La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2003 | MONACO | N°6572

Monaco | Tribunal du travail, 20 mars 2003, n. BO. c/ la SCS Maremonti et compagnie Star Limousine


Abstract

Contrat de travail transféré - Licenciement économique par le cessionnaire - Clause dite de « licenciement » transférée de plein droit - Avantage en nature constitué par le véhicule d'usage professionnel et personnel - Maintien pendant le préavis

Résumé

Embauchée le 1er juin 1993, une responsable d'agence avait vu son contrat transféré au profit d'un autre employeur qui l'avait licenciée pour motif économique le 7 juin 2001 en raison de « résultats déficitaires ». Ce second employeur n'avait pas tenu compte d'une clause dite de « licenci

ement » qui ne lui avait pas été notifiée et qui octroyait un an de salaire à la salariée en...

Abstract

Contrat de travail transféré - Licenciement économique par le cessionnaire - Clause dite de « licenciement » transférée de plein droit - Avantage en nature constitué par le véhicule d'usage professionnel et personnel - Maintien pendant le préavis

Résumé

Embauchée le 1er juin 1993, une responsable d'agence avait vu son contrat transféré au profit d'un autre employeur qui l'avait licenciée pour motif économique le 7 juin 2001 en raison de « résultats déficitaires ». Ce second employeur n'avait pas tenu compte d'une clause dite de « licenciement » qui ne lui avait pas été notifiée et qui octroyait un an de salaire à la salariée en cas de licenciement, sauf faute grave ou lourde ou nouvelle embauche satisfaisante.

La salariée demandait, outre cette indemnité contractuelle, un complément d'indemnité de préavis lié à la privation de la voiture de fonction pendant le préavis, le paiement de congés payés, un solde de jours fériés travaillés et non payés, indemnité de licenciement sous déduction de l'indemnité de congédiement).

De son côté, la société employeur estimait que dispensée d'effectuer son préavis, la salariée devait restituer son véhicule, que la preuve du caractère fictif du motif de licenciement n'était pas rapportée, la résiliation du bail et les condamnations judiciaires en paiement de cotisations sociales démontrant au contraire la réalité du motif.

Le tribunal décide, s'agissant du préavis, que l'avantage en nature devait être maintenu en cas de dispense d'exécution du préavis, lorsque l'usage du véhicule est à la fois professionnel et personnel. Sur la « clause de licenciement », figurant dans le contrat originaire transféré, celle-ci n'avait pas à être « notifiée » pour être exécutoire, le transfert des droits s'effectuant de plein droit par le seul effet de l'article 15 de la loi n° 729, dès lors que son montant n'était pas exorbitant. Enfin, dès lors que la charge de la preuve de l'existence et de la validité du motif de licenciement n'incombe nullement au salarié mais à l'employeur qui ne s'en acquitte pas, la salariée est en droit de percevoir l'indemnité de licenciement déduite de l'indemnité de congédiement perçue et non cumulable, outre des dommages intérêts, en l'état du faux motif sous réserve de la justification d'un préjudice.

Motifs

P R I N C I P A U T E D E M O N A C O

TRIBUNAL DU TRAVAIL

AUDIENCE DU 20 MARS 2003

En la cause de Madame n. BO., demeurant : X à ROQUEBRUNE CAP MARTIN (06190),

demanderesse, plaidant par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'une part ;

Contre :

La SCS MA. ET COMPAGNIE, exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE - gérante : Madame c. MA. - X à MONACO (98000), prise en la personne de son représentant légal en exercice, ou de son mandataire dûment habilité,

défenderesse, plaidant par Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et ayant élu domicile en son Etude,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 6 juillet 2001, reçue le même jour ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 24 juillet 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur, au nom de Madame n. BO., en date des 22 novembre 2001, 2 mai 2002 et 11 juillet 2002 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SCS MAREMONTI ET COMPAGNIE, exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE en date des 14 mars 2002 et 13 juin 2002 ;

Après avoir entendu Maître Alexis MARQUET, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, substituant Maître Evelyne KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Madame n. BO., et Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SCS MAREMONTI ET COMPAGNIE, exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE, en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauchée à compter du 1er juin 1993 par la SCS CARMIGNAC et Compagnie en qualité de responsable d'agence, n. BO., dont le contrat de travail a été par la suite transféré en application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 729 en dernier lieu au profit de la SCS MAREMONTI et Compagnie exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE, a été licenciée de son emploi le 7 juin 2001 aux termes d'une correspondance datée du même jour qui lui a été remise en main propre, et dont le contenu s'avère le suivant :

« Madame,

» En raison des résultats déficitaires de la société STAR LIMOUSINE MONACO et des difficultés économiques qu'elle rencontre, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement, la société ayant été contrainte d'envisager la suppression du poste que vous occupez en qualité de chef d'agence depuis le 1er juin 1993.

