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25/09/2003 | MONACO | N°6590

Monaco | Tribunal du travail, 25 septembre 2003, m-c FO c/ l'Association pour la gestion de l'orchestre philharmonique et de l'opéra de MONTE-CARLO


Abstract

Licenciement économique justifié par un motif personnel - Faux motif - Rupture abusive

Résumé

Si l'employeur qui n'est pas lié, en droit monégasque par le motif énoncé lors de la notification du licenciement, peut faire état, lors des débats, d'éléments non visés dans la lettre de rupture, il ne peut modifier a postériori, la nature du licenciement intervenu en substituant à un licenciement économique, un licenciement pour motifs personnels.

Embauchée à compter du 15 février 1985 par une association gérant un orchestre philarmonique, Mme

FO régulièrement promue était attachée de direction lorsqu'elle fut licenciée le 19 avril ...

Abstract

Licenciement économique justifié par un motif personnel - Faux motif - Rupture abusive

Résumé

Si l'employeur qui n'est pas lié, en droit monégasque par le motif énoncé lors de la notification du licenciement, peut faire état, lors des débats, d'éléments non visés dans la lettre de rupture, il ne peut modifier a postériori, la nature du licenciement intervenu en substituant à un licenciement économique, un licenciement pour motifs personnels.

Embauchée à compter du 15 février 1985 par une association gérant un orchestre philarmonique, Mme FO régulièrement promue était attachée de direction lorsqu'elle fut licenciée le 19 avril 2000. Le motif du licenciement résidait « dans la réorganisation et l'assainissement de la gestion de l'Opéra nécessités par les graves dysfonctionnements constatés ». Dans la même lettre, il était aussi indiqué : « La décision se trouve justifiée par l'impossibilité de vous proposer un autre emploi, en considération de la perte de confiance du Conseil d'Administration à votre égard ». Soutenant que le licenciement présentait un caractère abusif en raison de son faux motif économique masquant un motif personnel, la salariée demandait l'allocation d'une somme de 800.000 F à titre de dommages et intérêts. Elle arguait avoir fait l'objet de promotions régulières, justifier d'une réelle polyvalence et être prioritaire dans les propositions d'emplois qui ne lui avaient d'ailleurs pas été faites en raison d'un licenciement motivé en réalité par un motif inhérent à sa personne. Elle réfutait au demeurant les griefs qui lui étaient faits.

De son côté, l'employeur disait avoir été contraint d'embaucher un cadre dirigeant avec de larges responsabilités, modifié en conséquence l'organigramme, et supprimé des postes dont celui de la demanderesse. Compte tenu de la dégradation de son comportement, Mme c FO quelles que soient ses compétences professionnelles ne pouvait de toute façon être maintenue parmi les effectifs de l'entreprise.

Le tribunal du travail rappelle tout d'abord que le licenciement ayant été mis en œuvre pour un motif d'ordre économique, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du motif non inhérent à la personne. Or, non seulement l'employeur ne rapporte pas la preuve de l'effectivité de la restructuration et de la suppression des postes alléguée mais encore il justifie lui-même la décision par la perte de confiance.

Si l'employeur n'est pas lié en droit monégasque par le motif figurant dans la notification et peut, lors des débats, faire état d'éléments non visés dans la lettre de rupture, il ne peut, en revanche, modifier, a postériori, la nature du licenciement et justifier par des considérations économiques un licenciement fondé en réalité sur des griefs personnels au demeurant fallacieux.

Le licenciement est abusif et le tribunal du travail alloue, à la salariée, à ce titre, la somme de 70.700 €.

Motifs

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 10 janvier 2001 et reçue le 12 janvier 2001 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 6 février 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Madame m-c FO, en date des 25 juin 2001, 24 avril 2002, 17 octobre 2002 et 20 mars 2003 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, au nom de L'ASSOCIATION POUR LA GESTION DE L'ORCHESTRE PHILHARMONIQUE ET DE L'OPÉRA DE MONTE-CARLO, en date des 20 décembre 2001, 13 juin 2002, 12 décembre 2002 et 5 juin 2003 ;

Après avoir entendu Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame m-c FO, et Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de L'ASSOCIATION POUR LA GESTION DE L'ORCHESTRE PHILHARMONIQUE ET DE L'OPÉRA DE MONTE-CARLO, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Embauchée par L'ASSOCIATION POUR LA GESTION DE L'ORCHESTRE PHILHARMONIQUE ET DE L'OPÉRA DE MONTE-CARLO à compter du 15 février 1985 dans le cadre de contrats à durée déterminée suivis, à compter du 1er juillet 1995, d'un contrat à durée indéterminée, à l'origine en qualité de comptable puis, en dernier lieu d'attachée de direction, m-c FO a été licenciée de cet emploi le 19 avril 2000.

