d'autre part, après avoir annulé purement et simplement la mise à pied conservatoire immédiate qui lui a été notifiée le 28 mars 2001, de condamner la S.C.S. BE à lui régler, au titre du salaire correspondant la somme de 621,47 €.

Soutenant enfin que le licenciement immédiat dont il a fait l'objet le 18 avril 2001, alors qu'il avait toujours accompli parfaitement son travail, est « caractérisé par une intention de lui nuire de la part de la S.C.S. BE », le véritable motif de la rupture résidant en réalité dans le handicap physique dont il demeure atteint, consécutivement à l'accident de travail subi le 11 mars 1998, et dans le mi-temps thérapeutique qui s'en est suivi et revêt ainsi un caractère manifestement abusif, t RE sollicite l'allocation à son profit des sommes suivantes :

* 105.000,00 F, soit 16.007,15 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 200.000,00 F, soit 30.489,80 €, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral.

*

Estimant pour sa part que les négligences multiples commises par t RE, dans un court intervalle de temps, dans le montage et la réparation des vélos qui lui étaient confiés constituent une faute grave, justifiant son licenciement immédiat, la S.C.S. BE et Cie conclut, à titre principal, au débouté de l'intégralité des prétentions formées à son encontre par ce dernier.

Elle demande, à titre subsidiaire, à la présente juridiction :

1) si la qualification de faute grave devait être écartée, de considérer au moins que le licenciement de t RE est fondé sur un juste motif,

2) de limiter à 13.766,53 F, soit 2.098,69 € le montant du rappel de salaires dû au titre de l'intéressement sur la période de septembre 1999 à mars 2001.

Elle invoque, à l'appui de ses prétentions, les moyens suivants :

en ce qui concerne les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail :

– en vertu d'un accord de salaire passé avec l'ensemble des salariés en activité le 11 mai 1999, l'intéressement du personnel est calculé, depuis le 1er septembre 1999, sur les bases suivantes :

* 8 % hors taxes sur le chiffre d'affaires pour la main d'œuvre si celui-ci est supérieur à 14.000 F hors taxes,

* 0,5 % hors taxes sur le chiffre d'affaires mensuel, après déduction du chiffre d'affaires de la main d'œuvre si celui-ci atteint l'objectif fixé pour le mois.

– en tout état de cause dès lors que t RE bénéficiait d'un mi-temps thérapeutique pendant toute la période couverte par sa réclamation, un abattement de 50 % doit être pratiqué sur le montant de l'intéressement lui revenant,

– le tableau versé aux débats, sur la base duquel t RE a chiffré sa demande, comprend des données erronées qui doivent être rectifiées en fonction des chiffres d'affaires des ventes et de la main d'œuvre, réellement réalisés par la société.

En ce qui concerne les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

a) Sur la faute grave et la validité du motif de rupture

En l'état des trois avertissements notifiés à t RE les 15 décembre 2000, 8 février 2001 et 1er mars 2001 sanctionnant pour le premier et le troisième des négligences commises sur différents vélos et pour le second un retard dans la transmission des avis médicaux de prolongation de son mi-temps thérapeutique, et des quatre nouvelles fautes commises les 24 février, 20 et 21 mars, 23 mars 2001 sur les vélos de l'épouse de Monsieur MA, de Messieurs BO, ES et CH, et notamment de leurs conséquences graves sur la réputation et le fonctionnement de l'entreprise, la faute grave, privative du droit au préavis et aux indemnités de rupture, reprochée à t RE est amplement caractérisée, étant observé :

– que seul t RE et p MA effectuaient des interventions sur les vélos, Monsieur AN n'étant chargé que du service commercial,

– que les factures des clients cités dans le cadre du présent dossier mentionnent « main d'œuvre Thierry ».

b) Sur la mise à pied

Qu'il ne s'agit nullement d'une mesure disciplinaire mais d'une simple mesure conservatoire.

SUR CE,

1) Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Il résulte des termes de la demande d'autorisation d'embauchage et de permis de travail éditée le 19 mars 1996 par le service de l'Emploi que la S.C.S. BE et Cie s'est engagée à verser à t RE, en contre partie de son travail, d'une part un salaire équivalent au SMIG et d'autre part un intéressement représentant 1 % du chiffre d'affaires.