« Vous êtes cependant dispensée d'effectuer votre préavis légal de deux mois et serez libre de tout engagement envers notre société à compter de la remise entre vos mains de la présente. ».

Soutenant d'une part qu'elle n'avait pas été intégralement remplie de ses droits au cours de l'exécution de son contrat de travail et lors de la notification de son licenciement, d'autre part que le motif d'ordre économique invoqué par la SCS MAREMONTI pour justifier la rupture des relations contractuelles n'était nullement avéré et enfin que son congédiement, au regard des circonstances factuelles particulières dans lesquelles il était intervenu, revêtait un caractère manifestement abusif, n. BO., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 23 juillet 2001, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail à l'effet :

1) d'obtenir paiement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec intérêts de droit à compter du 7 septembre 2001, des sommes suivantes :

* 36.116,94 F, à titre de complément de préavis (troisième mois),

* 3.611,70 F, au titre des congés payés sur le préavis,

* 3.731,65 F, à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 7.223,39 F, au titre des cinq jours fériés travaillés au cours de l'année 2001 (27 janvier – 16 avril – 1er mai – 24 mai et 4 juin),

* 105.531,53 F, au titre de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845, déduction faite de l'indemnité de congédiement, non cumulable,

* 19.500,00 F, à titre d'indemnité compensant la privation d'un avantage en nature pendant le cours du préavis,

* 453.196,19 F, représentant le montant de l'indemnité prévue à l'article 5 du contrat de travail,

* 226.598,00 F, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi consécutivement à la brutalité avec laquelle l'employeur l'a contrainte à quitter les locaux sous escorte,

* 226.598,00 F, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'évocation d'un faux motif,

2) de voir ordonner la rectification par l'employeur :

* du certificat de travail avec la mention correcte de la fin du contrat de travail au terme des trois mois de préavis, soit jusqu'au 6 septembre 2001,

* de l'attestation ASSEDIC, en ce qui concerne notamment la date de fin de contrat et la régularisation du préavis.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont régulièrement comparu.

Puis, après divers renvois intervenus à la demande des avocats, et une réouverture des débats intervenue consécutivement à une modification survenue dans la composition de la juridiction en cours de délibéré, l'affaire plaidée une première fois lors de l'audience du 21 novembre 2002 a été à nouveau débattue le 6 février 2003 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 20 mars 2003.

n. BO. expose, à l'appui de ses prétentions, que le 7 juin 2001 un commando de six personnes a fait irruption dans son bureau pour lui remettre en main propre à l'aide d'une pression morale inadmissible une lettre lui signifiant son licenciement immédiat pour suppression de poste, la dispensant d'exécuter le préavis de deux mois qui lui était accordé et enfin la sommant de restituer immédiatement les clés de la voiture de fonction qui lui était attribuée en vertu de son contrat de travail.

Soutenant en premier lieu qu'alors que l'usage reconnaît aux cadres à Monaco le bénéfice de trois mois de préavis en cas de licenciement sans faute grave, son employeur ne lui a accordé qu'un délai congé de deux mois, elle sollicite à ce titre l'allocation d'une part d'une somme égale à un mois de salaire, soit 36.116,94 F majorée des congés payés correspondants, soit 3.611,70 F et d'autre part la rectification par la SCS MAREMONTI et Compagnie de son certificat de travail et de son attestation ASSEDIC.

Soulignant en outre qu'alors que son contrat de travail comportait une clause lui accordant le bénéfice d'un véhicule de fonction, pour ses besoins tant professionnels que privés, elle s'est vue contrainte, lors de la notification de son licenciement, de rendre immédiatement les clés de la voiture dont elle disposait alors, n. BO. demande que le préjudice qu'elle a subi, en se trouvant privée d'un avantage en nature qui aurait dû lui être maintenu jusqu'au terme de son préavis, qu'il soit exécuté ou non, soit réparé par l'allocation à son profit d'une somme de 19.500,00 F correspondant au coût de la location d'un véhicule pendant treize semaines.