Le motif de la rupture du contrat de travail, tel qu'il est contenu dans la lettre de licenciement adressée le 19 avril 2000 à m-c FO, s'énonce ainsi :

« Madame,

» Comme suite à l'entretien préalable que vous avez eu ce jour avec « Monsieur j MO, Directeur de l'Opéra de Monte-Carlo, et en » application de la décision prise par le Conseil d'Administration de « l'Association pour la Gestion de l'Orchestre Philharmonique et de » l'Opéra de Monte-Carlo, j'ai le devoir de vous notifier votre « licenciement du poste d'attachée de direction, avec effet à l'expiration » du délai légal de préavis.

« Le motif de cette rupture du contrat de travail réside dans la » réorganisation et l'assainissement de la gestion de l'Opéra, nécessités « par les graves dysfonctionnements constatés.

» Le nouvel organigramme ne prévoit pas le maintien de votre poste. « La décision se trouve justifiée par l'impossibilité de vous proposer un » autre emploi, en considération de la perte de confiance du Conseil « d'Administration à votre égard.

» En conséquence, il vous sera remis le paiement d'une indemnité de « congédiement calculée sur la base de l'article 19 du règlement intérieur » de l'Orchestre Philharmonique auquel votre contrat de travail fait « référence. ».

Soutenant que la mesure de licenciement dont elle avait fait l'objet, au regard du caractère fallacieux du motif invoqué, revêtait un caractère abusif, m-c FO a attrait, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 5 février 2001, l'Association pour la gestion de l'Orchestre Philharmonique et de l'Opéra de Monte-Carlo, son ancien employeur, devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, à l'effet d'obtenir paiement à son profit, sous le bénéfice de l'exécution provisoire d'une somme de 800.000,00 F à titre de dommages et intérêts.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu par leurs conseils.

Puis, après dix-neuf renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 10 juillet 2003 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 25 septembre 2003.

m-c FO expose, à l'appui de ses prétentions, qu'alors qu'elle avait toujours donné satisfaction à son employeur comme en attestent les promotions dont elle a successivement bénéficié, au regard tant de ses compétences que des services par elle rendus, elle s'est vue brutalement congédiée le 19 avril 2000 par une décision que ce dernier a tenté très maladroitement de camoufler en un licenciement pour suppression de poste, alors qu'il s'agit d'un congédiement justifié par un motif inhérent à sa personne, non avouable, l'Association de gestion de l'Orchestre et de l'Opéra lui faisant en réalité grief d'avoir dénoncé et porté à sa connaissance les malversations diverses commises par Monsieur AC.

Après avoir liminairement rappelé que la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de rupture incombe exclusivement à l'employeur, m-c FO fait valoir en premier lieu que l'Association pour la gestion de l'Orchestre et de l'Opéra ne démontre par aucune pièce probante ni l'existence de la réorganisation administrative dont elle se prévaut, ni encore moins la réalité de la suppression du poste d'attachée de direction occupé par ses soins lors de son licenciement.

Elle souligne à cet effet qu'alors d'une part que l'organigramme produit aux débats par l'employeur révèle, sans contestation possible, l'existence d'un certain nombre d'embauches, d'autre part qu'elle disposait, étant domiciliée à Monaco d'un rang de priorité supérieur à celui de la plupart des autres salariés, et enfin qu'au regard de son expérience professionnelle elle justifiait d'une réelle polyvalence, aucun des emplois nouvellement créés ne lui a été proposé.