Ledit intéressement, qui représentait l'une des composantes de la rémunération du salarié, constituait incontestablement un élément essentiel, aux yeux de celui-ci, du contrat de travail.

Les bases de calcul de cet intéressement ne pouvaient, en conséquence être unilatéralement modifiées par la S.C.S. BE et Cie.

Si la S.C.S. BE produit certes aux débats un « additif au contrat de travail au 1er septembre 1999 », modifiant, à compter de cette date, le calcul des salaires mensuels alloués au personnel, il apparaît toutefois, à l'examen dudit document, que ce dernier ne comporte que les signatures de Messieurs AN et MA.

La modification du mode de calcul de l'intéressement sur le chiffre d'affaires accordé par le contrat de travail à t RE n'ayant ainsi jamais été acceptée par ce salarié, ce dernier doit recevoir paiement pour toute la période couverte par sa réclamation (c'est à dire du mois de septembre 1999 au mois de mars 2001) d'un intéressement représentant 1 % du chiffre d'affaires réalisé par la S.C.S. BE.

t RE n'exerçant toutefois ses fonctions pendant cette période qu'à mi-temps, le montant de l'intéressement lui revenant doit être réduit, dans les mêmes proportions.

Sur la base des chiffres d'affaires mentionnés par la S.C.S. BE elle-même sur chacun des bulletins de paie délivrés à son salarié de septembre 1999 à mars 2001, et après déduction du montant des sommes versées à l'intéressé au cours de chacun des mois considérés au titre tant de l'intéressement lui-même, que des primes exceptionnelles et de transport réglées par l'employeur en exécution de l'additif au contrat de travail susvisé, t RE est en droit de prétendre à un complément d'intéressement s'élevant à 41.648,89 F soit 20.824,44 F correspondant à 3.174,67 €.

2) Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

a) Sur la faute grave et la validité du motif de rupture

Pour justifier la mesure de licenciement immédiat et sans indemnité de rupture prononcée le 18 avril 2001 à l'encontre de t RE, la S .C.S. BE se prévaut :

– des manquements divers sanctionnés par trois avertissements en date des 15 décembre 2000, 8 février 2001 et enfin 1er mars 2001,

– de quatre nouvelles fautes qui auraient été commises par le salarié au cours des mois de février et mars 2001 dans le montage ou la réparation des vélos qui lui étaient confiés.

Il est constant en droit que seuls les manquements imputables au salarié peuvent justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.

Que par ailleurs les éléments versés aux débats et notamment les attestations émanant de Messieurs PL, HO, AR et VA CO combinées avec le procès-verbal de constat dressé le 11 septembre 2003 par Maître NOTARI démontrant qu'outre t RE, Messieurs AN et BE étaient également amenés à effectuer le montage, la préparation et la réparation des vélos, ne peuvent être imputées à t RE que les réparations défectueuses réalisées par ses soins, à savoir celles pour lesquelles son nom figure sur la facture.

Force est de constater en l'espèce que le prénom de t RE est expressément mentionné sur les factures des interventions réalisées :

– le 20 mars 2001 pour le compte de Monsieur BO,

– le 24 mars 2001 pour le compte de Monsieur ES,

– le 23 mars 2001 pour le compte de Monsieur CH,

– le 26 février 2001 pour le compte de Madame MA.

Que par ailleurs le caractère défectueux des interventions réalisées par t RE est suffisamment caractérisé par les pièces versées aux débats et notamment par :

– la correspondance adressée le 26 mars 2001 par Monsieur BO à la S.C.S. BE,

– la lettre adressée le 30 mars 2001 par Monsieur CH à la S.C.S. BE ainsi que l'attestation établie le 12 mars 2003 par ce client,

– le rapport d'expertise amiable dressé le 6 avril 2001 par Monsieur MA ainsi que l'attestation établie le 7 février 2003 par ce dernier, constatant que la rupture de la chaîne de la bicyclette était due à un mauvais montage de pièces.

Qu'enfin le salarié qui ne conteste nullement avoir réalisé ces quatre interventions n'a fourni à la présente juridiction aucune justification satisfaisante de nature à expliquer les dysfonctionnements et malfaçons relevés.