Estimant par ailleurs ne pas avoir été remplie par son employeur de l'intégralité de ses droits, tant en ce qui concerne ses congés payés que la rémunération des jours fériés, elle réclame paiement à ces deux titres :

* d'une somme de : 3.731,65 F, à titre de solde de congés payés,

* d'une somme de : 7.223,39 F, au titre des cinq jours fériés travaillés au cours de l'année 2001.

Elle fait valoir à cet effet :

en ce qui concerne la demande au titre des congés payés

Qu'elle disposait, au jour où elle a été licenciée, d'un crédit de quarante huit jours de congés.

Qu'en conséquence, selon la méthode du maintien de la rémunération, laquelle s'avère en l'espèce plus favorable pour elle que la règle dite du dixième, elle est fondée à obtenir paiement d'une somme de 1.241,63 x 48 = 59.598,24 F, dont à déduire les 55.866,59 F qui lui ont déjà été versés, soit un solde de 3.731,65 F en sa faveur.

En ce qui concerne les jours fériés

Qu'elle a travaillé les 27 janvier, 16 avril, 1er mai, 24 mai et 4 juin 2001, pour répondre aux besoins de l'activité de la SCS MAREMONTI.

Que ne pouvant plus, du fait de son licenciement, récupérer ces cinq journées elle est en droit d'en obtenir la rémunération sur la base d'un vingt cinquième de son salaire mensuel, soit une somme de 7.223,39 F.

n. BO. prétend en troisième lieu d'une part que le motif d'ordre économique allégué par l'employeur pour justifier sa décision de mettre fin au contrat de travail est fallacieux et d'autre part que le licenciement, au regard des conditions de brutalité dans lesquelles il est intervenu, revêt un caractère manifestement abusif.

Elle invoque à ces fins les arguments suivants :

* dès lors que l'appauvrissement de l'agence monégasque à l'enseigne STAR LIMOUSINE est le résultat d'une volonté délibérée des dirigeants de la SCS MAREMONTI et Compagnie, lesquels ont « laissé sur l'exploitation monégasque toutes les charges en en détournant le revenu sur une autre société », le motif économique allégué ne saurait être admis, cette circonstance ouvrant droit à son profit au bénéfice de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845, à hauteur de la somme de 105.531,53 F,

* l'évocation par l'employeur d'un faux motif de rupture confère au licenciement intervenu un caractère abusif ouvrant droit à son profit à l'allocation de dommages et intérêts, qu'il y a lieu d'évaluer, quelque soit sa situation actuelle, à la somme de 226.598,00 F,

* les circonstances dans lesquelles son licenciement lui a été signifié, et notamment la manière dont elle a été jetée dehors et raccompagnée de force, face à un commando de six personnes, caractérisent suffisamment la brutalité dont a fait preuve l'employeur en l'espèce, et justifient l'allocation en réparation de ce préjudice spécifique, qui nécessite une réparation autonome, d'une somme de 226.598,00 F,

* l'article 5 de son contrat de travail, dont les dispositions sont de plein droit opposables à la SCS MAREMONTI, en application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 729, lui ouvre droit en outre, dès lors que son licenciement est intervenu pour une autre cause qu'une faute grave ou lourde, à l'allocation d'une indemnité distincte représentant un an de salaires, soit 453.196,19 F.

La SCS MAREMONTI et Compagnie demande, à titre liminaire, à la présente juridiction de lui donner acte de ce qu'elle a réglé à n. BO. les sommes réclamées par cette dernière au titre du troisième mois de préavis et des congés payés y afférents, et procédé à la rectification en ce sens du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC.

Qu'en conséquence les points 1 à 4 de la réclamation formulée par l'intéressée sont désormais sans objet.

Elle conclut pour le surplus au rejet de l'intégralité des prétentions formulées à son encontre par n. BO.

Elle demande enfin à titre reconventionnel que l'acharnement dont à fait preuve n. BO. à son égard et les affirmations mensongères proférées par cette dernière soient sanctionnés par l'allocation à son profit d'une somme de 8.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure particulièrement abusive et vexatoire.

Elle fait valoir à cet effet les moyens de droit et de fait suivants :

en ce qui concerne les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* Indemnité compensatrice de congés payés

n. BO., ainsi qu'en attestent les bulletins de salaires versés aux débats a été entièrement remplie de ses droits relativement à ses congés payés qu'elle a toujours pris par anticipation.