Elle fait observer par ailleurs qu'en affirmant, dans le troisième paragraphe de la lettre de rupture, que son reclassement dans d'autres fonctions s'était avéré impossible, « compte tenu de la perte de confiance du Conseil d'Administration à son égard », l'Association pour la gestion de l'Orchestre et de l'Opéra a reconnu que son licenciement se trouvait en réalité justifié par un motif inhérent à sa personne, cette interprétation se trouvant au surplus conforté d'une part par le retrait, sans aucune raison, quelques jours avant son congédiement, de la procuration bancaire que lui avait accordée jusque-là le Conseil d'Administration et d'autre part par les termes du courrier adressé par ses soins à son employeur le 25 janvier 2000.

Elle soutient en second lieu et en tout état de cause qu'aucun des griefs invoqués à son encontre par l'Association défenderesse n'est avéré, les attestations émanant de Madame HO et de Monsieur FL produites à cet effet se révélant en totale contradiction avec les témoignages versés par ses soins aux débats, lesquels soulignent unanimement sa grande courtoisie et son professionnalisme.

Qu'en outre l'image que l'Association de l'Orchestre et de l'Opéra tente de donner de son ancienne salariée à travers les témoignages susvisés s'avère également en complète opposition avec les promotions et augmentations de salaire dont elle a successivement bénéficié.

Estimant en définitive que l'allégation par l'Association pour la gestion de l'Orchestre et de l'Opéra d'un faux motif économique destiné à masquer la véritable raison de la rupture confère au licenciement intervenu un caractère manifestement abusif, m-c FO demande à la présente juridiction de réparer le préjudice tant financier que moral subi par ses soins, en lui allouant la somme de 800.000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

Après avoir, à titre préliminaire, « exprimé ses plus vives protestations » relativement aux pièces versées aux débats par m-c FO, s'agissant pour la plupart de courriers strictement confidentiels et ne pouvant dès lors se trouver entre les mains de cette dernière, l'Association pour la gestion de l'Orchestre et de l'Opéra de Monte-Carlo conclut au rejet de l'intégralité des prétentions formées à son encontre.

Elle invoque en substance à cet effet les moyens suivants :

* en ce qui concerne la validité du motif de rupture :

– à la suite d'importants détournements perpétrés au cours de l'année 1996 par le comptable de l'Association (Monsieur AC) à hauteur de la somme de 1.050.000,00 F, il est apparu indispensable, de réorganiser la gestion de l'Opéra sur la base d'un recrutement de personnel à compétence accrue, d'une meilleure définition des postes et d'un renforcement des responsabilités de l'encadrement,

– pour ce faire le Conseil d'Administration a décidé d'embaucher une personne ayant le profil de cadre dirigeant, possédant un niveau de formation supérieure de gestion et ayant acquis au surplus une solide expérience dans le domaine de l'Opéra, à laquelle des responsabilités très larges ont été confiées s'exerçant dans les domaines suivants :

• responsabilité des finances et du budget,

• mise en place des nouveaux outils de gestion,

• mise en œuvre de la communication,

• renforcement des relations internationales avec d'autres institutions,

• direction du personnel ainsi que de façon prioritaire sa restructuration,

– suite à l'embauche du nouveau secrétaire général, l'organigramme de l'Association a été profondément modifié, certains postes ayant été créés (chargé de communication, secrétaire) alors que d'autres, tels que celui de coordinateur d'attaché de presse et enfin d'attaché de direction occupé par m-c FO ont été carrément supprimés,

– aucune embauche n'a été effectuée pour pourvoir au remplacement de m-c FO, les tâches anciennement dévolues à cette dernière ayant été réparties entre les autres salariés dans le cadre de la réorganisation évoquée ci-dessus,

– dès lors qu'aucun recrutement n'a été effectué dans la catégorie professionnelle à laquelle appartenait m-c FO, cette dernière, qui ne pouvait à défaut de posséder les diplômes et l'expérience requises, occuper l'emploi de secrétaire général nouvellement créé n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article 6 de la loi n° 629.

* Sur le caractère abusif du licenciement :

– au regard de la profonde et intolérable dégradation de son comportement, devenu vindicatif et désobligeant avec l'ensemble du personnel tant fixe que saisonnier le maintien de m-c FO parmi les effectifs de l'Opéra, quelles que soient ses compétences professionnelles, était en tout état de cause impossible,

– le préjudice invoqué n'est pas suffisamment justifié, étant observé au surplus que la pathologie dont se prévaut m-c FO trouve son origine dans des évènements personnels et sentimentaux, largement antérieurs au licenciement.