Les quatre erreurs commises par t RE du 26 février 2001 au 24 mars 2001 dans l'exécution des opérations de montage et de réparation qui lui avaient été confiés par son employeur constituent des éléments objectifs, matériels et précis démontrant son insuffisance professionnelle et justifiaient par suite le prononcé à l'encontre de ce dernier d'une sanction.

Compte tenu d'une part de l'existence d'un avertissement préalable, notifié le 15 décembre 2000 sanctionnant des manquements de même nature commis au cours des mois de juin et août 2000, et d'autre part de leurs incidences sur le fonctionnement et sur la réputation de l'entreprise à l'enseigne PRO BIKE, les erreurs à nouveau relevées à l'encontre de t RE au cours des mois de février et mars 2001 constituaient un motif valable de rupture de son contrat de travail.

t RE ne peut donc prétendre au bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845.

L'insuffisance professionnelle d'un salarié ne constituant jamais – hormis les cas où il est démontré qu'elle procède de la volonté délibérée de nuire aux intérêts de l'employeur - ce qui n'est en l'espèce ni démontré ni même soutenu, une faute grave, justifiant son licenciement immédiat sans préavis ni indemnité de rupture, t RE est fondé à obtenir paiement par son employeur :

– d'une indemnité de préavis équivalente, compte tenu de son ancienneté de services, à deux mois – de salaire brut soit 7.829,27 F correspondant à 1.193,56 €,

– d'une indemnité de congés payés afférente audit préavis s'élevant à 119,35 €,

– d'une indemnité de congédiement, se décomposant ainsi :

– salaire mensuel moyen soit (4.378,05 x 5) / 10 = 2.189,02 F correspondant à 333,71 €.

La mise à pied notifiée conservatoirement à t RE le 28 mars 2001 n'étant, en l'absence de toute faute grave, nullement justifiée, il y a lieu d'en prononcer l'annulation et de condamner la S.C.S. BE à verser à t RE, en remboursement du salaire dont ce dernier a été injustement privé pendant la période du 28 mars au 18 avril 2001 la somme de 4.076,60 F soit 621,47 €.

b) Sur le caractère abusif du licenciement

Les allégations de t RE selon lesquelles le licenciement aurait en réalité été motivé par l'accident de travail dont il a été la victime le 11 mars 1999, et notamment par la décision de mi-temps thérapeutique prise par le Médecin du Travail, n'étant justifiées par aucune pièce, ce dernier ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de la faute qu'aurait commise la S.C.S. BE dans l'exercice du droit unilatéral de rupture qui lui est reconnu par la loi.

Le licenciement intervenu ne pouvant par suite être qualifié d'abusif, t RE doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de t RE n'est pas justifié par une faute grave mais par un motif valable de rupture.

Dit en outre que cette mesure ne revêt pas de caractère abusif.

Condamne en conséquence la S.C.S. a BE et Cie à payer à t RE les sommes suivantes :

* 3.174,67 euros, (trois mille cent soixante-quatorze euros et soixante-sept centimes), à titre de rappel de prime d'intéressement au chiffre d'affaires,

* 1.193,56 euros, (mille cent quatre-vingt-treize euros et cinquante-six centimes), à titre d'indemnité de préavis,

* 119,35 euros, (cent dix-neuf euros et trente-cinq centimes), au titre des congés payés afférents au préavis,

* 333,71 euros, (trois cent trente-trois euros et soixante et onze centimes), à titre d'indemnité de congédiement.

Annule la mise à pied conservatoire notifiée le 28 mars 2001 par la S.C.S. a BE et Cie à t RE.

Condamne la S.C.S. a BE et Cie à rembourser à t RE la somme de :

* 621,47 euros, (six cent vingt et un euros et quarante-sept centimes), représentant le montant du salaire indûment retenu du 28 mars au 18 avril 2001.

Déboute t RE du surplus de ses prétentions.

Ordonne le partage des dépens de l'instance et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6704
Date de la décision : 08/01/2004

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Conditions de travail ; Pouvoir disciplinaire


Parties
Demandeurs : t RE
Défendeurs : la S.C.S. a BE et Cie

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2004-01-08;6704 ?

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