* Jours fériés

Ces jours fériés n'ont pas été travaillés dans les locaux de STAR LIMOUSINE, puisque n. BO. au moyen du transfert d'appels mis à sa disposition, répondait aux éventuels appels de la clientèle depuis son domicile ou depuis tout autre lieu à caractère non professionnel de son choix.

En tout état de cause les jours fériés effectivement travaillés ont été réglés, ainsi qu'en atteste le bulletin du mois de mai 2001.

En ce qui concerne les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail

Sur le maintien de l'avantage en nature

Le véhicule automobile mis à la disposition de n. BO. étant un outil de travail réservé à son activité professionnelle, cette dernière, à partir du moment où elle a été dispensée d'exécuter son préavis, était tenue de restituer ladite voiture à son employeur.

La demande « fantaisiste » de remboursement n'est en toutes hypothèses aucunement justifiée.

Sur la validité du motif économique

n. BO., qui a la charge de la preuve, ne démontre par aucun fait précis le caractère fictif du motif économique allégué à l'appui du licenciement.

Cette dernière, qui occupait le poste de chef d'agence, était parfaitement au courant des difficultés de trésorerie de la société qui l'employait, « étant elle-même payée de son salaire la plupart du temps en retard ».

Sur le caractère abusif du licenciement

* la brutalité dont l'employeur aurait fait preuve n'est nullement caractérisée,

* les difficultés économiques alléguées étant établies par les bilans produits aux débats, les rapports de Monsieur BOISSON, l'Ordonnance de référé en date du 18 mars 2002 constatant la résiliation du bail commercial consenti à la SCS MAREMONTI et enfin le jugement rendu par le Tribunal Correctionnel le 23 avril 2002 condamnant Madame MAREMONTI pour non paiement de cotisations sociales, l'évocation par l'employeur d'un faux motif de rupture n'est pas davantage démontré,

* le préjudice allégué par n. BO., qui non seulement dispose depuis le mois d'octobre 2001 d'une retraite de cadre mais occupe en outre depuis la même date un emploi au sein de la société MC LIMOUSINE à BEAULIEU, n'est nullement établi.

Sur l'application de la clause stipulée à l'article 5 du contrat de travail du 1er juin 1993

* cette clause, à défaut de lui avoir été dénoncée par la salariée lors de la reprise du fonds, n'est pas opposable à l'employeur,

* elle est en tout état de cause entachée de nullité dès lors que :

* la seconde condition attachée au versement de ladite indemnité, qui permettait au débiteur de l'obligation de s'en dégager, s'avère être une « chose impossible à exécuter » par la SCS MAREMONTI, qui n'est la filiale d'aucune société française ayant le même objet social,

* la clause elle-même par l'importance de la somme convenue porte une atteinte excessive et illicite à la liberté de licencier de l'employeur.

n. BO. réplique pour sa part en substance à ces divers arguments :

* que l'argument totalement improbable selon lequel elle aurait toujours pris ses congés par anticipation, outre qu'il contredit les premières écritures de la SCS MAREMONTI ne saurait être retenu,

* qu'en vertu d'une jurisprudence constante, il appartient à l'employeur de justifier par les bulletins de salaire correspondants, des congés octroyés et payés à ses salariés,

* que le travail effectué par ses soins les jours fériés n'était pas seulement de « répondre au téléphone » mais d'organiser rapidement et complètement des transports de personne qui supposent la recherche et la désignation d'un chauffeur et l'affectation d'un véhicule,

* que la charge de la preuve de la validité du motif invoqué à l'appui de la rupture incombe exclusivement à l'employeur,

* que l'article 15 de la loi n° 729, qui prévoit la continuation de plein droit des contrats de travail en cas de modification intervenue dans la situation juridique de l'employeur, n'impose nullement au salarié de procéder à une quelconque notification ou signification,

* que la circonstance que la SCS MAREMONTI ne dispose pas de l'alternative que s'était réservée le premier employeur ne la dispense pas pour autant de verser l'indemnité conventionnelle convenue, ce paiement s'avérant en l'espèce parfaitement possible,

* que la clause contenue à l'article 5 du contrat de travail ne constitue pas davantage une atteinte à la liberté de licencier, dès lors que le montant de l'indemnité convenue, soit un an de salaire, ne revêt aucun caractère excessif au regard des indemnités habituellement allouées dans de semblables circonstances par les juridictions compétentes aux salariés victimes d'une rupture de leur contrat de travail.