SUR CE,

Il résulte des termes de la correspondance adressée le 19 avril 2000 à m-c FO par l'Association pour la Gestion de l'Orchestre Philharmonique et de l'Opéra de Monte-Carlo que le licenciement de cette salariée a été mis en œuvre pour un motif d'ordre économique.

Il incombe donc à l'Association défenderesse, qui a la charge de la preuve de la réalité et de la validité du motif de la rupture, d'établir par des éléments objectifs susceptibles de vérification par le Tribunal que le licenciement de m-c FO est fondé sur un motif NON INHÉRENT à la personne de la salariée résultant d'une suppression de son emploi consécutive à une réorganisation de l'entreprise décidée par l'employeur à la suite des graves dysfonctionnements constatés.

Force est de constater que cette preuve n'est pas en l'espèce suffisamment rapportée.

En effet, si l'existence des importants détournements de fonds évoqués par l'employeur dans ses écritures judiciaires n'est certes pas contestable en l'état notamment de la condamnation prononcée le 6 juillet 1999 par le Tribunal Correctionnel à l'encontre de Monsieur AC, l'Association défenderesse, en l'absence d'autres éléments et notamment en l'absence de production des procès-verbaux des Conseils d'Administration dont elle se prévaut pourtant, n'établit pas en quoi les fautes commises par cet ancien salarié justifiaient, alors que ce dernier se trouvait non seulement pénalement sanctionné mais en outre évincé de l'entreprise, qu'il soit procédé, près de quatre années après, à une réorganisation générale de ses services.

Par ailleurs, si l'Association démontre effectivement, en versant aux débats le contrat de travail correspondant, avoir embauché à compter du 1er février 2000 un salarié en qualité de secrétaire général, auquel était dévolu, sous l'autorité du Directeur de l'Opéra, la direction administrative, la direction du personnel ainsi que la comptabilité et la gestion financière de l'Opéra, ce recrutement ne constitue à lui seul la preuve ni de l'existence de la réorganisation générale des services alléguée, ni encore moins de la suppression du poste occupé par m-c FO.

Les organigrammes unilatéralement établis par l'employeur étant dénués de toute valeur probante, il appartenait en effet à l'Association défenderesse qui soutient dans ses écritures avoir, concomitamment au licenciement de m-c FO, dans le cadre de la restructuration du personnel opérée par le secrétaire général à la demande du Conseil d'Administration, supprimé certains emplois (coordinateur – attaché de presse – attaché de direction) en en créant parallèlement d'autres (secrétaire, chargé de communication, etc.) d'en justifier en versant aux débats les documents officiels correspondants (lettres de licenciement des autres salariés évincés – contrats d'embauche des personnes recrutées, etc.).

Enfin et surtout, à supposer même que l'effectivité de la restructuration et de la suppression de postes soit démontrée, en indiquant à m-c FO, aux termes même de la lettre de notification de la rupture, après lui avoir liminairement précisé que « le nouvel organigramme ne prévoyait pas le maintien de son poste » que cette décision se trouvait «justifiée par l'impossibilité de lui proposer un autre emploi » en considération de la perte de confiance du Conseil d'Administration à son égard, l'Association défenderesse a expressément reconnu que le motif réel du licenciement était inhérent à la personne de sa salariée.

L'analyse du contenu de la correspondance adressée le 25 janvier 2000 par m-c FO au Directeur de l'Opéra, aux termes de laquelle celle-ci indique littéralement, trois mois avant son licenciement, après avoir exprimé son désarroi et sa stupéfaction « ai-je tort de penser que tout est mis en œuvre actuellement pour se débarrasser de moi », combinée avec la note établie le 1er mars 2000 par Monsieur h GR notifiant à m-c FO le retrait sans aucun motif de la délégation de signature sur les comptes bancaires qui lui était jusqu'alors consentie, confirme sans contestation possible l'existence des griefs d'ordre personnel que l'employeur a au demeurant repris et longuement explicité dans ses écritures judiciaires.

Si l'employeur qui n'est pas lié en droit monégasque par le motif énoncé lors de la notification du licenciement peut certes valablement pour se défendre à l'instance dont il est l'objet faire état d'éléments non visés dans la lettre de rupture, ce dernier ne peut en revanche modifier à posteriori la nature du licenciement intervenu en substituant à un licenciement justifié par des considérations d'ordre économique un licenciement fondé sur des griefs d'ordre personnel.