SUR CE,

I – SUR LES DEMANDES RELATIVES À LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

a) Préavis – Congés payés sur le préavis et documents administratifs et sociaux s'y rapportant

Les quatre demandes formulées à ces divers titres par n. BO., constituant les points 1 à 4 de sa requête introductive d'instance, ayant été satisfaites par l'employeur en cours de procédure, il convient de donner acte à la SCS MAREMONTI du règlement par ses soins des sommes de 36.116,94 F soit 5.509,99 € au titre du troisième mois de 3.611,70 F soit 550,60 € au titre des congés payés y afférents et de la délivrance à n. BO. du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC rectifiés.

b) Indemnité compensatrice de l'avantage en nature

Il est constant en droit que l'indemnité compensatrice de préavis englobe tous les éléments de rémunération dont aurait bénéficié le salarié s'il avait travaillé normalement pendant cette période, à l'exception des primes et indemnités représentant des remboursements de frais réellement engagés.

Qu'ainsi les avantages en nature fournis à ce dernier pendant l'exécution de son contrat de travail doivent lui être maintenus en cas de dispense d'exécution du préavis.

Qu'il en va ainsi notamment de l'avantage en nature tenant à la mise à disposition d'un véhicule de fonction, lorsque l'usage dudit véhicule consenti au salarié est à la fois professionnel et personnel.

En l'espèce, il résulte de l'article 4 du contrat de travail de n. BO. que celle-ci bénéficiait d'une voiture de fonction, « dont elle disposait en permanence ».

S'agissant ainsi d'un véhicule affecté non seulement à l'usage professionnel mais également à l'usage personnel de cette salariée, cet avantage aurait dû lui être maintenu par l'employeur jusqu'à l'expiration du délai de préavis, soit jusqu'au 7 septembre 2001.

Il y a lieu dès lors de faire droit à la demande de n. BO. en allouant à cette dernière, en compensation de l'avantage dont elle a été injustement privé, une indemnité de 19.500,00 F, soit 2.972,76 € correspondant au coût de location pendant treize semaines d'un véhicule identique à celui dont elle aurait dû continuer à disposer.

c) Indemnité conventionnelle de licenciement prévue à l'article 5 du contrat de travail

Le contrat de travail conclu le 1er juin 1993 entre n. BO. d'une part et la SCS CARMIGNAC et Compagnie d'autre part, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SCS MAREMONTI et Compagnie, comporte en son article 5 une clause intitulée « clause de licenciement », dont la salariée revendique aujourd'hui le bénéfice, laquelle se trouve libellée comme suit :

« s'il advenait que n. BO. soit licenciée pour tout autre motif que faute grave ou lourde, et sous la condition que la SA Garage PLAZA ne lui offre pas une embauche satisfaisant aux mêmes termes des présentes, la SCS CARMIGNAC et Compagnie serait alors tenue de lui verser une indemnité correspondant à un an de salaire ».

Il est constant en l'espèce que n. BO. n'a pas été licenciée pour une faute grave ou lourde, la rupture de son contrat de travail lui ayant été signifiée pour un motif d'ordre économique.

La clause susvisée doit donc recevoir application.

Dès lors en effet que le transfert des contrats de travail, lorsqu'une modification intervient dans la situation juridique de l'employeur, s'effectue de plein droit par le seul effet des dispositions de l'article 15 de la loi n° 729, « dans les conditions mêmes où ils étaient exécutés au moment du changement d'exploitation », c'est à tort que la SCS MAREMONTI soutient qu'à défaut de lui avoir été personnellement notifiées par la salariée, les clauses, et spécialement celle stipulée sous l'article 5, contenues dans le contrat de travail du 1er juin 1993 ne lui seraient pas opposables.

Par ailleurs, s'il est certes important, le montant de l'indemnité convenue, compte tenu de la nature des fonctions de chef d'agence dévolues à n. BO., ne revêt aucun caractère exorbitant, rapporté notamment aux indemnités accordées à des salariés de même niveau en cas de rupture de leur contrat de travail par certaines conventions collectives.

L'existence de la clause litigieuse ne peut dans ces conditions être considérée comme une atteinte excessive à l'exercice par l'employeur de son droit unilatéral de résiliation.

Enfin, si la SCS MAREMONTI n'avait certes pas la possibilité de proposer à n. BO. une embauche au sein de la SA Garage PLAZA, elle était en revanche assurément en mesure, compte tenu des liens étroits qu'elle entretient au vu des comptes versés aux débats, avec d'autres agences à l'enseigne STAR LIMOUSINE implantées dans les Alpes Maritimes et le Var et notamment celle de Nice, d'offrir à l'intéressée un emploi équivalent dans l'une de ces succursales.

Dès lors en tout état de cause que la société défenderesse, à défaut de pouvoir satisfaire à l'alternative que s'était réservée le premier employeur, est en revanche en mesure de verser l'indemnité convenue, l'obligation contractée peut et doit recevoir exécution.

La SCS MAREMONTI doit être par suite condamnée à verser à n. BO., au titre de l'indemnité conventionnelle stipulée à l'article 5 du contrat de travail, la somme de 36.116,94 x 12 = 433.403,28 F correspondant à 66.071,90€.

d) Indemnité de licenciement

Contrairement à ce que soutient erronément la SCS MAREMONTI, la charge de la preuve de l'existence et de la validité du motif de licenciement n'incombe nullement au salarié, mais à l'employeur.

Il appartient donc à la SCS MAREMONTI, après avoir justifié de l'existence des difficultés économiques alléguées dans la lettre de rupture, de démontrer en quoi ces difficultés économiques rendaient indispensables la suppression du poste de CHEF D'AGENCE occupé par n. BO.

En l'espèce, si la SCS MAREMONTI verse certes aux débats différents documents (bilans – rapports de Monsieur BOI. – décisions judiciaires) paraissant établir les difficultés de trésorerie dont elle se prévaut, force est de constater en revanche qu'elle n'a apporté aucune réponse aux affirmations de la demanderesse, dont la pertinence se trouve confortée tant par certaines énonciations contenues dans le dernier rapport de Monsieur BOI. que par les mouvements de fonds importants existant entre les agences niçoise et monégasque exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE, selon lesquelles l'appauvrissement de l'agence de Monaco au profit de l'agence de Nice serait la conséquence d'une volonté délibérée des dirigeants de la SCS MAREMONTI.

Le motif économique invoqué n'étant dans ces conditions nullement avéré, n. BO. est en droit de prétendre, au titre de l'indemnité prévue par l'article 2 de la loi n° 845, au paiement de la somme de :

(36.116,94 x 99) / 25 = 143.023,08 F

dont à déduire le montant de l'indemnité de congédiement d'ores et déjà perçue, les deux indemnités n'étant pas cumulables, soit un solde en sa faveur de : 143.023,08 – 37.491,79 = 105.531,25 F correspondant à 16.088,14 €.

e) Dommages et intérêts

* Sanctionnant l'évocation d'un faux motif

L'évocation par l'employeur d'un motif fallacieux de rupture, conférant au licenciement un caractère abusif, n. BO. peut prétendre à l'octroi de dommages et intérêts, à la condition toutefois de justifier de l'existence d'un préjudice.

Force est de constater en l'espèce que cette dernière qui a d'une part, tout en ayant fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er octobre 2001, retrouvé un emploi équivalent au sein de la société MONACO LIMOUSINE et d'autre part d'ores et déjà obtenu paiement par son employeur d'une indemnité contractuelle de 66.071,90 €, ne justifie d'aucun préjudice d'ordre matériel ouvrant droit à réparation.

* Sanctionnant la brutalité de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement

Les circonstances dans lesquelles est intervenue la notification de la rupture se trouvent précisément et complètement relatées dans la correspondance adressée à Monsieur BI., inspecteur du travail par n. BO. dès le 11 juin 2001.

Combinées avec la dispense d'exécution de son préavis accordée à n. BO., peu compatible avec l'évocation d'un motif économique de rupture, ces circonstances sont révélatrices de la brutalité dont a fait preuve en l'espèce l'employeur à l'égard d'une salariée qui non seulement disposait d'une importante ancienneté (plus de huit ans) mais exerçait en outre des fonctions de responsabilité.

Le préjudice d'ordre moral consécutivement subi par n. BO. justifie en conséquence l'allocation à son profit, en l'absence de tous autres éléments, d'une somme d'un euro à titre de dommages et intérêts.