Quand bien même l'Association pour la gestion de l'Orchestre et de l'Opéra s'avèrerait recevable à se prévaloir dans le cadre du présent débat judiciaire des griefs inhérents à la personne de sa salariée, il n'en demeure pas moins qu'aucun de ces faits n'a suscité, au moment où ils sont sensés s'être produits, la moindre réaction de la part de l'employeur, le dossier de m-c FO étant vide de toute sanction quelle qu'elle soit.

Les critiques aujourd'hui émises par l'employeur à l'égard de m-c FO sur la base de quelques attestations émanant pour la quasi-totalité d'entre elles de personnes unies à l'employeur par un lien de subordination, selon lesquelles celle-ci aurait adopté à l'égard de ses collègues de travail un « comportement agressif et hystérique aboutissant à de graves difficultés relationnelles existant entre le personnel fixe, saisonnier, son propre entourage et même avec des gens de l'extérieur » s'avèrent en tout état de cause en contradiction totale non seulement avec les félicitations, promotions et majorations de salaire dont elle a successivement bénéficié, mais aussi avec les différents témoignages émanant de personnalités extérieures à l'Opéra de Monte-Carlo versés aux débats par la salariée soulignant :

– l'efficacité de m-c FO, mais aussi « son rayonnement allant bien au-delà des limites de son emploi », cette dernière « ayant le don de faire que tous du premier ténor au dernier figurant se trouvent respectés, bien soignés et à l'aise (attestation : f ME) »

– son travail très professionnel, honnête et toujours de bonne volonté (attestation : BU),

– sa courtoisie, son amabilité, sa disponibilité, ainsi que son soutien constant les jours de spectacle (attestation JA),

– sa remarquable courtoisie, sa grande gentillesse et sa bonne humeur constante (attestation : BO),

– sa capacité d'écoute « toujours prête à aider et à résoudre les problèmes » (attestation : CE).

En invoquant en définitive à l'encontre de m-c FO un motif d'ordre économique dont la réalité n'a pas été démontrée, pour camoufler un licenciement destiné en réalité à sanctionner des griefs d'ordre personnel également non avérés, l'Association pour la gestion de l'Orchestre et de l'Opéra a fait un usage abusif du droit unilatéral de rupture qui lui est reconnu par la loi.

m-c FO justifie par les documents médicaux versés par ses soins aux débats des répercussions psychologiques extrêmement importantes que le licenciement a provoqué sur son état de santé.

Cette dernière, qui n'a par ailleurs pas retrouvé d'emploi à ce jour, a également subi un préjudice matériel non négligeable.

Compte tenu de ces éléments, le double préjudice subi par cette salariée âgée de quarante-sept ans lors de la rupture et disposant d'une ancienneté de services de quinze années sera justement réparé, sur la base d'un salaire mensuel moyen de 5.030,00 €, par l'allocation à son profit d'une somme de 70.700,00 € à titre de dommages et intérêts.

Au regard de l'ancienneté de l'affaire (le licenciement est intervenu il y a trois ans et demi) et de la précarité de la situation financière actuelle de la salariée, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de m-c FO ne repose pas sur un motif valable.

Dit en outre que cette mesure revêt un caractère abusif.

Condamne en conséquence L'ASSOCIATION POUR LA GESTION DE L'ORCHESTRE PHILHARMONIQUE ET DE L'OPÉRA DE MONTE-CARLO à payer à m-c FO la somme de :

* 70.700,00 euros, (soixante-dix mille sept cent euros), à titre de dommages et intérêts,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement dans les limites définies par l'article 60 2°) de la loi n° 446 du 16 mai 1946.

Condamne L'ASSOCIATION POUR LA GESTION DE L'ORCHESTRE PHILHARMONIQUE ET DE L'OPÉRA DE MONTE-CARLO, aux dépens.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6590
Date de la décision : 25/09/2003

Analyses

Rupture du contrat de travail


Parties
Demandeurs : m-c FO
Défendeurs : l'Association pour la gestion de l'orchestre philharmonique et de l'opéra de MONTE-CARLO

Références :

loi n° 446 du 16 mai 1946


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2003-09-25;6590 ?

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