II – SUR LES DEMANDES RELATIVES A L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

* Congés payés

Si l'employeur soutient certes dans ses écritures que n. BO. aurait systématiquement bénéficié de ses congés payés par anticipation, cette affirmation n'est étayée par aucune pièce.

Au vu des mentions portées sur les bulletins de paie, lesquelles doivent seules être prises en considération, n. BO. devait recevoir une indemnité compensatrice correspondant à quarante huit jours calendaires, calculée, selon la méthode la plus favorable pour elle, soit sur la base du salaire maintenu, soit sur la base de la règle du dixième.

L'indemnité lui revenant, calculée selon la méthode du salaire maintenu, plus favorable en l'espèce, s'élevant à la somme de 59.598,24 F, n. BO., qui n'a perçu de son employeur qu'une somme de 55.866,59 F est en droit d'obtenir paiement du solde, soit 3.731,65 F correspondant à 568,89 €.

* Jours fériés

L'activité exercée durant les jours fériés par n. BO. pour le compte de son employeur ne s'analysant pas en une simple astreinte mais en un temps de travail effectif, s'agissant de l'organisation complète de transports et non d'une simple permanence téléphonique, lesdits jours doivent, s'ils ne peuvent être concrètement récupérés, être rémunérés par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi n° 800 du 18 février 1966.

n. BO. est dans ces conditions fondée à obtenir paiement à ce titre de la somme de 7.223,39 F, dont il y a lieu toutefois de déduire la somme de 1.569,62 F réglée au titre des jours fériés (cf. bulletin de paie de mai 2001), soit un solde en sa faveur de 5.653,77 F correspondant à 861,91 €.

L'exécution provisoire sollicitée par n. BO., qui n'est justifiée par aucune considération particulière n'apparaissant au surplus pas nécessaire, il n'y a pas lieu de l'ordonner.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement de n. BO. par la SCS MAREMONTI et Compagnie, exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE ne repose pas sur un motif valable.

Dit en outre que cette mesure revêt un caractère abusif.

Condamne en conséquence la SCS MAREMONTI et Compagnie, exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE à payer à n. BO. les sommes suivantes :

* 2.972,76 euros, (deux mille neuf cent soixante douze euros et soixante seize centimes), à titre d'indemnité compensant la privation pendant le cours du préavis d'un avantage en nature,

* 66.071,90 euros, (soixante six mille soixante et onze euros et quatre vingt dix centimes), au titre de l'indemnité prévue par l'article 5 du contrat de travail,

ces deux indemnités produisant intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2001 terme du préavis,

* 16.088,14 euros, (seize mille quatre vingt huit euros et quatorze centimes), représentant, déduction faite de l'indemnité de congédiement, non cumulable, le montant de l'indemnité de licenciement prévue par l'article 2 de la loi n° 845,

* 1 euro, (un euro), à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral consécutif à la brutalité dont a fait preuve l'employeur lors de la notification de la rupture.

Donne acte à la SCS MAREMONTI et Compagnie, exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE, du règlement par ses soins en cours de procédure du solde de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférente réclamées par n. BO. et de la rectification des documents administratifs et sociaux concernant cette salariée.

Condamne la SCS MAREMONTI et Compagnie, exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE, à payer à n. BO. les sommes de :

* 568,89 euros, (cinq cent soixante huit euros et quatre vingt neuf centimes), à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 861,91 euros, (huit cent soixante et un euros et quatre vingt onze centimes), au titre des jours fériés travaillés pour l'année 2001,

ces deux sommes portant également intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2001 terme du préavis.

Déboute n. BO. du surplus de ses prétentions.

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

Condamne la SCS MAREMONTI et Compagnie, exerçant sous l'enseigne STAR LIMOUSINE aux entiers dépens.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal du Travail de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le vingt mars deux mille trois, par Martine COULET-CASTOLDI, Juge de Paix, Président, Messieurs Jean-Pierre ESCANDE, Jean DESIDERI, membres employeurs, Messieurs Marc RENAUD, Jean-Paul HAMET, membres salariés, assistés de Madame Catherine AUBERGIER, Secrétaire.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6572
Date de la décision : 20/03/2003

Analyses

Rupture du contrat de travail ; Procédures collectives et opérations de restructuration


Parties
Demandeurs : n. BO.
Défendeurs : la SCS Maremonti et compagnie Star Limousine

Références :

article 7 de la loi n° 800 du 18 février 1966


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;tribunal.du.travail;arret;2003-03-20;6572 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award